FONCTIONNEMENT DES CONSEILS
RÉGIONAUX
Adoption d'une proposition de loi
en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition
de loi (n° 290, 1997-1998), adoptée avec modifications par l'Assemblée
nationale en nouvelle lecture, relative au fonctionnement des conseils
régionaux. [Rapport n° 291 1997-1998).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, vous examinez aujourd'hui en nouvelle lecture la proposition de loi
relative au fonctionnement des conseils régionaux telle qu'elle a été adoptée
par l'Assemblée nationale, la commission mixte paritaire n'ayant pu aboutir à
un accord.
Si l'on peut regretter qu'un tel accord n'ait pas été trouvé, le débat
parlementaire, très approfondi, n'en a pas moins fait progresser très utilement
le texte, qui, sur de nombreux points, a d'ores et déjà trouvé sa logique et sa
cohérence.
Chacune des deux assemblées conclut en effet, conformément au souhait des
parlementaires qui sont à l'origine de cette proposition de loi, à la nécessité
de compléter les règles applicables aux conseils régionaux, afin de prévenir
tout blocage lors de l'adoption des budgets et de garantir le fonctionnement
régulier et transparent de l'institution régionale.
Aussi un accord s'est-il dessiné sur l'essentiel, avec le mécanisme d'adoption
du budget sauf vote d'un budget alternatif par la majorité absolue des membres
composant le conseil régional.
Des divergences non négligeables demeurent cependant sur certaines modalités
ou conséquences de ce dispositif.
Sur la procédure, votre commission des lois vous propose ainsi le retour au
texte que vous aviez adopté le 22 janvier dernier, s'agissant notamment de la
majorité requise pour le dépôt de la motion et de la suppression du rôle donné
au bureau par l'Assemblée nationale. Sur ce point, je ne pourrai que vous faire
part à nouveau des réserves du Gouvernement, auquel les mesures votées par
l'Assemblée nationale paraissent aller dans le sens de meilleures garanties.
C'est également le souci d'une transparence accrue qui conduira le
Gouvernement à ne pas accepter l'amendement de la commission tendant à la
suppression de la déclaration préalable des candidats à la présidence du
conseil régional, dont l'Assemblée nationale a mieux précisé l'objet : les
orientations politiques, économiques et sociales de l'action qu'ils entendent
mener. C'est tout de même un élément de clarification dont on peut considérer
qu'il est utile.
Il reste que la différence principale entre le texte adopté par l'Assemblée
nationale et celui que vous propose votre commission touche aux conséquences de
l'adoption de la motion sur la poursuite du mandat du président sortant. C'est
en tout cas ce que j'ai cru comprendre à la lecture du rapport de M. Paul
Girod.
Vous connaissez la position de sagesse à laquelle le Gouvernement a choisi de
se ranger sur cette question, en souhaitant que chacun en apprécie pleinement
la portée.
Quel que soit votre choix définitif, il importe que, tant au regard de
l'efficacité que du respect de nos concitoyens et des futurs élus régionaux, la
règle du jeu soit désormais clairement et rapidement fixée.
(Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Comme M. le
ministre vient de le rappeler, la commission mixte paritaire n'a en effet pas
trouvé un accord transactionnel entre le texte du Sénat et celui de l'Assemblée
nationale.
Il convient cependant de noter que, de lecture en lecture, petit à petit,
comme l'oiseau fait son nid, les thèses du Sénat ont largement imprégné les
réflexions de l'Assemblée nationale et qu'ont ainsi disparu toute une série de
dispositions plus ou moins bizarres que l'Assemblée nationale avait adoptées en
première lecture, et même une disposition qu'elle avait adoptée en deuxième
lecture, concernant la publicité donnée systématiquement aux délibérations de
la commission permanente ; je rappelle que cette disposition avait suscité au
moins de la réserve chez les sénateurs qui soutiennent le Gouvernement et une
franche hostilité de la part de ceux qui appartiennent à l'opposition
nationale.
Par conséquent, certaines divergences de fond demeurent et je ne suis pas
certain, monsieur le ministre, que vous ayez mis le doigt sur la principale. En
effet, vous semblez penser que l'essentiel réside dans la mise en cause de la
responsabilité du président de région. Il est vrai que c'est un point très
important, mais, pour nous, ce qui est essentiel, c'est le quorum nécessaire
pour le dépôt de la motion dite désormais « de renvoi ».
Je note que, s'agissant de la sémantique, l'Assemblée nationale s'est ralliée
aux observations du Sénat : il était surprenant de parler de motion de défiance
dès lors qu'il n'y avait pas mise en cause du président lui-même.
