Séance du 12 juin 1998







M. le président. « Art. 40. - I. - La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral est complétée par un article L. 15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 15-1 . - Les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d'un domicile ou d'une résidence et auxquels la loi n'a pas fixé une commune de rattachement sont, sur leur demande, inscrits sur la liste électorale de la commune où est situé l'organisme d'accueil agréé :
« - dont l'adresse figure depuis au moins six mois sur leur carte nationale d'identité ;
« - ou qui leur a fourni une attestation établissant leur lien avec lui depuis au moins six mois. »
« II. - L'article L. 18 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, pour les électeurs mentionnés à l'article L. 15-1, l'indication du domicile ou de la résidence est remplacée par celle de l'adresse de l'organisme d'accueil au titre duquel ils ont été inscrits sur la liste électorale. »
Par amendement n° 149, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, dans le deuxième alinéa du texte présenté par le I de cet article pour l'article L. 15-1 du code électoral, de remplacer les mots : « six mois » par les mots : « un an ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Il s'agit ici de l'inscription des personnes sans domicile fixe sur les listes électorales d'une commune où est implantée une association à laquelle les SDF déclarent se rattacher.
Le Gouvernement avait prévu que le rattachement à l'association devait avoir une antériorité d'un an par rapport à l'inscription sur les listes électorales. L'Assemblée nationale a ramené ce délai à six mois, mais la commission des lois vous propose, mes chers collègues, de rétablir le texte dans sa rédaction initiale.
Ce n'est pas du tout faire preuve d'une méfiance systématique, mais la révision des listes électorales a lieu tous les ans, et fixer la durée de rattachement à six mois risque d'amener des phénomènes de fraude et de double inscription extrêmement difficiles à cerner.
Tout en comprenant bien le désir de stabilisation intellectuelle qui a saisi nos collègues députés, la commission des lois a jugé plus prudent de revenir à une domiciliation après un lien d'une année.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission des affaires sociales est globalement favorable à tous les amendements émanant de la commission des lois sur cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement a exprimé sa préférence pour le délai d'un an, mais comme, à l'Assemblée nationale, il s'en était remis à la sagesse des députés, il réitère aujourd'hui devant la Haute Assemblée et s'en remet donc à la sagesse des sénateurs !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 149, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 150, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, dans le troisième alinéa du texte présenté par le I de l'article 40 pour l'article L. 15-1 du code électoral, de remplacer les mots : « six mois » par les mots : « un an ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. L'amendement a le même objet que le précédent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Sagesse.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 150, accepté par la commission et pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 151, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose de compléter in fine le texte présenté par le I de l'article 40 pour l'article L. 15-1 du code électoral par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article L. 228 du présent code s'appliquent aux électeurs inscrits au titre du présent article ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Il s'agit ici d'un problème différent. C'est une affaire un peu prudentielle qui se présentera, si vous voulez mon sentiment, dans un nombre extraordinairement limité de cas.
Certaines associations se sont établies dans de toutes petites communes ; il s'agit souvent d'établissements de taille importante, ce qui se comprend, d'ailleurs, car il s'agit d'acheter un château, une ferme par exemple, et d'y organiser toute une série de services, pour avoir des lieux d'accueil très conviviaux et très vastes auxquels il est vraisemblable qu'un nombre important de personnes sans domicile fixe pourront être tentées de se rattacher.
Dès lors, si nous ne prenons aucune précaution, nous pouvons nous trouver confrontés à une inscription pure et simple de ces personnes sur les listes électorales, situation que connaissent d'autres communes qui comptent un nombre important de forains rattachés.
Par ailleurs, l'article 228 du code électoral prévoit que les élus dits forains ne peuvent pas dépasser la moitié moins un de l'effectif du conseil municipal, des dispositions diverses étant prévues suivant la taille de la commune.
Nous vous proposons d'adopter la même disposition pour les personnes sans domicile fixe. Sinon, nous risquons de voir se multiplier des abus de droit, voire des manoeuvres délibérées pour déstabiliser les populations des petites communes.
Je rappelle que c'est un peu l'une des raisons pour lesquelles un avis défavorable avait été émis tout à l'heure sur l'amendement du groupe centriste.
Par définition, ces personnes ne sont pas contribuables dans la commune, alors que le conseil municipal, lui, vote les impôts communaux. Nous devons donc faire très attention.
