Séance du 12 mai 1998
M. le président. Je suis saisi d'une motion n° 1, présentée par M. Souvet, au nom de la commission, et tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« Considérant que, lors de l'examen du présent projet de loi, tant en première qu'en seconde lecture, le Sénat a souhaité faire prévaloir le dialogue social et une réduction négociée et équilibrée de la durée effective du travail ;
« Considérant que le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, comme le texte du projet de loi initial du Gouvernement, entend, au contraire, procéder à un abaissement général et autoritaire de la durée légale du travail ;
« Considérant que, ce faisant, le projet de loi fausse les termes de la négociation entre les partenaires sociaux, dont dépend pourtant, selon le Gouvernement lui-même, la réussite d'une politique de réduction du temps de travail ;
« Considérant que les conséquences concrètes de cette décision ont été renvoyées à une loi ultérieure, qu'il s'agisse du contingent autorisé des heures supplémentaires, du taux exact de leur majoration ou encore d'une question aussi fondamentale que la nature du SMIC et son évolution ; qu'en conséquence les partenaires sociaux ignorent la teneur des contraintes qui pèseront ainsi sur eux ;
« Considérant que la démarche adoptée par le Gouvernement a eu ainsi pour premier effet de bloquer le dialogue social et d'entretenir l'attentisme ;
« Considérant qu'en dépit du dispositif d'incitation financière dont il est assorti, et dont le coût pour les finances publiques n'a pas été chiffré, le projet de loi compromet les effets escomptés sur l'emploi d'une politique de réduction du temps de travail adaptée à la diversité des situations des entreprises et des salariés, qu'il risque d'avoir un effet inverse en raison, notamment, de l'alourdissement du coût du travail le moins qualifié qui résulterait du principe des "35 heures payées 39 heures" ;
« Considérant que la réduction autoritaire de la durée du travail de même que le dispositif d'incitation financière proposé sont particulièrement inadaptés à la situation des petites et moyennes entreprises, dont chacun sait qu'elles constituent le gisement des emplois de demain ;
« Considérant que, de surcroît, le seuil retenu de 20 salariés pour une entrée en vigueur différée de la nouvelle durée légale du travail n'a pas de sens alors même que la Commission européenne préconise le seuil de 50 salariés pour définir la petite entreprise et le seuil de 250 salariés pour définir les moyennes entreprises ;
« Considérant que le choix d'abaisser la durée légale du travail entraîne l'extension de cette mesure, d'ores et déjà acceptée dans son principe, à l'ensemble des fonctions publiques et est porteur à ce titre d'une détérioration des comptes publics, notamment des collectivités territoriales et de la sécurité sociale ;
« Considérant, en outre, que l'application de la nouvelle durée légale du travail aux associations, notamment dans le secteur médico-social, grèvera une nouvelle fois le budget des collectivités locales au titre des subventions qu'elles devront leur accorder ;
« Considérant que la démarche dans laquelle s'est engagé le Gouvernement et dans laquelle il engage notre pays se situe en marge des lignes directrices pour l'emploi adoptées par les partenaires européens au sommet de Luxembourg, lignes directrices qui n'évoquent la réduction du temps de travail que pour la placer résolument dans le cadre de négociations entre les partenaires sociaux visant à la "modernisation de l'organisation du travail" et "au soutien à la capacité d'adaptation des entreprises" ;
« Considérant que cette démarche se situe à l'opposé des analyses économiques tant de l'OCDE que du FMI, ce dernier estimant que la loi française sur les 35 heures "devrait aggraver le problème du chômage structurel plutôt que le résorber" ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a souhaité, de surcroît, ouvrir, de façon confuse et précipitée, un débat sur la définition du temps de travail effectif ; qu'en définitive le texte qu'elle a retenu en nouvelle lecture s'écarte des termes de la directive européenne ;
« Considérant que, en dépit de l'ampleur des débats auxquels a donné lieu le projet de loi, des incertitudes et des dangers qu'il comporte, de l'inquiétude des agents économiques et des partenaires sociaux et des interrogations des partenaires économiques de notre pays, l'Assemblée nationale a rétabli, en nouvelle lecture, l'essentiel du texte initial proposé par le Gouvernement ; que ce faisant elle a déjà dit son dernier mot ;
« En conséquence, en application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail (n° 418, 1997-1998). »
Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la Commission saisie au fond et le Gouvernement.
La parole est à M. le rapporteur, auteur de la motion.
M. Louis Souvet, rapporteur. J'ai, me semble-t-il, suffisamment explicité, au cours de la discussion générale, les raisons qui ont motivé le dépôt de cette motion, dont vous venez, au surplus, de lire les considérants, monsieur le président, pour ne pas avoir à ajouter d'autres commentaires.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard, contre la motion.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l'examen du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail, la majorité des membres de la commission des affaires sociales et la majorité sénatoriale ont souhaité clore notre débat par le dépôt d'une motion tendant à opposer la question préalable, la discussion en commission mixte paritaire s'étant soldée par un constat de désaccord.
