Séance du 11 juin 1998
M. le président. La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame la ministre chargée de l'enseignement scolaire, mes chers collègues, en 1982, le gouvernement de Pierre Mauroy mettait en place les zones d'éducation prioritaire, les ZEP.
Cette expérience pédagogique originale instituée au bénéficie des régions socialement très défavorisées a eu le plus souvent des conséquences scolaires très positives pour les enfants, même si l'on peut regretter que les gouvernements de droite aient peu soutenu cette initiative au cours des dernières années.
Avec les aides financières des communes, des syndicats de communes, des conseils généraux et de l'Etat, la communauté scolaire a pu mettre sur pied des initiatives pédagogiques innovantes. Elle a dynamisé des démarches scolaires et périscolaires originales. Des liens porteurs de projets se sont tissés entre les enseignants d'un même secteur géographique et de niveaux différents : maternelles, primaires et collèges ; un véritable travail en équipe a pu réellement se constituer. Le dévouement et le militantisme de nombreux enseignants ont permis à des enfants défavorisés par le contexte social et familial de sortir de leur ghetto et de s'engager avec une volonté ferme de s'éduquer et de se former.
Aujourd'hui, madame la ministre, vous affirmez votre souci de relancer la dynamique des ZEP ; c'est une initiative heureuse, et je vous en félicite.
Cependant, le projet de redéfinition de la carte des ZEP soulève des émotions bien légitimes dans la communauté éducative et chez les élus. La suppression de secteurs aujourd'hui classés en ZEP est une décision qui peut être lourde de conséquences fâcheuses en milieu urbain comme en milieu rural. Cette décision contribuerait à casser des équipes pédagogiques dont les moyens financiers et humains se trouveraient fortement diminués.
Il serait paradoxal et injuste que les secteurs qui ont su, avec un certain succès, surmonter les difficultés soient victimes de leur réussite. De plus, l'équilibre social de ces zones reste fragile. Je pense, en particulier, à celles qui souffrent de l'isolement lié à la ruralité et d'un héritage industriel encore très pesant, très lourd à supporter culturellement.
En conséquence, si le Gouvernement se contente de relancer les ZEP par un redéploiement des moyens, ce processus me paraîtrait très dangereux pour des territoires qui perdraient leur agrément en ZEP.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Paul Raoult. Aussi, madame la ministre, je vous demande s'il est possible d'affiner les critères retenus pour l'agrément en ZEP, de tenir compte de l'histoire singulière rurale ou urbaine de chaque région, car les critères liés à des moyennes peuvent cacher des disparités sociales très fortes sur un même territoire.
M. Jacques Mahéas. Absolument !
M. Paul Raoult. Surtout, madame la ministre, envisagez-vous de dégager des moyens financiers supplémentaires pour vous permettre d'élargir la carte des ZEP, là où la nécessité s'en fait sentir ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Je vous remercie, monsieur le sénateur, de l'intérêt que vous manifestez pour la lutte contre les inégalités scolaires, car c'est d'abord cela, les ZEP : donner plus aux enfants qui ont le moins.
Les assises nationales des ZEP viennent de se dérouler à Rouen. Elles ont eu essentiellement pour objectif de faire le bilan de quinze années d'expérience. Nous savons maintenant où les résultats ont été concluants et pourquoi certaines ZEP ont obtenu des résultats scolaires égaux, voire supérieurs à ceux de la moyenne nationale.
Le moment est venu d'engager une politique contractuelle de proximité, de mettre en place une nouvelle stratégie qui permette à la fois de tenir compte de cette expérience, de ses résultats et d'en faire profiter l'ensemble des ZEP.
Oui, monsieur le sénateur, la carte des ZEP sera revue.
D'abord, il s'agira de diviser les très grosses zones d'éducation prioritaire puisque nous savons que ce sont les petites ZEP qui marchent bien. Ainsi, tous les collèges situés dans les ZEP devront se mettre en réseau d'éducation prioritaire. Chacun, avec les écoles qui en relèvent et les lycées qui y sont associés, devra définir un objectif, un contrat de réussite et recevra les moyens nécessaires à la réalisation de ce contrat de réussite, qui sera signé avec le recteur.
Mme Hélène Luc. Avec quels moyens ?
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Par ailleurs, le nombre des ZEP va augmenter. Les établissements classés en zone d'éducation prioritaire seront donc plus nombreux.
Un appel à projet sera lancé dans les tout prochains jours. Je suis en effet en train de tirer les conséquences des assises nationales des ZEP. Une instruction sera prochainement diffusée aux recteurs pour lancer cet appel à projet. Seront prises en considération, comme vous le disiez, les circonstances locales, les difficultés particulières, les critères sociaux et économiques locaux, les résultats scolaires, les forces et les faiblesses des différents établissements, pour que chacun puisse définir ses objectifs en fonction des grandes priorités nationales.
Mon objectif est clair, monsieur le sénateur : il s'agit de faire en sorte que plus un seul enfant n'arrive au collège, en classe de sixième, sans savoir lire et écrire correctement. Cela vaut d'ailleurs pour les écoles primaires classées en ZEP, mais aussi pour tous les enfants en difficulté qu'ils soient ou non scolarisés dans des établissements classés en ZEP.
Nous aurons donc des moyens supplémentaires, mais il sera également procédé à des redéploiements.
Mme Hélène Luc. C'est cela qui ne va pas !
Mme Ségolène Royal, ministre délégué. Si, car si l'on a donné davantage à ceux qui en avaient le plus besoin, c'est pour ensuite ramener au niveau de la moyenne nationale certains établissements scolaires qui sont d'ailleurs prêts à sortir des zones d'éducation prioritaires.
Rien ne se fera sans la négociation. Il n'est pas question de fragiliser des établissements scolaires qui ont obtenu des résultats grâce au classement en ZEP et qui risquent de souffrir d'en être exclus. Je serai extrêmement attentive aux propositions qui me seront faites et, en tout état de cause, ce sera toujours l'intérêt des élèves qui sera pris en considération. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d'actualité du Gouvernement. A la demande de la commission des affaires sociales, nous allons interrompre nos travaux pendant une demi-heure.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures cinquante.)