Séance du 29 juin 1998
RETRAITE ANTICIPÉE POUR LES ANCIENS
COMBATTANTS D'AFRIQUE DU NORD
CHÔMEURS EN FIN DE DROIT
Irrecevabilité
des conclusions du rapport d'une commission
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 521,
1997-1998) de M. Guy Fischer, fait au nom de la commission des affaires
sociales sur la proposition de loi (n° 390, 1997-1998) de MM. Robert Pagès, Guy
Fischer, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Jean-Luc Bécart, Mmes Danielle
Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Jean Dérian, Michel Duffour, Pierre Lefebvre,
Paul Loridant, Mme Hélène Luc, MM. Louis Minetti, Jack Ralite, Ivan Renar et
Mme Odette Terrade tendant à accorder la retraite anticipée pour les anciens
combattants chômeurs en fin de droit, justifiant de quarante années de
cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Guy Fischer,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que
nous examinons aujourd'hui vise à accorder aux anciens combattants d'Afrique du
Nord qui sont chômeurs en fin de droit une retraite anticipée dès lors qu'ils
justifient de quarante années de cotisations à l'assurance vieillesse. Une
telle mesure pourrait concerner 15 000 personnes.
Ce texte est particulièrement important aux yeux de votre commission des
affaires sociales car il s'inscrit dans un long débat que nous entretenons
depuis près de quinze ans et qui porte sur la question de la retraite anticipée
des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Aussi le dispositif qui nous est soumis ne peut-il être apprécié à sa juste
valeur sans un bref retour en arrière sur les débats passés.
Je rappelle, pour commencer, que la loi du 31 mars 1919 a posé le principe de
la reconnaissance de la nation et du droit à réparation pour les anciens
combattants et victimes de guerre, dans le respect de l'égalité entre les
générations.
En application de ce droit à réparation, la loi du 21 novembre 1973 permettait
aux anciens combattants et aux victimes de guerre de prendre leur retraite
entre soixante et soixante-cinq ans en bénéficiant du taux plein qui leur
aurait été reconnu à soixante-cinq ans. Comme vous le savez, l'ordonnance de
1982, en instituant la retraite à soixante ans, a mis fin en pratique à
l'avantage relatif qui avait été consenti jusqu'alors aux anciens combattants,
dans la mesure où la loi de 1973 n'avait nullement été modifiée en
conséquence.
Les associations d'anciens combattants d'Afrique du Nord, réunies dans le
Front uni, ont alors légitimement fait valoir que la troisième génération du
feu, parce qu'elle est composée de soldats plus jeunes, serait, au moment de
l'âge de la retraite, dans une situation moins favorable que celle de ses aînés
alors qu'elle n'aurait pas démérité.
De nombreuses propositions de loi ont été déposées à partir de 1985 par des
parlementaires de tous les groupes politiques de notre Haute Assemblée. Elles
tendaient à rétablir le bénéfice de la retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord. Votre commission décidait notamment, en 1989, de
provoquer l'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de loi commune sur
cette question importante, notre président, M. Jean-Pierre Fourcade, en étant
le rapporteur, afin de donner à ce texte toute la solennité requise.
Après un vif débat en séance le 18 novembre 1991, la commission s'était
finalement vu opposer l'article 40.
Depuis cette date, le débat sur la retraite anticipée a été profondément
renouvelé.
En premier lieu, une commission tripartie composée de représentants du
Parlement, du Front uni et du Gouvernement, et présidée par M. Chadelat, a
procédé en 1996 à l'évaluation du coût d'une retraite anticipée pour tous les
anciens combattants d'Afrique du Nord. Elle a conclu à un coût net total cumulé
de 151 milliards de francs. Cette somme élevée semble rendre très délicate la
mise en oeuvre d'une retraite anticipée généralisée. Mais cette revendication
demeure d'une urgente actualité pour le Front uni.
En second lieu, de nombreuses mesures de solidarité ont été instaurées, le
plus souvent à la demande du Parlement, en faveur des anciens combattants
d'Afrique du Nord. Toutes ces mesures ont répondu à une même logique : il
s'agissait de compenser l'impossibilité - ou le refus - de la retraite
anticipée par la mise en place de réponses partielles ou ciblées aux problèmes
rencontrés par les anciens d'Afrique du Nord.
Il ne s'agit pas ici de donner le détail sur ces mesures de solidarité.
J'insisterai donc seulement sur les deux plus importantes.
La première est la loi du 3 janvier 1995. Cette loi visait à éviter que
l'allongement de la durée de cotisation décidé en 1993 n'ait pour conséquence
d'obliger certains anciens combattants d'Afrique du Nord à prendre leur
retraite après soixante ans. Elle réintroduisait de la sorte le principe de
l'avantage relatif en octroyant aux anciens combattants des réductions
forfaitaires de durée de cotisation, en fonction du temps passé en Afrique du
Nord.