Je reviendrai sur certains arguments étayant la motion afin de souligner certaines contradictions qui caractérisent les griefs formulés à l'encontre de ce projet de loi.
La majorité de cette assemblée reproche tout d'abord au Gouvernement et à la majorité parlementaire de faire preuve d'autoritarisme en abaissant par voie légale la durée hebdomadaire du temps de travail.
Nos discussions ont été l'occasion de rappeler que, en France, c'était à la loi républicaine de définir ce repère essentiel qu'est la durée du temps de travail et d'en encadrer les différentes modalités d'aménagement conventionnel afin d'éviter les dérives.
La légitimité de l'intervention du législateur dans ce domaine ne peut donc être remise en cause.
C'est d'autant plus vrai que la démarche du Gouvernement ouvre un vaste champ aux négociations entre les partenaires sociaux, qui, sur le terrain, auront la responsabilité de mettre en oeuvre l'objectif des 35 heures.
M. le Premier ministre rappelait devant les préfets, le 21 avril dernier, que la « loi avait pour but non pas d'organiser elle même le temps de travail dans l'entreprise, ... mais de susciter, dès à présent, un vaste mouvement de négociations au niveau des entreprises pour une réduction rapide et importante du temps de travail, créatrice d'emplois. Sans cette loi, ce mouvement... ne s'engagerait pas spontanément. »
La réduction du temps de travail est donc une des piste que le Gouvernement entend pleinement exploiter pour lutter contre un chômage qui frappe près de 12,7 % de nos concitoyens. Sa mise en oeuvre exige une mobilisation d'envergure, une mobilisation générale.
On nous dit, par ailleurs, que le Sénat a « souhaité faire prévaloir le dialogue social et une réduction négociée et équilibrée de la durée effective du travail ».
Se contenter d'en appeler au dialogue social, mes chers collègues, ne suffit pas, surtout dans notre pays. Chacun connaît, en effet, les pesanteurs, les clivages qui caractérisent la négociation collective. Les bilans quantitatifs de la loi quinquennale de 1993 et de la loi Robien en sont une illustration probante.
Il est indispensable de se donner les moyens d'insuffler un nouvel élan à ce dialogue social, en renforçant son champ d'intervention, en modernisant les outils de la négociation à la disposition des partenaires sociaux.
La loi devrait permettre d'améliorer les procédures existantes, en encourageant le recours au mandatement dans les entreprises dépourvues de délégués du personnel, ou en organisant, pour les unités de moins de cinquante salariés, les lieux de négociation au niveau local, départemental, professionnel ou interprofessionnel.
Je relève que la majorité de cette assemblée s'est opposée à ces deux mesures visant, précisément, à relancer le dialogue social dans les PME.
La commission des affaires sociales estime que l'attitude du Gouvernement a eu pour conséquence de bloquer ce dialogue social. Or, que constatons-nous depuis quelques semaines, depuis, en fait, que les principaux contours du texte sont arrêtés ?
Les partenaires sociaux sont en train de se mobiliser afin d'engager le plus rapidement possible le mouvement des négociations.
De plus, les organisations syndicales multiplient les rencontres visant à former leurs responsables ; certaines éditent des guides, d'autres mettent en place un numéro vert.
Les employeurs font appel à des cabinets de consultants afin de préparer la signature d'accords, sachant qu'un accord type Robien nécessitait en moyenne six mois de réflexion, de discussions et de négociations.
Au-delà des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, le service public de l'emploi participera activement à cette phase cruciale grâce à l'intervention, en amont, de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail.
On le voit donc, chaque acteur de la négociation se prépare à être opérationnel dès l'entrée en vigueur de la loi et de ses textes d'application.
Il est par ailleurs reproché au projet de loi son inadaptation à la diversité des entreprises et des salariés.
Dans la motion, est évoquée la situation des emplois peu qualifiés. A cet égard, je voudrais rappeler à la majorité de notre assemblée qu'elle a, dans ses contre-propositions, substitué au dispositif d'abattement forfaitaire, visant justement à favoriser l'emploi de salariés peu qualifiés, un dispositif d'abattement calculé en pourcentage, plus favorable aux entreprises employant des salariés hautement qualifiés.
Lorsque le Gouvernement propose des incitations financières majorées pour encourager les entreprises de main-d'oeuvre à passer aux 35, ou aux 32 heures, lorsque l'Assemblée nationale propose des majorations pour des publics en grande difficulté, tels que les chômeurs de longue durée, la majorité du Sénat vote contre ces aménagements.
