Séance du 23 juin 1998
PORTANT DISPOSITIONS STATUTAIRES
RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 286, adressée à Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, je regrette également l'absence de Mme Aubry et
celle de M. Kouchner. J'estime, compte tenu de l'importance de la question, que
les personnels hospitaliers dont le dévouement est reconnu par tous méritaient
et méritent plus de preuve de sollicitude de la part de leurs ministres de
tutelle.
M. Charles Descours.
Tout à fait !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Jusqu'à ce jour, la réduction des moyens pour la santé et les hôpitaux s'est
exprimée sous des formes multiples, mais limitées à des restrictions
budgétaires touchant le nombre des services, le nombre d'agents par service,
les avantages acquis des personnels, la suppression de l'avancement
intermédiaire, les gardes, les remplacements.
Quelques hôpitaux ont été supprimés, voire regroupés, tels ceux de Montmorency
et d'Eaubonne. D'autres ont été amputés de certains services. En Ile-de-France,
les mesures réductrices ont été plus accentuées, entraînant des conflits
parfois graves comme celui de l'hôpital Avicenne à Bobigny. Il aura fallu 72
jours de grève pour que les personnels obtiennent la création de 60 emplois
tout de suite et 40 d'ici à janvier 1999. Les congés maladie, maternité, les
congés bonifiés seront désormais accordés, remplacés.
D'autres conflits sont à prévoir, car il est devenu impossible de réduire
encore plus les budgets hospitaliers, qui ne disposent plus d'aucune marge de
manoeuvre en raison des baisses des dotations budgétaires de ces années
passées.
Mais de nouvelles mesures encore bien plus graves ne sont-elles pas en
préparation ? C'est l'objet, madame la secrétaire d'Etat, de ma question.
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a déclaré, le 30 mars dernier,
devant les assises de l'hospitalisation, vouloir « dissiper toutes les craintes
concernant l'emploi. Il n'y a pas de menaces pesant globalement sur l'emploi
hospitalier ». Confirmez-vous cette affirmation ? Ce sera ma deuxième
question.
J'en viens à la troisième. Vous vous préparez à faire publier les décrets
précisant les conditions d'application des articles 92 et 94 de la loi du 9
janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique,
adoptée sous le gouvernement de M. Bérégovoy.
L'article 136 de cette loi est clair ; il précise : « Des décrets en Conseil
d'Etat déterminent, en tant que de besoin, les conditions d'application de la
présente loi. » Depuis douze ans, la volonté de licenciement ne s'exprimant
pas, les décrets étaient inutiles. Aujourd'hui, le Gouvernement aurait-il
l'intention de licencier par plans sociaux dans les hôpitaux ?
Voilà qui justifie nos craintes tout comme celles de tous les personnels
hospitaliers, ainsi que ma question. Vous comprendrez, madame la secrétaire
d'Etat, que les agents hospitaliers attendent avec angoisse votre réponse.
Le chapitre VIII de la loi est intitulé : « Cessation de fonctions et perte
d'emploi ». La section I du chapitre VIII concerne la cessation de fonctions et
porte mise en disponibilité pour retraite, décès, démissions. Par ailleurs, il
est bien rappelé à l'article 88 que les fonctionnaires ne peuvent être
licenciés que pour insuffisance professionnelle.
La section II est beaucoup plus préoccupante et lourde de dangers. Son titre
est clair : « Perte d'emploi ».
L'article 93 précise bien la réalité de la suppression d'emploi puisqu'il
envisage la proposition de trois nouveaux postes dans la région, le département
ou le pays. Il est même précisé à la fin de l'article que le fonctionnaire
licencié peut prétendre à une indemnité.
Comme tous les hôpitaux de France sont concernés, les décrets vont donc fixer
les conditions de licenciement. L'article 136 est appliqué. La notion de besoin
de licenciement est reconnue.
Est-ce votre analyse ? M. Kouchner a déclaré le 30 mars 1998 : « L'activité
sanitaire et médico-sociale est une activité d'avenir. L'emploi ne peut qu'y
croître ou, en tout cas, ne pas diminuer. »
Il aurait pu ajouter : « L'emploi ne peut qu'augmenter tant est grand le
besoin de modernisation de nos hôpitaux. »
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat à la formation professionnelle.
Madame le sénateur,
vous avez attiré l'attention de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de
la solidarité, sur certains articles de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
hospitalière.
Les articles 92, 93 et 94 de cette loi traitent effectivement de la perte
d'emploi d'un fonctionnaire dans un établissement hospitalier, uniquement dans
le cadre d'une opération de recomposition de la structure ou de l'activité d'un
ou de plusieurs établissements.
Les textes prévoient une procédure de reclassement des agents concernés
permettant aux intéressés de conserver leur rémunération dans l'attente d'une
proposition de poste équivalent qui doit leur être faite par l'autorité
administrative compétente de l'Etat.
