M. le président. « Art. 11 quater. - I. - Au titre III du livre V du code de la santé publique, il est inséré un chapitre X ainsi rédigé :
« Chapitre X
« Matières premières à usage pharmaceutique
«
Art. L. 658-13.
- Toute activité de fabrication, d'importation ou de
distribution de matières premières à usage pharmaceutique est soumise à une
déclaration effectuée par l'établissement dans lequel s'exerce cette activité,
auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. A
cette déclaration doit être joint un dossier descriptif de cette activité, dont
le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat. Toute modification des
éléments constitutifs de la déclaration ou du dossier doit être communiquée à
l'agence.
«
Art. L. 658-14.
- Les matières premières à usage pharmaceutique
doivent répondre aux spécifications de la pharmacopée quand elles existent et
être fabriquées et distribuées en conformité avec des bonnes pratiques dont les
principes sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur
proposition de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé.
«
Art. L. 658-15.
- Tout établissement de fabrication, d'importation ou
de distribution de matières premières à usage pharmaceutique peut demander à
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de certifier que
l'établissement qui produit les matières premières respecte les bonnes
pratiques mentionnées à l'article L. 658-14.
« Le contenu de ce certificat est fixé par arrêté du ministre chargé de la
santé, pris sur proposition de l'Agence française de sécurité sanitaire des
produits de santé.
«
Art. L. 658-16.
- Chaque demande présentée par un établissement de
fabrication, d'importation ou de distribution de matières premières à usage
pharmaceutique en vue d'obtenir le certificat mentionné à l'article L. 658-15
donne lieu au versement, au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire
des produits de santé, d'un droit fixe dont le montant est fixé par décret dans
la limite de 15 000 F.
« Les dispositions du III de l'article L. 602-3 sont applicables à ce
droit.
« II. - Tout établissement exerçant à la date de publication de la présente
loi des activités de fabrication, d'importation ou de distribution de matières
premières à usage pharmaceutique est tenu de procéder à la déclaration prévue à
l'article L. 658-13 du code de la santé publique dans un délai de trois mois à
compter de la date de publication du décret mentionné au même article. »
Je suis saisi de quatre amendements présentés par MM. Braye, Gérard Larcher,
Bernard, Gruillot, Dulait, Bizet, César et Le Grand.
Le premier, n° 54, tend, dans le texte proposé par le I de cet article 11
quater
pour l'article L. 658-13 à insérer dans le code de la santé
publique, après les mots : « matières premières à usage pharmaceutique », à
insérer les mots : « (principes actifs) à l'exception de celles qui ont par
ailleurs un usage alimentaire (excipients) ».
Le deuxième, n° 53, vise à compléter le texte proposé par le I de l'article 11
quater
pour l'article L. 658-13 à insérer dans le code de la santé
publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Toute activité de fabrication, d'importation ou de distribution de matières
premières à usage pharmaceutique ayant par ailleurs un usage alimentaire
(excipients), est soumise à une déclaration effectuée par l'établissement dans
lequel s'exerce cette activité auprès de l'Agence française de sécurité
sanitaire des aliments. A cette déclaration doit être joint un dossier
descriptif de cette activité, dont le contenu est fixé par décret en Conseil
d'Etat. Toute modification des éléments constitutifs de la déclaration ou du
dossier doit être communiquée à l'Agence. »
Le troisième, n° 55, a pour objet, dans le premier alinéa du texte proposé par
le I de l'article 11
quater
pour l'article L. 658-16 du code de la santé
publique, après les mots : « matières premières à usage pharmaceutique »,
d'insérer les mots : « (principes actifs) à l'exception de celles qui ont par
ailleurs un usage alimentaire (excipients) ».
Enfin, le quatrième, n° 56, vise, dans le texte proposé par le I de l'article
11
quater
pour l'article L. 658-16, à insérer dans le code de la santé
publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque demande présentée par un établissement de fabrication ou de
distribution de matières premières à usage pharmaceutique qui ont par ailleurs
un usage alimentaire (excipients), en vue d'obtenir le certificat mentionné à
l'article L. 658-15 donne lieu au versement au profit de l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments d'un droit fixe dont le montant est fixé par
décret dans la limite de 15 000 francs. »
La parole est à M. Braye, pour présenter les quatre amendements.
M. Dominique Braye.
Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre de les présenter
successivement, les amendements n°s 53, 55 et 56 découlant logiquement du
premier, l'amendement n° 54.
La proposition de loi a été modifiée à l'occasion de son passage à l'Assemblée
nationale par un amendement du professeur Dubernard. L'objectif de ce nouvel
article - tendre vers le risque sanitaire zéro dans la production des
médicaments - s'inscrit totalement dans la logique du texte.
Cependant, le dispositif mis en place par cet article me semble un peu
disproportionné par rapport à cet objectif, puisque, dans sa rédaction
actuelle, il couvre sans distinction l'ensemble des matières premières
utilisées par l'industrie pharmaceutique.
Or, les matières premières à usage pharmaceutique sont aussi bien les
principes actifs des médicaments, sur lesquels il est logique que l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé exerce un contrôle, que
les excipients.