Je ne reviendrai pas sur la possibilité de cumuler les incitations à la réduction du temps de travail avec la ristourne dégressive sur les bas salaires ou avec les CES.
Notre rapporteur estime également que le dispositif d'incitations financières n'est pas adapté aux petites et moyennes entreprises.
Or le travail parlementaire a précisément contribué à enrichir les modalités d'application de l'ensemble de la loi aux petites et moyennes entreprises : en différant la date d'entrée en vigueur pour les entreprises qui franchiraient le seuil de vingt salariés en 2000 et 2001 ; en renforçant l'intervention financière de l'Etat dans les entreprises de main-d'oeuvre et en octroyant une aide à l'ingénierie qui devrait atteindre 208 millions de francs ; en adaptant la contrepartie en embauches, qui pourra se réaliser sous forme de temps partiel dans les petites unités ou dans le cadre de groupements d'employeurs pour les petites et moyennes entreprises de moins de 300 salariés ; enfin, en prévoyant des modalités de négociation spécifique dans les petites entreprises, car chacun sait que c'est dans ces unités, où la représentation syndicale est particulièrement faible, que se gagnera la bataille des créations d'emplois. C'est dans ce milieu qu'il convient de donner de la vigueur à la démocratie sociale. Le défi est d'importance pour notre pays. Il est aussi de notre responsabilité de le relever.
La France isolée ! C'est un slogan que l'on a beaucoup entendu lors de ces discussions, et encore aujourd'hui.
Au-delà des gouvernements belge ou italien, qui situent leur action dans une démarche identique à la nôtre, je note que la puissante fédération IG Metal, en Allemagne, souhaite engager de nouvelles négociations sur la base des 32 heures.
La démarche de la réduction du temps de travail se situerait, par ailleurs, en marge des lignes directrices pour l'emploi adoptées lors du sommet de Luxembourg.
Les conclusions de ce sommet évoquent la réduction du temps de travail dans la perspective de « la modernisation du travail et du soutien à la capacité d'adaptation des entreprises ».
J'avoue ne pas comprendre en quoi cette orientation serait en contradiction avec le texte de loi. Précisément, nous n'avons eu de cesse d'affimer, durant tout ce débat, que la remise à plat de l'organisation du travail dans l'entreprise était une condition essentielle de la réussite du plan proposé dans ce projet de loi.
Il s'agit, en effet, de lui permettre de mettre les entreprises en capacité d'améliorer leur compétitivité afin de gagner des parts de marché et de dégager des marges suffisantes, à la fois pour permettre l'investissement, créer de l'emploi et améliorer les conditions de travail.
La modernisation des entreprises n'est pas une fin en soi ; elle n'a de sens que si elle est mise au service de l'homme.
La question préalable que vous soumettez au vote de notre assemblée est pour nous irrecevable tant est grave pour notre société le problème du chômage et tant il est urgent de tout mettre en oeuvre pour le réduire le plus possible. Il désagrège le lien social, il crée l'insécurité, il génère la souffrance chez nos concitoyens.
Pour ce qui nous concerne, nous ne prendrons pas la responsabilité de renoncer à la mise en oeuvre de mesures susceptibles de combattre ce mal, ni même de la différer. Nous voterons donc contre cette question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ne s'étonnera que je soutienne la question préalable adoptée par la majorité de la commission des affaires sociales, et ce bien que cette majorité soit favorable à la réduction du temps de travail ; elle considère en effet que c'est une tendance lourde de toutes les économies développées.
Elle a prouvé son attachement à cette réduction non pas par des discours, mais en adoptant, parfois contre de fortes oppositions - même les vôtres, chers collègues de l'opposition ! - la loi du 11 juin 1996, dite couramment « loi Robien », qui s'est traduite par un certain nombre d'accords intéressant 250 000 salariés - excusez du peu, pour une si courte période ! - et qui créé dans nombre d'entreprises, grandes ou moyennes, de nouveaux comportements de partenariat entre les dirigeants et leurs salariés, visant à l'amélioration des conditions de travail et à l'embauche de nouveaux salariés.
La majorité de la commission des affaires sociales a toujours estimé, comme, d'ailleurs, tous nos partenaires européens - M. Souvet l'a rappelé tout à l'heure - en particulier les experts de la Commission de Bruxelles, que la réduction de la durée du travail ne pouvait se concevoir que si elle était négociée, diversifiée, adaptée, car, dans notre monde moderne et face à la mondialisation, toute référence uniforme, obligatoire, calendaire, a un caractère obsolète qui détone et qui est incompatible avec les contraintes auxquelles sont soumis les marchés.
A tous les arguments présentés par notre excellent rapporteur, Louis Souvet, j'en ajouterai deux.