La seconde mesure est la mise en place du Fonds de solidarité en faveur des
anciens combattants d'Afrique du Nord. Ce fonds a été créé par la loi de
finances pour 1992, puis modifié par les lois de finances pour 1995, 1996, 1997
et 1998. Il a pour vocation de verser une aide publique aux anciens combattants
les plus en difficulté. Ainsi, deux conditions sont requises pour bénéficier du
soutien des fonds : être au chômage depuis plus d'un an ou être en situation de
travail précaire et disposer de ressources inférieures à 4 600 francs par
mois.
Le fonds verse trois types d'aides : une allocation différentielle qui assure
à tout bénéficiaire un revenu minimum garanti de 4 614 francs par mois ; une
allocation de préparation à la retraite, qui est versée à ceux qui ont
bénéficié de l'allocation différentielle pendant plus de six mois et qui est
égale à 65 % du revenu de référence mais reste plafonnée à 7 177 francs ;
depuis la loi de finances pour 1998, le fonds verse également aux chômeurs en
fin de droits ayant cotisé pendant quarante annuités une majoration de
l'allocation différentielle correspondant à un « revenu équivalent à une
retraite anticipée de 5 600 francs net par mois ».
Au 31 août 1998, 37 700 anciens combattants bénéficiaient du soutien du Fonds
de solidarité.
Dans ce contexte, face au coût de la retraite anticipée, face aux nouvelles
mesures de solidarité, on aurait pu s'interroger sur la signification de la
proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
Or, il s'agit d'un texte à la fois nécessaire, attendu et réaliste.
Il est d'abord nécessaire.
Les anciens d'Afrique du Nord doivent, en effet, très souvent faire face à des
difficultés d'insertion sociale et professionnelle très fortes. On estime ainsi
que plus de 25 % des anciens combattants en âge de travailler sont au chômage
ou en préretraite. Or, à cet âge-là, les risques de ne jamais retrouver un
emploi avant la retraite sont, c'est évident, très forts. La durée moyenne de
chômage des plus de cinquante ans est en effet de plus de deux ans.
Cette situation est d'autant plus préoccupante que les dispositifs de
solidarité mis en place sont très imparfaits. Ainsi, la loi du 3 janvier 1995
n'a finalement concerné que 1 300 personnes en 1995 et en 1996. Mais, surtout,
c'est le fonds de solidarité qui, en dépit de réformes continuelles, a fait la
preuve de ses lacunes. Elles sont au nombre de deux.
D'abord, les aides versées par le fonds sont plafonnées à un niveau très bas :
4 600 francs pour l'allocation différentielle, 5 600 francs pour l'allocation
différentielle « équivalente » à une retraite anticipée, 7 177 francs pour
l'allocation de préparation à la retraite. Ces aides, à la différence des
retraites, sont totalement déconnectées des revenus d'activité. En ce sens,
l'allocation différentielle n'est qu'un minimum social supplémentaire tandis
que l'allocation différentielle majorée et l'allocation de préparation à la
retraite ne sont que des substituts très insuffisants à une réelle retraite
anticipée.
Ensuite, si les aides sont insuffisantes quant à leur montant, trop peu de
personnes en bénéficient. Alors que 140 000 anciens d'Afrique du Nord sont dans
une situation difficile, seuls 38 000 reçoivent un soutien du fonds. C'est
particulièrement le cas pour l'allocation différentielle majorée que le
Gouvernement a pourtant présentée comme l'équivalent d'une retraite anticipée,
et qui concerne moins de 6 000 personnes.
Les mesures de soutien ne semblent donc pas en mesure de répondre aux
difficultés rencontrées par les anciens d'Afrique du Nord.
Si ce texte est nécessaire, il est aussi attendu.
Les anciens combattants ont risqué leur vie ou versé leur sang pour leur pays.
Ils sont donc en droit d'attendre de la nation qu'elle exprime sa
reconnaissance et sa solidarité. Or, là où les anciens combattants revendiquent
un droit, une retraite, la nation se contente de leur accorder une aide sociale
qui n'est bien souvent qu'une aumône. La nation maintient donc les anciens
combattants dans une logique d'assistanat qui met leur dignité à rude épreuve.
C'est pour cela que les anciens combattants attendent une retraite anticipée,
même si elle ne devait toucher que quelques-uns, et non une quelconque
allocation différentielle.
En ce sens, le versement d'une retraite anticipée aux anciens d'Afrique du
Nord chômeurs en fin de droits constituerait un début de reconnaissance de la
nation tout en permettant de répondre à un certain nombre de cas difficiles.
