Séance du 12 juin 1998
M. le président. « Art. 64. - Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier du code de la santé publique est ainsi modifié :
« 1° Il est créé une section 1, intitulée : "Dispositions générales", qui comprend les articles L. 26 à L. 32 ;
« 2° Il est créé une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Mesures d'urgence contre le saturnisme
«
Art. L. 32-1
. - Tout médecin qui dépiste un cas de saturnisme chez
une personne mineure doit, après information de la ou des personnes exerçant
l'autorité parentale, le porter à la connaissance du médecin du service de
l'Etat dans le département compétent en matière sanitaire et sociale, sous pli
confidentiel. Ce médecin informe le représentant de l'Etat dans le département
de l'existence d'un cas de saturnisme dans l'immeuble ou la partie d'immeuble
habité ou fréquenté régulièrement par ce mineur. Le préfet fait immédiatement
procéder par ses propres services ou par un opérateur agréé à un diagnostic sur
cet immeuble, ou partie d'immeuble, afin de déterminer s'il existe un risque
d'intoxication au plomb des occupants. Il procède de même lorsqu'un risque
d'intoxication au plomb pour les occupants d'un immeuble ou partie d'immeuble
est porté à sa connaissance.
«
Art. L. 32-2
. - 1° Dans le cas où le diagnostic auquel il a été
procédé dans les conditions mentionnées à l'article L. 32-1 se révèle positif,
ou dans celui où on dispose d'un diagnostic de même portée, préalablement
établi en une autre circonstance dans les mêmes conditions que précédemment, le
préfet en informe le médecin du service de l'Etat dans le département compétent
en matière sanitaire et sociale. Celui-ci invite les familles de l'immeuble
ayant des enfants mineurs à adresser ceux-ci en consultation à leur médecin
traitant, à un médecin hospitalier ou à un médecin de prévention. Le préfet
notifie en outre au propriétaire, ou au syndicat des copropriétaires, son
intention de faire exécuter sur l'immeuble incriminé, à leurs frais, pour
supprimer le risque constaté, les travaux nécessaires, dont il précise la
nature, après avis des services ou de l'opérateur mentionné à l'article L.
32-1.
« 2° Dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision du
préfet, le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires peut soit contester
la nature des travaux envisagés, soit faire connaître au préfet son engagement
de procéder à ceux ci dans un délai d'un mois à compter de la notification.
« 3° Dans le premier cas, le président du tribunal de grande instance ou son
délégué statue en la forme du référé. Sa décision est, de droit, exécutoire à
titre provisoire.
« 4° A défaut soit de contestation soit d'engagement du propriétaire ou du
syndicat des copropriétaires dans un délai de dix jours à compter de la
notification, le préfet fait exécuter les travaux nécessaires à leurs frais.
«
Art. L. 32-3
. - Si le propriétaire ou le syndicat des copropriétaires
s'est engagé à réaliser les travaux, le préfet procède, un mois après la
notification de sa décision, à un contrôle des lieux, afin de vérifier que le
risque d'intoxication au plomb est supprimé. Si ce risque subsiste, le préfet
procède comme indiqué au 4° de l'article L. 32-2.
« A l'issue des travaux, le préfet fait procéder à un contrôle des locaux,
afin de vérifier que le risque d'intoxication est supprimé.
«
Art. L. 32-4
. - Si la réalisation des travaux mentionnés aux articles
L. 32-2 et L. 32-3 nécessite la libération temporaire des locaux, le préfet
prend les dispositions nécessaires pour assurer l'hébergement provisoire des
occupants.
« Le coût de réalisation de travaux et, le cas échéant, le coût de
l'hébergement provisoire des occupants sont mis à la charge du propriétaire. La
créance est recouvrée comme en matière de contributions directes.
« En cas de refus d'accès aux locaux opposé par le locataire ou le
propriétaire aux personnes chargées de procéder au diagnostic, d'effectuer le
contrôle des lieux ou de réaliser les travaux, le préfet saisit le président du
tribunal de grande instance qui, statuant en la forme du référé, fixe les
modalités d'entrée dans les lieux.