Le premier - il n'est pas de moi - est le constat d'un très grand bureau d'études en matière de négociation sociale, dont, d'ailleurs, le directeur fait plutôt partie de ceux qui soutiennent l'actuel gouvernement. Selon lui, le délai d'un an et demi fixé par le présent projet de loi pour les entreprises de plus de vingt salariés afin d'aboutir à une négociation globale sur l'aménagement du temps de travail et sa réduction éventuelle, ainsi que sur leur réorganisation, est un délai beaucoup trop court. Il estime qu'il eût été nécessaire de prévoir un délai d'au moins trois ans - celui qui sera accordé aux entreprises de moins de vingt salariés - et que cette précipitation risque de compromettre l'objectif visé.
Je pense moi aussi qu'un délai d'un an et demi, qui aurait été possible pour de très grandes entreprises déjà habituées à des négociations sociales et à la réorganisation de leurs productions ou de leur commercialisation, est tout à fait inadapté pour des entreprises de taille moyenne.
Je rappelle, monsieur le ministre, qu'aux termes des directives européennes sont considérées comme petites et moyennes entreprises, celles qui emploient jusqu'à deux cent cinquante salariés. Là, nous démarrons avec un nouveau seuil, celui de vingt salariés. Les entreprises comptant de vingt à mille salariés auront d'énormes difficultés à appliquer ce texte et les négociations seront sans doute moins positives que ne le dit le Gouvernement.
J'en arrive à mon second argument.
Nous nous sommes placés, tout au long du débat, que ce soit au Sénat ou à l'Assemblée nationale, dans une espèce de dialectique curieuse, qui m'étonne toujours : la loi doit jouer un rôle moteur dans l'accélération des négociations syndicales... à cause des caractéristiques du patronat français... de son retard intellectuel, etc. Mais chaque fois qu'un problème difficile surgit, il convient de s'en remette à la jurisprudence établie par la chambre sociale de la Cour de cassation !
M. Gérard Braun. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Ainsi, pour la définition du travail effectif, le législateur est renvoyé aux conclusions des travaux de la chambre précitée !
Nous sommes dans une culture totalement juridique : le loi d'un côté, qui doit déclencher, et la jurisprudence de l'autre, qui doit préciser.
Or nous sommes confrontés à une compétition économique, industrielle et de services qui est aujourd'hui mondialisée. Le plus important, c'est l'offre et la demande de produits et de services sur le marché, ce sont les coûts et la possibilité de créer des emplois dans les technologies nouvelles, dans les services marchands, dans les secteurs qui peuvent se développer, et l'on raisonne toujours en termes de loi et de jurisprudence, pour des secteurs anciens, comme si nous n'étions pas soumis à une accélération formidable du développement et du changement des produits, des métiers, des entreprises et des technologies.
Cette espèce de divorce qui a dominé tous les débats m'étonne. Cela risque de se traduire, monsieur le ministre, avec le problème du temps réduit qui figure dans le texte, par des insuffisances et des échecs des négociations qui vont s'ouvrir.
Ces négociations - M. Souvet l'a rappelé - vont bloquer sur le problème du SMIC. J'ai noté que certaines organisations syndicales, ou certains dirigeants syndicaux, souhaitent que le SMIC soit immédiatement majoré de 11,2 % ; d'autres, au contraire, estiment qu'il faudrait aller un peu moins vite. Quoi qu'il en soit, c'est une contrainte formidable puiqu'elle va dominer l'ensemble de la négociation.
S'agissant du contingent d'heures supplémentaires, c'est l'inconnu.
Quant au problème du temps partiel, le souci moralisateur - la protection des catégories les plus fragiles, etc. - va se traduire par la réduction du recours au temps partiel.
Ces trois éléments ne sont pas favorables à l'ouverture et, surtout, à la bonne conclusion des négociations.
Il reste que le Gouvernement a tenu absolument à traduire dans un texte l'engagement qu'il avait pris devant les électeurs. C'est bien du point de vue de la morale politique, mais j'ai peur que cela ne soit inefficace du point de vue des effets économiques.
Je pense que le texte qui nous arrive en troisième lecture est davantage le ciment de la majorité plurielle que l'amorce d'une modification profonde des rapports sociaux dans notre pays.
Monsieur le ministre, il reste au Gouvernement un an et demi pour proposer les dispositifs d'ajustement qui seront nécessaires du fait des divergences de positions au sein des organisations syndicales. Tous ceux qui ont participé aux auditions auxquelles nous avons procédé ont parfaitement compris les différences considérables qui pouvaient exister entre les positions de la CGT et de FO, d'un côté, et celle de la CFDT, de l'autre. Les négociations seront donc difficiles.