C'est aussi un texte attendu car il y a urgence, monsieur le secrétaire
d'Etat. En 2002, les anciens combattants d'Afrique du Nord auront tous atteint
l'âge de soixante ans. La notion même de retraite anticipée n'aura alors plus
de signification.
L'an dernier, l'attente de ces anciens combattants semblait avoir été entendue
par le Gouvernement. Durant la campagne électorale, M. Lionel Jospin s'était en
effet engagé, auprès du Front uni, à « accorder la retraite anticipée pour les
chômeurs en fin de droits justifiant de quarante annuités de cotisations
diminuées du temps passé en Afrique du Nord ». Vous-même, monsieur le
secrétaire d'Etat aux anciens combattants, vous en aviez fait l'un de vos «
quarante engagements pour 1998 ».
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Tout à fait !
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Pourtant, le projet de loi de finances pour 1998 ne
comportait aucune mesure en ce sens, et ce n'est qu'à la demande réitérée des
parlementaires que le Gouvernement a présenté la disposition permettant aux
chômeurs en fin de droits de bénéficier « d'un revenu équivalent à une retraite
anticipée de 5 600 francs par mois », dans l'article 109 de la loi de
finances.
Face à ces carences, la présente proposition de loi tend à reconnaître une
réelle retraite anticipée pour ces personnes et non plus un « RMI ou une
préretraite anciens combattants ».
C'est un texte nécessaire, attendu ; c'est aussi un texte réaliste.
La présente proposition de loi ne prévoit pas un bouleversement total de la
législation régissant les retraites des anciens combattants. Elle vise
simplement à apporter une réponse adaptée aux lacunes des mesures de solidarité
existantes, tout en reconnaissant enfin le droit à une retraite anticipée pour
les anciens combattants d'Afrique du Nord les plus en difficulté.
C'est en ce sens que le texte que nous examinons aujourd'hui peut être
qualifié de réaliste. Il ne constitue qu'un premier pas dans le sens d'une
meilleure reconnaissance par la nation de la situation des anciens
combattants.
A cet égard, ce texte cherche à concilier deux impératifs : il vise à
améliorer sensiblement la situation des anciens combattants les plus en
difficulté, tout en ne constituant pas une charge trop lourde pour les finances
publiques.
Sur le premier point, cette mesure est ciblée sur les anciens combattants les
plus en difficulté. Il s'agit des chômeurs en fin de droit qui justifient de
quarante annuités de cotisations vieillesse. Ces personnes sont
incontestablement celles qui ont le plus besoin d'une retraite anticipée, d'une
part, car elles risquent de ne plus retrouver d'emploi et, d'autre part, parce
que, ayant cotisé quarante ans, elles ont bien souvent commencé à travailler
très tôt, dès quatorze ou quinze ans, dans des conditions souvent fort
pénibles. Réserver le bénéfice de la retraite anticipée aux anciens combattants
les plus en difficulté est donc une mesure élémentaire de justice sociale.
Pour ces personnes - le présent texte ouvre une faculté de demander à
bénéficier du droit à la retraite anticipée à taux plein. Dans la plupart des
cas, une pension de retraite complète - régimes de base plus régimes
complémentaires - leur garantirait un revenu supérieur à ce qu'elles perçoivent
actuellement.
Ainsi, pour une personne touchant en fin de carrière le salaire médian, la
pension de retraite serait de 8 093 francs. Rappelons que l'allocation
différentielle majorée pour ces personnes n'est que de 5 600 francs et que le
plafond de l'allocation de préparation à la retraite est de 7 177 francs.
Cependant, ce texte n'ouvre le droit à la retraite anticipée qu'à la demande
de l'intéressé. Dans certains cas, en effet, les aides versées pourraient être
supérieures à la pension vieillesse. Il s'agit donc d'une mesure souple.
C'est un texte réaliste également, car la charge financière reste très
supportable. J'évalue ainsi le coût brut total de la mesure à 1,3 milliard de
francs sur quatre ans, en ce qui concerne les régimes de base. Le coût net
total sera bien inférieur, car cette charge nouvelle se substitue à des charges
déjà existantes : aides versées par le fonds de solidarité, minima sociaux.
Mais ce texte doit s'appliquer aussi aux régimes de retraite complémentaire.
La commission est bien évidemment consciente des difficultés financières que
connaissent ces régimes. Elle estime donc nécessaire que le Gouvernement engage
au plus vite - si, bien sûr, la présente proposition de loi est définitivement
adoptée - une négociation avec ces régimes pour que le dispositif s'applique
également aux retraites complémentaires, sous peine de vider la mesure de sa
substance.
