Séance du 19 mai 1998
M. le président. Par amendement n° 70, MM. Ostermann, Eckenspieller, Cazalet, Grignon et Richert proposent d'insérer, après l'article 4, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le II de l'article 1379 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° La taxe sur les chiens. »
« II. - Après le C du II de la section VII du chapitre premier du titre premier de la deuxième partie du même code, est insérée une section D ainsi rédigée :
« D. Taxe sur les chiens.
« Art. 1529. - Les communes peuvent instituer une taxe sur les chiens.
« La taxe est fixée annuellement pour chaque commune.
« Son montant est révisé tous les cinq ans en fonction de l'évolution du coût de la vie. »
« Art. 1530. - Chaque propriétaire se voit remettre, après paiement de la taxe, pour chaque chien qu'il possède, une médaille numérotée attestant du paiement de la taxe.
« Tout propriétaire dont le chien ne porte pas cette médaille au collier s'expose au paiement d'une amende dont le montant est fixé par la commune. »
« Art. 1531. - Sont exonérés du paiement de cette taxe, dans la limite d'un chien par personne :
« - les non-voyants ;
« - les personnes bénéficiaires du Fonds national de solidarité ;
« - les personnes seules non imposées sur le revenu ;
« - les personnes âgées de plus de soixante ans non imposées sur le revenu. »
« Art. 1532. - Les conditions de paiement de la taxe, les modalités de déclaration des chiens et de paiement de l'amende sont fixées par décret. »
La parole est à M. Grignon.
M. Francis Grignon. Cet amendement prévoit que les communes pourront mettre en place une taxe sur les chiens.
En vingt ans, le nombre de ménages possesseurs d'un ou plusieurs animaux domestiques a explosé : selon une étude de l'INSEE, plus de dix millions de foyers possèdent un animal domestique, soit 40 % de plus au cours de cette période. Actuellement, on estime qu'il y a un animal familier pour deux personnes.
Cet accroissement, plus particulièrement celui des chiens, contraint les municipalités à accroître leurs charges de nettoiement de la voirie et à créer des fourrières. Ces dépenses croissantes, qui viennent grever le budget communal, constituent une charge non négligeable qu'il serait équitable de voir financer en partie par les propriétaires de chiens.
C'est la raison pour laquelle le présent amendement tend à offrir la possibilité aux communes d'instaurer une taxe locale sur les chiens, qui aurait, en outre, l'avantage de lutter contre les abandons.
Cette taxe, annuelle et facultative, devrait être assumée par chaque propriétaire de chien. En outre, il est proposé d'exonérer certaines catégories de personnes, tels les non-voyants ou les personnes âgées de plus de soixante ans et non imposées sur le revenu.
Les communes pourront affecter une partie des ressources nouvelles résultant de cette taxe aux associations de protection des animaux chargées de résoudre le problème des animaux domestiques errants.
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Je comprends les motivations qui ont conduit mes amis MM. Ostermann, Eckenspieller, Cazalet, Grignon et Richert à présenter cet amendement. Cependant, la commission a émis un avis défavorable, pour plusieurs raisons.
Je souhaite rappeler qu'une taxe sur les animaux de compagnie était autrefois prévue par le code des impôts et relevait de la décision de chaque commune, ce que vous proposez, monsieur Grignon. Cependant, elle s'est révélée peu efficace compte tenu des difficultés inhérentes à son application et à son contrôle. Elle a donc été abrogée par la loi n° 71-411 du 7 juin 1971 portant suppression de certaines taxes annexes aux contributions directes locales. Le renouvellement de cette expérience ne paraît donc pas opportun actuellement.
Par ailleurs, le dispositif de l'autorisation de détention proposé par la commission et accepté par le Sénat va toucher un grand nombre de personnes. Est-il nécessaire de « charger la barque » et d'instaurer une nouvelle obligation ? Je ne le crois pas.
Enfin, la création d'une nouvelle taxe dans le contexte fiscal actuel me semble peu opportun. Evitons - nous le disons tous, en effet, à longueur de journée - de multiplier les nouveaux impôts et taxes en tout genre. Nos concitoyens en ont déjà bien assez !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je me trouve en accord avec M. le rapporteur.
Comme il l'a dit à juste titre, une taxe communale sur les chiens a déjà existé dans le passé. Elle a été supprimée en raison, surtout, de son inefficacité. En effet, si le recensement des propriétaires de chiens pouvait être effectué sans trop de difficultés dans les communes rurales, il n'en était pas de même dans les agglomérations où les difficultés rencontrées étaient considérables. Ainsi, les communes urbaines ont renoncé très vite à percevoir cette taxe qui avait un rendement très faible pour ce motif, et ne répondait plus à l'objet pour lequel elle avait été instituée.
Dès lors, il n'est pas envisagé de remettre en place une telle mesure qui se heurterait aux mêmes difficultés tout en ayant un coût de gestion élevé. La fiscalité n'étant pas adaptée à l'objectif que l'on cherche à atteindre, il conviendrait plutôt de rechercher une solution, d'une part, dans le renforcement des mesures de surveillance des animaux domestiques et dans une meilleure observation des règlements particuliers afférents aux voies et espaces publics et, d'autre part, dans une sensibilisation accrue, notamment par les collectivités locales, des propriétaires de chiens. C'est d'ailleurs dans cet esprit que s'inscrit l'ensemble des dispositions du projet de loi.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 70.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Nous avons entendu les arguments d'ordre technique présentés par M. le ministre et par M. le rapporteur pour s'opposer à la taxe sur les chiens. Elle existait à un moment donné. Elle a été supprimée car, apparemment, sur un plan technique, elle entraînait trop de complications et de contraintes et, nous dit-on, elle rapportait finalement moins que son coût de recouvrement.
Je suis séduit par l'argumentation psychologique et de principe présentée par notre collègue M. Grignon, et, croyez-le, non seulement pour des raisons de solidarité géographique (Sourires), mais également pour des raisons de fond. Il est incontestable que, dans notre pays, la faune canine est, sur le plan numérique, infiniment plus importante que chez la plupart de nos voisins et partenaires européens. Cela représente incontestablement une contrainte, en particulier pour nos communes, compte tenu de l'indiscipline des propriétaires de chiens. Il a été très souvent fait état de cette indiscipline au cours de ce débat.
Je considère que l'instauration d'une taxe sur les chiens serait un élément de responsabilisation de leurs propriétaires. Telle est la raison pour laquelle j'estime que, au-delà des arguments, justifiés, qui conduisent à s'opposer à cette taxe et qui tiennent au mode de recouvrement, l'élément de fond qui sous-tend cet amendement mériterait notre soutien. (M. Machet applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 70, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles 5 et 6