A partir du moment où cette motion ne peut être déposée que par la majorité
absolue des membres du conseil régional, force nous est de constater que, en
réalité, il s'agit non pas d'un texte ayant une véritable utilité, mais d'un
texte d'annonce.
Pour des raisons que nous connaissons tous et qui sont probablement à la base
de l'idée qui a présidé au lancement d'une procédure exceptionnelle d'adoption
du budget, le problème porte sur l'arbitrage éventuel d'une mouvance dans
laquelle personne ne se reconnaît. Dès lors que l'on inclut, de fait, la
nécessité pour cette mouvance de participer, de près ou de loin, au dépôt d'une
motion, on atteint précisément l'objectif inverse de celui que l'on prétend
poursuivre.
Monsieur le ministre, d'autres points de divergence subsistent.
S'agissant du rôle du bureau, il est impossible d'accepter que des personnes
qui, dans leur essence même, dépendent du président du conseil régional soient
les censeurs de ce même président.
Quant à la déclaration préalable, elle nous semble représenter une
complication inutile. J'avais d'ailleurs dit, ici même, que je ne pourrais
aborder ce point en commission mixte paritaire dans un esprit détendu que dans
la mesure où vous nous confirmeriez, monsieur le ministre, qu'il s'agirait
d'une formalité seconde, si je puis dire, qui ne serait soumise à aucune espèce
d'appréciation. Or je suis obligé de constater que l'Assemblée nationale a
affirmé, au contraire, la nature substantielle de cette déclaration préalable.
Personne ne sait qui arbitrera et quels contentieux cette mesure déclenchera !
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale est même allée plus loin : le
candidat à la présidence doit maintenant remettre aux membres du conseil
régional une déclaration écrite présentant les grandes orientations politiques,
économiques et sociales de son action pour la durée du mandat.
Monsieur le ministre, je vous donne rendez-vous devant les tribunaux : nous ne
sommes pas sortis des contentieux sur l'élection au motif que la déclaration du
candidat président serait considérée comme insuffisante, inadéquate, elliptique
par tel ou tel membre du conseil régional ! Par conséquent, je crains que ce
texte ne se traduise, dès le départ, par la déstabilisation et l'impossibilité
de fonctionnement des conseils régionaux.
D'ailleurs, je me demande même dans quelle mesure, avec cette obligation de
signature de la motion par la majorité absolue du conseil régional, dispositif
qui, nous le savons, bloque l'opération, nous ne sommes pas en train d'assister
à la mise en place d'un pouvoir tout-puissant du président du conseil régional,
sans contrôle et sans frein, pour six années, ce qui ne me semble pas être tout
à fait compatible avec la notion de libre administration des collectivités
territoriales.
Par conséquent, la commission vous propose, mes chers collègues, de revenir au
texte du Sénat.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Arnaud.
M. Philippe Arnaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici
réunis pour la troisième fois dans le but d'examiner la proposition de loi
relative au fonctionnement des conseils régionaux, qui a essentiellement pour
objet l'adoption sans vote du budget des régions en cas de situation de
blocage.
Tout d'abord, permettez-moi de regretter que la commission mixte paritaire
n'ait pas abouti à un accord du fait de l'intransigeance de nos collègues
députés, et de rendre hommage à la qualité du travail réalisé par notre
rapporteur, M. Paul Girod.
Je note cependant que nos collègues députés ont accepté l'une des
modifications apportées par le Sénat, visant à supprimer l'obligation faite aux
candidats à l'élection du président du conseil régional de préciser la liste
des membres du conseil auxquels ils donneraient délégation. Ils ont néanmoins
maintenu l'exigence d'une déclaration écrite présentant les grandes lignes de
l'action du futur président au cours de son mandat.
Cela étant, malgré l'opposition du Sénat, le texte qui est issu des
délibérations de l'Assemblée nationale prévoit qu'un budget sera considéré
comme adopté sans vote, sauf si un budget alternatif est présenté à la majorité
absolue des membres du conseil régional. Dans ce cas, c'est ce budget
alternatif qui s'applique, mais dans quelles conditions ?
En effet, ce texte trouvera très rapidement ses limites, dans la mesure où un
budget ne peut être exécuté que par la commission permanente. Or, celle-ci
étant désignée à la représentation proportionnelle, il est peu probable qu'elle
s'oppose à telle ou telle proposition du président, surtout si les
délibérations de la commission permanente sont publiques. Dans ces conditions,
le budget, même considéré comme adopté, pourra très difficilement être appliqué
dans les faits.
