Séance du 11 juin 1998
M. le président. « Art. 30. - L'article 232 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 232 . - I. - Il est institué, à compter du 1er janvier 1999, une taxe annuelle sur les logements vacants dans les communes appartenant à des zones d'urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées, qui se concrétise par le nombre élevé de demandeurs de logement par rapport au parc locatif et la proportion anormalement élevée de logements vacants par rapport au parc immobilier existant. Un décret fixe la liste des communes où la taxe est instituée.
« II. - La taxe est due pour chaque logement vacant depuis au moins deux années consécutives, au 1er janvier de l'année d'imposition, à l'exception des logements détenus par les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous condition de ressources.
« III. - La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation ou l'emphytéote qui dispose du logement depuis le début de la période de vacance mentionnée au II.
« IV. - L'assiette de la taxe est constituée par la valeur locative du logement mentionnée à l'article 1409. Son taux est fixé à 10 % la première année d'imposition, 12,5 % la deuxième année et 15 % à compter de la troisième année.
« V. - Pour l'application de la taxe, n'est pas considéré comme vacant un logement dont la durée d'occupation est supérieure à trente jours consécutifs au cours de chacune des deux années de la période de référence définie au II.
« VI. - La taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable.
« VII. - Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions de la taxe sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties.
« VIII. - Le produit net de la taxe est versé à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. »
Sur l'article, la parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade. L'article 30 du projet de loi porte sur l'une des propositions nouvelles les plus importantes. Il est en quelque sorte l'un des éléments clés de ce projet de loi.
Personne ne s'y trompe, d'ailleurs, puisque la commission des affaires sociales comme la commission des affaires économiques nous proposent de le supprimer !
Pourtant, la disposition qu'il contient est d'une portée pour le moins limitée, quoique hautement symbolique.
Il est en effet patent que l'un des aspects les plus insupportables de l'exclusion du droit au logement est l'existence, à côté de la demande sociale, d'une offre non négligeable de logements vides qui sont loin, d'ailleurs, d'être tous parfaitement insalubres.
Les luttes particulièrement soutenues qui ont été menées ces dernières années pour dénoncer, par exemple, les logements vides construits par les filiales immobilières de nos établissements financiers en portent témoignage.
Cette situation de vacance, insupportable quand tant de familles attendent un logement, notamment dans l'agglomération parisienne et dans de grandes agglomérations de province, imposait de longue date des solutions.
Si celle qui nous est proposée est une première avancée, nous souhaiterions, pour notre part, qu'elle soit encore plus nettement marquée.
La taxe sur la vacance est tout d'abord annuelle, ce qui peut se comprendre en ce sens qu'elle épouse assez précisément les règles propres à la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Pour notre part, nous souhaitons que le seuil d'agglomération pris en compte soit ramené à 100 000 habitants, au lieu de 200 000.
Même si la question se pose pour l'essentiel en région d'Ile-de-France, et singulièrement dans l'agglomération parisienne, qui doit compter quelque 7 500 000 habitants selon l'acceptation retenue, celle de « l'urbanisation continue », ce seuil nous semble plus adapté à la réalité. Il permet, notamment, d'éviter toute poussée spéculative dans certaines agglomérations de province.
S'agissant du champ des exclusions à l'application de la taxe, outre les logements des organismes d'HLM, nous souhaitons que les logements dont seraient propriétaires des associations à but non lucratif échappent également à toute taxation. Même si ce parc immobilier est relativement réduit, on ne peut omettre cette précision.
Plus complexe est le problème de l'assiette de la taxe pour laquelle le texte du projet de loi prévoit de retenir le principe de la valeur locative servant de base au calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Le taux de la taxe annuelle se révèle de surcroît progressif selon la persistance de la croissance, orientation que nous partageons.
Pour autant, nous préférerions que soit plutôt retenu le principe du loyer de référence du logement considéré, c'est-à-dire de la ressource potentielle que le propriétaire pourrait être amené à tirer de la remise sur le marché de son logement vacant.
Le taux de la taxe serait ensuite d'autant plus dissuasif que son montant serait là encore rendu progressivement plus important.
Enfin, alors même que cette taxe est censée permettre le financement des actions de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, nous pensons, pour notre part, eu égard à la situation des personnes mal logées, plus pertinent d'alimenter avec la taxe sur la vacance les fonds de solidarité pour le logement.
S'agissant de l'ANAH, nous pensons que d'autres sources de financement peuvent lui être trouvées et qu'il est plus urgent en particulier de lui permettre de disposer effectivement de l'ensemble des ressources levées par le biais de la taxe additionnelle au droit de bail.
Pour autant, dans un cas comme dans d'autre, il nous semble, en dernière instance, que la taxe sur la vacance, où que son produit soit affecté, ne peut venir en réduction des moyens d'ores et déjà consacrés aux actions tant de l'ANAH que des FSL.
Vous comprendrez donc aisément que nous ne voterons pas les amendements de suppression de cet article.
M. le président. Sur l'article 30, je suis saisi de douze amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les six premiers sont identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 210 est déposé par M. Braun, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 243 est présenté par M. Oudin, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 288 est déposé par M. Blin et les membres du groupe de l'Union centriste.
L'amendement n° 294 est présenté par MM. Durand-Chastel, Habert et Maman.
L'amendement n° 401 est déposé par MM. Eckenspieller, Vasselle, Ostermann et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
Tous les six tendent à supprimer l'article 30.
Par amendement n° 350, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent, dans la première phrase du I du texte présenté par l'article 30 pour l'article 232 du code général des impôts, de remplacer les mots : « de plus de deux cent mille habitants » par les mots : « de plus de cent mille habitants ».
