M. le président. « Art. 11 bis . _ Le f du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions du présent f s'appliquent, sous les mêmes conditions, aux logements acquis neufs ou en l'état futur d'achèvement entre le 1er janvier 1999 et le 30 juin 1999 lorsque les conditions suivantes sont réunies :
« 1. Le permis de construire prévu à l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme doit avoir été délivré avant le 1er janvier 1999 ;
« 2. La construction des logements doit avoir été achevée dans les deux ans suivant la délivrance du permis de construire.
« Pour l'application des dispositions des alinéas qui précèdent, les contribuables doivent joindre à la déclaration des revenus mentionnée au troisième alinéa une copie de la notification de l'arrêté délivrant le permis de construire et de la déclaration d'achèvement des travaux accompagnée des pièces attestant de sa réception en mairie. »
Sur l'article, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les membres du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent attirer votre attention sur la prolongation pour six mois de l'amortissement Périssol.
Nous ne voterons pas contre cet article 11 bis, alors que, vous le savez, nous sommes loin d'être des défenseurs de ce dispositif d'aide aux bailleurs privés.
L'amortissement Périssol permet aux investisseurs immobiliers d'acquérir un logement neuf en bénéficiant d'un remboursement de 80 % du coût de leur investissement avec comme seule contrepartie l'obligation de louer l'appartement pour une durée de neuf ans.
A l'échéance de ce délai de neuf années, le propriétaire privé, alors qu'il a bénéficié d'une aide de l'Etat représentant 80 % du montant du bien immobilier, peut de nouveau spéculer tranquillement.
Il ne s'agit en aucune manière de faire contribuer les bailleurs privés à l'hébergement des personnes défavorisées, ni au logement locatif dans son ensemble. C'est une mesure d'aide sans réciprocité.
Aussi, il est urgent de repenser ce dispositif et de réfléchir à la mise en place de mesures qui permettraient réellement de mettre les bailleurs privés devant leurs responsabilités face à l'important et croissant problème du logement dans notre pays.
Nous savons, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous réfléchissez en ce moment même à l'après-amortissement Périssol et à l'éventuel conventionnement qui pourrait être mis en place entre l'Etat et les bailleurs privés.
Le groupe communiste républicain et citoyen, soucieux de rassembler l'ensemble des acteurs du logement afin de mettre en oeuvre une politique efficace du logement, souhaite que le débat national sur le logement, prévu pour le 5 juin 1998, soit l'occasion de discuter et de réfléchir ensemble au statut des bailleurs privés, pour que ceux-ci jouent un rôle plus important au sein du parc locatif. En effet, nous ne pouvons décemment continuer à attribuer des aides aux investisseurs immobiliers sans contrepartie importante pour la collectivité.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° 80 rectifié bis, Mme Bardou, MM. Balarello, Carle, Clouet, Emin, Pépin et de Rocca Serra proposent :
I. - Dans le premier alinéa du texte présenté par l'article 11 bis pour compléter le f du 1° de l'article 31 du code général des impôts, de remplacer la date : « 30 juin 1999 » par la date : « 30 juin 2000 ».
II. - De rédiger ainsi le deuxième alinéa (1) du même texte :
« 1. Le permis de construire doit avoir été déposé avant le 1er janvier 1999. »
III. - De rédiger ainsi le troisième alinéa (2) du même texte :
« 2. La construction doit être achevée avant le 31 décembre 2000. »
IV. - Dans le quatrième et dernier alinéa du même texte, de remplacer les mots : « de la notification de l'arrêté délivrant le permis de construire » par les mots : « du récépissé du dépôt du permis de construire ».