« Le préfet peut agréer des opérateurs pour réaliser les diagnostics et
contrôles prévus dans la présente section et pour faire réaliser les
travaux.
« Les conditions d'application de la présente section, en particulier les
modalités de détermination du risque d'intoxication au plomb et celles
auxquelles doivent satisfaire les travaux prescrits pour supprimer ce risque,
sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Sur l'article, la parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
Avec le saturnisme, nous arrivons dans ce débat à une question que je connais
bien en tant que maire d'Aubervilliers, non que la situation dans cette ville
soit plus préoccupante qu'ailleurs en ce domaine, mais, à Aubervilliers, nous
avons sans doute mieux étudié ce problème pour mieux le combattre.
Ainsi, en 1996 et en 1997, nous avons dépisté ou suivi 1 218 enfants dont 331
avait une plombémie supérieure à 150 microgrammes par millilitre, seuil
d'intoxication déjà considérable ; 178 étaient passés par le stade III ou IV,
c'est-à-dire à des stades avancés de la maladie. Plusieurs dizaines d'enfants
sont régulièrement hospitalisés pour des cures pénibles, douloureuses. Nous
estimons qu'entre 6 600 et 7 500 logements de notre commune sont contaminés à
des degrés divers. Vous voyez le nombre d'enfants concernés. Ces chiffres sont
durs, mais au moins les connaissons-nous.
Mais ne nous trompons pas, l'enjeu est national.
En effet, premièrement, en beaucoup d'endroits existe un habitat du même type
non étudié. Deuxièmement, il est insupportable que l'avenir de milliers
d'enfants, connus ou inconnus, soit obscurci par les conséquences de cette
intoxication. Enfin, troisièmement, il nous faut prendre à bras-le-corps cette
pathologie, car c'est choisir d'affronter la question de l'avenir et de la
place des classes sociales les plus défavorisées au sein de la communauté
nationale.
Certes, à Aubervilliers, nous avons engagé des moyens considérables pour
combattre le saturnisme. Nous représentons le quart du dépistage en
Ile-de-France ; deux infirmières, deux techniciens, un emploi-jeune se
consacrent au saturnisme. Nous avons mis en place un système de dépistage dit
systématique. Dans plus de 1 000 bâtiments, toutes les familles exposées au
plomb se sont vu proposer un suivi des enfants. Dans le même temps, nous avons
engagé des actions de décontamination et nous sommes intervenus de manière
innovante, malgré quelques grincements de dents, lors de toutes les
transactions immobilières.
Plus de 234 ventes immobilières ont été concernées. Nous avons traité 62
logements et nous sommes intervenus ponctuellement sur 22. Nous avons aussi
relogé 19 familles. La ville a acquis plus de 490 logements anciens dégradés,
dont 180 ont été retirés de la location et murés.
Précisons que l'ANAH, non seulement n'intervient pas à un niveau suffisant,
puisque le saturnisme s'accroît, mais n'intervient plus dès que l'OPHLM devient
propriétaire.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, au regard des chiffres, de la gravité de
la maladie, du fait qu'elle touche essentiellement des enfants, nous nous
heurtons, à Aubervilliers comme dans les autres communes concernées, à des
limites que j'ai eu l'occasion de vous exposer lors de votre venue, si
intéressante, avec M. Bernard Kouchner.
Le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui les fait certes reculer -
notamment grâce aux mesures arrêtées pour lutter contre le saturnisme - mais il
prend encore insuffisamment en compte le problème de santé publique du
saturnisme au niveau où il se pose dans les communes où vit la population la
plus pauvre et la plus exclue de notre pays.
Pourquoi ce qui a été possible pour l'amiante ne le serait-il pas pour une
pathologie grave qui touche les enfants et dont on mesure encore mal l'ampleur
à l'échelle de leur vie personnelle et à l'échelle du pays ?