Par amendement n° 351, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent après les mots : « de plus de deux cent mille habitants » de supprimer la fin de la première phrase du I du texte présenté par l'article 30 pour l'article 232 du code général des impôts.
Par amendement n° 295, MM. Durand-Chastel, Habert et Maman proposent de compléter in fine le paragraphe II du texte présenté par l'article 30 pour l'article 232 du code général des impôts par les mots : « et à l'exception des logements détenus par des personnes physiques non résidentes ».
Par amendement n° 352, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le II du texte présenté par l'article 30 pour l'article 232 du code général des impôts par les mots suivants : « ainsi que de ceux détenus par les associations ou organismes à but non lucratif mentionnés à l'article 23 de la présente loi ».
Par amendement n° 353, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le IV du texte présenté par l'article 30 pour l'article 232 du code général des impôts :
« IV. - La taxe est proportionnelle à la durée de la vacance. L'assiette de la taxe est équivalente au loyer moyen pratiqué dans le secteur géographique du logement concerné :
« - un mois de loyer au bout de dix-huit mois de vacance ;
« - deux mois de loyer au bout de vingt-quatre mois de vacance ;
« - trois mois de loyer au bout de trente mois de vacance. »
Par amendement n° 354, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit le VIII du texte présenté par l'article 30 pour l'article 232 du code général des impôts :
« VIII - Le produit de la taxe est versé au fonds de solidarité logement. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 60.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de supprimer la taxe sur les logements vacants.
Le champ d'application de la taxe apparaît excessivement large puisqu'il toucherait tous les propriétaires, qu'il s'agisse des personnes physiques ou privées, dès lors qu'elles possèdent plus d'un logement.
Les causes de la vacance dans le secteur privé ne s'expliquent pas principalement par des raisons spéculatives, comme le Gouvernement semble le penser.
Le logement reste vacant pour des raisons liées à sa vétusté, au coût des travaux qui seraient nécessaires pour l'améliorer, au temps qui s'écoule pour la recherche d'un nouveau locataire ou encore pour des motifs liés à la difficulté de régler une succession.
Même si le Gouvernement a prévu que la taxe ne s'appliquerait pas en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable, il reste que les propriétaires seront soumis à des formalités administratives contraignantes pour faire valoir devant l'administration fiscale, sans aucune garantie de succès, les raisons pour lesquelles ils sont obligés de ne pas louer le logement vacant.
Il faut également tenir compte de la difficulté de la mise en oeuvre de la mesure pour les Français résidant à l'étranger pour une longue période.
Enfin, le champ de la taxe ne couvre pas les logements vacants dans le secteur du logement locatif social alors que les propriétaires privés n'ignorent pas que le nombre de ces logements demeurent inhabités pour des raisons qui ne sont pas toujours involontaires de la part des organismes d'HLM.
La commission des affaires sociales a donc rejeté les complications entraînées par la mise en oeuvre de ce nouveau prélèvement obligatoire. Elle vous proposera d'insérer, après l'article 30, deux articles additionnels tendant à instituer un dispositif incitatif destiné à faciliter la remise sur le marché des logements vacants. Nous obtiendrions ainsi une meilleure efficacité que celle que l'on peut attendre d'une taxe sur les logements vacants.
M. le président. La parole est à M. Braun, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 210.
M. Gérard Braun, rapporteur pour avis. Les modalités d'instauration de la taxe sur la vacance est point par point critiquable.
Le paragraphe I du nouvel article 232 du code général des impôts instaure, à compter du 1er janvier 1999, une taxe annuelle sur les logements vacants situés dans les communes appartenant à des zones d'urbanisation continue de plus de deux cent mille habitants, où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements au détriment des personnes à revenus modestes ou défavorisées.
Ce déséquilibre sera apprécié compte tenu du nombre élevé de demandeurs de logements par rapport au parc locatif et au nombre de logements vacants dans l'ensemble du parc immobilier existant.
C'est un décret qui fixe les listes des communes concernées par l'instauration de la taxe.
Les modalités d'adoption de la liste des communes concernées sont contestables tant sur le fond que sur la forme.
D'une part, l'appréciation du caractère déséquilibré du marché immobilier locatif englobera la totalité du marché locatif, y compris le parc social public, alors que seuls les propriétaires privés sont redevables de cette taxe. Ainsi, dans certains cas, les propriétaires privés seront pénalisés par les forts taux de vacance du seul parc immobilier HLM.
D'autre part, la procédure d'élaboration de la liste n'offre pas suffisamment de garanties aux propriétaires. Pour assurer une protection minimale des propriétaires contre l'arbitraire administratif, il faudrait que la liste des communes où est instaurée la taxe sur les logements vacants soit fixée et révisée annuellement par un décret en Conseil d'Etat.
Le paragraphe II précise le champ d'application de la taxe, qui s'applique à tout logement vacant pendant au moins deux années consécutives au 1er janvier de l'année d'imposition. Il exclut expressément les logements attribués sous condition de ressources détenus par les organismes d'habitation à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte.
Ce cas d'exclusion apparaît d'autant plus injuste que le taux de vacance dans le parc HLM est, comme il a été indiqué plus haut, pris en compte pour déterminer la liste des communes où s'applique la taxe. De plus, le sort particulier et favorable réservé au parc immobilier des SEM induit une rupture d'égalité entre les personnes morales de droit privé gérant un parc mobilier locatif.
Les paragraphes V et VI fixent des cas d'exonération en fonction de certains types de vacance, notamment les cas de vacance subie.
Ces éléments vont très certainement induire de multiples contentieux, car leur interprétation dépendra très largement de l'arbitraire de l'autorité administrative. En effet, s'agissant de la vacance subie, aucune définition précise n'a pu être donnée à la commission des affaires économiques, et il s'agit en définitive d'écarter du champ d'application de la taxe les logements vacants pour des raisons légitimes.
