M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Gérard pour explication de vote.
M. Alain Gérard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que notre pays compte encore plus de 8 000 morts par an sur les routes et que 20 % des tués sur la route ont entre dix-huit et vingt-quatre ans, le texte dont nous terminons l'examen ne peut nous satisfaire pleinement, car il est à la fois incomplet et contradictoire.
Incomplet, tout d'abord, car le dispositif proposé ne va pas assez loin dans les domaines de la prévention, de la sensibilisation et de la formation des jeunes conducteurs d'automobile et surtout de moto, jeunes particulièrement exposés aux risques de la route. Les chiffres que je viens de citer le démontrent clairement.
Contradictoire, ensuite, car le dispositif proposé s'oppose à la politique budgétaire que vous menez, monsieur le ministre.
Vous souhaitez en effet, grâce à ce texte, lutter contre l'insécurité routière. Mais, dans le même temps, vous venez de procéder, le 16 janvier dernier, à une annulation des crédits affectés à l'investissement aux transports terrestres à une annulation des crédits alloués aux grosses réparations et aux aménagements de sécurité sur la voirie nationale. Ces annulations se montent au total à 61 millions de francs en autorisations de programme et à 45 millions de francs en crédit de paiement sur le budget de 1998.
Ce désintérêt de l'Etat vis-à-vis de la voirie nationale ne manquera pas d'avoir de graves répercussions sur le nombre d'accidents.
Néanmoins, je tiens, au nom de notre groupe, à rendre tout particulièrement hommage au rapporteur de la commission des lois, notre collègue Lucien Lanier, pour la qualité de son travail et la pertinence de ses propositions.
Il a su renforcer l'obligation de formation pour les conducteurs novices auteurs d'infraction, améliorer le dispositif tendant à assainir la profession d'enseignement de conduite et de sécurité routière, indiquer explicitement dans le dispositif que le propriétaire d'un véhicule déclaré pécuniairement responsable d'une infraction commise par un tiers n'est pas responsable pénalement et que la responsabilité pécuniaire n'entraîne ni inscription au casier judiciaire ni retrait de points.
En conséquence, le groupe du Rassemblement pour la République votera le texte tel qu'il a été amendé aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Lesein.
M. François Lesein. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après ces longs débats, on sent bien que le problème de la conduite est très complexe et que nous n'avons pas trouvé la solution ce soir. En effet, la conduite est celle de tous, piétons, cyclistes, motocyclistes, alors que nous ne traitons pratiquement que de l'automobiliste, ce bon usager contribuable.
De la même façon - on vient de le dire - je n'ai pas obtenu l'assurance formelle d'une action pédagogique profonde, qui doit commencer dès le cours préparatoire. Or, devant la douleur des familles lors d'accidents mortels, il nous importe d'exiger les inscriptions budgétaires nécessaires à une autre culture de la conduite. Je l'ai déjà dit, je crois plus à la vertu éducative qu'à la répression, qui est trop inégalitaire.
Les problèmes nouveaux liés à l'usage des neuroleptiques compliquent notre action. Il faudra du courage pour les résoudre, mais il est grand temps de s'y atteler. Toute attente paraît coupable, à mes yeux.
Vous le comprenez, je ne suis pas satisfait, ce soir. De tous mes voeux, j'appelle un autre débat, plus large, mieux documenté scientifiquement et rappelant les devoirs de l'Etat. Je ne prendrai qu'un exemple, monsieur le ministre, celui de l'éclairage des autoroutes, qu'exige la circulaire du 24 avril 1974.
Très sincèrement, mon sentiment est que l'on se trompe de combat ou, en tout cas, que l'on est très incomplet.
Voilà pourquoi je ne voterai pas ce projet de loi. Je le regrette pour mon collègue et ami Lucien Lanier, qui a réalisé un excellent travail, dont je le félicite.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d'un long débat qui s'est voulu technique, par moment passionné, sous la responsabilité de notre rapporteur, nous avons examiné ce texte et, sur quelques points, nous l'avons amendé de façon très positive.
Je regrette cependant qu'une réflexion supplémentaire n'ait pas été engagée. Elle nous aurait permis, après l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, de l'améliorer encore au cours des navettes.
Nous avons fait des pas en avant, mais, s'agissant de la sécurité routière, ne faut-il pas vingt fois sur le métier remettre son ouvrage ? Dans ce domaine, l'évolution de la technique, l'évolution des comportements est rapide. Nous devons chaque fois - je l'ai bien compris et je suis d'accord avec bon nombre de mes collègues - ajouter au volet répressif nécessaire un volet éducatif.
