M. le président. « Art. 5. - L'article 21-11 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-11. - L'enfant mineur né en France de parents étrangers peut à partir de l'âge de seize ans réclamer la nationalité française par déclaration, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants si, au moment de sa déclaration, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans.
« Dans les mêmes conditions, la nationalité française peut être réclamée, au nom de l'enfant mineur né en France de parents étrangers, à partir de l'âge de treize ans et avec son consentement personnel, la condition de résidence habituelle en France devant alors être remplie à partir de l'âge de huit ans. »
Sur l'article, la parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. L'article 5 permet à l'enfant mineur de seize ans de réclamer la nationalité française par déclaration à certaines conditions et autorise les parents étrangers à réclamer cette nationalité pour leur enfant à partir de treize ans avec le consentement de ce dernier.
La situation est donc un peu complexe avec, d'une part, ce que le Gouvernement présente comme une automaticité et, d'autre part, la réclamation par les parents parlant au nom de l'enfant, ce qui semble déjà contradictoire.
On peut également s'interroger sur l'âge retenu : pourquoi seize ans, pourquoi treize ans, pourquoi pas plus tôt ? Comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, il faut que les enfants nés en France de parents étrangers puissent, soit par déclaration des parents, soit automatiquement - j'ai déposé deux amendements en ce sens - devenir français.
L'argument qui a été abondamment développé à l'Assemblée nationale et par vous-même, madame la ministre, en d'autres lieux, est celui du respect de la volonté de l'enfant, argument pour la défense duquel on s'est fondé sur la Déclaration des droits de l'enfant.
Ne croyez pas que je sous-estime cet argument. Il y a peu, représentant la France après de l'Union interparlementaire, j'ai présenté le rapport sur l'exploitation des enfants, que ce soit au travail ou sur le plan sexuel.
Le viol de la volonté des enfants, quand il ne s'agit pas du viol tout court, est un sujet auquel je suis particulièrement sensible. Mais je ne crois pas que, sur un tel sujet, cet argument puisse être avancé.
En effet, la liberté de choix des enfants n'existe nulle part et pour aucun enfant. On naît quelque part, par hasard, comme le dit dans sa belle chanson Maxime Le Forestier, que ce soit sur les trottoirs de Manille ou dans les faubourgs de Hambourg. Rien ne permet à un individu, à sa naissance, de chosir sa nationalité, sa religion, sa classe sociale ou la langue qu'il sera amené à parler.
Par conséquent, pourquoi, pour les enfants nés en France de parents immigrés, mettre en avant ce qu'on présente comme une liberté et qui, en fait, n'en est pas une, mettre en avant ce qu'on présente comme un choix individuel et qui, en fait, n'en est pas un ?
Mme Cerisier-ben Guiga, dans son intervention liminaire, hier, a avancé un autre argument qui, visiblement, n'a pas été très bien compris par nos collègues, mais qui me paraît également important.
Dire à un jeune de dix-huit ans qu'il n'a pas eu de nationalité - c'est bien là la réalité puisqu'il a eu la nationalité d'un pays qu'en fait il n'a jamais connu - peut l'amener à vivre ce qui se passe alors, à dix-huit ans, à un moment où la construction psychologique de l'adolescent est toujours extrêmement fragile, comme une espèce de prise de distance avec ses parents ou de remise en cause de ces derniers. Sur le plan psychologique, cela ne me paraît pas très justifié, pour ne pas dire pas du tout.
Selon moi, la volonté du jeune de dix-huit ans, de seize ans ou de treize ans ne me paraît pas être quelque chose d'essentiel. La seule façon de répondre aux besoins réels de ces enfants nés chez nous et qui vivront chez nous, mourront chez nous et de les intégrer, c'est de leur donner dès leur naissance la nationalité française.