Il n'est pas prévu qu'un texte réglementaire dresse la liste exhaustive de ces raisons légitimes, ce qui ne manquera pas de donner lieu à des interprétations divergentes, portant ainsi atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi. De plus, le système fait supporter la charge de la preuve au propriétaire, qui doit prouver que la vacance de son logement est subie. La vacance subie couvre ainsi le cas du propriétaire qui n'a pas les moyens de faire rénover son logement, ou qui ne trouve pas de locataire alors que son bien est proposé au prix du marché, ou encore qui cherche à vendre son logement sans trouver d'acquéreur. Ces trois exemples suffisent à faire prendre conscience des difficultés d'application de ce dispositif.
Comment prouver l'insuffisance de ses ressources, ses choix de dépenses personnelles ou encore les démarches entreprises pour louer ou vendre un logement ? Comment estimer alors le prix du marché ? Il n'est pas acceptable que le propriétaire soit tenu d'apporter la preuve de sa bonne foi.
Enfin, le paragraphe VIII affecte le produit net de la taxe à l'Agence pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, qui finance des travaux de rénovation dans le parc locatif privé.
Le choix de cette affectation est d'autant plus dérisoire, compte tenu du rendement très faible escompté de cette taxe, que, depuis 1987, la collecte de la taxe additionnelle au droit de bail, la TADB, n'alimente plus directement le budget de l'ANAH.
Compte tenu de la réforme de la TADB intervenue en 1992, l'écart est croissant entre la forte progression du produit de cette taxe et la faible évolution du budget de l'ANAH. Le « décrochage avéré » à partir de 1991 s'élève, depuis 1994, à plus d'un milliard de francs par an.
Au-delà même de sa position réservée sur la philosophie de ce dispositif, la commission des affaires économiques considère qu'il est inapplicable en l'état et serait au surplus totalement inefficace.
J'ajoute que, pour ma part, monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends fort bien vos motivations, mais sans les partager car, à mes yeux, il s'agit ici avant tout d'un effet d'annonce.
M. le président. La parole est à M. Oudin, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 243.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour avis. Vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, si les arguments qui ont amené la commission des finances à adopter une position analogue à celle de la commission des affaires économiques et à celle de la commission des affaires sociales sont vraiment les mêmes. Je les résumerai brièvement.
Premièrement, le phénomène de la vacance est mal connu et cette taxe apparaît à l'évidence, comme vient de le dire M. Braun, de pur affichage politique. Le phénomène est complexe, d'autres collègues vont intervenir, notamment lorsqu'il s'agira des Français de l'étranger qui ne peuvent pas louer. Il faudra mieux appréhender le problème de la vacance qui concerne également les zones rurales.
Deuxièmement, la taxe introduit une rupture d'égalité entre les contribuables, car elle ne s'applique ni aux organismes d'HLM, ni aux sociétés d'économie mixte. Or il n'y a pas de justification profonde à cette différenciation.
Troisièmement, la taxe est inapplicable en l'absence de mécanisme de recensement des logements vacants et de définition de la vacance involontaire. Il vient d'en être question.
Quatrièmement, l'affectation à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat est critiquable dans la mesure où les ressources de la taxe additionnelle au droit de bail sont de 3,5 milliards de francs alors que la recette de l'ANAH est de 2,2 milliards de francs.
L'ensemble de ces justifications démontre l'inutilité de cette taxe.
Nous souhaiterions, nous, une politique alternative fondée sur des mesures incitatives, qui, si elles n'ont pas toujours l'efficacité souhaitée, seraient à nos yeux beaucoup plus appropriées qu'un dispositif coercitif, aux effets psychologiques de toute façon désastreux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, tout à l'heure, nous avons parlé de rigueur budgétaire. Or la commission des finances a relevé que l'article 30 procédait à l'affectation d'une taxe, et ce en contradiction avec les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance organique de 1959 en vertu desquelles il ne peut être procédé à une telle affectation qu'en loi de finances. Dans ces conditions, nous souhaitons que, peut-être, vous revoyez votre copie lors de la présentation de la prochaine loi de finances.
Mais la commission des finances a souhaité dépasser cet argument juridique pour exprimer une opposition profonde et résolue à cette nouvelle taxe pour des raisons de fond : il ne nous semble pas qu'elle permette de lutter contre l'exclusion des personnes les plus démunies ; elle sera au contraire un signal extrêmement négatif pour tous les bailleurs privés. C'est la raison qui justifie notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Machet, pour défendre l'amendement n° 288.
M. Jacques Machet. La mesure instituée par l'article 30, outre le fait qu'elle constitue une atteinte grave au droit de propriété, aura un effet négatif sur l'offre de logement qu'elle est censée améliorer.
En effet, les relations propriétaires-locataires sont d'ores et déjà déséquilibrées au détriment des premiers, mais elles le seront encore bien plus du fait de la probable adoption du chapitre III du présent projet de loi, comprenant diverses « mesures relatives au maintien dans le logement », qui rendront encore plus difficile l'expulsion des locataires de mauvaise foi.
Dans ces conditions, instaurer une taxe sur les logements vacants reviendrait à décourager pour longtemps l'investissement locatif privé et pourrait entraîner à terme une pénurie de l'offre de logements.
Pour toutes ces raisons, il convient de supprimer l'article 30.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel, pour défendre l'amendement n° 294.
M. Hubert Durand-Chastel. La taxe sur les logements vacants instituée par l'article 30 est une atteinte grave au droit de propriété et une injustice. De plus, elle constitue un non-sens car elle découragera l'investissement des personnes privées dans le logement et, de ce fait, les logements privés à vocation locative seront moins nombreux, donc plus chers selon la loi de l'offre et de la demande. Enfin, cette mesure est arbitraire car la détermination par décret de la liste des communes où la taxe sera instaurée, introduira une discrimination fiscale entre lescontribuables.