Chaque Français, plus particulièrement chaque représentant du peuple, est responsable en ce domaine. Chacun d'entre nous, dans sa commune, son département et sa région, doit saisir les occasions offertes par le Gouvernement pour améliorer la sécurité routière.
Je voudrais donner l'exemple de la ville dont je suis le maire. Il existe une possibilité d'apporter un enseignement supplémentaire à nos jeunes grâce à la mise à disposition par le département des emplois-jeunes.
J'ai inauguré, voilà peu de temps, une piste de sécurité routière pour des enfants d'école maternelle. Cette piste est sous la responsabilité d'une personne qualifiée, qui a son diplôme de moniteur d'auto-école. Celle-ci s'efforcera, l'année durant, d'entrer en contact avec des enfants des écoles maternelles et primaires, ainsi que des collèges.
Nous travaillons aussi, bien évidemment, avec la sécurité routière, notamment grâce aux options du programme REAGIR. Bref, ce texte n'est qu'un aspect somme toute modeste de la sécurité routière.
Je pense que nous avons, ce soir, fait oeuvre utile. Des dispositions nouvelles devraient être mises en place rapidement. Mais des problèmes restent en suspens, notamment la question des stupéfiants. Sans doute, résoudrons-nous ces difficultés d'ici à quelques années.
En conclusion, même si le groupe socialiste espère qu'un amendement qui a été adopté sera revu et corrigé, il s'agit d'un texte somme toute positif. Pour cette raison, nous voterons ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Lefebvre.
M. Pierre Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les raisons essentielles qui nous ont fait soutenir le projet de loi qui nous a été soumis.
Des amendements à l'élaboration desquels nous avons participé ont été adoptés, et je veux souligner, à cette occasion, l'excellent travail accompli par la commission des lois et son rapporteur. En revanche, d'autres amendements n'ont pas recueilli notre approbation. Nous considérons que, dans une certaines mesure, ils altèrent le texte qui nous a été soumis. Pour autant, nous voulons retenir l'essentiel parce que nous souhaitons avant tout que soient mis en oeuvre les moyens d'améliorer la sécurité routière, ce qui nous permettra d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés, à savoir réduire de moitié le nombre des tués sur nos routes.
Nous voterons donc ce projet de loi, en souhaitant que l'Assemblée nationale l'améliore encore.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons de vivre un débat intéressant et important.
Je retiendrai, comme points extrêmement positifs de ce projet de loi, la moralisation nécessaire des écoles de conduite, l'extension de la responsabilité financière du propriétaire du véhicule en cas d'excès de vitesse et de non-respect de la signalisation imposant l'arrêt et, bien sûr, la création du délit de grande vitesse en cas de récidive dans un délai d'un an, qui me paraît extrêmement importante.
Chacun m'a entendue, j'aurais aimé, pour ma part, que le texte soit durci, non pas que j'aie un goût immodéré pour la répression, je ne l'ai jamais eu, mais parce qu'il me semble qu'il doit y avoir et qu'il devra y avoir dans l'avenir des mesures peut-être encore plus fortement symboliques. Si nous voulons vraiment diviser par deux dans les cinq ans à venir le nombre de tués sur les routes - par deux, mes chers collègues, et c'est un objectif nécessaires - si nous voulons également diminuer très fortement le nombre des handicapés - nous les avons parfois perdus de vue ce soir - car il y a les morts, certes, mais il y a aussi ceux qui sont handicapés à vie et qui vivent quotidiennement dans leur chair les conséquences des accidents, nous avons besoin de changer fondamentalement les attitudes des conducteurs et de bouleverser les mentalités et les pratiques.
C'est pourquoi nous avons fait ce soir, en discutant ce texte, un premier pas qui est tout à la fois nécessaire et symbolique et qui témoigne d'un progrès important.
Les radicaux de gauche et la totalité du groupe du RDSE, à l'exception, vous l'avez entendu, de M. Lesein, voteront donc ce texte.
M. le président. La parole est à M. Machet.
M. Jacques Machet. Monsieur le ministre, je voterai ce texte.
Ce débat m'a fort intéressé, faisant partie de ces parents que Mme Dusseau a plaints tout à l'heure, c'est dire mon émotion.
Quand on quitte des parents ou des amis, on dit souvent : « On va reprendre la route ; on s'en va. » Je voudrais simplement vous rappeler les mots que j'ai vu inscrits à la porte d'une église : « On ne prend pas la route, on la partage. » (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans la discussion générale j'ai dit que je voterai ce texte sous réserve que les amendements que j'ai déposés soient acceptés et que M. le ministre s'engage sur un certain nombre de propositions concrètes concernant notamment l'amélioration du réseau des routes nationales.
