M. le président. La parole est à M. Barnier, auteur de la question n° 168, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Michel Barnier. M. Courteau venant d'évoquer un sujet que je connais un peu - d'ailleurs, je suis d'accord avec son souci que soit mis en oeuvre le principe de subsidiarité - je souhaiterais lui dire très courtoisement que toutes les directives européennes, en particulier celle-là, ont été approuvées par le Gouvernement de la France. Par conséquent, ne dites pas, monsieur Courteau, que nous nous voyons imposer une directive. Un gouvernement de la France, en l'occurrence le gouvernement dont faisait partie M. Brice Lalonde, a approuvé cette directive.
M. Roland Courteau. En 1979, M. Brice Lalonde n'était pas ministre de l'environnement ! Le Gouvernement n'était pas dirigé par les socialistes !
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie, revenons-en à la question n° 168.
M. Michel Barnier. Cela donne un peu d'animation à cette séance de questions orales sans débat, monsieur le président. Nous verrons bien, monsieur Courteau, si le Gouvernement, que vous soutenez, modifie ce texte dans le sens souhaité par de nombreux agriculteurs et chasseurs.
M. Roland Courteau. En effet, nous verrons bien ! M. Michel Barnier. S'agissant de la question n° 168, je voudrais, madame le ministre, attirer l'attention du Gouvernement et en particulier celle du ministre de l'agriculture et de la pêche sur un sujet qui préoccupe beaucoup le monde des travailleurs de l'agriculture de montagne, à tel point que, à Albertville, le 15 décembre dernier, plusieurs milliers d'agriculteurs de montagne se sont rassemblés à l'invitation des organisations professionnelles agricoles - la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA, le Centre national des jeunes agriculteurs le CNJA, et les chambres d'agriculture de Savoie, de Haute-Savoie et de l'Isère - pour exprimer, de manière intelligente et forte, un certain nombre de préoccupations, mais aussi de propositions.
Devant la Haute Assemblée et devant vous-même, madame le ministre, je voudrais faire écho à ce rassemblement pour obtenir aujourd'hui et dans les semaines à venir des réponses à ces préoccupations et à ces propositions.
Ces organisations agricoles se sont d'abord inquiétées du contenu de la future loi d'orientation agricole, à partir du document préparatoire que le Gouvernement a publié. Elles ont exprimé le voeu que cette future loi d'orientation agricole se décline bien autour de trois axes correspondant aux trois fonctions de l'agriculture.
Le premier axe, c'est la fonction sociale, c'est-à-dire les hommes et les femmes. L'agriculture est un facteur d'équilibre et de cohésion sociale. Elle doit donc être à taille humaine, fondée sur des exploitations transmissibles et sur la responsabilité personnelle des exploitants. Ces derniers ont exprimé le voeu que l'on donne un statut professionnel aux hommes et aux femmes qui travaillent sur ces exploitations, que l'on facilite leur installation, que l'on simplifie et que l'on adapte le régime fiscal de l'agriculture.
Le deuxième axe, c'est la fonction économique de l'agriculture, c'est-à-dire les produits. Les exploitants agricoles veulent devenir ou sont déjà devenus des entrepreneurs qui peuvent reconquérir de la valeur ajoutée et renforcer leur organisation pour être des partenaires respectés par la transformation et la distribution agro-alimentaire. Pour cela, les moyens qui doivent être mis en oeuvre sont multiples. Il faut, notamment, inciter les agriculteurs à restructurer leur groupement et à structurer les filières. Il faut aussi favoriser l'investissement en coopératives et dans des entreprises locales agroalimentaires.
Le troisième axe, c'est la fonction territoriale de l'agriculture. Les agriculteurs montagnards ont pour objectif de conjuguer modernité, qualité des productions et respect de l'environnement. Nous savons bien, nous, élus locaux, ce que nous devons aux agriculteurs en matière de préservation des paysages et des sites ainsi que de lutte contre les risques naturels.
Les agriculteurs veulent également participer à l'animation du milieu rural. Dans ce sens, on peut dire que si l'agriculture doit bien sûr produire - c'est sa première fonction - elle doit aussi accueillir dans un milieu entretenu et vivant la population urbaine et les touristes.
Chaque exploitation agricole devra, à l'avenir, combiner ces deux fonctions. Pour cela, elle devra bénéficier de rémunérations, par exemple, à partir d'un contrat d'entretien de l'espace.
Madame le ministre, la mise en place de ces objectifs passe par la reconnaissance, dans le code rural, du principe de la triple fonction économique, sociale et environnementale de l'agriculture dans l'espace rural.
Enfin, la mise en oeuvre de cette nouvelle politique implique un effort d'adaptation de l'appareil de recherche, d'enseignement et de développement. En effet, cette nouvelle agriculture innovante, citoyenne et durable sera plus exigeante en matière de technique et de gestion que le modèle qui avait été défini voilà une trentaine d'années.