En outre, cette disposition risque de dissuader les non-résidents de posséder une habitation en France. Cela est particulièrement vrai pour les Français établis hors de France qui, étant soumis à de nombreux aléas à l'étranger - perte d'emploi, troubles politiques, guerre - veulent pouvoir réintégrer immédiatement leur pays d'origine. L'exemple récent du Congo, qui a vu le rapatriement subit de nombreux Français résidant dans ce pays, illustre bien la nécessité pour nos compatriotes de l'extérieur de disposer d'une habitation libre en France.
Enfin, nombre de nos compatriotes de l'étranger souhaitent posséder un logement pour leur retour futur en France, au moment de la retraite notamment, car ils restent attachés à leur pays d'origine. Une mesure fiscale nouvelle sur le logement pourrait les décourager d'investir en France, contribuant ainsi à éloigner encore davantage les Français expatriés, au moment où notre pays, pour faire face à la mondialisation, a besoin d'une grande mobilité de ses nationaux.
Pour toutes ces raisons, l'article 30 nous apparaît inopportun et nous en demandons la suppression.
M. le président. La parole est à M. Vasselle, pour défendre l'amendement n° 401.
M. Alain Vasselle. Je vais conforter l'unanimité qui s'exprime concernant la suppression de cet article relatif à la taxation des logements vacants.
Je rappelle tout d'abord que le Parlement a voté, voilà quelques mois et à une très large majorité, une loi permettant aux organismes d'habitations à loyer modéré d'intervenir sur le parc locatif en prenant à bail des logements vacants pour les donner en sous-location. Il semblerait pertinent de laisser à ces dispositions le temps de produire leurs effets avant d'introduire des mesurescoercitives.
Ces dispositions reposent en effet sur le principe d'un partenariat librement consenti, alors que la mise en oeuvre d'une taxe annuelle sur les logements vacants relève d'une démarche qui se situe à l'opposé.
De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque la commission des affaires économiques et celle des affaires sociales s'étaient réunies ensemble, voilà quelques mois, vous aviez annoncé votre intention de présenter devant le Parlement de nouvelles dispositions législatives qui permettraient une forme de conventionnement entre les organismes d'HLM et les propriétaires privés pour élargir encore l'offre du parc locatif sur l'ensemble du territoire.
J'ai trouvé ces mesures intéressantes et innovantes. Elles s'inspirent de la formule du bail à réhabilitation ou du bail à construction.
Vous vous êtes alors engagé à aménager ces deux dernières formules, à les assouplir ou à les améliorer pour ce qui est de leur caractère incitatif, fiscal et financier afin qu'elles puissent produire leur plein effet.
J'aurais préféré - et ma position n'a pas varié depuis qu'a été évoquée la taxation sur les logements vacants - que l'on use de toutes les autres possibilités, notamment des incitations fiscales, avant de manier le bâton à l'encontre des propriétaires récalcitrants qui, d'une manière provocante à l'égard de ceux qui sont à la recherche d'un toit, laissent des logements libres, vacants.
De surcroît, la formulation selon laquelle la taxe n'est pas due si la vacance est indépendante de la volonté du contribuable donnera lieu, je le crains, à des interprétations qui risquent d'être fort divergentes et souvent largement subjectives, et de nombreux contentieux risquent de naître.
Comme je vous l'avais fait remarquer en commission, monsieur le secrétaire d'Etat, nombre de collectivités risquent de se trouver dans une situation paradoxale. En effet, elles verront coexister sur leur territoire, d'une part, un parc locatif comprenant de nombreux logements vacants dans lesquels les familles ne veulent pas habiter en raison des problèmes d'insécurité qui se posent dans ces ensembles et, d'autre part, des logements appartenant à des propriétaires privés qui seront taxés parce qu'ils seront vacants. Cela sera une source d'incompréhension de la part des propriétaires privés qui seront taxés.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour défendre les amendements n°s 350 et 351.
Mme Odette Terrade. Vous l'avez compris après ce que j'ai dit dans mon intervention liminaire, je ne partage pas les points de vue qui viennent d'être défendus.
Notre groupe, quant à lui, avec l'amendement n° 350, vise à élargir l'assiette de la taxe sur les logements vacants et non à la supprimer.
Avec l'amendement n° 351, il s'agit de supprimer la référence au déséquilibre entre l'offre et la demande qui est une garantie supplémentaire de l'efficacité de cette taxe.
En effet, dans les communes où le parc social de logements est inexistant, il n'y a pas de demande de logement. C'est le cas à Neuilly-sur-Seine par exemple.
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel, pour présenter l'amendement n° 295.
M. Hubert Durand-Chastel. Il s'agit d'un amendement de repli au cas où les amendements de suppression de l'article 30 ne seraient pas adoptés.
Cet amendement prévoit une exception pour les logements détenus par les personnes physiques non résidentes.
J'ai déjà exposé tout à l'heure le cas des Français établis à l'étranger, en particulier de ceux qui veulent prendre leur retraite en France, je ne reviendrai donc pas une seconde fois sur ce point.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour défendre les amendements n°s 352, 353 et 354.
Mme Odette Terrade. Avec l'amendement n° 352, il s'agit d'élargir le champ de l'exonération aux associations et aux organismes à but non lucratif pratiquant la gestion immobilière ou la sous-location de logements destinés à des personnes défavorisées et agréées à ce titre par le préfet.
L'amendement n° 353 a pour but de modifier le taux de la taxe sur la vacance afin de la rendre plus dissuasive.
