Séance du 3 juin 1998
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Au terme de ce débat qui, à en croire certains journalistes qui s'étaient focalisés sur des aspects un peu secondaires de la police municipale, devait être passionné, je crois que le Sénat aboutit à un texte équilibré. Celui-ci respecte les compétences des maires et assure une meilleure coordination avec la police nationale, ce qui était indispensable car on ne concevrait pas une police municipale totalement autonome. Ses compétences sont donc clarifiées.
Sur un certain nombre de sujets techniques, la police municipale, de par son statut, sa formation et les règles déontologiques qui présideront désormais à son action, devrait pouvoir remplir ses fonctions, auxquelles sont attachés nos concitoyens et nombre de maires, qui ont créé une police municipale parce que cela leur a semblé un moyen indispensable pour assurer la sécurité dans leur commune.
La plupart du temps, ce n'est pas de gaieté de coeur que les communes ont créé des polices municipales. Il fallait cependant tenir compte de leur développement et aboutir à un texte qui concilie les libertés et le code de procédure pénale, qui préserve l'efficacité et assure la coordination nécessaire.
Le groupe de l'Union centriste votera donc le projet de loi tel qu'il vient d'être modifié.
M. le rapporteur, par ailleurs président de l'Association des maires de France, connaît bien toutes les questions que nous avons examinées. Je le remercie du travail remarquable qu'il a effectué. Celui-ci nous a permis de cheminer entre des écueils contre lesquels certains voulaient nous voir nous fracasser. Cela démontre, une fois encore, la sagesse du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Les réticences que j'éprouvais à l'égard des propositions de la commission retenues par le Sénat demeurent. Elles portent, pour l'essentiel, sur des nuances concernant les relations entre les maires et les préfets, et donc sur l'appréciation de l'effectivité de la décentralisation.
Le travail accompli avait été excellent. Le climat dans lesquel nous avons oeuvré était, lui aussi, excellent, et il l'est demeuré : je m'en félicite. Le travail de M. le rapporteur a été remarquable et des progrès ont été accomplis.
Cependant, pour les raisons que j'ai exprimées, j'avais quelque scrupule à voter ce projet de loi. Mes scrupules sont levés car, au cours de la discussion et contre l'avis de M. le rapporteur, un certain nombre d'ajouts ont été opérés par le Sénat. Cela me conduit à souhaiter que nous aboutissions à un texte qui se rapproche le plus possible du projet de loi initial. J'espère que la commission mixte paritaire y parviendra. Aussi, je voterai contre le texte tel qu'il vient d'être modifié.
M. le président. La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour. Lors de la discussion générale, nous avions indiqué que le projet de loi tel qu'il nous parvenait de l'Assemblée nationale nous semblait équilibré et positif, tout en précisant que nous lui préférions le projet de loi initial.
Aujourd'hui, nous avons examiné les amendements retenus par la commission des lois et présentés par M. le rapporteur. Il s'agit d'amendements mesurés, qui ne m'ont jamais paru excessifs. Cependant, ils ont tout de même infléchi le texte dans un sens que je ne souhaite pas.
Notre assemblée a aussi adopté certains articles et des amendements qui, en revanche, vont bien au-delà de la discussion que nous avions eue en commission des lois. Ainsi, au cours du présent débat, a été évoqué, par exemple, le chantage que pourraient exercer les préfets à l'égard des magistrats municipaux.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Michel Duffour. Par ailleurs, j'ai entendu certaines caricatures concernant le travail de la police nationale. Je le regrette profondément. Je voterai donc contre le texte tel qu'il a été modifié par le Sénat, en souhaitant que nous revenions le plus possible au projet de loi initial.
M. le président. La parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en place et le développement des polices municipales dans le paysage policier français sont liés à la conjonction de plusieurs phénomènes :
Il s'agit, en premier lieu, de l'aggravation de la petite et moyenne délinquance et de la multiplication de certains comportements, qui concourent au sentiment d'insécurité.
Il s'agit, en second lieu, de l'insuffisance réelle ou supposée des forces nationales de sécurité, notamment en milieu urbain et périurbain.
Or, en l'état actuel, la loi ne décrit ni l'organisation ni les fonctions des polices municipales, en dépit d'une amélioration rédactionnelle en 1995. Elle ne fixe pas précisément les attributions de ces agents.