Dans ce contexte, et sans préjuger la position qu'adoptera le Gouvernement à
l'égard de la présente proposition de loi, la commission souhaite également
vous interroger, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la perspective d'une
réforme du fonds de solidarité à l'occasion du prochain projet de loi de
finances.
Le fonds doit évoluer pour apparaître non pas comme un dispensateur de secours
aux effets limités, mais bien comme l'expression de l'attention que la nation
porte aux plus modestes de ceux qui l'ont servie aux heures difficiles qu'elle
a traversées.
Ainsi, pour pouvoir bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite,
les anciens combattants les plus en difficulté doivent passer, pendant six
mois, par le filtre préalable de l'allocation différentielle. Or, de nombreux
anciens combattants sont réticents à en demander le bénéfice car ils
l'assimilent, non sans raison, à une forme d'assistance dégradante. Ils ne
peuvent alors pas toucher l'allocation de préparation à la retraite.
Dès lors, ne serait-il pas possible de permettre aux chômeurs ayant cotisé
pendant quarante annuités de bénéficier directement de l'allocation de
préparation à la retraite, sans avoir à passer au préalable par l'allocation
différentielle.
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Une telle mesure permettrait de sortir de la logique
d'assistanat inhérente à l'allocation différentielle, tout en autorisant à ces
personnes à bénéficier d'une allocation comprise entre 5 600 francs et 7 177
francs, en fonction de leurs revenus passés d'activité, sans pour autant
entraîner de charges supplémentaires pour les régimes complémentaires.
Mais revenons au texte qui vous est soumis aujourd'hui.
Il s'agit donc d'un texte nécessaire, attendu et réaliste. Mais il ne
constitue qu'un premier pas dans le sens d'une meilleure reconnaissance d'un
droit à la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord.
S'adressant aux plus en difficulté, ce texte mériterait d'être complété par des
mesures visant des anciens combattants dont la situation est moins fragile.
A cet égard, votre rapporteur est sensible à l'argumentation du Front uni, qui
estime que la retraite anticipée permettrait de libérer des postes de travail
pour les jeunes ou pour les demandeurs d'emploi.
C'est pourquoi la commission a estimé souhaitable que la présente proposition
de loi, qui s'adresse aux chômeurs, soit prolongée par un effort particulier en
faveur des anciens combattants encore en activité. Cet effort devrait porter en
priorité sur ceux qu'une durée d'assurance validée insuffisante empêche de
prendre leur retraite à soixante ans ou sur ceux qui sont exclus du bénéfice de
l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour ne pas avoir cotisé
160 trimestres.
Par conséquent, la commission souhaite vivement que le Gouvernement présente
des mesures allant dans cette direction dans le prochain projet de loi de
finances.
Ce texte ne constitue donc qu'un premier pas, mais il s'agit d'un premier pas
nécessaire. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales
vous demande, mes chers collègues, d'adopter ses conclusions.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen. - MM. Clouet et Lauret applaudissent également.)
M. Robert Pagès.
Très bien !
M. le président.
La parole est à Mme Printz.
Mme Gisèle Printz.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
cette proposition de loi traite d'un sujet que les parlementaires connaissent
bien et qui a longtemps opposé les associations d'anciens combattants aux
pouvoirs publics. On se souvient par exemple des travaux de la commission
Chadelat. Le coût de la retraite anticipée était alors fixé par
l'administration à 150 milliards de francs. Les associations composant le Front
uni retenaient pour leur part 35 milliards de francs. Ces chiffres ont dissuadé
toute majorité d'avancer sur cette question.
Aujourd'hui, le temps a passé et il y a moins d'anciens combattants qui
peuvent prétendre au bénéfice de la retraite anticipée. Le coût de la mesure
doit donc être réévalué à la baisse. Entre-temps, des mesures ont été prises
pour alléger les difficultés que connaissent les anciens combattants
chômeurs.
Le gouvernement Jospin a porté à 5 600 francs par mois le montant de
l'allocation différentielle. Bénéficient de cette disposition les anciens
combattants chômeurs, quel que soit leur âge, en fin de droit ou pas, dès lors
qu'ils ont cotisé quarante annuités. Ce système est donc nettement plus
avantageux que celui qui est présenté par la proposition de loi car la retraite
moyenne versée par la sécurité sociale s'élève à 5 100 francs. Nous étudions
donc un dispositif d'un moindre intérêt que les mesures actuellement en
vigueur. Par ailleurs, tout chômeur en fin de droit et qui a cotisé quarante
annuités est assuré de percevoir 5 000 francs, grâce à une disposition adoptée
par le Parlement.
On peut donc considérer que la proposition de loi rapportée par M. Fischer
n'est pas de grande portée. Qui va réellement en bénéficier ? Qui sera
intéressé par cette mesure ? Quel est l'objectif social réellement poursuivi
?