Enfin, l'amendement n° 354 vise à verser le produit de cette taxe au fonds de solidarité pour le logement et non pas à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements portant sur l'article 30 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Ayant moi-même, au nom de la commission des affaires sociales, présenté un amendement de suppression de l'article 30, je considère que tous les autres seront satisfaits si l'amendement n° 60 est adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Manifestement, l'article 30 est un sujet de discussions intenses auquel je ne veux pas me dérober.
J'indique globalement que, quel que soit l'intérêt de tel ou tel amendement, le Gouvernement se prononcera négativement sur l'ensemble des amendements. Cela ne signifie pas pour autant, que, si le dispositif fonctionne bien, il ne sera pas envisagé de l'étendre.
Après cette remarque liminaire, je souhaite relever quelques affirmations et calmer certaines inquiétudes.
Monsieur Vasselle, la possibilité donnée aux organismes d'HLM de prendre à bail des logements privés est désormais possible, depuis la loi dont l'initiateur a été M. Gilbert Meyer, qui appartient d'ailleurs à votre groupe dans l'autre assemblée. Cette loi a été soutenue par le Gouvernement et, surtout, adoptée à l'unanimité. Ce dispositif législatif s'applique donc.
M. Durand-Chastel a posé le problème des Français de l'étranger qui souhaitent garder la disponibilité immédiate de leur logement au cas où ils rentreraient au pays.
Cette remarque me donne à penser qu'il existe une ambiguïté que je tiens à dissiper.
Il est évident que les propriétaires d'un logement qui souhaitent en disposer ne le louent pas. Par ailleurs, comme ils souhaitent en disposer pour eux-mêmes, il s'agit de logements meublés. Or, à partir du moment où un logement est meublé, même s'il est inoccupé, il est soumis à la taxe d'habitation. Je peux donc affirmer ici que ce logement-là ne peut pas être concerné par la taxe sur la vacance. En effet, cette taxe ne s'ajoute pas à la taxe d'habitation, elle s'applique quand un propriétaire demande à bénéficier d'une disposition du code fiscal qui lui permet de ne plus payer la taxe d'habitation parce que le logement est à la fois vide et vacant.
Seuls de tels logements sont concernés par l'article 30. En continuant à acquitter la taxe d'habitation pour le logement qu'ils gardent pour eux-mêmes et qui est meublé, les Français de l'étranger ne sont donc pas concernés par le dispositif proposé.
J'ai entendu le rapporteur pour avis, M. Braun, indiquer que le produit de la taxe affecté à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat serait dérisoire. S'il est dérisoire, c'est que la mesure n'est pas dramatique !
M. Gérard Braun, rapporteur pour avis. C'est une affaire de principe !
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. En outre, comme je l'ai dit en répondant aux orateurs dans la discussion générale, l'objectif du Gouvernement n'est pas d'encaisser un produit fiscal important mais, par la taxation, d'inciter à une modification des comportements et d'obtenir que les logements en question soient remis sur le marché. En quelque sorte, moins cette taxe rapportera, plus elle aura produit son effet. Il ne peut pas y avoir de malentendu sur ce point.
Vous avez bien sûr évoqué le fait que le produit de la taxe additionnelle au droit de bail, la TADB, n'était pas affecté en totalité à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et vous avez signalé que cette réalité s'était amplifiée depuis 1991.
Les chiffres vous donnent raison. Néanmoins, j'appelle votre attention - mais je crois l'avoir déjà dit dans une autre enceinte - sur le fait que notre dispositif de fonds de solidarité pour le logement, qui intervient surtout pour couvrir des impayés, est aujourd'hui sollicité à parts à peu près égales par le parc privé pour 4 500 000 logements, et par le parc social pour environ 3 800 000 logements.
Sans qu'il y ait de concours spécifique des propriétaires privés, il leur est possible d'émarger à ce fonds dont la dépense annuelle, je le rappelle, a été à plusieurs reprises voisine ou supérieure à un milliard de francs. Par ce dispositif, une ressource a donc été rétablie au bénéfice des bailleurs privés. Mais il reste une différence, je suis, bien évidemment prêt à le reconnaître.
M. Oudin a présenté une critique forte à laquelle je répondrai ultérieurement. Il a aussi exprimé ses préoccupations pour les zones rurales. Mais puisque le dispositif vise les agglomérations de plus de 200 000 habitants, je ne crois pas que les propriétaires des zones rurales puissent éprouver des inquiétudes.
M. le rapporteur pour avis a également parlé d'un signal négatif pour les bailleurs privés. Le Gouvernement fait une analyse diamétralement opposée. Ce n'est pas un bailleur qui sera concerné par cette taxe, c'est celui qui se refuse à l'être. Le bailleur ne peut donc qu'être conforté, parce que cette mesure montre qu'il a fait le bon choix en mettant son bien à la disposition d'un occupant. Cette mesure est une reconnaissance indirecte de la fonction de bailleur.
Nous souhaitons en effet que le propriétaire qui n'a pas durablement l'usage de son bien pour lui-même devienne bailleur lorsque la demande est forte. Avec cet article, nous instaurons donc une incitation à augmenter le nombre des bailleurs.
M. Vasselle a indiqué qu'un problème se posait du fait de la vacance dans le parc des HLM et que cela engendrait une rupture de l'égalité au détriment des bailleurs privés.