Une nécessaire remise en ordre de l'environnement juridique dans lequel s'exercent les fonctions d'agent de police municipale s'imposait donc. Mais cette remise en ordre ne saurait en aucun cas remettre en cause les prérogatives régaliennes de l'Etat en matière de sécurité.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. Daniel Eckenspieller. En effet, rappelons une nouvelle fois, au terme de ce débat, que la sécurité est de la seule compétence de l'Etat et que la mise en place des polices municipales découle uniquement de la situation décrite voilà quelques instants.
Aussi nous réjouissons-nous de la démarche pragmatique de la commission des lois, qui a cherché à instaurer un véritable partenariat équilibré entre l'Etat et les communes pour promouvoir l'efficacité des polices municipales.
Dans cet esprit, nous ne pouvons qu'approuver les modifications apportées par la Haute Assemblée en vue de substituer une convention librement négociée entre le maire et le préfet, sur la base d'une convention type nationale au règlement de coordination pouvant être établi unilatéralement par le préfet, que le prévoyait le texte adopté par l'Assemblée nationale.
Nous approuvons, par ailleurs, le dispositif relatif à l'armement des agents de police municipale selon la nature de leur mission et les risques auxquels ils sont exposés, qu'a adopté le Sénat.
En effet, il eût été paradoxal d'introduire un principe de non-armement des polices municipales, alors même que les adjoints de sécurité, qui sont, je le rappelle, titulaires d'emplois-jeunes, sont autorisés à porter une arme après seulement une formation de deux mois.
Le port d'une arme constitue un attribut de la force publique qui - nous en sommes persuadés - peut avoir, dans certains cas, un effet dissuasif.
Bien entendu, nous approuvons les autres dispositions introduites par la commission des lois, mais nous voulions rappeler ces deux points qui nous paraissent essentiels.
Les membres du groupe du Rassemblement pour la République voteront donc ce projet de loi, tel qu'il ressort des travaux de la Haute Assemblée.
Avant de conclure, je voudrais rendre un hommage appuyé au remarquable travail accompli par notre éminent collègue Jean-Paul Delevoye, qui a su par ses propositions, ses explications et ses interrogations, d'une part, répondre aux légitimes préoccupations de nos concitoyens en matière de sécurité et, d'autre part, relever le défi posé par l'évolution des relations entre l'Etat et nos communes. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Turk.
M. Alex Turk. Au nom des sénateurs non inscrits, je veux tout d'abord rendre hommage au travail de M. le rapporteur qui, si vous me permettez l'expression, a réussi, à certains moments difficiles, à « passer entre les gouttes » et à concilier les positions des maires, titulaires du pouvoir de police, et du ministre de l'intérieur.
Les sénateurs non inscrits tiennent à rappeler à M. le ministre de l'intérieur leurs préoccupations s'agissant de la convention de coordination. Ils souhaitent tout d'abord qu'il s'agisse bien d'une convention et non pas d'un règlement ; par ailleurs, ils mettent l'accent sur l'importance du contenu de cette convention : après le vote du texte, on se rendra compte, en effet, que l'essentiel se trouve bien là. Il s'agit donc d'être très prudent sur ce point.
Je profite de cette intervention pour rappeler à M. le ministre les quelques engagements qu'il a bien voulu prendre vis-à-vis de nous, à l'occasion de la discussion de divers amendements.
M. le ministre s'est ainsi engagé à rechercher une solution adaptée en ce qui concerne les problèmes de territorialité pour les polices municipales en matière de transports en commun.
Par ailleurs, s'agissant des problèmes de relations entre la police municipale et la police nationale, on a pu vérifier à quel point tout était possible à la seule condition que la police municipale trouve un interlocuteur face à elle et que les officiers de police judiciaire soient assez nombreux, assez disponibles et soient dotés des moyens nécessaires pour pouvoir répondre, dans un bon esprit, aux préoccupations de la police municipale. A cette condition, le projet de loi peut représenter un progrès.
Les sénateurs non inscrits voteront donc ce texte.
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'insécurité, la montée des petites et moyennes délinquances, les violences urbaines sont les préoccupations de tous et constituent un problème majeur de société.
La police municipale de proximité constitue une réponse aux attentes de nos concitoyens en cette matière. Son utilité et son efficacité ne sont plus à démontrer.
Pour autant, il faut bien reconnaître que le cadre juridique dans lequel ses agents exercent leurs fonctions était particulièrement flou. Différents projets de loi qui abordaient ce problème ont été présentés par des gouvernements successifs, mais leur examen n'a pas été mené à son terme, et ils n'ont rien résolu.