Le point le plus faible est l'absence de relations entre cette mesure et la
lutte contre le chômage. Certes, les anciens combattants concernés auront
naturellement un intérêt personnel à cette mesure. Mais rien n'indique que ces
départs seront compensés par des embauches. Or, pour légitimer leurs
revendications, les anciens combattants ont toujours mis en avant la nécessité
de créer des emplois pour les jeunes.
Cet objectif ne sera pas atteint par le texte dont nous discutons. Il faut
donc, pour être efficace et juste, imaginer une autre voie qui consisterait à
faire bénéficier de façon systématique les anciens combattants du système
ARPE.
Cette mesure bénéficierait à tous sans distinction et aurait le mérite de lier
le départ à la retraite au recrutement d'un jeune.
D'une manière générale, la législation tient compte des difficultés dues au
chômage chez les anciens combattants. Je rappelle l'existence de l'allocation
différentielle, complétée par l'allocation de préparation à la retraite. Il est
vrai qu'il manque une mesure qui allierait départ à la retraite et obligation
d'embauche. Mais la proposition de M. Fischer, que je remercie d'avoir suscité
ce débat utile, ne comble pas cette lacune et je réitère ma proposition
concernant l'application du système ARPE.
L'idée de supprimer le stage de six mois imposé aux anciens combattants, pour
passer de l'allocation différentielle à l'allocation de préparation à la
retraite, mérite également toute notre attention, et je souhaite que vous
étudiez sans délai cette piste, monsieur le secrétaire d'Etat.
En résumé, nous nous abstenons sur la proposition de loi, car nous voulons une
mesure nettement plus favorable à l'emploi, pour marquer la vraie solidarité
qui unit les anciens combattants aux jeunes générations.
M. le président.
La parole est à M. Pagès.
M. Robert Pagès.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
terme de cette session, le Sénat est à nouveau conduit à examiner une
proposition de loi relative à la retraite anticipée pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Depuis de nombreuses années, les parlementaires communistes n'ont eu de cesse
d'appuyer la demande - ô combien légitime ! - du monde combattant en faveur du
droit à une retraite anticipée pour les personnes ayant servi en Afrique du
Nord entre 1952 et 1962.
C'est donc tout naturellement que le groupe communiste républicain et citoyen
s'est saisi de son droit d'initiative parlementaire pour déposer une
proposition de loi permettant de répondre partiellement aux attentes de cette
population.
Les multiples propositions de loi déposées aussi bien au Sénat qu'à
l'Assemblée nationale depuis plus de dix ans, et émanant de tous les groupes
parlementaires de droite comme de gauche, reflètent l'intérêt des représentants
de la nation pour ceux qui ont sacrifié une partie de leur jeunesse dans des
conflits que, chacun le sait bien, tous n'approuvaient pas.
Est-il nécessaire de rappeler que 30 000 de ces combattants furent tués et que
300 000 en revinrent mutilés ou malades ?
Mais, au-delà des trausmatismes physiques apparents, il convient de prendre en
considération le traumatisme social vécu par l'ensemble des rescapés qui n'ont
pas toujours réussi à réintégrer une société française refusant d'assumer son
passé colonial.
S'agissant de l'Algérie, sous couvert « d'opérations de maintien de l'ordre »,
c'est une véritable guerre qui était engagée contre le peuple algérien et
contre les mouvements de libération nationale, une guerre de type colonialiste
qui ne correspond pas à l'idée que nous, communistes, nous nous faisons de la
France.
A cet égard, notre proposition de loi fait mention, dans son article 1er, de
la « guerre d'Algérie ». Je regrette que la commission des affaires sociales du
Sénat, au déplaisir de notre rapporteur, mon collègue et ami Guy Fischer, soit
revenue sur cette rédaction pour évoquer des « opérations effectuées en Afrique
du Nord ».
A maintes reprises, le chef de l'Etat, le Premier ministre et M. le secrétaire
d'Etat aux anciens combattants ont utilisé le terme de « guerre d'Algérie »,
mais aucun texte juridique n'en fait état.
A l'heure où l'on parle de repentance, la France s'honorerait pourtant en
reconnaissant, devant le peuple algérien et devant nos propres combattants,
l'état de guerre qui a prévalu de 1954 à 1962 en Algérie.
Au droit à la retraite anticipée correspond la dette de l'Etat français envers
les anciens combattants. Il n'est donc pas question d'un geste de charité ; il
s'agit d'un devoir de réparation.
Enfin, aux traumatismes physiques et sociaux j'ajouterai les traumatismes
économiques.