Il est vrai qu'il existe des logements vacants dans les HLM, y compris dans des zones urbaines denses. Ainsi, dans l'agglomération lyonnaise, les organismes d'HLM enregistrent 30 000 demandes non satisfaites, contre 65 000 pour la seule ville de Paris. La comparaison est éclairante. Je ne dispose pas des chiffres pour la vacance de logements en HLM dans l'agglomération parisienne, mais, dans l'agglomération lyonnaise, ils sont significatifs. Ainsi, dans certains ensembles dégradés ou, en tout cas, dont les formes urbaines sont rejetées, quels que soient les efforts réalisés par les collectivités pour améliorer l'environnement et les services, la vacance est telle que la communauté urbaine de Lyon vote annuellement un crédit de 50 millions de francs qu'elle verse aux organismes d'HLM pour compenser les pertes de loyers dues à la vacance qu'ils subissent.
J'ajoute, monsieur Vasselle, qu'un logement locatif HLM est, par définition, mis en location. De même, si un propriétaire privé prend l'initiative de mettre sur le marché un bien vacant au prix du marché, la taxe sur la vacance ne s'applique pas. Il n'y a donc aucune rupture de l'égalité.
Le grief le plus important exprimé à l'encontre de cette mesure l'a été par MM. les rapporteurs, qui ont parlé, l'un d'effet d'annonce, l'autre d'affichage politique. C'est ignorer la demande qui est exprimée, vous le savez, par toutes les associations du collectif Alerte par des personnalités comme Mme Geneviève Anthonioz-de Gaulle. Je n'en avais pas parlé jusqu'à maintenant, mais beaucoup ici ont évoqué son action particulièrement exemplaire.
C'est bien de reconnaître l'exemplarité de son action, mais encore faut-il entendre son message ! Celui-ci vient d'être récemment relayé par le président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, l'ancien ministre Xavier Emmanuelli, qui fait sienne cette revendication, constante depuis des années, de l'ensemble du secteur associatif.
Pourquoi le secteur associatif formule-t-il une telle demande ? Essentiellement parce qu'il est confronté, au quotidien, à l'exclusion en matière de logement et constate l'importance de la vacance.
Cette vacance comporte-t-elle un gisement de logements réellement mobilisables ? Les seuls enseignements que nous ayons résultent des études qui ont été conduites alors que M. de Charette était ministre du logement. Ses services, dont il avait repris les conclusions, avaient évalué à 400 000 le nombre de logements effectivement mobilisables, soit l'équivalent de huit années de construction de logements locatifs HLM. En effet, 50 000 ont été construits l'année dernière, mais j'espère que nous dépasserons ce rythme cette année.
On comprend, en voyant ces données, que toutes les associations revendiquent cette disposition !
En clair, ce qui est critiquable aux yeux du Gouvernement, c'est la vacance elle-même dans de telles conditions et non sa taxation.
En effet, la vacance d'un logement représente d'abord une perte de recettes pour les collectivités territoriales. Ensuite, elle a un impact bien souvent négatif sur l'environnement urbain, car peu de propriétaires de logements vacants sont très actifs, au sein des copropriétés, pour décider de travaux d'amélioration. C'est, enfin, une perte d'activité pour le commerce de proximité et, bien souvent, une source de dévitalisation des services publics dans les quartiers.
Il faut que vous sachiez que la vacance n'est pas le propre des quartiers où il y a le plus d'habitat locatif social. D'après ce que nous savons de la situation à Paris, arrondissement par arrondissement, c'est dans les arrondissements qui n'ont pas ou ont très peu de logements locatifs sociaux que le taux de vacance est plus élevé que le taux moyen national, ce dernier étant déjà rendu élevé par la vacance subie en zone rurale, qui concerne de 700 000 à 800 000 logements sur les 2 200 000 déclarés vacants.
Donc, paradoxalement, c'est là où la demande urbaine est la plus forte que la vacance est plus importante qu'ailleurs ! Dans ces conditions, remettre des logements vacants sur le marché est donc bien un objectif d'intérêt général et de cohésion sociale que, j'en suis sûr, vous ne pouvez que tous partager, du moins je le souhaite.
Il faut bien comprendre que la vacance constitue en fait la stérilisation d'un patrimoine. Or l'investisseur qui choisit la pierre ne peut être motivé par une telle perspective. Comment la taxation découragerait-elle celui qui veut investir, à moins que ce dernier ait investi pour gaspiller, ce que nous aurions quelque peine à comprendre !
Face à une telle réalité, ou bien ce patrimoine vacant ne suscite pas une attente de la part de la collectivité, et il s'agit alors d'une stérilisation subie faute de demande - c'est souvent le cas des zones rurales, où les demandes sont peu nombreuses, voire inexistantes - ou alors ce patrimoine vacant suscite une forte attente traduite par une pression de la demande et, dans ce cas, la stérilisation du logement devient illégitime. Voilà pourquoi nous avons retenu les zones urbaines de plus de 200 000 habitants, où le déséquilibre est marqué entre l'offre et la demande de logement. Dans ces zones, il faut, me semble-t-il, donner un signal fort pour montrer qu'il n'est pas normal, et cela pour des raisons de cohésion sociale, qu'un logement reste vacant plus de deux ans. Tel est le sens de la taxe que nous voulons instituer.
Parallèlement - et c'est ce que nous faisons - il convient de mettre en place des incitations et des aides afin d'offrir aux propriétaires la palette la plus large possible de solutions aux difficultés qu'ils peuvent éprouver.
Parmi ces solutions, il y a le bail à réhabilitation pour le propriétaire totalement impécunieux qui ne peut pas supporter la dépense que représentent les travaux nécessaires. Il y a aussi la location via un intermédiaire qui garantit le paiement des loyers et la tranquillité de gestion, je pense notamment à l'intervenant HLM depuis la loi Meyer. Il y a encore les possibilités de conventionnement et de subvention majorée de l'ANAH.
Bref, les diverses formules de gestion par ces intermédiaires, qu'ils soient professionnels ou associatifs - je pense aux agences immobilières à vocation sociale - peuvent apporter une assistance aux propriétaires et les décharger de bien des soucis.