V. - Pour compenser les pertes de recettes résultant de l'application des paragraphes ci-dessus, de compléter l'article 11 bis par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes éventuelles résultant des modifications du délai d'achèvement de la construction de logements sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Par amendement n° 204, M. Lambert, au nom de la commission des finances, propose :
A. - De rédiger ainsi le troisième alinéa (2) du texte proposé par l'article 11 bis pour compléter le f du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts :
« 2. La construction des logements doit avoir été achevée avant le 1er janvier 2001. »
B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant de l'application du A ci-dessus, de compléter l'article 11 bis par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes éventuelles résultant de la modification du délai d'achèvement de la construction des logements sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
C. - En conséquence, d'insérer au début de cet article la mention : « I. - ».
Par amendement n° 146, M. Le Grand propose de rédiger ainsi le troisième alinéa (2) du texte présenté par l'article 11 bis pour compléter le f du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts :
« 2. La construction des logements doit être achevée le 31 décembre 2000. »
Par amendement n° 151, MM. Baylet et Collin proposent, dans le troisième alinéa (2) du texte présenté par l'article 11 bis pour compléter le f du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, de remplacer les mots : « dans les deux ans suivant la délivrance du permis de construire. » par les mots : « dans un délai de deux ans à compter du 31 décembre 1998. »
La parole est à M. Balarello, pour présenter l'amendement n° 80 rectifié bis.
M. José Balarello. Compte tenu de la poursuite de la crise du bâtiment et des travaux publics, je suis de ceux qui pensent qu'il convenait de pérenniser pendant encore quelques années le dispositif Périssol.
Quoi qu'il en soit, afin de garantir aux professionnels la lisibilité nécessaire pour leurs décisions d'investissement, il est proposé, par cet amendement, de proroger de manière transitoire le régime de la déduction au titre de l'amortissement, en tenant compte, d'une part, des délais qui sont habituellement pratiqués par le secteur du BTP pour mener à bien une opération et, d'autre part, des délais de mise en place du régime d'imposition appelé à remplacer le régime actuel et dont les modalités d'application ne seront pas connues avant le 1er semestre 1999.
Aussi, pour éviter que la production de logements neufs ne subisse un coup d'arrêt, apparaît-il souhaitable que le dispositif transitoire concerne les acquisitions réalisées entre le 1er janvier 1999 et le 30 juin 2000, sous la double condition que le permis de construire ait été déposé avant le 1er janvier 1999 et que la construction soit achevée avant le 31 décembre 2000.
Cette rédaction a également pour objet de prendre en compte les opérations de construction par tranches qui sont déjà engagées.
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il en résulterait pour l'Etat d'importantes recettes au titre de la TVA.
M. le président. La parole est à M. Lambert, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 204.
M. Alain Lambert, rapporteur. L'article adopté par l'Assemblée nationale vise à soumettre le bénéfice de la prorogation du régime d'amortissement au respect d'un délai de deux ans entre la délivrance du permis de construire et l'achèvement des travaux.
Or, certaines opérations de commercialisation, ou dont la commercialisation pourrait intervenir entre le 1er janvier 1999 et le 30 juin 1999, bénéficient actuellement de permis de construire déjà anciens. C'est notamment le cas des opérations qui sont réalisées par tranches. Ces opérations pourraient bénéficier de la prorogation de l'amortissement si la contrainte d'achèvement dans les deux ans suivant la délivrance du permis de construire était remplacée par la date fixe du 1er janvier 2001. C'est l'objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 146 est-il soutenu ?...
L'amendement n° 151 est-il soutenu ?
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 80 rectifié bis ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Le paragraphe I de cet amendement vise à prolonger d'un an la période pendant laquelle les logements pourront être commercialisés. Le paragraphe III tend à retenir la date de réception du permis de construire, plutôt que la date de délivrance.
Ces modifications ne sont peut-être pas les meilleures. En effet, lorsque les logements seront commercialisés peu avant le 30 juin 2000, la condition d'achèvement avant le 31 décembre 2000 sera en pratique difficile à tenir. Cela pourrait entraîner, avant le 1er janvier 1999, un afflux de demandes de permis de construire pour des réalisations éloignées dans le temps et pour lesquelles de telles conditions de prorogation se justifieraient moins.