Notre proposition de loi limite le bénéfice de cette mesure aux chômeurs en
fin de droit ayant cotisé 160 trimestres à l'assurance vieillesse. Par
conséquent, elle vise des chômeurs trop âgés pour espérer retrouver un
emploi.
Certes, nous ne partons pas de rien. En effet, des mesures spécifiques
existent d'ores et déjà, sous forme d'aide sociale aux anciens combattants
d'Afrique du Nord les plus en difficulté. Mon ami Guy Fischer a rappelé
l'étendue des dispositifs existants, mis en place le plus souvent sous la
pression du Parlement, de même qu'il en a parfaitement exposé les insuffisances
et les limites.
La mesure que nous proposons ne prétend pas régler définitivement la situation
de précarité des anciens combattants, mais il s'agit pour nous d'aller
progressivement vers la reconnaissance d'un droit légitime pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord, à l'inverse de la logique d'assistanat qui a
prévalu jusqu'ici. Notre excellente collègue Mme Gisèle Printz me permettra de
lui dire que, si ce texte ne va pas assez loin, nous sommes prêts à aller
beaucoup plus loin...
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Robert Pagès.
... et à ouvrir le bénéfice de la retraite anticipée à l'ensemble des anciens
combattants d'Algérie. Je crois que nous pouvons le faire, et nous sommes prêts
à soutenir tout gouvernement qui s'engagerait dans ce sens. Je ferme la
parenthèse.
Ce texte en appelle d'autres. Je crois savoir, d'ailleurs, que cela inquiète
le Gouvernement, soucieux, et c'est légitime, de maîtriser la croissance des
dépenses publiques. Or, pour 15 000 personnes concernées, la commission des
affaires sociales a estimé à 1,3 milliard de francs le coût total de la mesure,
et ce sur les quatre prochaines années, soit environ 300 millions de francs par
exercice budgétaire. Autant dire que ce coût est sans commune mesure avec le
chiffrage qui avait, en son temps, été publié dans le rapport Chadelat.
J'ajoute, mais M. le rapporteur l'a dit excellemment, que, bien évidemment,
parallèlement disparaîtraient d'autres aides.
Cela étant, je vous le dis en toute amitié, monsieur le secrétaire d'Etat, et,
à travers vous, à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
le budget des anciens combattants diminue tous les ans, du fait de la
disparition des parties prenantes. Or il suffirait que la diminution ne soit
pas aussi rapide - je ne parle même pas d'augmentation - pour satisfaire une
part importante des revendications avancées par le monde combattant.
Ainsi, si notre texte était retenu, nous rétablirions un « avantage relatif »
que la loi du 21 novembre 1973 avait octroyé aux anciens combattants d'Afrique
du Nord.
D'autre part, dès lors que les anciens combattants auront atteint l'âge de
soixante ans vers 2002, au-delà de cette date, ce dispositif n'aura plus lieu
d'être. Il y a donc urgence à intervenir pour réconcilier la nation et ses
anciens combattants, d'autant plus que l'obstacle financier peut être surmonté
sinon aisément du moins facilement.
Enfin, il convient de ne pas oublier que le Premier ministre, Lionel Jospin,
s'était engagé au cours de la campagne des législatives de 1997 à accorder la
retraite anticipée pour cette catégorie d'anciens combattants dans les
conditions que je viens de dire. Le 8 mai 1997, M. Jospin déclarait, en effet,
« dans un premier temps, nous nous engageons à accorder la retraite anticipée
pour les chômeurs en fin de droit justifiant de quarante annuités de
cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord. Cette mesure constitue
un début de reconnaissance envers les anciens combattants en Afrique du Nord et
permettrait de répondre à un certain nombre de cas difficiles. »
Le groupe communiste républicain et citoyen donne l'occasion à ce
gouvernement, que nous soutenons, de mettre ses actes en conformité avec ses
paroles.
Aussi, je n'ose imaginer que ledit Gouvernement oppose une fin de non-recevoir
à une mesure qu'il a lui-même défendue voilà un an. Un tel geste serait
interprété, à juste titre, par les associations d'anciens combattants comme un
acte de désertion de la part du Gouvernement au profit de considérations
financières qui, selon nous, n'ont pas lieu d'être dans ce cas particulier.
Au moment où le Parlement discute du projet de loi de lutte contre les
exclusions, il serait opportun de porter une attention particulière de la
nation en direction des soldats français atteints une première fois par la
guerre et menacés une seconde fois par le chômage et la précarité.
J'ajouterai que ces soldats sont ceux qui, comme beaucoup de ma génération,
ont connu, quand ils étaient enfants, la guerre, ses privations et ses
deuils.
Il s'agit donc d'une mesure de justice sociale, de reconnaissance nationale et
enfin d'égalité avec les anciens combattants des deux guerres mondiales.
