Séance du 10 juin 1998







M. le président. « Art. 2 A. - Au début du dernier alinéa de l'article L. 321-4 du code du travail, après les mots : "représentants du personnel", sont insérés les mots : "et l'autorité administrative". »
Par amendement n° 10, M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet article, introduit à l'Assemblée nationale, soulève un problème de forme et un problème de fond.
Il vise à modifier, de manière assez limitée il est vrai, la procédure de licenciement économique qui concerne tous les salariés et comprend plus d'une vingtaine d'articles, lesquels sont certainement susceptibles d'améliorations diverses du point de vue de la majorité à l'Assemblée nationale.
Pour autant, cet article ne semble pas directement de nature à apporter une réponse aux problèmes auxquels se heurtent les personnes les plus démunies de la société.
Il a été prévu que, informé de l'exécution des plans sociaux, le directeur du travail pourrait en tirer les conséquences et suspendre dans certains cas le versement des aides de l'Etat à l'appui du plan.
Il serait utile de préciser dans la loi sur quels critères l'aide peut être suspendue car, si la mauvaise exécution d'un plan peut, certes, venir de la mauvaise volonté de l'entreprise, elle peut aussi découler de circonstances économiques difficiles ou encore de la difficulté pour une PME d'assurer la reconversion de ses salariés.
Il convient donc de mieux mesurer les sanctions éventuellement attachées à la mise en oeuvre de cet article.
C'est pourquoi la commission vous propose, mes chers collègues, de supprimer ce dernier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. L'amendement adopté lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale complète, me semble-t-il, très utilement notre législation sur le licenciement économique. En effet, dans les plans sociaux, figurent, dans la quasi-totalité des cas, des mesures du fonds national de l'emploi que l'entreprise met en oeuvre dans le plan social et qui constituent l'aspect essentiel non seulement de l'intervention des directeurs du travail sur le terrain, mais aussi de l'intervention financière de l'Etat.
Cependant, les conditions dans lesquelles ces mesures sont exécutées constituent un paramètre fondamental pour leur efficacité, et donc pour la prévention de l'exclusion, comme l'a d'ailleurs rappelé la Cour des comptes dans un récent rapport.
Aussi, cette disposition, qui donne des moyens importants à l'administration pour suivre les conditions d'exécution des plans sociaux, et donc l'efficacité des fonds publics, nous apparaît tout à fait positive et je propose de la maintenir.
Je suis donc opposée à l'amendement n° 10.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, il n'échappera à personne que nous sommes ici très loin de la lutte contre l'exclusion : nous sommes en train de rétablir l'autorisation administrative de licenciement,...
M. Jacques Machet. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. ... et je demande que chacun prenne conscience du vote qu'il va émettre !
En ce qui me concerne, je soutiens complètement la position qu'a défendue notre rapporteur. (Très bien ! sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le président, je ne peux pas laisser dire cela. Peut-être un jour rétablira-t-on l'autorisation administrative de licenciement, mais nous n'en sommes pas là !
Il s'agit, dans ce texte - et je crois que le président Fourcade ne peut qu'y être attentif - de mesurer, lorsqu'une entreprise s'engage et reçoit des fonds publics, l'efficacité des engagements qu'elle a pris et la bonne utilisation des fonds publics qu'elle a reçus.
M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il ne s'agit donc pas d'une mesure d'autorisation de licenciement a priori, mais d'une mesure de contrôle a posteriori d'un plan social sur lequel l'entreprise s'est engagée et pour la réalisation duquel elle a obtenu des fonds publics.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Cela n'a rien à faire dans ce texte !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 10.
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Alors que tout le monde s'accorde à dire qu'il convient, en matière de lutte contre les exclusions, de privilégier une démarche de prévention, la commission des affaires sociales nous propose de supprimer la seule disposition du projet de loi qui vise les licenciements économiques, en prévoyant, outre l'information du comité d'entreprise, une obligation d'information de l'autorité administrative compétente.
Cet article, adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative des parlementaires communistes,...
M. Alain Vasselle. Cela explique tout !
M. Guy Fischer. ... est essentiel car il permet un contrôle de l'administration sur les engagements pris par l'employeur à l'occasion du plan social. On ne peut pas donner à guichet ouvert sans contrepartie ! Et, si vous voulez toujours plus, il faut le dire !
Véritable machine à exclure, les licenciements économiques contribuent largement à marginaliser, à faire basculer dans la pauvreté et la précarité tous les salariés qui en sont victimes.
Le Gouvernement entend mener une véritable bataille pour que le droit à l'emploi pour tous ne soit pas un vain principe.
Parallèlement, il convient d'enrayer toutes les situations qui portent atteinte à ce droit. En ce sens, des mesures doivent être prises pour prévenir et contrôler les licenciements économiques, d'autant plus mal vécus que les entreprises affichent une insolente santé financière : la Bourse, le CAC 40 ont connu une augmentation de 40 % depuis le 1er janvier. (Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Jean Chérioux. Il faudra rembourser lorsqu'il y aura une baisse !
M. Guy Fischer. Ce n'est pas à l'Etat de supporter la charge financière des restructurations nécessaires des grands groupes.
Sur ce point, madame la ministre, nous partageons l'idée qu'une réforme des procédures de licenciement économique s'impose, qu'il convient de sécuriser les plans sociaux et de donner plus de droits aux salariés.
Nous avons, en ce sens, déposé deux propositions de loi. Dans l'attente de la présentation d'un texte, madame la ministre, nous nous attacherons à défendre toute disposition complétant positivement la législation existante.
Par conséquent, nous voterons contre l'amendement de la commission des affaires sociales.
M. Hilaire Flandre. Grâce à M. Fischer, nous voterons pour !
Mme Joëlle Dusseau. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau. J'avoue que j'ai du mal à comprendre comment, à partir du texte du Gouvernement amendé par l'Assemblée nationale, on peut être amené à engager un débat sur l'autorisation administrative de licenciement !
M. Alain Vasselle. Ecoutez M. Fischer : il a tout compris !
Mme Joëlle Dusseau. L'Assemblée nationale a proposé d'insérer, au début du dernier alinéa de l'article L. 321-4 du code du travail, après les mots : « représentants du personnel », les mots « et l'autorité administrative ». Cet alinéa se lit donc ainsi : « Les représentants du personnel et l'autorité administrative sont informés de l'exécution du plan social... »
Lorsqu'il y a eu aide de l'Etat et plan social dans la foulée, l'autorité administrative, qui a apporté l'argent, doit pouvoir être informée de ce plan social ! Considérer, comme M. Fourcade, que c'est un retour vers le rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement me paraît contraire au dispositif qui nous est proposé.
C'est pourquoi je suis hostile à l'amendement n° 10.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 10, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 A est supprimé.

Article 2 B