M. le président. Sur l'article 5, je suis saisi de huit amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune, mais, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 59 est déposé par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 97 est présenté par M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous trois tendent à supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 7.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Aux termes du texte initial du projet de loi, un enfant mineur peut, à partir de l'âge de seize ans, réclamer la nationalité française par déclaration. Il s'agit donc d'une acquisition anticipée. Cette disposition est inutile dans la mesure où le dispositif de la loi de 1993 est maintenu, puisque, aussi bien, une telle possibilité est actuellement ouverte de seize à vingt et un ans.
S'agissant de l'addition qu'a cru devoir apporter au texte d'origine l'Assemblée nationale, il est apparu à la commission que le jeune de treize ans n'a pas encore acquis une autonomie de jugement et de comportement suffisante. Il lui est difficile d'affirmer une intention dans un domaine aussi capital sans être influencé par ses parents, qui risquent - le mot est faible - d'utiliser une telle disposition à leur profit pour se voir délivrer un titre de séjour, de manière à éviter une éventuelle expulsion. Cela a été souvent constaté sous l'empire de la législation antérieure à la loi de 1993.
Il n'est sans doute pas inutile de noter que la convention internationale relative aux Droits de l'enfant, qui a été ratifiée en 1990 par la France, édicte que « l'enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection spéciale ». L'article 8 stipule expressément que « les Etats parties s'engagent à respecter le droit de l'enfant, de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales tels qu'ils sont reconnus par la loi, sans ingérence illégale ».
Pour toutes ces raisons, la commission a cru devoir adopter un amendement de suppression de l'article 5.
M. le président. La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 59.
M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement est logique puisque nous souhaitons le maintien du dispositif de la loi de 1993 qui permet l'acquisition de la nationalité française à partir de l'âge de seize ans.
Je relève une curiosité dans le texte qui nous est soumis : ce dispositif n'est pas applicable en cas de résidence discontinue. En effet, puisqu'il est nécessaire de justifier de cinq ans de résidence continue en France, la nationalité française ne peut être demandée à partir de l'âge de seize ans. En cas de résidence discontinue, l'âge doit être forcément de seize ans et demi, voire dix-sept ans ou plus. Cela signifie-t-il que le délai est reporté au prorata de la durée du séjour hors de France ?
M. le président. L'amendement n° 97 est-il soutenu ? ...
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 98 est déposé par M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 21-11 du code civil, à remplacer par les mots : « s'il a eu sa » par les mots : « qu'il justifie d'une ».
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 60.
M. Jean-Jacques Hyest. Je retire l'amendement n° 60 de même que l'amendement n° 61 qui concernent la discontinuité de la durée de résidence et la justification de la résidence en France, problèmes déjà évoqués dans un certain nombre d'articles antérieurs.
M. le président. L'amendement n° 60 est retiré.
L'amendement n° 98 est-il soutenu ? ...
Je suis saisi à nouveau de deux amendements identiques.
L'amendement n° 61 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 99 est déposé par M. Plasait et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Tous deux tendent, dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 5 pour l'article 21-11 du code civil, à supprimer les mots : « ou discontinue ».
La parole est à M. Hyest, pour défendre l'amendement n° 61.
M. Jean-Jacques Hyest. Je l'ai annoncé voilà quelques instants, cet amendement est retiré.
M. le président. L'amendement n° 61 est retiré.
L'amendement n° 99 est-il soutenu ? ...
Par amendement n° 116, MM. Duffour, Pagès, Dérian, Mme Beaudeau, M. Bécart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Fischer, Lefebvre, Mme Luc, MM. Minetti, Ralite, Renar, Mme Terrade et M. Vergès proposent, au second alinéa du texte présenté par l'article 5 pour l'article 21-11 du code civil, de remplacer les mots : « treize ans » par les mots : « onze ans » et les mots : « à partir de l'âge de huit ans » par les mots : « à partir de l'âge de six ans ».
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Nous sommes très satisfaits des débats qui se sont déroulés à l'Assemblée nationale. Il en résulte que, à la demande de leurs parents, dès l'âge de treize ans, des jeunes, avec leur consentement, pourront acquérir la nationalité française.