Les excipients sont des matières premières telles que le saccharose, les
amidons, le miel, les maltodextrines, les huiles végétales, les gélatines, les
arômes et colorants... Cette liste est loin d'être exhaustive.
Ces ingrédients sont, à l'origine, des produits de qualité alimentaire sur
lesquels doit s'exercer la compétence de l'Agence française de sécurité
sanitaire des aliments. La rédaction proposée par l'Assemblée nationale induit
donc une confusion entre principes actifs et excipients.
Or je vous rappelle que la compétence de l'agence est prévue « dans le domaine
de l'alimentation (...) depuis la production des matières premières ». C'est
l'article 4, 2e alinéa, du paragraphe I de l'article 794-1 du code de la santé
publique. Il serait incohérent qu'un produit dans son usage alimentaire soit de
la compétence de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et que,
dans son usage pharmaceutique, il soit de la compétence de l'autre agence.
Dans son état actuel, cet article pourrait laisser entendre aux consommateurs
que les matières alimentaires destinées à l'industrie pharmaceutique se
verraient garantir une sécurité sanitaire supérieure à celle qui prévaut pour
l'alimentation ordinaire et quotidienne !
Pourtant, ce sont exactement les mêmes produits. De plus, dans leur usage
alimentaire, ils sont consommés en beaucoup plus grande quantité que lorsqu'ils
sont intégrés aux médicaments.
Par ailleurs, je tiens à préciser que la fourniture des matières premières
alimentaires se fait sur la base de cahiers des charges intégrant un haut
niveau de sécurité sanitaire et vérifiés par audit des sociétés pharmaceutiques
chez leurs fournisseurs.
Je crains donc que la crédibilité de l'Agence française de sécurité sanitaire
des aliments ne soit mise à mal par les dispositions de cet article et, par
conséquent, que la confiance des consommateurs lui soit d'emblée refusée.
Je vous propose donc, par ce premier amendement, d'introduire une distinction
entre principes actifs et excipients, qui ont un usage alimentaire, en ne
confiant à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé que
la compétence sur les principes actifs.
L'amendement n° 53 découle logiquement de l'amendement n° 54, que je viens
d'exposer. L'alinéa qu'il tend à insérer dans l'article L. 658-13 du code de la
santé publique a pour objet d'établir un parallèle entre les deux agences, en
confiant à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments la déclaration
des matières premières ayant par ailleurs un usage alimentaire, c'est-à-dire
des excipients.
L'amendement n° 55 traite le même problème et a les mêmes motifs. J'y poursuis
la même logique de répartition des compétences reposant sur la distinction,
fondamentale à mes yeux, entre principes actifs et excipients.
Le versement d'une taxe au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire
des produits de santé ne peut être le fait que des producteurs de matières
premières à usage exclusivement pharmaceutique, c'est-à-dire des producteurs de
principes actifs.
L'amendement n° 56 a le même objet.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 54, 53, 55 et 56 ?
M. Claude Huriet,
rapporteur.
La commission des affaires sociales se propose de s'en
remettre à la sagesse du Sénat sur ces quatre amendements.
Elle est en effet très hésitante. L'auteur des amendements a exposé très
clairement quels étaient les enjeux en cause, mais, à vrai dire, on peut
prendre l'une ou l'autre position en se fondant sur des arguments qui sont
également valables.
En effet, imaginer que des matières premières dont une faible partie peut
être utilisée à des fins de santé, à titre d'excipient, seront soumises à des
dispositions particulières par rapport à des produits d'usage courant peut
apparaître comme disproportionné. La commission n'a donc pas de conviction
établie quant à l'agence à laquelle doit ressortir la procédure spéciale
applicable aux produits utilisés comme excipients.
Je pense qu'au cours de la navette nous pourrons, à la fois sur le fond et sur
la forme, améliorer les dispositions actuelles. Je ne peux conclure autrement
étant donné l'embarras éprouvé par la commission face à l'alternative évoquée
par l'auteur de l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Permettez-moi de marquer quelque gravité dans ma
réponse. J'ai écouté avec attention tous les arguments qui nous ont été exposés
par M. Braye, mais je voudrais souligner qu'il serait du plus grand danger,
mesdames, messieurs les sénateurs, de proposer un contrôle différent selon la
catégorie des matières premières à usage pharmaceutique.
Il ne s'agit pas, évidemment, de l'amidon, du sel ou du poivre. Il s'agit par
exemple du suif ou de la gélatine, dont vous savez ce qu'ils peuvent
entraîner.
Je rappelle que l'on peut opérer une distinction en deux grandes catégories
entre, d'une part, les principes actifs, substances pharmacologiquement
actives, et, d'autre part, les excipients, qui servent à l'incorporation du
produit actif.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale fixe, fort justement, un régime
commun à ces deux catégories, car la qualité du médicament repose, bien
évidemment, à la fois sur la qualité du principe actif et sur celle de
l'excipient.
