Séance du 12 juin 1998
M. le président. Par amendement n° 375, M. Ralite, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après l'article 64, d'insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans les départements au sein desquels il existe une ou plusieurs communes ou arrondissements, dans le cas des communes de Paris, Lyon, Marseille présentant une proportion élevée d'enfants touchés par la saturnisme, il est créé une section à la conférence prévue à l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation, chargée des relogements d'urgence, qu'ils soient dus à une intoxication ou à un risque d'intoxication.
« Le préfet, président de cette section, propose la candidature des familles concernées aux bailleurs sociaux. Afin que l'ensemble des bailleurs et des communes contribue à la solidarité envers les familles touchées par le saturnisme, la répartition des propositions de candidatures doit impérativement veiller à la mixité sociale des ensembles immobiliers des quartiers et des villes. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. Cet amendement tire les conséquences logiques de la nouvelle orientation qui préside à la lutte contre le développement de cette affection qu'est le saturnisme.
Il s'agit, en l'occurrence, de faire en sorte que le cas des familles frappées par ce mal soit pris en compte de manière prioritaire par la politique d'attribution de logements des organismes bailleurs.
Cette priorité est, pour notre part, caractérisée dans notre amendement par la constitution, au sein de la conférence intercommunale du logement, d'une section spécialisée chargée notamment d'instruire les demandes de relogement de ces familles.
On connaît les nombreuses conséquences désastreuses pour la santé infantile d'une exposition massive : troubles du comportement, épilepsie, cécité, paralysie des membres inférieurs, etc.
Même une exposition à faible dose - nous en avons discuté avec la section de l'INSERM qui étudie ces questions - peut avoir de nombreuses conséquences néfastes : perte de QI de quatre à quinze points, baisse des facultés verbales, perceptivomotrices, pour n'en évoquer que quelques-unes.
Il s'agit, par ailleurs, comme nous l'avons précisé dans le second alinéa de cet amendement, de faire en sorte que les relogements considérés puissent participer de la démarche de mixité sociale aujourd'hui mise en exergue dans le cadre de la politique du logement.
Nous n'oublions pas que, très souvent, ceux qui sont victimes du saturnisme, sous sa forme la plus grave, subissent par ailleurs de nombreux autres problèmes : de précarité, de chômage.
Le souci de veiller à une mixité sociale en cas de relogement des familles victimes du saturnisme correspond à une volonté de ne pas s'arrêter au seul traitement sanitaire. La mettre en oeuvre, c'est aussi contribuer à l'inversion du processus d'exclusion dont ces familles sontvictimes.
De plus, la prise en charge des personnes exposées au risque saturnin doit être un devoir national. C'est pourquoi, lorsqu'une commune ou un arrondissement compte un grand nombre d'immeubles contenant du plomb, il est nécessaire de prévoir le relogement des familles dans d'autres villes. Ainsi, si un organisme doit reloger de nombreux ménages, le préfet doit solliciter d'autres bailleurs, afin de garantir un appartement respectant les normes sanitaires et la constitution de la famille.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il a semblé à la commission que cet amendement était satisfait par la législation en vigueur. L'article 4 de la loi que M. le secrétaire d'Etat a des raisons personnelles de bien connaître spécifie que les personnes exposées au risque de saturnisme sont déjà prioritaires pour l'attribution des logements sociaux - personnes logées dans des habitations insalubres, précaires ou de fortune.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
J'ajoute que les dispositions qui seront prises impliqueront forcément une mobilisation. Une vraie campagne sera conduite et donc une volonté de mobiliser toutes les capacités nécessaires pour concourir à l'objectif décidé s'exprimera.
M. le rapporteur a rappelé ce qu'il était possible de faire aujourd'hui. Il y a aussi les publics prioritaires des plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées. Les familles et les enfants exposés au risque saturnin sont bien évidemment compris dans ces publics prioritaires. Par ailleurs, des accords départementaux sont prévus avec les organismes d'HLM. Ce sont les dispositions de l'article L. 441-1-2 du code de la construction et de l'habitation que doivent ensuite décliner concrètement les conférences intercommunales prévues à l'article L. 411-1-5 du même code.
Il semble donc au Gouvernement qu'à l'occasion des campagnes qui seront organisées pour mettre en application ce nouveau dispositif tous ces éléments seront bien portés à la connaissance des préfets. C'est d'ailleurs par eux que ces mobilisations pourront intervenir, que ce soit directement au titre de leurs contingents réservés, de leurs possibilités d'action sur les moyens des plans départementaux pour le logement des défavorisés ou à l'occasion de leurs relations avec les organismes bailleurs.
Le souci légitime qui est le vôtre, monsieur le sénateur, c'est que tout cela fonctionne mieux et, bien évidemment, il n'y aurait pas de cohérence avec l'adoption de ce dispositif si, dans le même temps, des rappels très pressants n'étaient pas faits dans le sens de la mobilisation de ces dispositions.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je souhaitais vous répondre pour vous indiquer que, bien évidemment, le Gouvernement partage complètement l'inspiration de l'amendement n° 375 et qu'il en tiendra compte dans les directives qu'il donnera pour le bon fonctionnement du dispositif s'il est adopté.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 375.
M. Jack Ralite. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite. A Aubervilliers, je connais bien les textes évoqués tant par M. le secrétaire d'Etat que par M. le président de la commission. Nous les suivons même avec vigilance et, franchement, on ne peut pas se plaindre de ne pas être soutenu par les préfets, le préfet actuel comme celui qui l'a précédé. Mais l'expérience prouve que ce soutien est parfaitement inefficace. En effet, s'agissant du saturnisme, jamais, depuis que je suis maire, je n'ai obtenu de relogement extérieur !
Il me semble que c'est un peu comme construire ou non des logements sociaux. Il y a des villes qui se paient le droit de ne pas en construire. Se payer de la morale, quel monde ! Dans le cas du saturnisme, il y en a qui se paient de refuser, malgré la loi !
L'objet de notre amendement est de dire : il y a des textes qui ne sont pas appliqués, nous allons vous obliger à les appliquer. A l'instar du code de la route, c'est un instrument non pas de coercition mais de liberté : on est libre de conduire mais que d'accidents il y aurait sans le code de la route ! Eh bien, en matière de logements, on est libre, mais que d'accidents de santé il y aura si l'on n'observe pas de code ! Ce code doit donc être appliqué et, me semble-t-il, indépendamment de toute volonté gouvernementale.
En l'espèce, je connais suffisamment M. le secrétaire d'Etat pour savoir que cette volonté, il la manifestera dans les temps qui viennent : je lui fais confiance.
Cela dit, je tiens à maintenir cet amendement. Il faut qu'il soit inscrit quelque part qu'il y a une solidarité intercommunale, une solidarité régionale.
J'ai entre les mains un petit document sur les neuf villes qui entourent la mienne. Je sais qu'elles ont un coeur gros comme çà, mais cela ne résoudra pas le problème parce que, compte tenu de l'inertie générale, elles sont submergées par les demandes de relogement impossibles à satisfaire. Nous sommes plus en état d'urgence. Cet amendement vise à nous en faire sortir.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 375, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 65