Le deuxième grand sujet de préoccupation des agriculteurs, qui se sont rassemblés à Albertville dernièrement, c'est celui de la politique agricole commune. L'Agenda 2000, dit « paquet Santer », nécessite, notamment en matière de développement rural, au moins d'être mieux expliqué aux organisations agricoles et réorienté surtout pour ce qui concerne le financement des actions qu'il prévoit, en particulier pour les territoires de montagne.
Les organisations agricoles regrettent l'approche trop sectorielle de ce projet de nouvelle politique agricole commune. L'agriculture mérite, nous semble-t-il, une approche territoriale, comme je viens de le dire, et, dans ce cadre, ceux qui étaient rassemblés à Albertville avec nous ont préconisé une nouvelle architecture des aides directes, modulées, avec une prime de base forfaitaire par exploitation et une prime complémentaire par produit. En termes d'emploi et d'aménagement du territoire, il s'agit de privilégier la quantité d'exploitations agricoles plutôt que le volume de production, et c'est une réalité d'autant plus tangible dans les régions de montagne comme les nôtres.
Par ailleurs, les professionnels alpins réclament une reconnaissance de la spécificité des zones de montagne, la politique agricole commune privilégiant les grandes cultures et la production au détriment de la montagne et, me semble-t-il, de l'aménagement du territoire.
La nouvelle dimension européenne créée par la signature de la convention alpine doit permettre aux partenaires européens de raisonner en termes de protection et de développement de l'arc alpin. L'Union européenne pourrait créer, par exemple, un nouveau programme d'initiative communautaire sur l'ensemble des massifs de montagne qui le composent.
A cet égard, madame le ministre, le massif alpin pourrait être le laboratoire de cette nouvelle politique agricole commune et rurale de qualité, privilégiant l'homme, le produit et le territoire, et non pas une logique uniquement productiviste.
Si une telle initiative communautaire était prise, soutenue par le gouvernement français à l'échelon européen, le département de la Savoie, que j'ai l'honneur d'animer, pourrait être - en tout cas, je vous fais part de sa disponibilité - un département pilote pour cette forme de laboratoire alpin.
Madame le ministre, pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je n'insisterai pas tout à l'heure. En vous remerciant de votre écoute, je voudrais un dernière fois attirer l'attention du Gouvernement sur ce qui est aujourd'hui une préoccupation, mais aussi une attitude extrêmement volontaire et positive des agriculteurs de montagne, qui se sont rassemblés à Albertville. Derrière ce qu'ils ont exprimé, je peux l'attester, se dissimulent une angoisse et une inquiétude qui pourraient devenir, un jour, de la colère, s'ils avaient le sentiment d'être oubliés, comme ils ont pu l'avoir au vu des premiers dossiers sur lesquels le Gouvernement travaille, notamment pour l'élaboration de la loi d'orientation agricole, et de sa détermination à défendre à l'échelon européen, ce qui constitue une très grande partie du territoire national, au moment où s'élabore la nouvelle politique agricole commune.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement. D'abord, M. le ministre de l'agriculture et de la pêche tient à rappeler son attachement à la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne. Cette loi a marqué un progrès incontestable dans la gestion et dans le développement de nos massifs montagneux. Le Gouvernement veut souligner que l'approche territoriale de cette loi a largement inspiré ses réflexions sur l'avenir de la politique agricole.
Le projet de loi d'orientation agricole qui est en cours de préparation intègre les trois fonctions de l'agriculture, à savoir la fonction économique, la fonction environnementale et la fonction sociale, afin de promouvoir un développement durable et une gestion équilibrée des espaces agricoles et forestiers.
Il s'agit d'un principe fondateur du projet de loi, à partir duquel sont définis les objectifs et les moyens de la politique agricole qui reconnaît les situations spécifiques de chaque région, notamment celles des zones de montagne. Celles-ci devraient donc largement bénéficier de la mise en place des contrats territoriaux d'exploitation qui privilégient cette approche régionale à travers la spécificité de chaque exploitation.
Sur le plan communautaire, le Gouvernement entend faire prendre en compte l'agriculture montagnarde en faisant préciser le cadre esquissé par la Commission dans le document intitulé « Agenda 2000 », qui préfigure l'évolution de la politique agricole commune, afin que cette agriculture puisse contribuer à une gestion équilibrée du territoire.
En utilisant ces deux leviers que devront être la nouvelle politique agricole commune et la future loi d'orientation, nous souhaitons notamment renforcer les indemnités compensatoires de handicaps naturels, valoriser les signes de qualité et, d'une manière plus générale, dans le cadre des nouveaux instruments de politique agricole en faveur de l'équilibre entre les régions, amplifier les dispositifs profitant aux zones difficiles.
Le débat vient seulement de s'ouvrir. Nous aurons largement l'occasion d'en reparler dès le deuxième trimestre de cette année, lors de l'examen de ce projet de loi par le Parlement. Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement vous confirmera, à ce moment-là, sa volonté de conforter l'agriculture montagnarde et que le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. le Pensec, se dépense sans compter pour faire entendre la voix de la France s'agissant de l'agriculture de montagne.

FINANCEMENT DE L'ARCHÉOLOGIE PRÉVENTIVE