Il reste à espérer que, confronté à la modération salariale, qui est l'une des conditions fondamentales de la création d'emplois, le Gouvernement, lorsqu'il préparera le deuxième texte, celui qui permettra de mettre au point les modalités d'application, reviendra à la réalité et s'écartera des mythes et de l'idéologie.
Aujourd'hui, en troisième lecture, il nous appartient de prendre date et de montrer que le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale n'a pas la moindre chance de susciter des créations d'emplois tant il est mal « fagoté », tant il est étranger aux préoccupations des chefs d'entreprise.
Mes chers collègues, espérons qu'après un certain nombre de mois de négociation le Gouvernement retrouvera le chemin du réalisme. Je l'espère pour la baisse du chômage et le développement de notre pays. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur la motion n° 1 ?
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de ce débat qui, d'une certaine manière, a lieu dans un climat plus apaisé que celui que l'on aurait pu connaître en 1993. En effet, beaucoup de choses ont évolué depuis cette campagne des élections législatives qui voyait les uns et les autres s'opposer d'une manière plus radicale sur cette idée de réduction du temps de travail.
Depuis, c'est vrai, il y a eu la loi quinquennale et un certain amendement Chamart.
Depuis, c'est vrai, il y a eu la campagne des élections présidentielles et un fameux discours social tenu par Jacques Chirac, alors candidat à l'élection présidentielle, à la porte de Versailles, qui évoquait la réduction du temps de travail.
Depuis, c'est vrai, il y a eu la loi Robien, qui montrait que cet instrument visant à permettre la création d'emplois n'était plus un argument d'opposition farouche entre les uns et les autres, mais que celles et ceux qui avaient dénié à la gauche l'idée de pouvoir se servir de cet instrument en revenaient à des positions plus raisonnables sur ce sujet de la réduction du temps du travail.
Aujourd'hui, à l'occasion de cette nouvelle lecture, nous constatons des différences entre la droite et la gauche dans la manière d'appréhender la réduction du temps de travail. C'est un bien pour la démocratie.
Mais je relève, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que vos arguments pourraient être présentés de manière tout à fait différente.
Pour ce qui est de la position de la Commission européenne, je tiens à vous donner lecture d'un extrait du rapport économique de 1998 qu'elle a adopté récemment, le 25 février 1998 :
« Toutefois, la mise en oeuvre de mesures spécifiques de réduction du temps de travail au niveau microéconomique ne doit pas être exclue pour autant, si cette réduction est justifiée par les conditions locales et si elle est négociée par les partenaires sociaux.
« Dans ce contexte, certaines initiatives suggèrent que des mesures qui combinent, d'une part, une réduction du temps de travail accompagnée de créations d'emplois avec, d'autre part, des avantages fiscaux donnent des résultats positifs. »
Je ne demande pas à des technocrates d'émettre un autre jugement sur le texte que nous vous proposons aujourd'hui. En outre, mesdames, messieurs les sénateurs, comme d'autres, je dirai qu'en dehors de l'approche des membres de la Commission et des décisions prises par un certain nombre de fonctionnaires à Bruxelles, il faut que le politique existe.
Ainsi, suivant l'exemple de M. le Président de la République, qui a su faire entendre la voix de la France pour s'opposer à un certain nombre de nominations technocratiques à la Banque européenne, j'ai tendance à dire qu'à côté des analyses ou des décisions des technocrates il est bon que les responsables politiques occupent leur place et indiquent la direction qu'ils souhaitent suivre. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai la faiblesse de penser que, dans ce combat, le Gouvernement français n'est pas isolé.
Voilà quelques semaines, je me suis rendu en Italie, à l'invitation de M. Romano Prodi. A cette occasion, je me suis rendu compte que, grâce à un climat social différent, les organisations syndicales et patronales ayant l'habitude de négocier ensemble, il a leur été possible de se rencontrer, de discuter et d'aboutir à une approche commune sur la réduction du temps de travail.
Il convient également de relever la démarche des organisations syndicales allemandes, qui ont inscrit à l'ordre du jour pour les années 2000 la réduction du temps de travail à 32 heures et la semaine de quatre jours.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce grand et beau combat, le Gouvernement français n'est pas isolé.
Je traiterai maintenant de la grande question, à savoir de la répercussion d'une telle décision sur les entreprises françaises et sur les résultats économiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'est guère dans mes habitudes d'appeler la Bourse à la rescousse. Il n'en demeure pas moins que je ne pense pas que, si les capitalistes de tous bords, les fonds de pension américains notamment, avaient l'impression que l'économie française est sur le point de s'écrouler, nous aurions, comme nous l'avons fait hier, enregistré un record historique du CAC 40.
