Séance du 27 mai 1998
M. le président. L'article 52 bis a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Mais je suis saisi de deux amendements identiques qui visent à le rétablir.
L'amendement n° 20 rectifié est présenté par Mme Heinis, M. du Luart et M. Demilly.
L'amendement n° 54 rectifié est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
Tous deux tendent à rétablir l'article 52 bis dans la rédaction suivante :
« L'article L. 224-2 du nouveau code rural est ainsi rédigé :
« Art. L. 224-2. - Nul ne peut chasser en dehors des périodes d'ouverture de la chasse fixées par l'autorité administrative.
« Les dates d'ouverture anticipée et de clôture temporaire de la chasse des espèces de gibier d'eau sont fixées ainsi qu'il suit sur l'ensemble du territoire métropolitain, à l'exception des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.
DÉPARTEMENT
DOMAINE
public maritime
AUTRES TERRITOIRES
Canards de surface
et limicoles
Autres
espèces
Ain1er dimanche de septembre1er dimanche de septembre Aisne4e dimanche de
juillet2e samedi d'août Allier2e dimanche d'août3e dimanche d'août Ardèche15
août
Nette rousse : ouverture générale15 août Ardennes15 août15 août Aube1er
samedi d'août3e samedi d'août Aude3e dimanche d'août Bouches-du-Rhône15
août15 août
Nette rousse : ouverture générale15 août Calvados3e samedi de juillet4e
dimanche de juillet1er dimanche d'août Charente-Maritime3e samedi de juillet
Cher1er samedi d'août1er samedi d'août Haute-Corse15 août
Nette rousse : 1er septembre15 août Corse-du-Sud15 août
Nette rousse : 1er septembre15 août Côte-d'Or15 août4e samedi d'août
Côtes-d'Armor4e dimanche d'août4e dimanche d'août4e dimanche d'août Eure3e
samedi de juillet3e samedi de juillet pour le marais Vernier
4e samedi pour le reste du département1er samedi d'août Eure-et-Loir2e samedi
d'août2e samedi d'août Finistère4e dimanche d'août4e dimanche d'août4e
dimanche d'août Gard4e dimanche de juillet
Nette rousse : ouverture générale1er dimanche d'août Haute-Garonne15 août15
août Gironde3e samedi de juillet1er samedi d'août2e samedi d'août Hérault3e
samedi de juillet4e dimanche de juillet
Nette rousse : ouverture générale1er dimanche d'août Ille-et-Vilaine3e samedi
de juillet
1er septembre dans la vallée de la Rance3e samedi d'août3e samedi d'août
Indre15 août
Clôture temporaire : 15 septembre15 août
Clôture temporaire : 15 septembre Indre-et-Loire3e dimanche d'août
Clôture temporaire : 15 septembre3e dimanche d'août
Clôture temporaire : 15 septembre Landes3e samedi de juillet1er samedi
d'août2e samedi d'août Loir-et-Cher1er samedi d'août1er samedi d'août Loire3e
dimanche d'août3e dimanche d'août Loire-Atlantique3e dimanche de juillet3e
dimanche de juilletFoulque : 3e dimanche de juillet
Autres espèces : 1er dimanche d'août Loiret1er samedi d'août1er samedi d'août
Lot-et-GaronneColvert : ouverture générale
Autres espèces : 4e dimanche d'août4e dimanche d'août Maine-et-Loire15 août15
août Manche3e dimanche de juillet4e dimanche de juillet1er dimanche d'août
Marne1er samedi d'août3e samedi d'août Haute-Marne2e dimanche d'août3e
dimanche d'août Mayenne15 août15 août Meurthe-et-Moselle2e dimanche d'août4e
dimanche d'août Meuse2e dimanche d'août4e dimanche d'août Morbihan4e dimanche
d'aoûtColvert : du 4e dimanche de juillet au 1er dimanche d'août
Autres espèces : 4e dimanche d'août4e dimanche d'août Nièvre1er samedi
d'août1er samedi d'août Nord3e samedi de juillet4e samedi de juillet1er samedi
d'août Oise4e samedi de juillet1er samedi d'août Orne1er samedi d'août
1er dimanche d'août sur les communes de Bellou-en-Houlme et Briouze3e samedi
d'août Pas-de-Calais3e samedi de juillet4e samedi de juillet1er samedi d'août
Puy-de-Dôme4e dimanche d'août4e dimanche d'août Pyrénées-Atlantiques3e samedi
de juillet3e samedi d'août3e samedi d'août Hautes-Pyrénées3e dimanche d'août3e
dimanche d'août Pyrénées-Orientales3e dimanche d'août Rhône3e dimanche
d'août3e dimanche d'août Haute-Saône15 août4e samedi d'août Saône-et-Loire2e
dimanche d'août3e dimanche d'août Sarthe3e samedi d'août3e samedi d'août
Paris2e samedi d'août Seine-Maritime3e samedi de juillet4e samedi de
juillet1er samedi d'août Seine-et-Marne2e samedi d'août3e samedi d'août
Yvelines2e samedi d'août3e samedi d'août Deux-Sèvres15 août1er dimanche de
septembre Somme3e samedi de juillet4e samedi de juillet1er samedi d'août
TarnColvert : 15 août.