Une fois ce principe de base énoncé, la loi renvoie à un décret en Conseil
d'Etat le soin d'organiser le délai et l'ordre de priorité géographique dans
lesquels trois emplois vacants correspondant au grade de l'agent lui sont
proposés. Ce décret, madame le sénateur, vous l'avez souligné, n'a jamais été
pris, ce qui prive les agents dont l'emploi serait supprimé de véritables
garanties lorsqu'une procédure de reclassement est utilisée.
En effet, si, au niveau de chaque établissement, on peut répondre actuellement
au souhait d'un agent en situation de reclassement, il faut néanmoins que les
critères de reclassement soient uniformes sur tout le territoire, ce qui n'est
pas le cas aujourd'hui. De ce point de vue, seul un décret peut offrir des
garanties d'égalité de traitement. C'est donc dans ce cadre, et dans ce cadre
seulement, que les services de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité
examinent actuellement l'éventualité de mettre en oeuvre des dispositions
réglementaires qui doivent respecter le principe d'égalité de traitement au
sein du personnel hospitalier.
J'ajoute, madame le sénateur, qu'en tout état de cause ces dispositions - si
elles devaient être mises en oeuvre - seraient au préalable présentées au
Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière. Cette instance
permettra aux organisations syndicales d'exprimer leur avis sur les textes.
Au moment où je vous parle, le Conseil supérieur n'a pas été saisi puisque des
discussions se poursuivent entre les organisations syndicales et le ministère
sur différentes propositions de textes réglementaires, la question des
conditions d'application des articles 92, 93 et 94 de la loi du 9 janvier 1986
a été, elle aussi, abordée.
Pour terminer, Mme Martine Aubry tient à vous remercier d'avoir posé cette
question qui clarifie la situation quant à la poursuite des discussions entre
ses services et les organisations syndicales, discussions qui, pour réussir,
doivent se dérouler sans qu'il y ait d'ambiguités entre les parties
concernées.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Madame la secrétaire d'Etat, votre réponse confirme mon inquiétude et elle
confirmera certainement celle des agents hospitaliers quand ils en prendront
connaissance.
Nous avons la crainte, sous prétexte de réduire les déficits publics et les
dépenses de santé, de voir surgir des plans sociaux, c'est-à-dire des
dispositions de la loi Balladur concernant le domaine privé applicables au
domaine public.
N'allons-nous pas assister à l'application de la loi quinquennale sur
l'emploi, prévoyant que, si le salarié - vous venez de le confirmer - n'a pas
répondu à la proposition de l'employeur, il est réputé l'avoir acceptée.
J'attire par ailleurs votre attention sur le fait que le motif économique ne
peut pas être appliqué au domaine public, ou alors c'est méconnaître la
nécessité de réduire massivement les crédits publics en faveur de l'hôpital.
Madame la secrétaire d'Etat, j'attire également votre attention sur le fait
que 90 % des agents hospitaliers sont des femmes et que la mobilité, quand elle
leur sera proposée, risque de les priver d'emploi, puisque je ne vois pas
comment on arrivera à trouver, dans une même région, un travail pour
elles-mêmes et pour leur conjoint.
Tout cela, vous le comprenez, est très grave car ce qui est exprimé pour la
première fois par un gouvernement est en contradiction totale avec les
déclarations de Mme Martine Aubry, en mars dernier, lors des assises de
l'hospitalisation. Cela ne revient-il pas à s'engager encore plus dans la
réduction des déficits et des dépenses publiques qu'exige le respect des
critères de Maastricht ?
Je vous rappelle que la Commission de Bruxelles, pour retenir, le 2 mai
dernier, la France éligible à l'euro a félicité notre pays d'avoir réduit ses
dépenses dans deux domaines, la santé et France Télécom avec le ponctionnement
de 37 milliards de francs réalisé en 1996, c'est-à-dire deux domaines touchant
le secteur public.
Cette fois, madame la secrétaire d'Etat, il s'agit du secteur public de la
santé. Or ce secteur doit être développé et non réduit. Il doit être modernisé
et non amputé. Il doit faire l'objet de créations d'emplois et non de
licenciements.
En ce qui concerne la convocation du Conseil supérieur de la fonction publique
hospitalière, deux réunions avaient été prévues. Si l'examen de ces
avant-projets de décrets a été retiré de l'ordre du jour de la première
révision, nous savons aujourd'hui que cette question sera examinée le 27
juillet. Madame la secrétaire d'Etat, c'est une mauvaise date, c'est un mauvais
coup pour les agents hospitaliers à la veille de leur départ en vacances.
TRIBUNAUX DU CONTENTIEUX DE L'INCAPACITÉ