Par ailleurs, en cas de budget de substitution, celui-ci serait exécuté par le
président du conseil régional en place, qui aurait donc été désavoué, nos
collègues députés ayant refusé d'établir un lien direct entre le maintien en
fonction du président et le vote du budget.
Ainsi, on se rendra très vite compte, après les prochaines élections
régionales, que les trois quarts de nos régions seront ingouvernables, et ce
parce que nul n'a eu le courage de s'attaquer au véritable problème, à savoir
le mode de scrutin qui s'applique aux élections régionales.
M. Guy Cabanel.
Très bien !
M. Philippe Arnaud.
En effet, si nous voulons que les régions soient fortes et gouvernées, il
convient de leur donner une majorité cohérente. Or la représentation
proportionnelle est souvent synonyme d'émiettement et d'instabilité. Les
conseils régionaux de l'an 2000 risquent de connaître un fonctionnement aussi
chaotique que les gouvernements des années cinquante !
Il est tout à fait regrettable que l'on n'ait pas songé à appliquer à
l'élection des membres des conseils régionaux le mode de scrutin en vigueur
pour les élections municipales des communes de plus de 3 500 habitants, même
atténué, lequel aurait eu le mérite de dégager des majorités de gouvernement
stables dans nos régions.
C'est un véritable désastre qui s'annonce. Il concernera aussi bien l'actuelle
majorité plurielle de gauche que l'actuelle opposition de centre droit et fera
du Front national l'arbitre de nos divisions, au gré de ses intérêts immédiats
ou à moyen terme : un coup à gauche, un coup à droite.
Peut-être assisterons-nous à un sursaut, mais il sera trop tard, car une
modification du mode de scrutin ne pourra s'appliquer qu'aux élections
régionales suivantes, c'est-à-dire dans six ans : six années perdues ! Cela est
tout simplement dramatique pour nos régions.
Mes chers collègues, nous avons tous été acteurs ou témoins d'un autre effet
pervers de ce mode de scrutin au stade même des constitutions de listes. A
gauche comme à droite, ces odeurs de cuisine ont vicié l'air qu'une saine
démocratie exigerait plus pur. Nos concitoyens en sentent les relents. C'est
désolant !
La région est devenue une collectivité territoriale de plein exercice :
l'heure n'est plus de savoir s'il convient d'être départementaliste ou
régionaliste ; il faut tout simplement admettre que la région existe et qu'elle
exerce des responsabilités particulièrement importantes. Or nul d'entre nous
n'a intérêt à ce que nos régions soient ingouvernables.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui n'est malheureusement absolument pas
en mesure de relever le redoutable défi auquel les régions françaises seront
confrontées après le mois de mars prochain.
Seule une réforme de fond serait en mesure de répondre aux préoccupations que
je viens d'évoquer. Il est à présent trop tard pour la réaliser, mais il n'est
jamais trop tard pour prendre date.
Je suis persuadé qu'après les élections régionales une majorité se dégagera,
aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, pour modifier le mode de
scrutin régional. Mais, comme je l'indiquais tout à l'heure, que de temps
perdu, quelle imprévoyance et quel gâchis en perspective pour nos régions
pendant six ans !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous
abordons donc la troisième et dernière lecture de cette proposition de loi. La
commission mixte paritaire qui s'est réunie à l'Assemblée nationale n'a pas
abouti à un accord. Le pouvait-elle ? On peut en douter : elle avait peu de
chances d'aboutir !
Autant l'Assemblée nationale a trouvé un intérêt évident à cette proposition
de loi au point de l'avoir votée à la quasi-unanimité après avoir formulé les
remarques qui s'imposaient, autant le Sénat, dès la première lecture, a fait de
nombreuses réserves, pour ne pas dire qu'il s'y est opposé d'emblée. Dès lors,
il était difficile à la commission mixte paritaire de parvenir à un accord.
J'ajoute que notre rapporteur, M. Paul Girod, auquel je rends hommage, a
accompli des efforts importants ; il a su développer un certain nombre
d'arguments qui ont été pris en compte par l'Assemblée nationale, car ils
avaient leur force. Toutefois, les remarques qui ont été prises en
considération par l'Assemblée nationale étaient, pardonnez-moi l'expression, de
seconde importance.
Le motif de cette proposition de loi - faut-il le rappeler ? - est simple :
éviter le blocage, notamment budgétaire, des conseils régionaux.