Il ne doit plus rester alors, vous en conviendrez, qu'un nombre limité de vacances, les cas de force majeure, qui sont faciles à identifier et pour lesquels une exonération de taxe est légitime. Je pense aux logements qui ont vocation à disparaître, à court ou à moyen terme, du fait d'une opération d'urbanisme ou de démolition, aux logements mis en location ou en vente aux conditions du marché, mais qui n'ont pas trouvé preneur pendant deux ans.
Il ne s'agit pas d'opposer droit au logement et droit de propriété, ces deux droits ayant, comme vous le savez, valeur constitutionnelle. Un traitement fiscal différent selon l'usage que la propriétaire fait de son bien n'est pas une innovation. C'est déjà le cas avec la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Ile-de-France. C'est le cas aussi de diverses incitations fiscales, ainsi que des modulations de certaines aides de l'ANAH, notamment pour la remise en location de logements vacants.
Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je me devais de vous apporter toutes ces réponses afin que vous puissiez, si tant est que subsistent encore des contentieux, prendre une position très claire sur ce dossier.
En conclusion, j'insiste à nouveau sur le fait que cette idée de taxation des logements vacants émane du monde associatif et qu'elle est défendue par des personnalités de grand renom et de sensibilités diverses ; vous avez d'ailleurs marqué la reconnaissance que vous portiez à leur action.
Dans la mesure où ces personnalités et ces associations militent pour une telle mesure, j'espère que vous aurez à coeur, mesdames, messieurs les sénateurs, de ne pas nourrir la déception qu'elles ne pourraient que ressentir si les amendements de suppression étaient adoptés. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Après les propos de M. le secrétaire d'Etat, je ne voudrais pas que subsiste la moindre confusion.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le réseau Alerte et toutes les grandes associations humanitaires militent, avez-vous dit, pour que cesse cette situation choquante qu'est l'existence de logements vacants alors que certains en ont un besoin pressant. Personnellement, je partage entièrement leur analyse et leur voeu.
En revanche, je pense que c'est au pouvoir politique de juger de l'efficacité des mesures à prendre pour leur donner satisfaction, et non aux associations d'émettre des avis pertinents sur l'efficacité des mesures en question. C'est bien sur ce point que nous divergeons.
Vous pensez que la taxe sur les logements vacants permettra de remettre sur le marché locatif des logements vacants. Nous pensons, nous - et c'est pourquoi, outre l'amendement de suppression présenté par la commission des affaires sociales, nous proposerons des mesures d'incitation - que, face à un blocage d'ordre psychologique - c'est bien là qu'est le problème - des incitations positives sont plus efficaces qu'une taxe dissuasive.
On l'a constaté dans d'autres domaines, toutes les taxes dissuasives qui ont été inventées sont restées sans effet. Je pense - même si l'analogie n'est pas tout à fait pertinente - à la taxe créée au début de ce siècle sur les portes et fenêtres, et qui a eu pour conséquence une diminution de la dimension de ces dernières.
Personnellement, je crains que la taxe sur les logements vacants n'ait aucun effet sur le blocage psychologique de ces personnes qui, pour des raisons objectives et personnelles - l'appréhension que le locataire ne paie pas son loyer - laissent un logement vacant. Nous risquons de les voir acquitter la taxe sans remettre pour autant leur bien sur le marché !
Selon nous, dans une telle situation, des dispositifs incitatifs seront plus efficaces. Cela ne modifie en rien notre analyse de la demande de personnalités comme Mme Anthonioz de Gaulle, du collectif Alerte et de toutes les grandes associations humanitaires. C'est notre grandeur et notre servitude, à nous tous, que de rechercher les moyens les plus efficaces. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s 60, 210, 243, 288, 294 et 401 ?
M. André Vezinhet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. Je vais essayer de maîtriser mon ire. Je ne voudrais pas, en effet, que vous jugiez mon propos trop outrancier.
M. le ministre a utilisé des trésors de pédagogie pour essayer de vous convaincre et vous a donné tous les arguments possibles pour vous faire revenir sur votre décision. Je serais étonné qu'il y parvienne, d'autant que vous vous êtes mis à six - vraiment, vous n'avez pas confiance dans le rapporteur de la commission des affaires sociales ! - pour enfoncer le clou sur la suppression de cet article 30, comme si vous étiez effrayés.
Peut-être avez-vous calculé que si l'on pouvait protéger les propriétaires de ces 2,2 millions de logements vacants - encore que quelques-uns doivent en posséder plusieurs - on pourrait engranger un certain bénéfice électoral...
M. Alain Vasselle. Mauvais procès d'intention !
M. André Vezinhet. Je crois que vous vous trompez lourdement si vous faites ce calcul.
Tout de même, quelle dérision ! Comment voulez-vous que nous admettions les arguments que vous utilisez quand on sait que cette vacance se développe dans des proportions incroyables ?
A Paris, en 1954, sur 1,2 million de logements dans le secteur privé, on dénombrait 5 500 vacances ; aujourd'hui, sur 1,4 million de logements dans le secteur privé,...
M. Alain Vasselle. Combien de vacances dans le public ?
M. André Vezinhet. ... on compte 117 000 vacances. Cela devient donc une habitude de certains propriétaires, dans le secteur privé, de soustraire des logements à toute occupation. Cela est intolérable.
La césure s'est faite de manière trop marquée dans cette assemblée, où des propos très généreux ont été tenus depuis le début de la discussion de ce projet de loi.
Le masque est tombé et nos illusions se sont envolées face à cette accumulation de demandes de suppression. La dernière en date - la meilleure ! - est celle de notre collègue représentant les Français de l'étranger, M. Durand-Chastel, qui, après avoir demandé la suppression de l'article 30 - peut-être n'a-t-il pas confiance ! - propose de modifier ledit article.