Autres espèces : ouverture générale VendéeDernier dimanche d'aoûtDernier
dimanche d'aoûtDernier dimanche d'août Vosges2e dimanche d'août4e dimanche
d'août Yonne15 août15 août Territoire de Belfort4e dimanche d'août4e dimanche
d'août Essonne2e samedi d'août3e samedi d'août Hauts-de-Seine2e samedi d'août
Seine-Saint-Denis2e samedi d'août Val-de-Marne2e samedi d'août Val-d'Oise2e
samedi d'août3e samedi d'août
« Pour les espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage, sur l'ensemble du
territoire métropolitain, à l'exception des départements du Bas-Rhin, du
Haut-Rhin et de la Moselle, les dates de clôture sont les suivantes :
« - canard colvert : 31 janvier ;
« - fuligule milouin, fuligule morillon, vanneau huppé : 10 février ;
« - oie cendrée, canard chipeau, sarcelle d'hiver, sarcelle d'été, foulque,
garrot à oeil d'or, nette rousse, pluvier doré, chevalier gambette, chevalier
combattant, barge à queue noire, alouette des champs : 20 février ;
« - autres espèces de gibier d'eau et d'oiseaux de passage : dernier jour du
mois de février.
« Cet échelonnement des dates de fermeture entre le 31 janvier et le dernier
jour du mois de février vise à assurer l'exploitation équilibrée et dynamique
des espèces d'oiseaux concernées. Toutefois, pour les espèces ne bénéficiant
pas d'un statut de conservation favorable et chassées pendant cette période,
des plans de gestion sont institués.
« Ces plans visent à contrôler l'efficacité de l'échelonnement des dates de
fermeture. Ils contribuent également à rétablir ces espèces dans un état
favorable de conservation. Ils sont fondés sur l'état récent des meilleures
connaissances scientifiques et sur l'évaluation des prélèvements opérés par la
chasse.
« Les modalités d'élaboration de ces plans de gestion sont déterminées par
arrêté ministériel après avis du Conseil national de la chasse et de la faune
sauvage. »
La parole est à Mme Heinis, pour défendre l'amendement n° 20 rectifié.
Mme Anne Heinis.
Je ne soutiendrai pas cet amendement, laissant ce soin à la commission des
finances qui a déposé un amendement identique, ce dont je la remercie.
J'interviendrai lors des explications de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lambert, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 54
rectifié.
M. Alain Lambert,
rapporteur.
J'apprécie la courtoisie de Mme Heinis. Elle est à l'origine
de ce texte qui a été adopté, si je ne me trompe, à l'unanimité par le Sénat en
première lecture.
Je serai bref : après l'explication de vote que Mme Heinis a annoncée, le
Sénat sera totalement informé.
Il s'agit simplement de rétablir le texte adopté en première lecture par le
Sénat et visant à fixer les dates d'ouverture anticipée de la chasse aux
oiseaux migrateurs. Ce texte est attendu par nos concitoyens. Ce serait une
très bonne chose que l'Assemblée nationale suive la proposition que le Sénat
dans quelques instants va, j'en suis sûr, confirmer.
M. Christian Poncelet,
président de la commission des finances.
Bien sûr !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Le laconisme de Mme Heinis est remarquable...