Il ne faut pas exagérer la portée de ce qui s'est passé au cours des six
dernières années. Très peu de budgets régionaux ont été bloqués : seules deux
régions ont connu ces aléas ; quatre budgets sur plus d'une centaine !
Toutefois, le nombre de blocages risque d'augmenter au cours des six prochaines
années. Par conséquent, des dispositions doivent être prises.
Vous avouerai-je, mes chers collègues, que, même si le système proposé n'est
pas parfait, je le préfère à un budget établi et appliqué par la chambre
régionale des comptes ? C'est en effet contraire à l'esprit et à la lettre de
la décentralisation, ce n'est pas valorisant pour les élus régionaux et cela
altère, en quelque sorte, l'image de cette jeune institution qu'est le conseil
régional.
Le mode de scrutin n'a pu être modifié. Notre collègue Philippe Arnaud y ayant
fait allusion voilà un instant, je ne reviendrai pas sur les causes de cette
non-modification.
De 1993 à 1997, les deux gouvernements qui se sont succédé n'ont pas pu
trouver un accord, pour des raisons que l'on connaît et que l'on peut
comprendre. A partir du 1er juin 1997, le nouveau gouvernement a précisé qu'il
respecterait le principe selon lequel on ne modifie pas un mode de scrutin dans
l'année qui précède l'élection. Nous nous retrouverons donc, dans quelques
jours, avec un mode de scrutin qui n'est pas satisfaisant, chacun peut en
convenir.
D'ailleurs, je crois savoir - peut-être M. le ministre de l'intérieur nous
apportera-t-il des précisions sur ce point - que l'on compte près de 800 listes
pour les vingt-deux régions métropolitaines. Au moment où l'on parle beaucoup
de la perte de l'influence politique, du désintérêt pour la chose publique, je
constate cependant que 800 listes se sont constituées pour les prochaines
élections régionales ! On peut donc craindre, effectivement, un certain
émiettement et quelques difficultés. D'autant, mes chers collègues - c'est une
quasi-certitude - qu'aucune formation politique n'obtiendra à elle seule la
majorité absolue. Des coalitions de droite et de gauche finiront, nous
l'espérons, par atteindre la majorité absolue, mais, je le répète, aucun parti
politique n'aura à lui seul la majorité absolue. Par conséquent, une solution
doit être trouvée pour éviter des blocages budgétaires.
Il conviendra de tirer les enseignements du scrutin du 15 mars prochain et de
la mise en place des exécutifs régionaux. Ensuite, peut-être le Gouvernement
proposera-t-il à froid et très sereinement une modification de ce mode de
scrutin en tenant compte des aléas que nous rencontrons depuis 1986, année de
la première élection des conseils régionaux au suffrage universel direct.
La commission mixte paritaire n'a pas abouti. Les positions de fond étaient
très éloignées. Comme l'a écrit M. Girod dans son rapport, « les divergences
sont substantielles ».
En effet, on a touché au noyau dur. Si, sur plusieurs points, des
rapprochements ont pu avoir lieu, en revanche, sur les deux ou trois points qui
constituent le noyau dur de ce texte, l'accord n'a pas pu intervenir.
On va appliquer une règle à laquelle aucune autre collectivité territoriale
n'est soumise, avez-vous dit, monsieur le rapporteur. J'ai souvent entendu, en
commission des lois, nos plus éminents collègues s'interroger sur l'opportunité
d'appliquer partout la même chose ! Or, lorsque l'occasion se présente de faire
une distinction, on ne la saisit pas. On ne peut vouloir une chose et son
contraire !
S'il faut faire la même chose pour toutes les collectivités, pourquoi avoir de
nombreux échelons administratifs ? Autant regrouper les compétences ; on
évitera ainsi deux ou trois échelons administratifs. En l'occurrence, si les
régions peuvent faire différemment des départements, faisons en sorte qu'il en
soit ainsi.
Pourquoi appliquer systématiquement les mêmes règles à l'ensemble des
collectivités, qu'elles soient régionales, départementales ou municipales,
alors que l'expérience montre, ne serait-ce qu'au regard du mode de scrutin,
qu'il ne s'agit pas de la même chose ?
S'agissant du rôle du bureau, « la conception collégiale de l'exécutif est
contraire aux dispositions appliquées traditionnellement dans les conseils
régionaux, les conseils généraux et les conseils municipaux », avez-vous dit,
monsieur le rapporteur. Eh bien oui, mes chers collègues, nous sommes
favorables à cet esprit de collégialité, et nous ne voulons pas de ce pouvoir
exécutif personnel auquel certains trouvent des avantages ; c'est
incontestable.
