Séance du 3 juin 1998
M. le président. Par amendement n° 100, M. Türk propose d'insérer, après l'article 14, un article additionnel ainsi rédigé :
« Il est inséré, dans le code de procédure pénale, un article 78-7 ainsi rédigé :
« Art. 78-7 . - Les agents de police municipale peuvent relever l'identité des personnes surprises en état de flagrance ainsi que de celles présentes sur les lieux d'un crime ou d'un délit. Ils en avisent aussitôt l'officier de police judiciaire territorialement compétent. »
La parole est à M. Türk.
M. Alex Turk. Il s'agit à nouveau, monsieur le président, d'un amendement en forme de question.
A la lumière, d'une part, des articles 73 et 78-3 du code de procédure pénale et, d'autre part, du projet de loi dans sa rédaction actuelle, pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, comment les choses se passeraient dans l'hypothèse où des agents de police municipale surprendraient en état de flagrance des individus qui se livreraient à un cambriolage ou, pire encore, à une attaque à main armée ?
Est-ce que je fais une bonne lecture de ces trois textes conjugués si j'affirme qu'ils auraient la possibilité de les appréhender, mais que, pendant le laps de temps qui s'écoulerait nécessairement entre le moment où ils les auraient appréhendés et celui où ils auraient pu entrer en contact avec l'officier de police judiciaire territorialement compétent, soit par téléphone portable, soit directement, ils ne pourraient pas vérifier leur identité ?
Est-il possible d'appréhender des individus aussi dangereux sans pouvoir vérifier leur identité, de façon à mieux connaître la conduite à tenir ? On ne traite probablement pas de la même manière un repris de justice, un familier de ce genre d'activités, et un jeune qui en est à son « premier coup », si vous me permettez cette expression. Dans ces conditions, il y va autant de l'intérêt de la police municipale que de celui de la police nationale d'être informée de la situation précise, afin de pouvoir utiliser les moyens appropriés et agir de la manière la plus judicieuse possible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. M. Türk expose une situation vécue. La commission est défavorable à cet amendement, mais elle attend du Gouvernement la réponse à la question posée.
Les mesures prévues dans le projet de loi ont pour objet de limiter la procédure du relevé d'identité aux cas où les policiers municipaux sont habilités à dresser un procès-verbal.
L'article 73 du code de procédure pénale permet à toute personne, en cas de crime ou de flagrant délit, d'en appréhender l'auteur et de le conduire devant l'officier de police judiciaire.
A l'évidence, l'identité du contrevenant ne peut être relevée, mais le contrevenant peut être conduit devant l'officier de police judiciaire le plus proche.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Le Gouvernement a souhaité limiter la procédure du relevé d'identité aux seuls cas où les agents de police municipale disposent du pouvoir de verbaliser. L'amendement présenté par M. Türk va au-delà.
En cas de flagrance, les agents de police municipale sont, bien entendu, habilités à intervenir, comme tout citoyen, d'ailleurs, ainsi que M. le rapporteur l'a fait remarquer, à juste titre.
Faut-il étendre cette possibilité de contrôle d'identité à toutes les personnes présentes sur les lieux d'un crime ou d'un délit ? Très franchement, il s'agit d'une conception beaucoup trop extensive. Dans la mesure où la loi permettra de relever l'identité de tout contrevenant à un arrêté de police municipale, par exemple pour tapage nocturne, la limite a été suffisamment reculée pour que l'on n'aille pas au-delà.
Je suis donc partisan de ne retenir, dans l'amendement, que la formulation : « Les agents de police municipale peuvent relever l'identité des personnes surprises en état de flagrance », ou bien de revenir à la rédaction initiale du projet de loi : « Les agents de police municipale peuvent être requis par le procureur de la République, le juge d'instruction et les officiers de police judiciaire afin de leur prêter assistance. »
Cela permettait, me semble-t-il, d'aller dans le sens souhaité par M. Türk.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Dans le cas évoqué par M. Türk, monsieur le ministre, le procureur ne peut pas requérir les forces de police municipale avant le flagrant délit.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'ai dit que j'étais d'accord s'agissant du flagrant délit ! Mais la procédure ne peut être étendue à toutes les personnes qui sont présentes sur le lieu d'un délit ; ce serait trop général. Il n'y aurait plus de limite et, quand les bornes sont franchies... (Sourires.)
M. Alex Turk. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Türk.
M. Alex Turk. Je souhaite circonscrire très exactement l'objet de mon intervention.
Je ne comprends pas comment des agents de police municipale pourraient appréhender manu militari , parce qu'il s'agit de cela, et en flagrant délit, des individus qui commettent une attaque à main armée sans vérifier leur identité !
Comment pourraient-ils, dans les minutes qui vont suivre, adopter tel ou tel type d'attitude ? Il faut bien qu'il sachent à qui ils ont affaire en attendant la police nationale, qui interviendra au bout de cinq minutes ou d'une heure ! Je ne vois pas comment on peut faire autrement ! J'attends une explication.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Dans cette hypothèse, l'intérêt du policier municipal est d'appréhender le contrevenant et de le conduire devant l'officier de police judiciaire qui, lui, engagera une procédure judiciaire. Il n'y a donc pas lieu de vérifier l'identité. C'est tout simplement le code de procédure pénale qui s'applique.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je suis tout fait d'accord avec M. le rapporteur ! Il est évident qu'en cas de flagrance les agents de police municipale sont habilités, comme tout citoyen d'ailleurs, à appréhender le contrevenant et à le conduire à l'officier de police judiciaire.
S'ils disposent d'un moyen de communication, ils peuvent agir encore plus efficacement.
Il n'est donc pas utile de relever l'identité en cas de flagrance.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye, rapporteur. La question que pose M. Türk soulèverait un problème d'une toute autre nature et mériterait un autre débat : dans les cas de flagrance, il faudrait donner aux agents de police municipaux le statut d'officier de police judiciaire. On voit bien toute la difficulté de l'exercice auquel nous nous livrerions !
En réalité - et on revient au problème précédent - l'important est d'assurer une bonne coordination entre les services de l'Etat et les services municipaux : l'officier de police judiciaire doit être à la disposition des services de police municipale, afin que ceux-ci puissent leur présenter le contrevenant qu'ils auraient appréhendé.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 100, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS STATUTAIRES
Article 15