Tout cela est bien dommage parce que ce débat avait une certaine tenue. Or il vient d'en perdre une partie à propos de l'examen de l'article 30. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
(M. Paul Girod remplace M. Jacques Valadeau fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. PAUL GIROD
vice-président
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle.
J'approuve totalement la réaction de M. le rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes d'accord sur l'analyse et sur le
diagnostic. C'est sur la méthode et les moyens à mettre en oeuvre que nous
divergeons.
Ne nous faisons pas les uns les autres de procès d'intention. Vous avez
vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'une disposition venait
d'être votée, sur l'initiative de l'un de nos collègues de l'Assemblée
nationale, tendant à améliorer l'offre locative de logements relevant du parc
privé auprès des familles à la recherche d'un logement.
Il est dommage que l'on n'attende pas l'effet des dispositions législatives et
réglementaires qui ont été récemment prises avant de se lancer dans la taxation
de logements vacants ressortissant au patrimoine privé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne vous prêterai pas d'éventuelles
arrière-pensées politiques à propos de cette taxation. Je considère que vous
êtes de bonne foi en nous soumettant cette proposition. Je ne formulerai pas le
même jugement à l'égard de votre collègue Mme Aubry, mais pour ce qui vous
concerne, je suis persuadé que vous cherchez sincèrement à définir des
solutions pérennes et susceptibles de convenir à l'ensemble des membres du
Parlement.
Toutefois, il faut bien mesurer les avantages et les inconvénients du
dispositif.
En taxant les logements vacants dans les communes de plus de 200 000
habitants, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne réglez qu'une partie du
problème de la vacance, car il y a également de nombreux logements vacants dans
le milieu rural.
De plus, cette taxation va, selon moi, donner lieu à de lourds contentieux.
Tout à l'heure, vous avez cité l'exemple de l'agglomération lyonnaise, où l'on
compte de nombreux logements vacants relevant du parc social public. Et vous
trouveriez juste que, dans la même agglomération, on taxe les logements vacants
appartenant à des propriétaires privés ?
Vos propos m'ont néanmoins donné à penser que, là où il y aura des logements
vacants dans le parc public, il n'y aura pas de taxation des logements vacants
du parc privé. J'aimerais vous entendre le confirmer. Si tel était le cas, nous
pourrions envisager les effets possibles de la disposition proposée. Mais je
suis persuadé qu'ils seront très limités.
Je préférerais que l'on s'oriente vers des mesures incitatives, vers un
assouplissement de la réglementation, afin que les propriétaires privés mettent
sur le marché locatif des logements qui, aujourd'hui, n'y sont pas.
Mme Joëlle Dusseau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Dusseau.
Mme Joëlle Dusseau.
Au coeur de ce débat, il y a bien l'affrontement entre deux principes : le
droit de propriété, d'un côté, et le droit au logement, de l'autre.
Bien sûr, le droit de propriété est un principe constitutionnel. Mais je me
permettrai de rappeler que, dans l'histoire, chaque fois que l'on a créé un
impôt touchant les propriétés immobilières, on a brandi ce principe et prétendu
que cet impôt y portait atteinte. Or chacun sait bien que ce n'est pas le
cas.
Le droit au logement est, lui aussi, un principe d'ordre constitutionnel.
D'ailleurs, dès l'article 1er, mes chers collègues, vous avez admis que le
droit au logement devait figurer au deuxième rang parmi les droits individuels
et collectifs fondamentaux, immédiatement après le droit à l'emploi, et avant
le droit à la santé, le droit à l'éducation, etc.
Vous avez même avalisé la modification adoptée à l'Assemblée nationale, qui a
substitué le verbe « garantir » au verbe « favoriser », s'agissant de l'accès
de tous à l'ensemble de ces droits fondamentaux.
Maintenant, nous sommes un peu « au pied du mur » en ce sens que nous en
sommes parvenus aux mesures à prendre pour garantir effectivement ces droits
fondamentaux.
Pour ce qui est de l'article 30, à mes yeux, la mesure proposée par le
Gouvernement constitue un bon moyen de garantir le droit au logement tout en
conciliant le droit de propriété, car elle s'applique à des zones
géographiquement limitées, où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et
la demande.
Cette mesure me paraît non seulement équilibrée mais raisonnable, notamment au
regard des taux proposés, étant entendu que la taxe ne s'applique, de surcroît,
qu'après deux années de vacance : 10 % de la valeur locative la première année
d'imposition, 12,5 % la deuxième, 15 % à compter de la troisième. Ce sont là
des taux bien modérés, sachant que les assujettis ne paient évidemment pas la
taxe d'habitation au titre de ces logements.
M. Alain Vasselle.
Il n'y aura donc aucun résultat !
Mme Joëlle Dusseau.
J'ajoute que cette taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la
volonté du propriétaire.
On peut dire que c'est une mesure essentiellement symbolique. Mais, pour moi,
ce symbole est un signal important en direction des mal-logés. Or, on le sait
bien, le mauvais logement est un facteur grave dans la marche vers
l'exclusion.
Enfin, cette mesure va dans le sens d'une priorité reconnue par tous : la
mixité sociale.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre les amendements tendant à la
suppression de l'article 30.
M. Alain Vasselle.
Vous avez tort !
Mme Joëlle Dusseau.
Non, mon cher collègue, c'est vous qui avez tort !
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s 60, 210, 243, 288, 294 et 401,
repoussés par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
97:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 219 |
Contre | 97 |
En conséquence, l'article 30 est supprimé et les amendements n°s 350, 351, 295, 352, 353 et 354 n'ont plus d'objet.
Articles additionnels après l'article 30