Après le débat passionnant et passionné que nous avons eu en première lecture,
je voudrais vous apporter quelques informations complémentaires pour montrer
que le Gouvernement est sensible aux préoccupations des chasseurs, même si la
modalité qui vous est proposée par les auteurs de cet amendement, qui édicte en
détail les dates de fermeture de la chasse selon les différents types de
gibiers migrateurs, n'est pas de bonne méthode.
Il y a eu une phase de dialogue constructive ; il y a eu une participation,
chacun s'en souvient, de Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de
l'environnement au congrès de l'union des fédérations de chasse ; il y a eu la
réception par le Premier ministre des représentants des chasseurs. Je crois que
le Premier ministre leur a dit que, du point de vue juridique, leur position
était précaire. Le commissaire européen de l'environnement, qui a reçu aussi
des délégations de chasseurs français, leur a confirmé qu'elle n'entendait pas
proposer une révision de la directive que ceux-ci contestent...
M. Emmanuel Hamel.
Restons nous-mêmes ! Ne plions pas devant Bruxelles !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... et que douze Etats sur quinze avaient déjà
transposée dans leur droit national. Nous sommes en compagnie, évidemment très
respectable, de la Grèce et peut-être aussi du Portugal.
Le Gouvernement cherche à nouer le dialogue avec les chasseurs, afin de
trouver une autre voie - je répète ce que j'ai dit à l'Assemblée nationale -
qui concilie la gestion raisonnée des espèces à laquelle tout le monde est
attachée, me semble-t-il, et les chasseurs en particulier, le respect du droit
européen, que l'on ne peut pas prendre en considération uniquement lorsqu'il
nous est favorable, comme dans le domaine de l'agriculture, et les
préoccupations des chasseurs qui exercent une activité de loisir tout à fait
respectable,...
M. Emmanuel Hamel.
Et de défense de la nature !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... fort répandue dans notre pays, et particulièrement
au Sénat.
Je ne peux pas émettre un avis différent de celui que j'ai exprimé en première
lecture. Je demande donc le rejet de ces amendements qui fixent de façon trop
détaillée les dates d'ouverture et de clôture de la chasse aux oiseaux
migrateurs. Cela ne relève pas de la loi qui doit seulement énoncer les grands
principes.
M. Henri de Raincourt.
Bref, vous nous posez un lapin !
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 20 rectifié et 54
rectifié.
Mme Anne Heinis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis.
Malheureusement, monsieur le secrétaire d'Etat, notre désaccord de la dernière
fois...
M. Emmanuel Hamel.
Persiste !
Mme Anne Heinis.
... ne s'est guère aplani, et je le regrette.
Je vous l'ai déjà dit en première lecture, votre information n'est pas bonne,
et je me permettrai de rappeler le déroulement des faits.
C'est donc la troisième fois aujourd'hui que nous revenons sur ce texte au
Sénat. A la suite de notre dernier vote, lors de l'examen du projet de loi
portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, la commission
des finances de l'Assemblée nationale a déposé un amendement de suppression de
notre texte.
Après un long débat très argumenté, une majorité s'est dégagée en faveur de
l'amendement du Sénat. Le Gouvernement a alors demandé la réserve et a fait
ensuite procéder à un vote bloqué pour passer outre à la volonté des deux
chambres réunies. Je considère qu'il s'agit là à la fois d'un coup de force et
d'un détournement de procédure.
En effet, le vote bloqué a été institué pour permettre au Gouvernement de
gouverner, lorsqu'il ne peut pas trouver de majorité sur des points
essentiels.
Or le vote de la modeste loi sur la chasse aux oiseaux migrateurs n'empêche
nullement le Gouvernement de gouverner !
Il s'agit, en effet, de réinscrire dans la loi les pratiques déjà inscrites
dans la loi de 1994, à ceci près qu'on améliore considérablement la protection
des espèces en état défavorable de conservation, par l'instauration de plans de
chasse les concernant, s'appuyant sur des observations continues scientifiques
et techniques.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, vous conviendrez avec moi que, s'il est
légitime, à titre personnel, d'être contre la chasse, il est en revanche
profondément antidémocratique que Mme la ministre de l'environnement impose ses
vues, ses choix et ceux de ses électeurs, contre l'avis des deux chambres du
Parlement réunies.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
Mme Anne Heinis.
En outre, alors que la France s'engage résolument dans la voie européenne, il
est inconcevable que cet abus de pouvoir place notre pays dans une situation
extrêmement critique vis-à-vis de la Cour de justice des Communautés
européennes, en ce qui concerne la transposition de l'article 7, paragraphe 4,
de la directive « oiseaux ».