Quant au paragraphe II de l'amendement, il est satisfait, me semble-t-il, par l'amendement de la commission.
C'est pourquoi, tout en mesurant que l'amendement de la commission ne recouvre pas la totalité de vos préoccupations, je vous demande, monsieur Balarello, de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui de la commission, qui répond partiellement à vos préoccupations.
M. le président. Monsieur Balarello, l'amendement n° 80 rectifié bis est-il maintenu ?
M. José Balarello. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 80 rectifié bis est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 204 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le débat se circonscrit donc à l'amendement qui a été présenté par M. le rapporteur.
Je voudrais rappeler l'état d'esprit du Gouvernement.
L'amortissement qui a été institué à l'initiative du gouvernement précédent était, de par la volonté même de ce dernier, expérimental et temporaire. L'expérience a montré que ce dispositif constituait une véritable niche fiscale, qui, dans l'esprit du Gouvernement, ne peut pas être reconduite en l'état. C'est pourquoi nous travaillons à la mise au point d'un nouveau dispositif qui soit véritablement ciblé sur l'investissement locatif durable, équilibré et juste, avec la volonté, partagée avec la Haute Assemblée, de l'impact sur l'emploi.
C'est précisément pour éviter une période transitoire, un risque de chute brutale des mises en chantier et donc un problème d'emploi dans cette activité que, à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a donné son accord à un amendement visant à proroger de six mois le régime de la déduction au titre de l'amortissement. Cela me paraît suffisant.
Je vous indique, par ailleurs, que l'activité du secteur du bâtiment est heureusement repartie et que l'on escompte à cet égard une progression de 3 % en 1998.
L'attribution d'une sorte de prime à des projets anciens dont la commercialisation est difficile ne me paraît pas absolument prioritaire du point de vue de l'emploi. C'est la raison essentielle, avec le souci de justice sociale, qui me fait demander le retrait de cet amendement, sur lequel le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. Alain Lambert, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lambert, rapporteur.
M. Alain Lambert, rapporteur. Ce projet de loi portant DDOEF nous permet d'examiner des articles sur lesquels nous sommes en accord avec le Gouvernement. Cependant, monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant de la question évoquée en cet instant, je me sens en désaccord total avec ce que vous venez de dire, comme avec les propos que vous aviez tenus lors de la discussion générale.
Au fond, j'ai le sentiment - mais je ne voudrais pas vous soupçonner, car ce ne serait pas moralement convenable - que vous éprouvez un doute quant à l'opportunité d'accorder un avantage fiscal à celui qui investit dans un logement en vue de le louer. Eh bien, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut avoir les idées claires : soit l'on juge qu'il faut construire des logements pour les louer, et il ne faut alors pas regretter d'attribuer des avantages fiscaux, soit l'on estime que ce n'est pas nécessaire. Mais il faut choisir.
Nous avons besoin, dans notre pays, de logements...
M. Paul Loridant. Sociaux !
M. Alain Lambert, rapporteur. ... sociaux et aussi de logements locatifs.
Aujourd'hui, des locataires ne relevant pas du logement social demandent à y être logés en raison de l'insuffisance de l'offre de logement locatif privé « classique ».
M. Philippe Marini. C'est clair !
M. Alain Lambert, rapporteur. Ayons donc une attitude claire, ce qui ne sous-entend pas de ma part que l'attitude du Gouvernement est ambiguë : j'ai bien compris, en effet, que nous avions des philosophies tout à fait différentes en cette matière.
La position de la commission des finances du Sénat est en tout cas tout à fait claire : le parc locatif privé en France est insuffisant. Les propriétaires privés, qui jouent un rôle social évident pour loger les Français, se découragent. Ils ont été maltraités,...
M. Paul Loridant. Les pauvres gens !
M. Alain Lambert, rapporteur. ... et ce depuis des décennies. Je rappellerai à mes collègues qui semblent être émus par mes propos que 85 % du parc locatif français sont détenus par des propriétaires ne possédant pas plus de deux logements. Vous pouvez penser ce que vous voulez du droit de propriété. Mais en matière de logement, certains propriétaires ont des ressources moindres que leurs locataires !