Il est des raccourcis et des simplifications qui n'ont pas lieu d'être.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'expérience récente de la France dans le
domaine des épidémies montre que les mauvais choix d'inspiration comptable
faits au détriment de la santé blessent, et pour longtemps, des femmes, des
hommes innombrables, et posent un problème de conscience.
Je souhaite donc que la représentation nationale ne laisse pas échapper cet
instant où se décide son engagement contre le saturnisme, d'autant plus
qu'actuellement court le bruit - j'espère qu'il ne s'agit que d'un bruit -
selon lequel les crédits de dépistage diminueraient.
Il faut, me semble-t-il, rendre obligatoire le diagnostic « plomb » lors de
toute transaction immobilière. Il faut interdire, comme en matière
d'insalubrité publique, le passage en copropriété d'un bâtiment plombé. Il faut
donner aux pouvoirs publics, particulièrement aux maires, dans le cadre de la
police sanitaire, les moyens réglementaires et financiers de se substituer aux
propriétaires défaillants.
En outre, il faut pouvoir reloger les familles intoxiquées. Nous savons tous
que le parc social des communes les plus touchées, même s'il est important -
c'est le cas de la ville dont je suis maire - ne dispose pas d'un volant
suffisant de grands logements. Il est donc nécessaire d'envisager et
d'organiser une solidarité d'accueil incluant des villes non touchées par cette
épidémie.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, la loi devrait, à mon avis, permettre
que les travaux de décontamination soient accélérés.
M. le président.
Par amendement n° 373 rectifié, M. Ralite, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo
et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de
compléter
in fine
le texte présenté par le 2° de l'article 64 pour la
section 2 du chapitre IV du titre 1er du livre I du code de la santé publique
par les articles suivants :
«
Art. L... -
Par convention entre le préfet et le président du conseil
général, le préfet peut désigner le médecin-directeur du service départemental
de PMI comme médecin chargé de recevoir les déclarations prévues à l'article L.
32-1, en lieu et place du médecin du service de l'Etat. Le médecin-directeur du
service départemental de PMI informe alors le représentant de l'Etat, comme
prévu à l'article L. 32-1. Il prend les mesures d'information des familles
prévues à l'article L. 32-2, 1er alinéa.
« Dans les départements au sein desquels il n'existe pas de convention entre
le préfet et le président du conseil général, le médecin des services de l'Etat
qui reçoit la déclaration prévue à l'article L. 32-1 en informe immédiatement
le médecin-directeur du service départemental de PMI.
« Un décret en conseil d'Etat prévoit l'application des dispositions de
l'article L. 32-1 et du présent article dans les départements où existe un
système de surveillance du saturnisme infantile conforme aux arrêtés
ministériels.
«
Art. L... -
Dans les communes qui disposent d'un service communal
d'hygiène et de santé, le préfet peut passer convention avec le maire afin que
celui-ci exerce au nom de l'Etat les mesures de diagnostic - article L. 32-1 -,
d'injonction - article L. 32-2 -, de contrôle - article L. 32-3 -, de
réalisation d'office des travaux et d'hébergement provisoire des occupants -
article L. 32-4.
« En cas de réalisation de travaux d'office, et, le cas échéant, après
obtention du jugement du président du tribunal de grande instance, le maire
notifie au préfet les sommes nécessaires à la réalisation des travaux d'office
et éventuellement à l'hébergement provisoire des occupants, ainsi que la liste
des propriétaires ou copropriétaires. Le préfet met ces sommes à disposition du
maire, qui fait réaliser les travaux. Le préfet procède au recouvrement de la
créance à l'encontre du propriétaire ou du syndicat de propriétaires, comme en
matière de contributions directes.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe d'une part les conditions dans lesquelles
la délégation du préfet au maire peut être réalisée et contrôlée - équipement
technique du SCHS et réalisation d'un rapport annuel -, ainsi que les
conditions de compensation financière de cette délégation. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
La question du saturnisme, dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il
s'agit d'une maladie d'un autre âge qui ne devrait même pas faire l'objet d'un
débat à l'occasion de la discussion de ce projet de loi, implique que des
initiatives particulières soient prises pour y porter remède.