En effet, une procédure de mise en demeure est en cours contre notre pays.
Comme vous le savez, elle peut déboucher sur une condamnation à des astreintes
financières d'un montant très élevé.
Il importe donc de régulariser notre situation au plus vite vis-à-vis de la
Commission européenne, faute de quoi nous ne pouvons entreprendre de
négociations avec elle ni sur la position de la France ni sur la modification
de la directive, qui est d'ailleurs, je me permets de vous le dire, à
l'étude.
En effet, cette mise en demeure fait suite au refus de Mme le ministre de
l'aménagement du territoire et de l'environnement de remettre à la commission
les rapports scentifiques qui sont prêts depuis longtemps et que la France
s'était engagée à fournir pour le mois d'avril 1997, c'est-à-dire que le retard
atteint plus d'un an.
Il faut bien comprendre, mes chers collègues, que l'adoption de ce texte
permettra de rouvrir les négociations avec la Commission, de régulariser notre
situation, d'obtenir la levée de la mise en demeure et de supprimer le risque
d'astreinte. Cela n'est tout de même pas négligeable. Elle permettra également,
une fois ces hypothèques levées, de négocier dans un second temps avec la
Commission, au nom du principe de subsidiarité, le problème des chasses
traditionnelles, qui, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, est un
problème plus que brûlant.
Par ailleurs, je répète que votre information n'est ni complète ni à jour. En
effet, il est inexact de prétendre que ce texte est contraire à la directive
79-409. J'en veux pour preuve le récent communiqué de presse établi à la suite
de la rencontre entre le nouveau président de la FACE, la fédération des
associations de chasseurs européens, M. Misselbrook, son précédesseur, M.
Daillant, M. Bruno Julien, chef de l'unité de protection de la nature de la DG
XI et Mme le commissaire Bjerregaard, communiqué approuvé par le cabinet de
cette dernière.
Selon ce communiqué, que je tiens à votre disposition, « Le commissaire a
notamment rappelé qu'en règle générale la chasse peut très bien continuer à
s'exercer dans les sites Natura 2 000. »
« Quant à la question des périodes de chasse, Mme Bjerregaard s'est déclarée
favorable à une solution de compromis qui permettrait de maintenir une chasse
raisonnable au mois de février et susceptible d'être acceptée aussi bien par le
Parlement européen que par le Conseil des ministres. »
Il faut noter d'ailleurs qu'il est clair que la directive n'a jamais cité la
moindre date .
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre objectif est double. Il s'agit, d'une
part, de concilier la pratique de la chasse et la biodiversité européenne, à
laquelle tout le monde connaît mon attachement et, d'autre part, de
régulariser la position de la France pour pouvoir négocier avec la Commission
européenne.
Pour conclure, je reprendrai certains propos qui ont été tenus à l'Assemblée
nationale.
Tout d'abord, la chasse concerne beaucoup de Français : 1 600 000 chasseurs,
auxquels il faut ajouter leurs familles, leurs amis et les sympathisants, et ce
sur l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, il n'est pas bon d'alimenter un sentiment anti-européen du fait
de nos fautes, en l'occurrence, et non celles de la Commission. Nous devons
assumer nos responsabilités.
Enfin, si l'on veut réconcilier les Français avec la politique - ce qui est
souhaitable pour tout le monde - et les rapprocher de l'Europe - ce qui est non
moins souhaitable pour tout le monde -...
M. Emmanuel Hamel.
Quelle Europe ?
Mme Anne Heinis.
... il faut tenir compte de la volonté du peuple, exprimée par ses élus
nationaux.
En conséquence, mes chers collègues, au nom de la démocratie et du respect de
la volonté du Parlement, je vous demande, pour la troisième fois, de voter ce
texte.
(Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel.
Que la France reste la France !
M. le président.
Je vais mettre aux voix les amendements n°s 20 rectifié et 54 rectifié.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant.
Le 7 mai dernier, le Sénat a adopté à l'unanimité un texte qui est aujourd'hui
présenté à nouveau par M. du Luart et Mme Heinis, ainsi que par la commission
des finances.
Mon collègue et ami Pierre Lefebvre avait exprimé, au nom du groupe communiste
républicain et citoyen, notre position.