M. Jean Chérioux. Il ne s'agit pas des PME, il s'agit là de grosses entreprises !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. Je ne crois pas que ce soient simplement les grosses entreprises. Il suffit de regarder ce qui se passe sur le second marché, où des entreprises connaissent aujourd'hui des résultats également exceptionnels. Mais laissons la Bourse, si vous le voulez bien, pour appeler à la rescousse, afin de vous donner l'envie de soutenir ce texte, le rapport du FMI, un rapport qui tient compte des 35 heures.
Les prévisions du FMI pour 1999 retiennent, pour l'ensemble des pays industrialisés du G7, une croissance de 2,2 % et, pour la France, une croissance de 3 %.
Croyez-vous réellement, mesdames, messieurs les sénateurs, que si les prévisionnistes pensaient que le texte que j'ai l'honneur de défendre aujourd'hui devait avoir les conséquences néfastes qu'un certain nombre d'entre vous ont décrites, ils pronostiqueraient une croissance de 3 % pour la France, qui correspond également à un record historique ?
Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne me flatte pas plus qu'il ne le faudrait de ce record historique envisagé. En effet, malgré ces 3 % de croissance, le chômage resterait à un niveau trop important. Nous savons effectivement les uns et les autres que, si nous devions attendre les effets de la seule croissance pour réduire le nombre de demandeurs d'emploi, cela demanderait des dizaines d'années, ce qui n'est pas supportable dans un pays qui compte entre 3 millions de chômeurs et 5 millions d'exclus. C'est pour cette raison que le Gouvernement a déposé ce projet de loi, pour cette raison essentielle, au-delà de la parole donnée ou des engagements pris dans le cadre des accords de la majorité plurielle.
Donc,non seulement ce texte n'est pas condamné par les différents observatoires internationaux, non seulement ce texte ne nous isole pas sur le plan international, mais, parce qu'il va permettre de reprendre le chemin de la négociation dans les entreprises, il sera un formidable outil de modernisation de la démocratie sociale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, profitant de la célébration du trentième anniversaire de mai 1968, je voudrais vous faire remarquer que, selon notre tradition, hélas ! - c'est culturel, je ne pense pas que ce soit par manque d'intelligence de la part du patronat - les grandes avancées sociales négociées par les partenaires sociaux, les syndicats et le patronat, se réalisent à l'occasion de grandes ruptures de la société française.
Depuis les accords de Grenelle et mai 1968, quels sont les grands textes sociaux, quelles sont les grandes avancées sociales qui ont abouti par la négociation ? On peut les compter sur les doigts d'une seule main. Il a dû y avoir un ou deux textes sur la formation professionnelle !
C'est pour tenir compte de cette spécificité française que nous avons souhaité, par ce projet de loi, donner une impulsion au débat qui doit avoir lieu entre organisations syndicales et patronat.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant qu'ancien membre de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale et, aujourd'hui, en tant que membre du Gouvernement, je fais partie des élus de gauche qui se veulent pragmatiques.
Si le CNPF avait présenté une proposition de négociation, un calendrier de négociations, un texte, aux organisations syndicales, je fais partie de ceux qui auraient bien volontiers accepté de se passer de ces longues séances à l'Assemblée nationale et au Sénat.
Mais, devant le blocage complet de la négociation salariale et sociale dans notre pays, le législateur a dû prendre ses responsabilités.
Selon moi, avec ce texte, le Gouvernement commet un bel acte de relance de la négociation dans les entreprises. Les négociations vont en effet devoir reprendre entre le CNPF et les organisations syndicales !
Monsieur le président de la commission, tout à l'heure, vous avez fait allusion au délai de mise en application de la loi. D'une certaine manière, ce délai sera proche de deux ans. En effet, les chefs d'entreprise, les directeurs des ressources humaines qui suivent les travaux de l'Assemblée nationale et du Sénat les annonces du Gouvernement et savent, finalement, depuis le 10 décembre dernier...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Bien sûr !
M. Claude Bartolone, ministre délégué. ... à quelle sauce les relations sociales vont être accommodées ! (Sourires.) Et bon nombre d'entre eux ont d'ores et déjà engagé cette réflexion. Ce délai de deux ans, en fait, devrait leur permettre d'aboutir dans de bonnes conditions.
Monsieur Descours, vous avez évoqué la fonction hospitalière. Bien entendu, il faudra que le Gouvernement fasse coïncider dans le temps la négociation qui doit avoir lieu dans la fonction hospitalière publique avec celle qui interviendra dans la fonction hospitalière privée.
Vous avez noté, comme moi, que les fédérations représentatives de ce secteur ont publié un certain nombre de communiqués annonçant qu'elles allaient entamer les négociations sur la réduction du temps de travail. Il faudra à la fois suivre l'avancée de ces négociations d'une manière très précise et être en mesure de faire face à cette nécessaire réduction du temps de travail dans la fonction hospitalière publique, en en tirant toutes les conséquences comptables.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je tenais à apporter.
