M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le socle de ma question est humain, social, économique, financier, et donc pluriel. (Sourires.) Mais celle-ci ne s'adresse, en l'occurrence, qu'au seul membre du Gouvernement chargé plus particulièrement du logement, et donc du bâtiment.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'égalitarisme vient à nouveau de frapper.
Depuis le début du mois, 350 000 familles, « abusivement nanties » - a-t-on idée d'être ingénieur ou professeur et d'avoir des enfants ! - viennent d'être privées de leurs allocations familiales et de certains autres avantages de même nature.
Le préjudice subi atteindrait, dit-on, plusieurs milliards de francs - le chiffre le plus généralement retenu se situe autour de 4 milliards, soit l'équivalent de 4 % du marché des logements neufs du secteur privé pour l'an dernier.
Or les familles qui viennent d'être frustrées sont, en général, propriétaires de leur logement ou aspirent à le devenir.
Pour ce faire, elles avaient résolu ou envisageaient de s'endetter et, en conséquence, d'avoir à acquitter des mensualités de remboursement. Ces mensualités proviennent de la partie finale de leurs revenus, celle qui subsiste après leurs dépenses de consommation.
C'est précisément cette partie finale qui vient de leur être confisquée.
Ma question est la suivante, monsieur le secrétaire d'Etat : ne redoutez-vous pas de nombreux cas d'insolvabilité et la nécessité pour certaines familles de quitter leur logement, d'où une détérioration du marché des logements anciens ? Ne craignez-vous pas non plus une baisse de la demande de logements neufs, ce qui casserait la timide reprise de l'activité du bâtiment ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, 350 000 familles attendent votre réponse ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, pour avoir, bien sûr, écouté avec beaucoup d'attention votre question, j'ai noté qu'elle revêtait une dimension tout à la fois humaine, sociale, économique et financière.
Monsieur le sénateur, il faut savoir que, en matière d'accession à la propriété, ou de charges de logement en général, on utilise la notion de taux d'effort, c'est-à-dire le rapport entre la mensualité de location ou d'accession et le revenu du ménage concerné.
Pour déterminer le taux d'effort, on ne retient ni les avantages fiscaux ni les prestations familiales. Je pourrais donc - mais ce serait une réponse trop sommaire - vous dire que le taux d'effort pour les familles que vous avez évoquées n'a pas changé, puisque ne sont en cause que les prestations familiales.
Il faut savoir également, monsieur le sénateur, que, si nous prenions en compte les répercussions du plafonnement des allocations familiales et de l'AGED sur le revenu, leur incidence sur le taux d'effort n'excéderait pas 2 % et se situerait entre 0,5 % et 2 %.
Vous avez indiqué que 350 000 familles étaient concernées. C'est exact. Vous avez évoqué la somme de 4 milliards de francs. Elle aussi est, approximativement, exacte.
Sachez que la préoccupation que vous avez exprimée a été partagée par le ministre de l'équipement, des transports et du logement, ainsi que par le Premier ministre, et que des décisions ont été prises. Je me permets de vous les rappeler très succinctement.
D'abord, pour les accédants confrontés à la progressivité des annuités de remboursement des prêts d'accession à la propriété, un plafonnement et une stabilisation des taux ont été récemment institués ; cette mesure a bénéficié à 500 000 familles.
En ce qui concerne les familles qui ne peuvent rester dans un logement ou accéder à un logement qu'avec l'allocation logement ou l'aide personnelle au logement, je me permets de rappeler qu'aucune des lois de finances qui ont été votées au cours des quatre dernières années n'a prévu de véritable actualisation des aides en question.
Très précisément, alors que les prix ont augmenté d'environ 8 % au cours de ces quatre années, les aides n'ont crû que de 1 %. Il en est résulté, pour les familles bénéficiaires, une perte de pouvoir d'achat de 7 %, ce qui n'a guère ému la représentation nationale majoritaire au cours de la dernière année !
Or, en l'occurrence, le nombre des familles concernées n'est plus de 350 000 mais de 6 150 000, les revenus de 94 % d'entre elles ne dépassant pas deux SMIC, 3 millions d'entre elles ayant des revenus situés entre le RMI et le SMIC.
Aussi admettrez-vous facilement que, si l'on veut mener une politique familiale dans le domaine du logement, il faut, par souci d'équité et de justice sociale, privilégier ces familles qui, sans les aides appropriées, ne peuvent ni accéder à la propriété ni se maintenir dans leur logement. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
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