Séance du 29 juin 1998
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Neuwirth, pour explication de vote.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, M. Jean-Pierre Fourcade l'a dit, le débat d'aujourd'hui a illustré une règle économique évidente : ce n'est pas seulement l'Etat qui peut créer des emplois, ce sont d'abord et surtout les entreprises, dans un environnement économique, social et juridique favorable.
Ce n'est pas en leur imposant de nouvelles contraintes que nos entreprises pourront connaître le dynamisme indispensable à leur croissance. En allégeant les charges sur les bas salaires, les entreprises pourront disposer d'une certaine marge de manoeuvre.
Comme on l'a rappelé au cours de ce débat, le coût du travail crée l'emploi, et je suis un peu en désaccord avec certains d'entre vous lorsque vous parlez de la qualité. Bien entendu, la qualité compte. Mais combien de ménages n'ont pas les moyens financiers d'effectuer leurs achats courants ?
Il est vraiment regrettable que, au moment où nombre de pays réfléchissent aux solutions nécessaires pour profiter au mieux de l'embellie économique, le Gouvernement choisisse des chemins que je dirai mal fléchés.
Profitons de cette croissance non seulement pour protéger les emplois, mais également pour en créer de nouveaux et, surtout, pour maintenir ceux qui existent.
La proposition de loi que nous venons d'examiner s'inscrit dans cette logique dont la réussite du plan textile démontre l'évidente nécessité. En effet, l'expérience du plan textile a montré les effets bénéfiques d'un allégement de charges sur les bas salaires dans un secteur sinistré. Des dizaines de milliers d'emplois ont ainsi été sauvegardés.
Comme l'a brillamment indiqué M. le rapporteur, les effets d'une politique d'allégement des charges sociales sur les bas salaires sont bien réels ; ils seront d'autant plus importants que les allégements seront massifs et durables. D'ailleurs, comme l'a déclaré l'un des auteurs de cette proposition de loi, M. Christian Poncelet, tous les récents rapports européens et autres, y compris français, vont dans ce sens.
M. Christian Poncelet. Exact !
M. Lucien Neuwirth. Que représentent les bas salaires ? C'est la production et ce sont les services. M. le Premier ministre, après sa visite aux Etats-Unis, a dû convenir que, en particulier dans les services, les efforts faits en direction des bas salaires étaient indispensables.
Ce dispositif, qui n'a rien à voir avec les 35 heures,...
M. Christian Poncelet. C'est vrai !
M. Lucien Neuwirth. ... est certes d'une application relativement complexe, je dois vous l'accorder, mais nous savons que sa mise en oeuvre sera hautement bénéfique pour nos emplois, donc pour l'ensemble de l'économie de notre pays.
C'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Jean Chérioux. Je souhaite que tous les membres du Gouvernement fassent un stage aux Etats-Unis ! (Sourires.)
M. le président. Souhaitez-vous prendre la parole, monsieur Chérioux ?...
M. Jean Chérioux. Non, c'était une simple remarque !
M. Robert Pagès. Restons Français !
M. le président. La parole est à Mme Bardou.
Mme Janine Bardou. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de ce débat, je me réjouis, tout d'abord, de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de notre Haute Assemblée. Cette proposition de loi connaît ainsi un sort moins funeste qu'à l'Assemblée nationale où la majorité gouvernementale s'était, je le rappelle, opposée à la discussion des articles, empêchant par là même un dialogue approfondi sur un sujet majeur.
A l'origine de cette proposition de loi se trouvent deux conceptions de la politique économique qui se sont exprimées à l'occasion du débat sur les 35 heures.
La volonté du Gouvernement est d'abaisser autoritairement la durée légale du temps de travail, pour tous et pour toutes les entreprises, sans faire cas de la diversité des secteurs de notre économie et de la nécessité d'un dialogue social au cas par cas.
Le groupe des Républicains et Indépendants a clairement exprimé son désaccord avec une telle politique. Nous sommes convaincus, en effet, que le travail se crée plus qu'il ne se partage. Dès lors, il faut à tout prix encourager cette création par la baisse des charges qui pèsent sur l'emploi.
La présente proposition de loi, déposée conjointement par les présidents des groupes de la majorité sénatoriale, par les présidents de la commission des affaires sociales et de la commission des finances, répond à cette nécessité en généralisant un plan textile qui a fait ses preuves.
Efficace d'un point de vue économique, cette mesure d'exonération de charges libère la capacité d'entreprendre. Elle comporte des garanties en termes d'emploi puisque les exonérations sont conditionnées à la passation de conventions entre les branches professionnelles et l'Etat.
Efficace d'un point de vue social, elle va bénéficier aux bas salaires et aux emplois peu qualifiés, qui sont les plus vulnérables face au chômage.
Très attendue par les femmes et les hommes de ce pays qui ont osé créer leur entreprise ou oseront le faire demain, cette proposition de loi allège les contraintes pour travailler mieux et en plus grand nombre.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe des Républicains et Indépendants votera sans réserve ce texte, tel qu'il ressort des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Madame le secrétaire d'Etat, j'ai trouvé votre intervention très modérée.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Je voulais vous en donner acte, puisque dans cette maison nous rejetons l'invective et l'opposition systématique.
Vous avez reconnu qu'il existe un vrai problème. Vous avez expliqué que la proposition que nous présentions n'était pas tout à fait aboutie, on peut en discuter. Mais la difficulté est réelle. Croyez-moi si, un jour, la conjoncture, pour des raisons asiatiques, par exemple, se détériore, ce qui peut arriver...
M. Christian Poncelet. Ou pour des raisons européennes, avec la Russie !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. ... - ou pour des raisons européennes avec la Russie, en effet, monsieur Poncelet - le choix réel sera soit de réduire le SMIC, soit de réduire les charges sociales.
Notre position, puisque nous sommes des libéraux mais vivant en France, c'est de ne pas toucher au SMIC...
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. ... car nous estimons que le salarié entrant dans la vie professionnelle doit avoir une garantie de rémunération. Comme nous pensons qu'il ne faut pas toucher au SMIC, nous croyons que l'on peut réduire les charges sociales dans les conditions que nous avons proposées.
M. Lucien Neuwirth. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. La crainte que j'exprime à la fin de ce débat, avant de voter, c'est que, si le Gouvernement tarde trop à mettre en oeuvre cette réduction pérenne, programmée, générale des charges sociales pour les bas salaires, qui seule permettra l'arrivée sur le marché du travail de nombreux travailleurs non qualifiés, il faille un jour remettre en cause cette garantie fondamentale qu'est le SMIC. C'est parce que nous le pensons vraiment que nous voterons cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, de votre accueil, ainsi que de la qualité générale et du ton de ce débat, le premier auquel j'aurai participé dans cette assemblée. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RPR.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 111:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages | 159 |
Pour l'adoption | 221 |
Contre | 96 |
Le Sénat a adopté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
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