Nous devons donc prendre en compte la diversité des intervenants en matière de
prévention sanitaire.
Ainsi, l'article 64 du projet de loi nous invite à faire en sorte que les
médecins dépistant des cas ou des risques de saturnisme infantile en
avertissent les services préfectoraux.
Chacun appréciera cette orientation, mais elle ne doit pas nous faire oublier
que, avec la mise en oeuvre de la décentralisation, les services sociaux
départementaux se sont singulièrement développés et que certains départements
de notre pays, confrontés au problème que nous évoquons, ont pris des mesures
de renforcement de leur politique de prévention sanitaire.
De même, les services d'hygiène et de santé de certaines communes sont très
développés.
Nous proposons donc, par cet amendement, de faire en sorte qu'au-delà de la
saisine de la DASS-Etat les médecins dépistants puissent également informer de
leurs constats les services départementaux de la protection maternelle et
infantile, et substituer éventuellement ce signalement à celui qui est opéré
auprès de services préfectoraux.
Nous proposons aussi, là où il y a un service d'hygiène et de santé solide,
que le préfet puisse y recourir, via le maire, pour exercer des mesures de
diagnostic, d'injonction, de contrôle et de réalisation d'office des travaux et
d'hébergement provisoire des occupants.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement dont la
motivation essentielle est de favoriser la prise en charge la plus efficace,
parce que la plus diversifiée, des situations révélées par le constat de
saturnisme.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Je n'ai pas eu le temps de prendre connaissance de
l'amendement n° 373 rectifié et j'espère qu'il ne modifie pas de manière
substantielle l'amendement n° 373. C'est en effet sur ce dernier que la
commission a rendu son avis.
J'ai bien entendu l'argumentation de M. Ralite, qui est tout à fait
convaincante sur le fond.
Toutefois, la commission considère que le régime des déclarations des maladies
à l'autorité sanitaire est en voie d'être réformé dans le cadre de la
proposition de loi sur la veille et la sécurité sanitaires, notamment avec
l'amendement de M. Autain à l'article 1er
ter.
Il lui semble préférable qu'un organisme tel que l'institut de veille
sanitaire recueille et centralise les informations relatives au saturnisme, ce
qui n'empêche pas le médecin dépistant de prévenir la PMI.
Sans contester l'analyse et les observations de M. Ralite sur le fond, la
commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, j'ai quelque difficulté à
répondre, car j'ai à peine eu le temps de lire cet amendement n° 373
rectifié.
Le Gouvernement était favorable à l'amendement n° 373 qui aurait pu, dans des
circonstances humainement moins lourdes, être traité juridiquement de façon
valable suivant la voie habituelle, celle du règlement. Mais nous avons bien
compris que M. le sénateur-maire d'Aubervilliers voulait donner une certaine
solennité à cet engagement en optant pour la forme législative.
Le Gouvernement était favorable à l'amendement n° 373 à la condition, très
marginale, que son auteur accepte d'évoquer non le médecin-directeur du service
départemental de la PMI, qui n'est pas un poste officiel et qui n'existe pas
dans tous les départements, mais le médecin responsable du service
départemental de PMI. La situation dont il parle est certainement celle du
département qu'il connaît bien, mais nous avons le souci que la disposition
soit applicable dans tous les départements de France, et sans créer une
nouvelle fonction.
L'amendement n° 373 rectifié apporte des compléments très substantiels à
l'amendement initialement déposé.
Tout d'abord, il évoque le cas où il n'existe pas de convention entre le
préfet et le président du conseil général et il renvoie à un décret en Conseil
d'Etat l'application des dispositions du présent article dans les départements
où existe un système de surveillance du saturnisme infantile conforme aux
arrêtés ministériels.
Ces précisions ne sont sans doute pas irrecevables, mais elles mériteraient
quelque expertise.
Ensuite, la partie concernant les communes pourrait être allégée, car les
dispositions relatives à la réalisation de travaux d'office relève du domaine
réglementaire.