Je la résume.
Cet amendement, qui reprend le texte d'une proposition de loi votée le 15
janvier 1998 par notre assemblée, est, à plusieurs égards, insuffisant. Notre
objectif est d'aller vers une réglementation renforcée des pratiques de chasse,
d'une part, et de préserver la chasse traditionnelle et populaire en assurant
la protection des oiseaux migrateurs, d'autre part.
Cela dit, ce texte, bien qu'imparfait, répond à une situation d'urgence,
notamment sur la question des dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux
migrateurs.
Le mécontentement des chasseurs ne cesse de progresser depuis la manifestation
nationale du 14 février.
Il est plus que temps de légiférer. Notre groupe votera donc ces amendements
afin de permettre au Parlement français de jouer son rôle.
Nous regrettons, à cet égard, l'attitude frileuse du Gouvernement lors des
débats à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Il y a visiblement une opposition entre les majorités des deux assemblées et
le Gouvernement sur la nécessité même de légiférer et de réviser la directive «
oiseaux » de 1979.
En outre, parmi les représentants des chasseurs conviés aux états généraux le
28 mai, nous constatons à regret que n'y figure pas un représentant de l'Union
nationale de défense des chasses traditionnelles françaises, présidée par M.
Georges Riboulet, ce qui pose des questions sur l'équilibre des orientations
différentes exprimées par les chasseurs.
Bien entendu, notre vote - vous l'avez compris - n'enlève rien à la portée des
critiques déjà formulées par notre collègue Pierre Lefebvre à plusieurs
reprises quant à la capacité de ce texte à résoudre véritablement le problème
sur le fond.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Tout d'abord, je dirai à Mme Heinis que son intervention a été tout à fait
remarquable et que j'y souscris entièrement.
J'ajoute que si ceux des membres du groupe socialiste qui, en première
lecture, avaient déposé un amendement identique n'en ont pas redéposé un cette
fois-ci, c'est parce que l'amendement de la commission des finances leur donne
satisfaction. Je tiens cependant, au nom de mes collègues signataires de
l'amendement précédent, à réitérer leur accord sur ce point.
J'observe par ailleurs que, depuis le débat au Sénat, quelques événements
fâcheux se sont produits. Ainsi, dans la Somme, des groupes de chasseurs se
sont conduits de manière violente en s'en prenant à la permanence d'un député.
Je ne peux pas approuver de telles méthodes.
M. Emmanuel Hamel.
Nous non plus !
M. Michel Charasse.
Cela ne sert pas la cause que les intéressés prétentent défendre.
M. Emmanuel Hamel.
Cela la dessert !
M. Michel Charasse.
Je tiens à faire part de la solidarité que je ressens à l'égard de ce collègue
député que je connais pas, et dont je ne sais même pas à quel groupe il
appartient.
De tels comportements sont inadmissibles. Dans notre pays, les parlementaires
sont encore libres de leurs gestes. Ils ne sauraient subir quelque menace que
ce soit en raison de leurs votes, je le dis d'autant plus aisément que je suis
favorable à ce texte.
Par ailleurs, je juge quelque peu abusif que l'on dise, comme Mme Heinis, mais
elle n'a rien inventé, que le commissaire européen concerné était, du moins
jusqu'à une date récente, absolument contre la modification de cette
directive.
Jusqu'à nouvel ordre, ce genre d'initiative ne peut être prise que par le
conseil des ministres. Ce sont encore les politiques qui gouvernent dans les
instances européennes. Si tel n'était plus le cas, il faudrait me le dire.
Je sais bien que M. Brittan est allé récemment négocier sans encourir aucune
remarque ni sanction aux Etats-Unis, dans un sens contraire aux instructions du
conseil des ministres. Mais j'espère que ce n'est qu'une exception.
En tout cas, en matière de chasse, il serait peut-être utile de rappeler à ce
commissaire européen qu'elle a parfaitement le droit d'avoir une position
personnelle mais que celle qui prévaut en la matière, c'est celle des Etats et
donc celle du conseil des ministres. Sinon il n'y a plus de règle, ni, surtout,
de suffrage universel.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, le problème qui nous préoccupe doit être
résolu avant le 14 juillet. Il est donc urgent de décider.