Si, s'agissant du principe actif, l'exigence du contrôle de la qualité par
l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé paraît
indiscutable, puisque ce produit constitue la base de l'efficacité et de la
sécurité du médicament, il pourrait sembler ne pas en être de même pour les
excipients, dont l'objectif, au regard de l'efficacité notamment, semble
second, en raison de leur utilisation commune dans les industries
agro-alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques. Mais justement, l'affaire de
l'encéphalopathie spongiforme bovine nous a appris qu'il fallait se méfier
également de ces substances.
Ce serait une grave erreur, en termes de sécurité sanitaire, que de ne pas
appliquer aux excipients les mêmes contrôles qu'aux principes actifs : d'une
part, parce que des spécifications particulières décrites dans la pharmacopée
sont requises - je veux bien que celles-ci soient satisfaites - pour les
excipients utilisés dans l'industrie pharmaceutique et, d'autre part, parce que
les excipients doivent faire l'objet de contrôles sanitaires appropriés en
raison des risques qu'ils peuvent, dans certains cas, présenter pour la santé
publique.
Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous sommes en ce moment
engagés dans une réflexion très importante devant une décision de la Communauté
européenne, celle-ci ayant demandé à un moment donné - la décision est
intervenue en décembre et il fallait la mettre en application fin décembre ou
début janvier - de retirer des pharmacies de France toutes les gélules parce
qu'elles comportaient de la gélatine. Si l'on avait suivi cette directive, il
aurait fallu retirer, alors que le froid arrivait et que s'annonçait la grippe,
toutes les gélules des pharmacies. Nous n'avons pas obtempéré parce que c'était
impossible.
Mais je vous mets en garde : l'excipient peut être aussi redoutable que le
produit actif ! Je comprends néanmoins les raisons qui ont conduit leurs
auteurs à proposer ces amendements, contre lesquels s'élève le Gouvernement.
M. Dominique Braye.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Braye.
M. Dominique Braye.
J'ai bien entendu les arguments de M. le secrétaire d'Etat. Je n'ignore pas
que les médicaments comportent deux composants, des principes actifs et des
excipients, qui peuvent tous les deux être dangereux.
Peut-être me suis-je mal exprimé ? En fait, il existe des excipients qui n'ont
pas d'usage alimentaire. Par mon amendement, j'entends mettre de côté les
excipients qui ont par ailleurs un usage alimentaire.
Comment en effet expliquer à nos concitoyens qu'on leur laisse ingérer, en
grande quantité, certains produits dans leur alimentation alors que ces mêmes
produits, lorsqu'ils entrent dans la fabrication de médicaments, en quantité
infinitésimale, doivent subir des contrôles supérieurs ? Cela signifierait
implicitement que les contrôles exercés dans le secteur alimentaire ne sont pas
suffisants alors que les risques encourus sont bien plus importants puisque nos
concitoyens consomment plus d'aliments que de médicaments. Cela reviendrait à
discréditer complètement l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Il me semble que dans cet argument l'amendement trouve toute sa
justification.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
J'ai un certain repentir sur cette question qui, comme l'a
dit M. le secrétaire d'Etat tout à l'heure, est très difficile à aborder et
dont les enjeux en termes de sécurité sont extrêmement importants.
Je vais raisonner comme nous l'avons fait lorsque nous avons travaillé sur les
thérapies cellulaires, alors que nous avions acquis la conviction que nous ne
pouvions aborder ce domaine qu'avec la notion de filière et qu'une filière ne
vaut, chacun le sait, que par la qualité de son point le plus faible.
M. Bernard Kouchner,
secrétaire d'Etat.
Oui.
M. Claude Huriet,
rapporteur.
En matière de produits de santé, par exemple de médicaments,
le raisonnement sur la filière me paraît pouvoir s'appliquer : à quoi
servirait-il d'avoir le maximum de garanties quant à la qualité, et par là même
à la sécurité, à l'innocuité d'un produit, s'il n'y avait pas continuité dans
l'approche de la filière quant à l'exigence de qualité ?
Que M. Braye me comprenne bien, je ne sous-estime absolument pas, en raison
même du chemin que nous avons fait ensemble au cours de cet après-midi, les
qualités propres de cette agence nouvelle que nous sommes en train de créer,
mais ce qui me déterminera, au moment difficile du vote, ce sera cette idée de
continuité. Ainsi, je pense qu'il est préférable, dans une même structure,
d'assurer des garanties d'un bout à l'autre de la procédure de fabrication en
édictant des exigences quant aux produits de base, aux matières premières.
Ce point est tellement délicat que nous aurons peut-être la possibilité d'y
revenir, sur le fond et pas seulement sur la forme, pour parvenir, comme c'est
notre objectif - cela a été rappelé maintes fois - à la sécurité sanitaire
maximale.
J'insiste à nouveau sur le fait que je ne mets absolument pas en cause la
capacité de l'agence nouvelle à apporter ces garanties, mais je vois mal
comment, dans un processus continu, il pourrait y avoir deux autorités expertes
qui soient finalement amenées à intervenir.
Au demeurant, je maintiens l'avis de la commission qui s'en remet à la sagesse
du Sénat pour les quatre amendements.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 54, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 53, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 55, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 56, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11
quater
.
(L'article 11
quater
est adopté.)
Article 12