Avant d'achever mon propos, je tiens à dire quelques mots sur la jurisprudence, pour répondre à M. le président de la commission.
Monsieur Fourcade, je ne suis pas de ceux qui estiment que les députés et les sénateurs doivent mettre les pouces en ce qui concerne la rédaction de la loi. Toutefois, lorsqu'une jurisprudence est acceptée par tous, lorsqu'une jurisprudence a réussi à dégager des règles reconnues par tous, pourquoi se priver du plaisir de dire : puisque chacun se reconnaît dans cette position, cette position devient la loi ?
Je remercie les orateurs qui se sont exprimés à l'occasion des différentes lectures pour la qualité de leurs interventions. Celles-ci ont en effet permis - j'ai eu l'occasion de le faire remarquer dans mon intervention liminaire - de faire progresser un certain nombre de positions, celles du Gouvernement comme celles qui se sont dégagées à l'Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi tient donc compte d'un certain nombre de réflexions qui ont été émises par la Haute Assemblée, mais aussi de la jurisprudence élaborée par les plus hautes instances et du débat politique qui a eu lieu depuis 1993 dans ce pays. Nos travaux permettront au patronat et aux organisations syndicales de disposer d'un outil de modernisation du débat social dans les entreprises et d'un bel instrument en faveur de l'emploi. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Je rappelle qu'en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, interrogés pour la CFDT par l'institut BVA, les Français, largement convaincus que les 35 heures sont une bonne chose, tant pour la qualité de vie, la création d'emplois et les conditions de travail que pour les relations sociales dans l'entreprise, qualifient tour à tour ce projet de loi d'ambitieux, pour 65 %, de nécessaire, pour 64 %, de réaliste, pour 55 %, mais aussi d'efficace, pour 51 %.
Si la perspective des 35 heures soulève l'engouement dans l'opinion publique, à l'opposé, l'annonce du projet de loi a soulevé une véritable guerre des tranchées entre le Gouvernement et la droite parlementaire, véritable relais du CNPF.
Ayant pour seule référence idéologique le dogme de la rentabilité, les dirigeants du CNPF, dès le 10 octobre dernier, se sont véritablement « bloqués », refusant par principe d'envisager la réduction du temps de travail. Selon les propos de M. Seillières, son organisation a fait du « social défensif ».
Pour déstabiliser le Gouvernement et semer le doute dans l'esprit des Français, le CNPF a mené une campagne alarmiste en usant d'arguments fallacieux.
Dangereuses pour notre économie, selon M. Seillières, les 35 heures seraient une aberration.
En fait, ce projet de loi dérange ces messieurs parce que, indirectement, il pose la question cruciale de la répartition équitable des richesses au sein de l'entreprise entre profits et salaires.
Pour l'année 1997, le retour à la croissance a d'abord profité aux entreprises, la situation florissante de celles-ci induisant une augmentation de la rémunération de leurs actionnaires. C'est cette part-là que le CNPF entend préserver !
Je rappelle à ce propos que les cours de la Bourse ont explosé ces dernières heures, le CAC 40 dépassant les 4 000 points.
Se servant des dénonciations en cascade de conventions collectives, le patronat tente de peser, d'infléchir la volonté du Gouvernement. Il souhaite des ouvertures afin de négocier au rabais la réduction du temps de travail en faisant accepter aux salariés de nouvelles concessions empreintes de toujours plus de précarité.
C'est contre ces multiples tentatives que les parlementaires communistes ont entendu s'élever tout au long des débats.
Aujourd'hui encore, je tiens à dénoncer l'attitude de cette droite qui, après avoir proposé un contre-projet de loi, « Robien bis », que le groupe communiste républicain et citoyen avait rejeté tant en première qu'en deuxième lecture, use d'artifices de procédure pour marquer son opposition à votre texte, monsieur le ministre.
Les arguments développés au nom de la commission par M. le rapporteur ressemblent à ceux qui ont déjà été avancés, et combattus avec force par notre groupe, par MM. Arthuis et Gournac à propos de la constitution de la pseudo-commission d'enquête.
Ils relèvent de la même logique que ceux qui ont été développés récemment par les députés de l'UDF et du RPR soutenant leur motion de censure contre la politique économique du Gouvernement.
Que ce soit pour la mise en place des emplois-jeunes ou la concrétisation des 35 heures, le clivage droite-gauche n'est pas nouveau.
Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, je ne vais pas reprendre toutes les objections que nous avons pu élever contre votre conception de réduction-aménagement du temps de travail.