Le Premier ministre a reçu récemment une délégation de chasseurs, qui était
conduite par M. Daillant, le président de l'Union nationale des fédérations
départementales des chasseurs. Il lui a dit clairement qu'il avait le vif désir
de résoudre cette affaire et qu'il ne le ferait peut-être pas exactement dans
les termes votés par le Sénat. Mais il a promis d'agir.
Mme Heinis ainsi que M. le rapporteur seront d'accord avec moi sur ce point :
nous n'avons pas de vanité d'auteurs et, si l'on trouve une autre solution -
celle du Premier ministre, par exemple - qui aboutisse au même résultat, nous
ne nous battrons pas comme des chiffonniers pour faire prévaloir notre
rédaction.
Le parti socialiste a publié voilà une dizaine de jours un communiqué, à la
suite des débats sur le projet de loi portant diverses dispositions d'ordre
économiques et financier à l'Assemblée nationale qui se sont conclus dans les
conditions rapportées par Mme Heinis pour dire : oui, on s'est fait violer à
l'Assemblée nationale, mais on est pour ce texte et on veut résoudre le
problème.
Le président du groupe des députés chasseurs, notre collègue M. Sicre, député
des Pyrénées-Orientales, a lui-même publié un communiqué le 27 mai indiquant
qu'il avait le vif désir de régler ce problème.
Le Premier ministre dit qu'il est d'accord. Le parti socialiste, qui est quand
même la majorité de la majorité, dit qu'il est d'accord. Le président du groupe
des députés chasseurs dit qu'il est d'accord. Or, ce soir, monsieur le
secrétaire d'Etat, vous nous demandez de repousser ce texte.
A l'Assemblée nationale, la majorité a indiqué qu'elle choisirait la fenêtre
parlementaire, c'est-à-dire la possibilité d'inscrire une proposition de loi à
l'ordre du jour, pour aboutir, avant la fin de la session, à un texte semblable
à celui du Sénat.
Mais si, le 30 juin, la navette n'a pas eu lieu, si le Gouvernement ne demande
pas l'inscription à l'ordre du jour de la session extraordinaire du texte en
question - et à mon avis il ne le fera pas parce que la majorité plurielle a
des cas singuliers difficiles à régler - le problème ne sera pas résolu pour le
14 juillet.
Si l'Assemblée nationale a véritablement le désir de régler l'affaire comme
elle l'a dit et comme l'a dit le Gouvernement, il faut voter le texte que nous
vous proposons ce soir. Et l'Assemblée nationale n'a pas d'autre solution que
de l'adopter en troisième lecture.
Monsieur le secrétaire d'Etat, reste le dernier point de votre argumentation,
la compétence législative : le texte est-il de nature réglementaire ou
législative ?
Je crois que ce texte est de portée législative. D'abord, il précise bien que
les dates d'ouverture et de clôture de la chasse sont fixées par l'autorité
administrative, puisque le code rural laisse à cette dernière le soin de régler
cette matière qui, à l'évidence, est réglementaire. Ensuite, le texte prévoit
des exceptions aux dates générales fixées par l'autorité administrative en
matière d'ouverture et de clôture de la chasse, les exceptions relevant du
domaine de la loi.
C'est pour toutes ces raisons que, tout le monde l'a compris, je voterai
l'amendement auquel nous avons tous contribué, d'une manière ou d'une autre.
De toute façon, monsieur le secrétaire d'Etat, je compte faire l'ouverture de
la chasse, et je me propose de vous faire tenir quelques oiseaux, si j'ai la
chance d'en tuer quelques-uns. Vous gagnerez donc, au moins sur un tableau. Je
le ferai parce que je souhaite que vous et votre entourage soyez bien
convaincus qu'un oiseau migrateur, ce n'est pas seulement un oiseau qui ne se
gratte que d'un côté !
(Sourires et applaudissements.)
M. le président.
Monsieur Charasse, le président ose espérer le même envoi !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Voilà une unanimité peu habituelle, en période de cohabitation, entre
l'Assemblée nationale et le Sénat. Le bras de fer est donc entre le pouvoir
législatif et le pouvoir exécutif. Et je me demande quel sera le sentiment de
l'opinion publique si le pouvoir exécutif se met en travers du pouvoir
législatif.
J'espère que l'on arrivera à faire entendre raison de l'application du
principe de subsidiarité, qui a été parfaitement bien défendu par Mme
Heinis.
