M. le président. La parole est à M. Clouet, auteur de la question n° 135, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.
M. Jean Clouet. Monsieur le président, tout en ayant plaisir à rencontrer M. le secrétaire d'Etat au budget, que je ne pensais pas rencontrer sur ce terrain, je ne peux manquer de regretter l'absence de M. le ministre de l'éducation nationale.
D'aucuns, moins bien disposés que moi, pourraient la qualifier de « dérobade ». En toute hypothèse, elle est, par elle-même, une réponse que l'on ne saurait considérer comme positive. Il faut en prendre acte.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de poser ma question, je voudrais la dédier à Marie-Madeleine Dienesch, agrégée des lettres classiques, qui fut secrétaire d'Etat à l'éducation nationale.
Ma question procède de l'inquiétude qu'a fait naître l'annonce de la suppression - depuis lors, dit-on, démentie - de l'enseignement du grec en classe de troisième à la prochaine rentrée. Cette inquiétude, sur un plan plus général, nourrit d'autres craintes à l'égard du devenir scolaire et universitaire des lettres anciennes classiques.
Ainsi devrait disparaître l'enseignement conjoint du latin et du grec. Si l'on choisissait l'un, il faudrait abandonner l'autre. Mais comment oser croire que l'on veuille, agissant ainsi, faire disparaître la filière latin-grec de l'enseignement secondaire public en France ?
De même, s'agissant cette fois de l'enseignement supérieur, on pourrait, paraît-il, fréquenter une classe d'hypokhâgne dite « indifférenciée », sans obligation d'y étudier une langue ancienne.
De même encore, assure-t-on, pourrait-on préparer une thèse d'histoire grecque en ignorant cette langue.
Ce faisceau de dispositions négatives, prises ou attendues, ne peut conduire à une autre conclusion que celle-ci : l'objectif des autorités universitaires, placées sous la tutelle du ministre de l'éducation nationale, semblerait bien être la disparition des langues anciennes classiques de la culture française. Celle-ci méritera-t-elle d'ailleurs encore ce nom après une telle mutilation ?
Cette insidieuse, mais tenace, entreprise d'éradication des valeurs essentielles de notre humanisme, à laquelle, manifestement, certains s'emploient, reçoit-elle l'accord du ministre ? S'inscrit-elle dans ses projets ? C'est à cette question que j'attends, monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse, avec une certaine appréhension, vous le comprendrez.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le sénateur, M. Allègre, comme de nombreux ministres, a parfois un emploi du temps très complexe. S'il n'est pas présent aujourd'hui, c'est qu'il n'a pu se libérer. S'il avait été là, il aurait cherché, monsieur le sénateur, à vous rassurer. En effet, quelles que soient les rumeurs qui ont pu courir ici ou là, le dispositif actuel d'enseignement des langues anciennes est pour l'instant maintenu.
Je vous en rappelle les grandes lignes.
Les langues anciennes font l'objet d'enseignements à option. Le latin peut être étudié de la cinquième à la terminale, même si on peut débuter en seconde, alors que le grec ne s'étudie que de la troisième à la terminale. Ces enseignements à option sont dispensés là où existe une demande, et il est vrai que certaines classes sont très peu nombreuses.
Il faut noter que les élèves des classes scientifiques sont plus nombreux que ceux des classes littéraires à étudier les langues anciennes. C'est un point qui mérite réflexion.
Telle est, monsieur le sénateur, la situation actuelle, qui n'est pas remise en cause.
Un colloque sur le contenu des enseignements au lycée doit avoir lieu. Ce sera un temps fort de réflexion sur les programmes. Il permettra sans doute de mieux déterminer la place des langues anciennes dans le dispositif d'enseignement.
Vous avez formulé une remarque sur les études supérieures. Je trouve pittoresque l'idée que l'on puisse entreprendre une thèse en histoire grecque sans connaître le grec. Il ne me semble pas opportun, monsieur le sénateur, même lorsque l'on éprouve une forte inquiétude, d'utiliser ce genre d'argument extrême. Quoi qu'il en soit, au nom de M. Claude Allègre, je peux vous dire que les études de grec à l'université posent un véritable problème car ces études sont peut-être insuffisantes.
Comme vous le voyez, M. Allègre va plutôt dans votre direction, et j'espère que cette réponse que j'ai été chargé de vous transmettre apaisera l'inquiétude que vous avez exprimée.
M. Jean Clouet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez dit que, pour l'instant, le dispositif était maintenu ; pour l'instant, je suis donc rassuré. (Sourires.)
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