Ce serait, enfin, une juste récompense pour le travail accompli par les
associations d'anciens combattants et la qualité des rencontres qu'elles ont pu
mener avec de nombreux parlementaires, ainsi, je le sais, qu'avec le
secrétariat d'Etat aux anciens combattants, qui fait preuve d'un grand esprit
de coopération.
A la lumière de ces observations, mes chers collègues, je vous demande donc,
au nom de mon groupe, d'adopter cette proposition de loi. Qu'il me soit permis
de remercier et de féliciter mon collègue et ami Guy Fischer pour l'excellent
travail qu'il a accompli en tant que rapporteur de la commission des affaires
sociales.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain
et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. Cléach.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
vous ferai d'abord part, au nom du groupe d'études des sénateurs anciens
combattants que j'ai l'honneur de présider, de notre satisfaction de voir venir
aujourd'hui en discussion l'importante question des droits des anciens
combattants d'Afrique du Nord.
Mais cette satisfaction va plus loin : M. Guy Fischer qualifiait tout à
l'heure, au nom de la commission des affaires sociales, cette proposition de
loi de « texte nécessaire, attendu et réaliste ». Je partage très largement
cette analyse.
Cette proposition de loi, en effet, a un double mérite : elle constitue,
d'abord, un témoignage tangible de la reconnaissance de la nation envers ceux
qui ont servi, pour elle, en Afrique du Nord ; il s'agit ensuite d'une mesure
concrète de solidarité envers les anciens combattants les plus en
difficulté.
Force est de constater que le principe de reconnaissance de la nation envers
mes camarades combattants d'Afrique du Nord est actuellement mal appliqué.
La loi du 21 novembre 1973 permettait aux anciens combattants de prendre leur
retraite entre soixante ans et soixante-cinq ans. En accordant la retraite à
soixante ans, l'ordonnance de 1982 a mis fin à cet avantage relatif. Ainsi,
comme le font valoir les associations d'anciens combattants, cette ordonnance a
supprimé un avantage acquis par les anciens combattants de la troisième
génération. Il s'agit d'une atteinte au principe de l'égalité des droits entre
les différentes générations du feu.
Le Sénat a pris, en la matière, un certain nombre d'initiatives. A cet égard,
M. Guy Fischer a rappelé la proposition de loi tendant à rétablir le bénéfice
de la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord, qui
fut examinée le 18 novembre 1991, proposition de loi à laquelle avait été
opposé l'article 40 de la Constitution.
Certes, le coût global de la retraite anticipée est très élevé - la commission
tripartite présidée par M. Chadelat l'a évalué à 151 milliards de francs - mais
cela implique-t-il que la nation s'interdise toute forme de reconnaissance
envers ceux qui ont risqué leur vie pour elle ? Nous ne le pensons pas.
Le texte beaucoup plus modeste que nous examinons aujourd'hui constitue un
appréciable début de reconnaissance, quoique cette reconnaissance reste, bien
sûr, limitée. Elle ne s'adresserait qu'à 15 000 anciens combattants d'Afrique
du Nord, mais, en reconnaissant le droit à la retraite anticipée à ceux d'entre
eux qui vivent les situations les plus précaires, qui sont aussi, bien souvent,
ceux que leur séjour en Afrique du Nord a le plus marqués, la nation
affirmerait sa solidarité avec tous les anciens d'Afrique du Nord.
Ce texte propose également une autre forme de reconnaissance. L'article 3
précise, en effet, que la durée de service en Afrique du Nord est assimilée,
sans condition préalable, à une période d'assurance aux régimes de retraite.
Une telle disposition existe déjà dans notre législation. Toutefois, elle
reste mal appliquée. Ceux qui n'ont pas directement exercé une activité
professionnelle pour laquelle des cotisations ont été versées aux caisses de
retraite dès leur retour d'Afrique du Nord n'en bénéficient pas. Cette
interprétation très restrictive de la législation, en contradiction avec le
principe d'égale reconnaissance, conduit ainsi certains agriculteurs, certains
artisans, certains commerçants à devoir prendre leur retraite après leurs
frères d'armes qui étaient salariés. Aussi cet article 3 me semble-t-il de
nature à rétablir l'égalité de traitement entre les anciens combattants
d'Afrique du Nord.
Si cette proposition de loi a le mérite de constituer un témoignage tangible
de la reconnaissance de la nation, elle a également le mérite d'être une mesure
concrète de solidarité envers les anciens combattants les plus en
difficulté.