Si M. Ralite voulait bien tenir compte des conditions dans lesquelles nous
débattons de ce dossier essentiel, et qui lui tient très légitimement à coeur,
il me paraîtrait plus sage que nous nous prononcions sur l'amendement n° 373
avant sa rectification, quitte à affiner sa rédaction ultérieurement.
M. le président.
Monsieur Ralite, acceptez-vous la suggestion de M. le secrétaire d'Etat ?
M. Jack Ralite.
Je suis d'accord avec la philosophie qui sous-tend l'intervention de M. le
secrétaire d'Etat. En effet, l'amendement original contient l'ensemble du
dispositif et je conçois que, le correctif étant intervenu un peu tard, il
faille procéder à une étude afin de déterminer ce qui relève du réglement.
Mon souci était de donner aux préfets des possibilités de rendre plus
efficace, dans ce domaine, l'intervention soit, au plan départemental, via le
conseil général, du médecin du service de la protection maternelle et infantile
- mais j'accepte, dans la première mouture de l'amendement, une modalité de
rédaction différente, parce qu'elle est très pertinente - soit, à l'échelon des
villes, du service d'hygiène.
Cela dit, on pourra sans doute approfondir le sujet ultérieurement.
J'en reviens donc à la rédaction initiale de mon amendement, modifiée comme
vous l'avez souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, et j'espère que ce texte
aura un avenir heureux.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° 373 rectifié
bis,
présenté par M.
Ralite, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les membres du groupe communiste
républicain et citoyen, et visant, après la première phrase du premier alinéa
du texte présenté par l'article 64 pour l'article L. 32-1 à insérer dans le
code de la santé publique, deux phrases ainsi rédigées : par convention entre
le préfet et le président du conseil général, le médecin responsable du service
départemental de la protection maternelle et infantile peut être chargé de
recueillir, en lieu et place des services de l'Etat, la déclaration du médecin
dépistant. Dans tous les cas, le médecin responsable du service départemental
de PMI est informé par le médecin recevant la déclaration de l'existence de
celle-ci. »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
Puisque M. Ralite en revient à la rédaction initiale de son
amendement, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 373 rectifié
bis,
accepté par le
Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 503, le Gouvernement propose, dans le texte présenté par
l'article 64 pour l'article L. 32-1 à insérer dans le code de la santé
publique, après les mots : « lorsqu'un risque », d'insérer le mot : « notoire
».
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement a déposé cet amendement afin de rendre
opérant le dispositif proposé pour lutter efficacement contre le saturnisme.
Si nous ne précisions pas par l'adjectif : « notoire » que sont visés les
immeubles qui présentent effectivement un danger, nous serions amenés à mettre
en oeuvre ces expertises pour 8 millions de logements, c'est-à-dire pour les
immeubles construits avant 1948, avant donc l'interdiction de la peinture au
plomb.
Mais, pour la plupart de ces immeubles, qui ont toujours fait l'objet d'un
entretien convenable, le risque est inexistant, puisque l'absence de
dégradation du bâti fait que ces peintures anciennes ne sont pas accessibles
aux enfants en très bas âge.
Si nous imposions cette formalité à tous les immeubles, y compris à ceux qui
ne présentent pas de signes de dégradation justifiant un tel contrôle, notre
dispositif serait complètement inapplicable ou, à tout le moins, perdrait
beaucoup de son efficacité. Or le souci de la représentation nationale est
bien, je pense, de donner à ce dispositif un maximum d'efficacité. Je souhaite
donc que la Haute Assemblée adopte cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
La position de la commission est conforme à l'analyse du
Gouvernement : elle est favorable à cet amendement qui facilitera l'application
efficace de la loi.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 503, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 374, M. Ralite, Mme Terrade, M. Fischer, Mme Borvo et les
membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, après le
troisième alinéa du texte présenté par l'article 64 pour l'article L. 32-4 à
insérer dans le code de la santé publique, d'insérer un alinéa ainsi rédigé
:
« Aucune transaction immobilière ne peut avoir lieu sur un logement dont le
diagnostic, visé par les articles L. 32-1 et L. 32-2, a révélé qu'il présentait
un risque d'intoxication. Il en va de même pour les logements et lots de
copropriétés pour lesquels un diagnostic a révélé ce risque dans les parties
communes accessibles. Cette interdiction s'applique dès la notification
préfectorale prévue à l'article L. 32-2. Elle cesse de plein droit dès lors
qu'un contrôle, tel que prévu à l'article L. 32-3, confirme la suppression du
risque d'intoxication. Lorsqu'une promesse de vente a été signée préalablement,
cette promesse est réputée caduque durant la même période. »
La parole est à M. Ralite.