Souscrivant pleinement au dispositif innovant prévu par le projet gouvernemental, nous sommes intimement convaincus qu'il existe une alternative sérieuse au courant de pensée ultralibérale sous-tendant votre proposition.
Par conséquent, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre la motion présentée au nom de la majorité des membres de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens de nouveau à saluer, à l'occasion de cette nouvelle lecture, le travail effectué par notre excellent collègue Louis Souvet, rapporteur, et par la commission des affaires sociales. Il faut souligner la qualité du texte qui avait été élaboré, qui faisait prévaloir le dialogue social et une réducation négociée et équilibrée de la durée effective du temps de travail.
Dans ces conditions, comment ne pas regretter le peu d'écoute que l'Assemblée nationale a réservé aux propositions du Sénat ? Certaines d'entre elles étaient pourtant manifestement dictées par le bon sens ; je pense en particulier à la rédaction de l'article 4 bis, relatif à la définition du temps de travail effectif, qui ne faisait d'ailleurs que reprendre les termes de la directive européenne.
Pourquoi l'Assemblée nationale a-t-elle refusé absolument de se rallier à la rédaction proposée par le Sénat ? On peut se le demander.
S'agissant du reste du projet de loi, je réaffirme, au nom de mon groupe, notre hostilité totale à une réduction uniforme, généralisée et autoritaire de la durée du travail. En effet, c'est bien de cela qu'il s'agit, monsieur le ministre, et non pas de l'hypothétique consensus européen que vous avez évoqué tout à l'heure. Il n'y a jamais eu consensus à l'extérieur de nos frontières sur une réduction uniforme, généralisée et autoritaire du temps de travail.
Les conséquences d'une telle disposition sur notre économie sont réellement à craindre, ainsi que l'illustrent plusieurs études émanant d'organismes dont la réputation est incontestée.
Vous avez invoqué tout à l'heure le FMI. Mais le FMI a dit combien la mise en place des 35 heures lui semblait dangereuse et risquait d'aggraver - j'insiste sur ce mot - la situation de la France !
S'agissant de la Commission européenne, qui a été citée à de nombreuses reprises, le texte auquel vous vous être référé n'est pas celui qui a été évoqué par nos collègues, qui est un texte tout récent, sorti aujourd'hui seulement dans la presse !
Je souhaiterais qu'au moins, monsieur le ministre, vous vous référiez aux bonnes citations !
La Commission européenne a bien indiqué qu'elle n'était pas favorable au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.
Les premiers effets de celui-ci se font d'ailleurs déjà sentir au regard de la frilosité qui entoure les négociations salariales au sein des entreprises, et c'est là que réside le grand problème : vous prétendez que le présent projet de loi est de nature à provoquer la négociation salariale, nous, nous craignons qu'au contraire il ne la freine, car nous sommes pour la négociation salariale si nous ne sommes pas, je le répète, pour une solution autoritaire comme celle que vous nous proposez !
Nous l'avons répété maintes et maintes fois : non seulement ce texte ne créera pas, globalement, de nouveaux emplois pour les chômeurs - dans la meilleure des hypothèses il n'en détruira pas plus qu'il n'en créera - mais encore il créera une pression sur la qualié des conditions de travail des salariés dans la mesure où les entreprises voudront préserver leur compétitivité, c'est-à-dire leur survie, c'est-à-dire les emplois.
Ce texte mesure va également totalement à l'encontre des échéances de la France dans la construction européenne, dans la mondialisation croissante, et cela vous le savez très bien, malgré les déclarations que vous avez faites tout à l'heure.
En outre, bien des incertitudes demeurent concernant l'existence d'un monstre économique, le double SMIC, mais aussi quant à la pénalisation du travail à temps partiel - donc de ceux qui avaient fait ce choix de vie, qui sera vite insupportable - sur lequel Mme Heinis a fait un exposé particulièrement intéressant.
Enfin, il n'est pas dit de quelle façon les entreprises vont pouvoir, dans certains cas, supporter un surcoût de 11,40 % de leur masse salariale.
La lutte contre le chômage passe pour nous par la baisse du coût du travail peu qualifié, ainsi que la majorité sénatoriale le suggère dans une proposition de loi déposée récemment, mais également par l'amélioration de la formation professionnelle, par la disparition des lourdeurs administratives et surtout par la croissance.
Et heureusement - heureusement pour vous, monsieur le ministre, heureusement pour la France ! - la croissance est au rendez-vous.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe du RPR votera la motion visant à opposer la question préalable déposée par l'excellent rapporteur de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable, repoussée par le Gouvernement.
Je rappelle que l'adoption de cette motion aurait pour effet d'entraîner le rejet du projet de loi.
(La motion est adoptée.)
M. le président. En conséquence, le projet de loi est rejeté.
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