Ce texte a donc le premier mérite d'exister. En effet, il était très attendu. Il vise à définir le statut des agents municipaux concernés, de définir le champ d'action, les missions et les moyens des polices municipales.
Dans ce souci de clarification, les amendements adoptés par la Haute Assemblée complètent et améliorent à notre avis très utilement le dispositif prévu. Nous tenons à cet égard à saluer le travail et les avis éclairés de notre excellent rapporteur, M. Delevoye. Nous souhaitons également remercier M. le ministre, qui nous a toujours écoutés, quelquefois entendus et parfois approuvés, et nous retenons qu'il a, sur certains points, accepté le principe d'une poursuite de la réflexion.
S'agissant de la controverse relative au port d'armes par les agents de police municipale, je me félicite de la pondération du débat qui s'est tenu dans notre assemblée sur ce sujet un peu sensible, ainsi que de l'adoption de la rédaction proposée par la commission pour cette disposition.
Tout en supprimant le principe du désarmement des policiers municipaux, la commission a mis en place un cadre précis pour l'armement.
Maire de Toulon pendant dix ans, j'ai désarmé la police muncipale. Je ne pense pas que de nombreux maires en aient fait autant. J'ai pris cette décision parce que, à la suite d'incidents mineurs, j'ai estimé que les conditions d'encadrement et de sécurité n'étaient pas suffisantes à Toulon, pour les policiers municipaux. J'ai pensé que, en attendant que l'encadrement et la formation continue soient mis en place et qu'un certain nombre de critères soient réunis, mieux valait désarmer la police municipale.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. François Trucy. En revanche, monsieur le ministre, je n'aurais jamais pris la responsabilité de mettre en situation de danger ou de difficulté, sur la voie publique ou dans des quartiers difficiles, à certaines heures, des policiers municipaux désarmés.
C'est dire que le problème n'est jamais résolu et qu'il faudra en reparler longtemps.
Le dispositif ainsi élaboré me paraît donc pouvoir recueillir l'assentiment général et faire l'objet d'un consensus avec l'Assemblée nationale.
Dans le prolongement de la question de l'armement, la formation continue des personnels est particulièrement essentielle. L'accent mis dans le texte sur ce problème est responsable et indéniablement positif.
Pour toutes ces raisons, le groupe des Républicains et Indépendants votera le texte amendé par la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste et du RPR, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen s'associe bien évidemment aux remerciements adressés à M. le rapporteur pour l'excellence du travail qu'il a fourni.
Alors que le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale posait comme principe que « les agents de police municipale ne sont pas armés », le texte qui résulte de nos travaux traduit une position différente, que nous avions tous souhaitée.
Si le fait de légiférer en matière de police municipale aurait pu porter atteinte au pouvoir des maires, l'équilibre trouvé par le Sénat montre bien qu'il est le Grand conseil des communes de France.
Pour cette raison, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen votera ce texte qui a été amélioré par nos travaux.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je tiens à remercier le Sénat de son travail, et notamment M. le rapporteur qui a fait un gros effort pour rapprocher les points de vue.
Bien évidemment, s'il importe de saluer un certain nombre d'avancées - le Gouvernement s'est d'ailleurs rallié à plusieurs des propositions de la commission des lois - il ne faut cependant pas dissimuler les points de divergence : le principe retenu en matière d'armement, l'agrément, le règlement de coordination.
Mais peut-être sera-t-il possible, dans la suite de la procédure, de poursuivre dans la voie d'un rapprochement des positions. C'est en tout cas ce que je souhaite sincèrement, car la question des polices municipales doit être traitée, du point de vue de l'intérêt public, sans conflits excessifs.
A cet égard, je crois que le débat qui, certes, a maintenu des oppositions parfaitement légitimes, et sur certains points tranchées, a néanmoins fait avancer la compréhension d'un sujet que nous avons intérêt à traiter sérieusement tant les polices municipales ont pris une place importante : si elles peuvent jouer un rôle utile - je suis le premier à le dire - encore faut-il que leur statut soit parfaitement clarifié. Il y va, je crois, de l'intérêt de tous, des agents de police municipale, comme des maires, des citoyens et de l'Etat. Par conséquent, il nous faut continuer à travailler.
Je conclurai en remerciant pour leur contribution les différents intervenants, notamment ceux qui ont soutenu le Gouvernement dans les positions minoritaires qu'il pouvait, sur un certain nombre de points, avoir à défendre.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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