Un sénateur du RPR. Bien sûr !
M. Alain Lambert, rapporteur. Considérer que, de toute façon, le propriétaire a les moyens de payer et que les avantages fiscaux lui étant alloués sont exorbitants est à mon avis un peu facile, et c'est bien souvent commettre une erreur en voulant se donner bonne conscience.
Ayant bien compris votre état d'esprit, monsieur le secrétaire d'Etat, je vais essayer de vous exprimer le nôtre, qui est différent.
La commission des finances considère que des dispositifs doivent encourager l'acquisition de logements en vue de les louer.
Je n'ai pas entendu quel était le calendrier pour la réforme que vous envisagez, et je dois dire qu'une réponse précise sur ce sujet apaiserait nos craintes. En effet, la priorité de la commisssion des finances est précisément d'éviter toute rupture dans le mécanisme de soutien à l'investissement locatif - c'est ce qui lui paraît le plus dangereux - et d'obtenir le respect, en matière immobilière, d'une certaine stabilité fiscale, nécessaire à la visibilité des investisseurs immobiliers dont l'action s'inscrit sur le long terme.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux pas être excessif dans mes propos : la commission des finances du Sénat a, en ce domaine, je vous l'assure, une vision très claire. Elle pense qu'il est bon de soutenir l'investissement locatif en France, parce que c'est un bon investissement, y compris pour les deniers de l'Etat.
Vous avez parlé du coût du dispositif existant. Or, sa prolongation sur six mois, selon mes calculs, ne coûtera que 200 millions de francs répartis entre 2000 et 2001, ce qui, à mes yeux - et pourtant, Dieu sait si je suis économe ! - est peu, lorsque l'on sait que 85 % des 40 000 logements locatifs neufs construits en 1997 auront bénéficié du régime de cet amortissement.
Il s'agit donc de soutenir l'activité - M. Balarello l'a dit clairement - et d'offrir des logements locatifs, qui sont demandés par les Français. Or, les constructions qui ne résulteront pas de l'initiative privée devront être réalisées par l'initiative publique, laquelle, en général, coûte plus cher que l'initiative privée !
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Puisque notre débat est franc et loyal, je voudrais préciser mon propos concernant l'amortissement Périssol.
Il se trouve que j'ai trouvé dans ma boîte à lettres une publicité, qui n'était pas spécialement destinée aux propriétaires modestes que vous exaltez : « Achetez un appartement dans une résidence de tourisme ; vous n'en paierez que le tiers. Pour les deux autres tiers, d'autres s'en chargent ! », pouvait-on lire.
Le débat entre nous ne porte pas du tout sur l'intérêt d'inciter des propriétaires privés à investir dans des des logements locatifs à but social : le Gouvernement, sur ce point, est entièrement d'accord. Le problème ne concerne pas non plus l'activité du secteur du bâtiment et des travaux publics puisque c'est précisément pour soutenir cette dernière que le Gouvernement a proposé de prolonger pendant une période de six mois le dispositif Périssol.
Je reprendrai simplement une phrase que vous avez prononcée avant la suspension de nos travaux, monsieur le rapporteur général : « L'enfer est pavé de bonnes intentions », avez-vous dit. Je considère pour ma part que le dispositif Périssol comporte des pavés trop dorés, et qu'il faut le recentrer sur les logements locatifs privés à caractère social. Je vous promets que nous vous ferons, des propositions à la fois justes du point de vue social et dynamiques du point de vue économique.
Nous sommes donc dans un désaccord franc et loyal ; je l'accepte volontiers ; mais je tenais à apporter ces précisions.
M. Alain Lambert, rapporteur. Vous ne nous avez pas communiqué le calendrier, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 204, repoussé par le Gouvernement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11 bis, ainsi modifié.
(L'article 11 bis est adopté.)
Article 11 ter