Voilà pourquoi il a semblé utile à la commission des lois de faire preuve de prudence et de prévoir l'extension des mesures relatives aux conseillers forains aux personnes sans domicile fixe inscrites sur la liste électorale par ce dispositif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui lui semble inutile. En effet, d'une part, l'ensemble des règles d'éligibilité s'appliqueront d'elles-mêmes aux personnes sans domicile visées à l'article L. 15-1, comme elles s'appliquent notamment aux autres situations particulières visées aux articles L. 12 et L. 15 du code électoral - forains ou nomades disposant d'une commune de rattachement, Français de l'étranger, militaires et mariniers - et, d'autre part, les personnes inscrites sur la liste électorale au titre de l'article L. 15-1 puis élues conseillers municipaux entreront à l'évidence dans la catégorie des conseillers forains au sens de l'article L. 228, puisque la domiciliation n'emporte pas les effets juridiques du domicile ou de la résidence.
En revanche, le fait de prévoir expressément, comme le fait l'amendement n° 151, que certaines dispositions du code électoral relatives aux conditions d'éligibilité sont applicables aux électeurs inscrits sur la liste électorale au titre de l'article L. 15-1 ouvrirait la voie a contrario à une argumentation selon laquelle d'autres dispositions ne le seraient pas.
Il paraît plus raisonnable de ne pas risquer de ce fait la censure du Conseil constitutionnel qui, sur le fondement de l'article 3 de la Constitution, a rappelé dans sa décision 146 DC du 18 novembre 1982 que le législateur ne pouvait établir de catégories parmi les électeurs et les personnes éligibles.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 151 est-il maintenu ?
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. J'ai bien écouté M. le secrétaire d'Etat. Je vais néanmoins maintenir mon amendement et demander au Sénat de bien vouloir l'adopter pour ouvrir la navette et pour que tous les éléments qui viennent de nous être donnés et qui ont leur valeur figurent bien dans tous les considérants finaux de l'adoption du projet de loi.
Cela dit, le fait même que vous veniez de me donner ces éléments, monsieur le secrétaire d'Etat, va justifier également le maintien de l'amendement n° 152, qui vise à mentionner le nom de l'association avec l'adresse, de façon que l'on voie bien le caractère forain des inscriptions en question.
J'invite donc le Sénat à adopter l'amendement n° 151, malgré l'avis négatif du Gouvernement, de façon que les choses puissent se décanter de manière plus précise au cours de la navette.
Nous arriverons ainsi, je pense, à éviter que cette domiciliation ne provoque des coups d'Etat au sein des conseils municipaux.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 151, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 152, M. Paul Girod, au nom de la commission des lois, propose, dans le texte présenté par le II de l'article 40 pour compléter l'article L. 18 du code électoral, après les mots : « l'indication du domicile ou de la résidence est remplacée par celle », d'insérer les mots « du nom et ».
La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Dans mon esprit, cet amendement était une conséquence de l'amendement n° 151, puisque nous appliquions l'article L. 228 du code électoral à des personnes dont l'inscription ne comportait aucun signe distinctif du caractère particulier de leur rattachement.
Il faut se rappeler qu'il ne suffit pas de dire que l'association ayant telle adresse, les gens domiciliés à cette adresse sont dans telle situation ; en effet, on peut avoir à la même adresse les permanents de l'association qui, eux, sont des électeurs au sens classique du terme.
Ce que vient de dire M. le secrétaire d'Etat ne fait que renforcer la nécessité qu'il y a à adopter l'amendement n° 152. Il va bien falloir, en effet, un point de repère de la catégorie des nouveaux électeurs.
C'est pourquoi cet amendement, qui vise à les repérer sur la liste électorale, semble d'autant plus important.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. L'article L. 18 du code électoral prévoit les mentions qui doivent figurer sur la liste électorale, à savoir les nom, prénoms, domicile et résidence de tout électeur. L'article 40 du projet de loi vise à ajouter un deuxième alinéa à cet article du code électoral afin de substituer, pour les sans domicile fixe, l'adresse de l'organisme d'accueil à l'indication du domicile ou de la résidence de l'électeur.
L'amendement n° 152 tend à adjoindre à l'adresse de l'organisme la mention de son nom. Cette indication sur une liste qui est publique et qui est à la disposition permanente de chaque électeur soulignerait la situation sociale particulière des électeurs concernés et pourrait conduire, pour le moins, à les mettre en exergue, notamment dans le bureau de vote, ce qui semble tout à fait contraire à l'objectif de réinsertion sociale et civique que nous poursuivons par ce projet de loi. Elle ne serait vraisemblablement pas elle-même conforme à l'article 3 de la Constitution - et vous allez me dire, monsieur le rapporteur, qu'il est intéressant de le souligner pour la navette - qui, ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans la décision dont j'ai fait mention tout à l'heure, fait interdiction au législateur de distinguer les catégories parmi les électeurs.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 152.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 152 est-il maintenu ?
M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Je comprends bien M. le secrétaire d'Etat, mais les propos qu'il vient de tenir sont contradictoires avec ce qu'il avait dit tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle je maintiens l'amendement.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas contradictoire !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 152, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 40, modifié.

(L'article 40 est adopté.)

Article additionnel après l'article 40