Si le Gouvernement accepte de se rallier à la position du pouvoir législatif
unanime, nous démontrerons à l'ensemble de l'opinion publique que, pour une
fois, en période de cohabitation, nous avons su défendre l'intérêt général et
un droit tout à fait essentiel qui correspond à des traditions séculaires
françaises auxquelles nous sommes très profondément attachés.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que le pouvoir législatif fera
entendre raison au Gouvernement et que l'unanimité se fera bien au-delà du
Parlement, le Gouvernement se ralliant à notre position.
(Mme Heinis
applaudit.)
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Après ces interventions très remarquables, notamment
celle de Mme Heinis, je tiens à apporter quelques précisions pour montrer qu'il
ne s'agit pas là d'un bras de fer entre le Gouvernement et le Parlement.
Tout d'abord, Mme Bjerregaard a dit à la délégation de la FACE qu'elle était
ouverte à un compromis, vous avez eu tout à fait raison de le souligner, madame
le sénateur, à savoir la fermeture de la chasse au 31 janvier, avec possibilité
de dépassement pour les espèces en bon état de conservation et dotées de plans
de gestion à l'échelle européenne.
Mais ce commissaire ajoutait qu'il fallait deux conditions et, à cet égard, M.
Charasse a entièrement raison. Il fallait, en premier lieu, l'accord du conseil
des ministres européens, car c'est lui qui doit prendre la décision. Or douze
pays sur quinze sont hostiles à une telle modification.
Il fallait, en second lieu, obtenir l'accord du Parlement européen. Or vous
savez bien que celui-ci a voté, en 1996, en faveur d'une fermeture unique au 31
janvier, et sans dépassement.
M. Michel Charasse.
Il est renouvelable l'année prochaine, après la chasse !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
En effet ! Telles sont les quelques précisions que je
voulais apporter sur le volet européen, qui confirment les propos de Mme Heinis
et de M. Charasse : c'est effectivement le conseil des ministres qui a
l'autorité en la matière.
Je voudrais ajouter une deuxième information : le ministre de l'aménagement du
territoire et de l'environnement, Mme Voynet, a constitué un groupe de
réflexion qui se réunit aujourd'hui même pour engager une réflexion sur la
chasse aux oiseaux migrateurs.
La constitution de ce groupe n'est pas du tout étrangère aux débats successifs
qui ont eu lieu.
Parmi les participants à ce groupe de réflexion figurent M. Daillant, qui est
le président de l'Union nationale des fédérations départementales des
chasseurs,...
M. Michel Charasse.
Absolument !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
... des scientifiques, tels que M. Jarry du Centre de
recherche sur la biologie des populations d'oiseaux du Museum national
d'histoire naturelle, et deux parlementaires, un sénateur, M. Carrère, et un
député, M. Sicre, qui a été cité par M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse.
Très bien !
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Les pouvoirs publics sont représentés dans ce groupe
de réflexion par des représentants de la Direction de la nature et des
paysages, d'une part, et l'Office national de la chasse, ainsi que par des
représentants du ministère des affaires étrangères et du ministère délégué aux
affaires européennes, ainsi que du secrétariat général du Comité
interministériel pour les questions de coopération économique européenne.
Ce groupe de travail aura pour mission de préparer une explication de la
position de notre pays auprès de la Commission européenne et de voir quelles
adaptations sont possibles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement, comme l'a dit M. le
Premier ministre, souhaite le dialogue.
La conviction du Gouvernement, peut-être a-t-il tort, est que, si une
disposition comme celle que vous proposez est prise, elle risque de paralyser
un dialogue qui est en train de se renouer.
J'ai essayé de donner l'avis du Gouvernement dans un esprit d'écoute, de
dialogue, sans chercher à engager une épreuve de force. Il appartient
maintenant à la Haute Assemblée de se prononcer. Evidemment, je respecte
entièrement sa liberté de décision en la matière.
M. Emmanuel Hamel.
Très belle attitude !
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n° 20 rectifié et 54 rectifié,
repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. Michel Charasse.
Pas à l'unanimité !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Il manque une voix !
M. Michel Charasse.
C'est bien ! Ce n'est pas la sortie de la messe !
M. Emmanuel Hamel.
Beau succès ! On se libère du lobby de Bruxelles !
M. le président.
En conséquence, l'article 52
bis
est rétabli dans cette rédaction.
Article 52 ter