M. le président. « Art. 11 bis . - Après l'article 21-25 du code civil, il est inséré un article 21-25-1 ainsi rédigé :
« Art. 21-25-1 . - La réponse de l'autorité publique à une demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation doit intervenir dix-huit mois au plus tard après la date à laquelle a été délivré au demandeur le récépissé constatant la remise de toutes les pièces nécessaires à la constitution d'un dossier complet.
« Ce délai peut être prolongé une seule fois de trois mois par décision motivée. »
Sur cet article, la parole est à Mme Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'inspiration qui sous-tend l'article 11 bis est excellente. Il est en effet très souhaitable que l'autorité publique se prononce dans un délai de dix-huit mois sur une demande de naturalisation.
Cependant, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement sur les grandes difficultés pratiques qu'entraînerait la mise en oeuvre d'une telle mesure. Tout d'abord, les dossiers traînent terriblement dans les préfectures. Une enquête effectuée par la CFDT démontre qu'une demande est traitée, dans le meilleur des cas, par les préfectures dans un délai de huit mois. Mais le demandeur peut attendre, dans le département du Nord, par exemple, près d'un an et demi pour obtenir un rendez-vous et déposer sa demande de naturalisation et un an et demi pour la constitution du dossier en préfecture, ce qui fait trois ans. Par ailleurs, au service de naturalisation à Nantes, le délai actuel entre le moment où le dossier est transmis et celui où il commence à être étudié atteint onze mois.
La suspicion jetée sur les étrangers en France a entraîné une augmentation considérable des demandes de naturalisation. L'étranger souhaite être naturalisé par adhésion à un pays mais aussi pour se protéger. La demande de naturalisation pour se protéger est devenue importante en France, d'où une forte augmentation du nombre de dossiers.
Le stock de dossiers actuellement à la sous-direction des naturalisations est de près de 59 000. Le nombre de dossiers clôturés au cours des dix premiers mois a atteint près de 50 000. Dans de telles conditions, avec un personnel réduit, il devient vraiment très difficile de répondre à cette demande pourtant légitime et il serait utile d'introduire cette disposition dans la loi. Je demande donc au Gouvernement s'il est prêt à engager les moyens nécessaires pour permettre à l'administration de répondre à cette exigence nouvelle.
M. le président. Sur l'article 11 bis , je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Bonnet, au nom de la commission.
L'amendement n° 67 est déposé par M. Hyest.
Tous deux tendent à supprimer cet article.
L'amendement n° 81, présenté par Mme Dusseau, MM. Baylet et Collin, vise à rédiger comme suit le texte proposé par l'article 11 bis pour l'article 21-25-1 à insérer dans le code civil :
« Art. 21-25-1. - Le ministre chargé des naturalisations est tenu de statuer sur la demande de naturalisation ou de réintégration dans un délai d'un an à compter de la délivrance du récépissé prévu à l'avant-dernier alinéa de l'article 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Christian Bonnet, rapporteur. Le dépassement éventuel du délai prévu par cet article n'est nullement sanctionné ; il n'a aucun effet. Le professeur Lagarde, que nous avons entendu en commission, comme je l'ai rappelé tout à l'heure, a estimé qu'il ne serait guère concevable que le dépassement du délai entraîne de droit la naturalisation.
Les délais d'instruction actuels sont évidemment excessifs mais, de notre point de vue, il n'est pas souhaitable d'inscrire dans la loi une limite qui pourrait ne pas être respectée.
M. le président. L'amendement n° 67 est-il soutenu ?...
La parole est à Mme Dusseau, pour défendre l'amendement n° 81.
Mme Joëlle Dusseau. Dans le même souci que Mme Cerisier-ben Guiga, je considère que le ministre chargé des naturalisations devrait statuer dans un délai raisonnable sur la demande de naturalisation ou de réintégration.
Actuellement, les délais sont considérables. C'est vraiment un parcours du combattant que de réussir à déposer le dossier puis de le voir aboutir.
Dans un souci d'efficacité et d'intégration, il ne faut pas que des lourdeurs administratives excessives retardent les naturalisations.
Par conséquent, un délai d'un an me paraît raisonnable. Tel est l'objet de l'amendement n° 81.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 81 ?
M. Christian Bonnet, rapporteur. Des myriades de textes que nous votons ici sont totalement inapplicables. Il est inutile d'en ajouter !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 13 et 81 ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable à la suppression de cet article.
A l'Assemblée nationale, je ne me suis pas opposée à l'insertion d'un délai dès lors qu'il n'emporterait pas, en cas de non-respect, un droit automatique à la naturalisation. J'ai souligné devant les députés que la véritable réponse au problème de la durée excessive du traitement des dossiers résidait dans le renforcement des effectifs de la sous-direction des naturalisations. Or, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, s'est engagée en ce sens, notamment en créant vingt postes supplémentaires dès l'année prochaine.
C'est la raison pour laquelle nous pouvons garder ce délai de dix-huit mois, qui constitue un engagement sous-tendu par des mesures effectives prises par le Gouvernement. Mais il ne serait à mon avis pas raisonnable d'abaisser ce délai de dix-huit mois à un an.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 11 bis est supprimé et l'amendement n° 81 n'a plus d'objet.
Section 3
Dispositions modifiant les règles de preuve
de la nationalité française
Article 12