Cette conception ne nous semble plus de mise aujourd'hui. D'abord, il y aura
des majorités plurielles et non plus monolithiques, même si le mot « plurielle
» s'applique pour l'instant à la coalition qui soutient le Gouvernement.
Ensuite, cette collégialité est une garantie de démocratie, de transparence et
de concertation. C'est aussi une garantie du respect des élus dans leur
ensemble et de leurs partenaires. J'ajoute que - par les temps actuels, ce
n'est pas négligeable - c'est une protection des élus contre des abus et
certaines tentations.
Cette collégialité nous paraît donc aujourd'hui nécessaire. Dans la mesure où
le président souhaire mettre en oeuvre la procédure d'adoption du budget sans
vote, il est nécessaire de consulter une instance collégiale et de recueillir
son approbation.
Ai-je besoin d'ajouter que, si l'on tient vraiment à ce que le président
décide de tout et tout seul, il n'est plus nécessaire d'élire plusieurs
dizaines de conseillers régionaux ?
Pourquoi avoir des assemblées que certains qualifient de pléthoriques - dans
la mienne, le Nord - Pas-de-Calais, nous sommes cent treize - si c'est pour
laisser au président ou à la présidente - nous verrons bien dans quelque temps
- le pouvoir de tout décider ? Mes chers collègues, la collégialité est
nécessaire. Encore une fois, dans la mesure où il y aura coalition de
différentes formations politiques, il sera nécessaire d'engager cette
concertation.
En ce qui concerne la déclaration de politique générale, le rapporteur de
l'Assemblée nationale, M. Dosière, a tenu compte de votre remarque. Vous aviez
affirmé que l'on peut très bien se contenter de dire : « Je vais oeuvrer pour
le bien de la région », ce qui constitue une déclaration politique.
Nous considérons qu'une déclaration de politique générale est, en quelque
sorte, un engagement public. C'est l'officialisation d'un accord politique
entre différents partenaires politiques. C'est aussi une question de
transparence. Chacun pourra, tout au long du mandat, mesurer le respect des
engagements pris d'abord devant les électeurs, puis devant l'assemblée
régionale qui sera mise en place aussitôt après son élection. Ainsi, les
formations politiques dans leur ensemble pourront juger des engagements pris
par le candidat à la présidence de l'assemblée régionale.
Enfin, j'en viens à la motion de défiance. Mes chers collègues, nous ne
voulons pas du renversement automatique et systématique de l'exécutif. Nous
refusons l'instabilité permanente. Or, si le Sénat persiste dans ses choix et
suit M. le rapporteur - et je crois qu'il va le faire - six exécutifs pourront
se succéder en six ans.
Nous ne voulons pas que des groupes politiques ultraminoritaires soient les
arbitres, fassent ou défassent les majorités. On sait très bien comment cela se
passe ! Pour être encore plus clair, je dirai que c'est une pratique d'un autre
âge. Je ne souhaite pas que, ici ou là, deux, trois ou quatre chasseurs fassent
ou défassent les majorités. C'est ce qui se passe dans ma région : le groupe de
pression qu'ils représentent n'a rien à voir avec les intérêts généraux de la
région ; on sait très bien comment ils agissent !
Nous ne voulons pas qu'une minorité manipule politiquement l'exécutif.
Accepter que la motion soit déposée par un tiers des élus, c'est, en quelque
sorte, accepter de paralyser la région avec l'instabilité de l'exécutif. Au
risque de choquer certains d'entre vous, je dirai que c'est revenir aux
errements d'une république défunte. Nous ne le voulons pas s'agissant des
assemblées régionales.
Le président devra prendre ses responsabilités. S'il est mis en minorité, il
aura le choix entre appliquer un budget qui n'est pas le sien ou tirer toutes
les conséquences de sa mise en minorité. Dans tous les cas de figure, il aura à
en répondre, d'abord devant l'assemblée régionale, puis devant les
électeurs.
Mes chers collègues, au cours des première et deuxième lectures au Sénat, les
membres du groupe socialiste n'ont pas approuvé les conclusions de la
commission des lois et n'ont pas voté le texte issu des travaux de la Haute
Assemblée. Nous aurions souhaité un accord en commission mixte paritaire. Cela
n'a pas été possible. Nous restons sur nos positions. Nous ne suivrons donc pas
les propositions du rapporteur et de la commission des lois. Par conséquent,
nous ne voterons pas le texte qui résultera des travaux du Sénat.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir
de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la
discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du
Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 3