Tout au long de cette discussion fort intéressante, et sous la conduite de notre excellent rapporteur, qui, comme à son habitude, a fait preuve d'un grand sang-froid, nous avons pu les uns et les autres débattre de sujets qui concernent la vie de tous nos concitoyens. Cela n'arrive pas qu'aux autres, nous pouvons tous être confrontés à un accident de la route.
Au terme de ce débat sérieux qui s'est instauré entre nous, je voudrais dire à Mme Dusseau, même si elle pense que nous, les hommes, sommes plus souvent responsables des excès de vitesse que les femmes, que son pouvoir de conviction - voire de séduction, pourquoi pas ? - (Sourires.) m'a convaincu d'un certain nombre d'avancées contenues dans ce texte.
Monsieur le ministre, vous avez pris l'engagement de poursuivre vos efforts en vue d'améliorer les infrastructures des routes nationales. A cet égard, je vous dirai que le département de la Haute-Savoie est à votre disposition pour vous montrer qu'il y a beaucoup de choses à faire concernant les routes nationales.
Ayant obtenu partiellement satisfaction grâce à l'adoption d'un amendement du Gouvernement qui atténue, dans des proportions importantes, les conséquences pécuniaires du délit en question - car je crois que l'ensemble de nos concitoyens ne sont pas à même de faire face à des amendes aussi importantes que celles qui sont prévues -, M. Cantegrit et moi-même ayant retiré notre amendement, je voterai votre projet de loi, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos débats ont bien fait ressortir que l'insécurité routière était une préoccupation de tous, un problème majeur de notre société dont l'aspect humain nous touche les uns et les autres profondément.
C'est pourquoi l'objectif de réduction de moitié du nombre de personnes tuées sur les routes en France a, me semble-t-il, reçu l'assentiment général.
Dans cette optique, le Gouvernement a présenté le présent projet de loi. Les mesures proposées seront-elles à la hauteur de l'ambition initiale ? La question reste posée, mais nous le souhaitons.
Tout en allant dans le bon sens, les dispositions du projet de loi demeurent limitées dans leur portée. J'aurais souhaité que les problèmes de prévention fussent mieux explorés. Il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine essentiel pour la sécurité routière.
Toutefois les amendements adoptés par la Haute Assemblée complètent et améliorent très utilement le dispositif prévu. Je tiens, à cet égard, à saluer le travail et les avis éclairés dont nous avons eu souvent besoin de notre excellent rapporteur, M. Lanier.
Nous avons tous conscience que l'insécurité routière n'est pas une fatalité, et tous nous voulons oeuvrer contre ce fléau.
C'est pourquoi, même s'il ne s'agit que d'une petite pierre à l'édifice, le groupe des Républicains et des Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste et du RDSE.)
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Je veux tout d'abord vous remercier, monsieur le rapporteur, et remercier aussi les membres de la commission des lois ainsi que tous ceux qui, depuis le début de l'après-midi, ont contribué à améliorer ce projet de loi.
Ce texte s'inscrit dans un ensemble de mesures. Comme cela a été dit fort justement, s'il n'y avait que ce texte, il pourrait y avoir sous-estimation d'une dimension très importante : la formation, l'éducation. Le changement des comportements auquel nous voulons parvenir doit s'apprendre dès l'école. Ces dispositions sont déterminantes et il est nécessaire de les poursuivre tout au long de la vie.
Il fallait aussi des mesures législatives. Vous les avez adoptées, et je vous en remercie.
Je vous remercie également du large consensus qui s'est dessiné, par-delà vos sensibilités, pour faire en sorte que tous les acteurs, le législateur, bien sûr, mais aussi ceux qui sont sur le terrain, à tous les niveaux, depuis l'éducation nationale jusqu'aux responsables locaux et d'entreprises, se mobilisent pour réduire de moitié le nombre des morts sur la route.
C'est un objectif ambitieux mais, après tout, il nous permettra d'être alors pratiquement au même niveau que les pays les plus avancés en matière de sécurité routière. Pour autant on n'aura pas achevé la bataille pour le droit à la sécurité, le droit de circuler en sécurité.
J'attire votre attention sur le fait que si conduire est un acte certes individuel, c'est aussi un acte social non seulement pour les enfants installés sur le siège arrière ou pour la personne assise à côté du conducteur, mais aussi pour les autres automobilistes, pour les cyclistes, pour les motards et pour les piétons.
Parvenir à une conduite apaisée est l'objectif que s'est fixé le Gouvernement. Nous y parviendrons, j'en suis sûr, à condition que toutes les volontés s'unissent avec la même détermination et que les moyens correspondants soient mis en oeuvre.
Je vous remercie encore, mesdames et messieurs les sénateurs, de votre travail et du vote positif que vous allez émettre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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