M. Jack Ralite.
L'article 64 est marqué par une volonté politique forte de traiter le
saturnisme comme une urgence sanitaire, d'engager l'Etat à agir résolument à la
source, c'est-à-dire au niveau du logement, et enfin de solliciter, voire de
contraindre les propriétaires récalcitrants.
Nous avons là une rupture claire par rapport aux stratégies d'évitement des
gouvernements précédents.
En revanche, les questions liées à la prise en compte du saturnisme sur le
marché immobilier ne sont pas abordées dans ce texte.
En effet, intervenir dans ce sens bouscule le droit de propriété sans rivage.
Cependant, l'ampleur du problème de santé publique que pose le saturnisme,
comme je l'ai exposé précédemment, nous conduit à proposer une solution afin
d'éviter toute transmission immobilière d'un bien « plombé ».
L'amendement n° 374 vise ainsi à suspendre le droit de vendre ou de louer un
bien immobilier révélant un risque d'intoxication au plomb tant que les travaux
de remise aux normes de salubrité n'ont pas été effectués par le propriétaire
du logement ou de l'immeuble.
Cet amendement nous semble particulièrement important. Il répond aux
difficultés juridiques de mise en place du certificat de salubrité que nos
collègues de l'Assemblée nationale ont défendu et permet de contraindre de
façon certaine les propriétaires peu soucieux du bien-être et de la santé de
leurs locataires à réaliser les travaux.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier,
rapporteur.
On comprend l'intention des auteurs, mais pourquoi interdire
la vente d'un appartement ou d'un immeuble si le nouveau propriétaire veut
construire un logement neuf ou faire les travaux nécessaires pour que
l'appartement ne présente plus de risques ?
La proposition faite dans cet amendement ne semble pas susceptible de dénouer
la situation qui est critiquée. C'est pourquoi la commission a émis un avis
défavorable, même si elle se rend bien compte que le problème est très sérieux
dans ce type d'appartements. A ce propos, nous souhaitons que le Gouvernement
nous explique comment l'acquéreur d'un bien immobilier pourrait être prévenu du
risque d'intoxication au plomb.
La commission a une position claire et nette : il ne serait pas bon qu'un
propriétaire puisse vendre un appartement dangereux sans prévenir personne.
J'ai retenu de l'intervention de M. Ralite sa suggestion de faire établir un
diagnostic « plomb » à l'occasion des transactions immobilières dans les zones
ou les immeubles à risques. Y aurait-il là une piste ? Je souhaiterais
connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement souhaite assurer les auteurs de
l'amendement qu'il comprend bien leurs intentions et que, bien évidemment, il
les respecte scrupuleusement. Néanmoins, il se doit d'appeler leur attention
sur le fait que cette proposition risque à la fois de se révéler inefficace et
d'avoir un effet contraire à l'objectif recherché.
Elle serait inefficace, car la mise en place du dispositif proposé, lequel va
du diagnostic aux travaux, se fera dans un laps de temps qui ne peut pas
dépasser trois mois. C'est très court !
Cette mesure serait contraire à l'objectif recherché, car elle risque de
bloquer des opérations. Or certaines de ces opérations peuvent justement avoir
pour objet de résoudre le problème posé, à savoir la réalisation des travaux
nécessaires que les propriétaires de logements présentant un risque de
contamination n'auraient pas les moyens d'entreprendre.
Voilà pourquoi le Gouvernement fait une lecture critique du dispositif
proposé.