Avec notre amendement, nous ne voulons pas faire preuve de maximalisme. L'âge de onze ans que nous proposons n'est pas du tout arbitraire. Nous pensons qu'il s'agit d'un âge marquant, puisqu'il correspond à l'entrée des jeunes au collège. Nous voulons favoriser au plus tôt leur intégration.
Par ailleurs, nous conservons le même délai de résidence de cinq ans en proposant que la condition de résidence habituelle en France débute non pas « à partir de l'âge de huit ans », mais « à partir de l'âge de six ans ». De la sorte, nous couvrons l'ensemble du cycle de scolarité obligatoire : l'école primaire, puis le collège.
Il nous semble plus logique de retenir ces âges plutôt que ceux qui ont été proposés par l'Assemblée nationale.
M. le président. Mes chers collègues, veuillez m'excuser de revenir en arrière, mais les amendements n°s 97, 98 et 99, présentés par M. Plasait, peuvent maintenant être défendus par M. de Bourgoing, à qui je donne la parole.
M. Philippe de Bourgoing. L'amendement n° 97 est identique à l'amendement n° 7, présenté par M. le rapporteur. Je n'insiste donc pas.
S'agissant des amendements n°s 98 et 99, à l'instar de M. Hyest tout à l'heure, je les retire.
M. le président. Les amendements n°s 98 et 99 sont retirés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 116 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Je serais tenté de dire quo non descendamus (Sourires) : de treize ans à onze ans ; de huit ans à six ans...
L'avis de la commission est bien évidemment défavorable.
M. le président. En réalité ce serait : quo non descendemus !
M. Christian Bonnet, rapporteur. Vous avez raison ! C'est zéro pour moi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements de suppression n°s 7, 59 et 97, ainsi que sur l'amendement n° 116 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne me hasarderai pas dans ce concours de conjugaisons latines et me bornerai à donner mon avis sur ces différents amendements. (Sourires.)
D'abord, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression qui visent à revenir à la loi de 1993.
S'agissant ensuite de la continuité ou de la discontinuité de la résidence, je voudrais apporter quelques précisions.
J'observe que, déjà, la loi de 1993 prévoyait la faculté d'anticiper la demande de nationalité française à seize ans, comme M. Hyest vient de le rappeler, disposition qui a été reprise dans notre propre texte.
Comment s'apprécie la condition de résidence ?
Lorsque le jeune demande, dès l'âge de seize ans, la nationalité française, la condition de résidence de cinq ans ne peut être que continue à partir de onze ans.
M. Jean-Jacques Hyest. D'accord !
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Lorsque le jeune demande la nationalité française à partir de l'âge de treize ans, là encore, la condition de résidence de cinq ans ne peut être que continue, c'est-à-dire appréciée de l'âge de huit ans à treize ans.
La discontinuité ne joue donc que lorsque le jeune acquiert la nationalité de plein droit à l'âge de dix-huit ans. Dans ce cas, la condition de résidence est appréciée entre l'âge de onze ans et l'âge de dix-huit ans. Mais elle doit bien avoir été de cinq ans ; il faut effectivement que, pendant cette durée de sept années, de onze à dix-huit ans, le jeune ait effectivement passé cinq ans sur notre territoire national.
J'en viens à la remarque de M. Duffour : pourquoi treize ans et pas onze ans ?
Le Gouvernement a accepté l'âge de treize ans, introduit par amendement par l'Assemblée nationale, parce que cet âge est celui à partir duquel, dans le droit pénal comme dans le droit de la famille, on admet que l'enfant a des responsabilités. C'est à partir de l'âge de treize ans qu'il peut être envoyé en prison. Ce n'est pas rien. C'est aussi à partir de cet âge qu'on le consulte en cas de divorce pour savoir s'il veut vivre avec son père ou avec sa mère. Notre droit contient donc des dispositions selon lesquelles les enfants de treize ans sont en âge de donner un avis raisonné sur des questions importantes.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 7, 59 et 97, repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 5 est supprimé et l'amendement n° 116 n'a plus d'objet.
Article 5 bis