Toutefois, je le dis aussi bien à M. le rapporteur qu'à M. Ralite, le
Gouvernement est tout à fait favorable à la recherche d'une solution passant
par l'information des acquéreurs d'un immeuble ou d'un logement lorsque les
travaux ont été prescrits à la suite du diagnostic réalisé en application de la
présente loi.
Le droit de la publicité foncière permet de répondre à une telle exigence
d'information. En effet, l'article 36 du décret du 4 janvier 1955 et l'article
73 du décret du 14 octobre 1955 prévoient la publicité, aux fins d'information
des usagers, des limitations administratives au droit de propriété. Sur la base
de ces textes - c'est un engagement que je prends devant vous, mesdames,
messieurs les sénateurs - il sera démandé au préfet de publier au fichier
immobilier les arrêtés pris en application de la présente loi, cela afin de
répondre aux préoccupations des auteurs de l'amendement et à la question posée
par M. le rapporteur.
M. le président.
Monsieur Ralite, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jack Ralite.
Nous avons rédigé l'amendement que je viens de présenter à partir d'une
expérience concrète. Il ne résulte donc pas seulement d'une étude effectuée par
des élus d'Aubervilliers, ni même du département. Des fonctionnaires ont
également participé à sa rédaction et, quand vous êtes venu, vous les avez
rencontrés ; ils ont une connaissance très fine du sujet. C'est donc sur le
fondement de leur expérience que nous avons abouti à ce texte.
L'esprit des propos que vous venez de tenir et l'engagement de procéder à une
publicité sont un premier pas. Certes, il faudra aller plus loin, mais, pour
l'heure, je retire l'amendement.
J'ajoute que, lors de ma petite intervention préliminaire à l'occasion de
l'anniversaire de la création de l'ANAH, j'ai dit qu'il s'agissait d'un
merveilleux outil, mais j'ai tout de même fait valoir que, pour le saturnisme
il n'était pas tenu compte du surcoût. Aussi, comment faire dans une
collectivité locale quand des propriétaires qui ne spéculent pas n'ont tout
simplement pas les moyens d'effectuer des réparations ? Cela vous étonne
peut-être de m'entendre parler ainsi, mais de tels propriétaires existent !
Puisque la puissance publique se substitue à la puissance privée, et avec son
accord d'ailleurs, l'ANAH n'en peut mais ! Elle n'a plus droit, la puissance
publique, à l'aide dont le propriétaire privé pouvait bénéficier.
Alors, s'agissant du premier volet, vous avez fort bien exprimé la situation
et j'adhère à vos propos. Mais, s'agissant du second, il faudra traiter la
question. Peut-être la discussion du projet de loi sur l'habitat nous
permettra-t-elle d'aller plus loin ?
Si je m'autorise à parler avec force, c'est parce que nous avons, je vous l'ai
dit, décortiqué le problème du saturnisme à Aubervilliers. Les villes voisines
ne sont pas allées si loin - elles en conviennent - certains arrondissements de
Paris non plus. Mais ils savent bien qu'il s'agit du même problème et que c'est
vraiment une plaie qui frappe même les gamins ! L'un d'eux est mort dans notre
ville. Cela vous marque pour longtemps, pour ne pas dire pour toujours !
Toutefois, compte tenu de l'esprit dans lequel vous vous êtes exprimé,
monsieur le secrétaire d'Etat, je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 374 est retiré.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson,
secrétaire d'Etat.
Je ferai une double et brève réponse à M. Ralite.
La proposition du Gouvernement est directement inspirée par le souci des
auteurs de l'amendement que M. Ralite a accepté de retirer : vous en êtes donc
l'inspirateur, monsieur le sénateur.
Vous avez parlé de l'ANAH. Une décision récente de cette instance a bien porté
sur la prise en charge des travaux supplémentaires liés au saturnisme. Mes
services m'ont indiqué que celle-ci s'élèverait à 70 %. Cela devrait, me
semble-t-il, alléger considérablement la facture des propriétaires
concernés.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 64, modifié.
(L'article 64 est adopté.)
Article additionnel après l'article 64