M. le rapporteur rappelait tout à l'heure les difficultés d'insertion sociale
et professionnelles que rencontrent de nombreux anciens combattants d'Afrique
du Nord. Ce n'est pas un vain mot : 40 000 d'entre eux doivent toucher les
aides versées par le Fonds de solidarité pour ne pas avoir à vivre - ou à
survivre - avec des minima sociaux.
Or le Fonds de solidarité reste très insuffisant. Il souffre, à mon avis, d'un
défaut majeur : il entraîne les anciens combattants dans une logique
d'assistance qu'ils ressentent comme une atteinte à leur dignité. Cet effet
pervers avait déjà été souligné par notre regretté collègue Bernard Barbier,
ancien président du groupe d'études des sénateurs anciens combattants, à qui je
tiens à rendre hommage aujourd'hui.
On en arrive donc au paradoxe suivant : alors que les anciens combattants
attendent un geste de reconnaissance de la nation, celle-ci cherche à le leur
témoigner par des mesures d'assistance qu'ils jugent humiliantes.
C'est pourquoi la mesure proposée aujourd'hui me semble être une avancée
intéressante. Elle substitue une logique de reconnaissance, celle du droit à la
retraite anticipée, à une logique d'assistance pour ceux qui connaissent les
situations les plus difficiles, les chômeurs en fin de droit, alors qu'ils
n'ont pas démérité, loin s'en faut, et qu'ils justifient de quarante annuités
de cotisations.
Cette mesure est d'autant plus intéressante qu'elle est financièrement très
acceptable. La commission des affaires sociales avançait un chiffre brut de 1,3
milliard de francs sur quatre ans, sans compter les économies induites.
D'aucuns ne manqueront pas d'objecter qu'une telle mesure existe déjà. La loi
de finances pour 1998, par son article 109 - Mme Printz l'a évoqué - a en effet
réformé le Fonds de solidarité de telle sorte qu'il puisse verser un revenu
équivalent à une retraite anticipée de 5 600 francs nets par mois pour les
anciens combattants chômeurs en fin de droit ayant cotisé pendant quarante ans
à l'assurance vieillesse.
Cet article 109 diffère pourtant profondément de la présente proposition de
loi sur trois points fondamentaux.
Premièrement, cet article 109 ne rompt pas avec la logique d'assistanat du
Fonds de solidarité : il s'agit non pas d'une réelle retraite anticipée, mais
d'une simple aide sociale.
Deuxièmement, la prétendue « retraite anticipée » de l'article 109 est fixée à
un montant unique de 5 600 francs. Ce montant est à la fois complètement
déconnecté des revenus d'activité et tout à fait insuffisant.
Troisièmement, moins de 6 000 personnes touchent aujourd'hui ces 5 600 francs,
alors que, aux termes du texte qui nous est proposé, 15 000 personnes se
trouveraient concernées.
Pour toutes ces raisons, je ne peux qu'approuver la présente proposition de
loi.
Tout en considérant qu'elle constitue une avancée sensible pour les anciens
combattants d'Afrique du Nord, je rejoins la commission des affaires sociales
pour estimer qu'elle n'est qu'une première étape.
Sans revenir sur l'ensemble des réformes souhaitables, j'insisterai ici sur la
question plus générale de la retraite anticipée.
Cette proposition de loi a rouvert le débat sur la retraite anticipée des
anciens combattants d'Afrique du Nord. J'ai entendu avec intérêt M. Fischer
suggérer en outre une réforme des conditions d'attribution de l'allocation de
préparation à la retraite. Nous connaissons et approuvons la position de M.
Fourcade sur ce sujet. Ce sont évidemment des voies à explorer, mais je note
qu'elles ne concernent que les chômeurs.
Or la politique en faveur des anciens combattants ne peut se limiter à une
simple politique de traitement social du chômage. Il est donc nécessaire de
prolonger cette proposition de loi par des mesures visant les anciens
combattants qui sont toujours en activité.
Il serait, par exemple, possible d'ouvrir le droit à la retraite anticipée à
ceux qu'une durée d'assurance vieillesse validée insuffisante empêchent de
prendre leur retraite à soixante ans ou à ceux qui ne peuvent bénéficier du
dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour ne pas
avoir cotisé pendant 160 trimestres. Ces nouvelles avancées, auxquelles était
très attaché notre regretté collègue Bernard Barbier, auraient l'avantage de
libérer des emplois pour des chômeurs ou pour des jeunes n'ayant jamais
travaillé.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Gouvernement sera sensible à
ces préoccupations, exprimées depuis si longtemps par l'ensemble des groupes de
notre assemblée, et qu'il voudra bien y répondre de la manière la plus
favorable, d'abord en soutenant la proposition de loi qui nous est soumise
aujourd'hui, ensuite en présentant de nouvelles mesures dans le prochain projet
de loi de finances.
S'il en allait autrement, monsieur le secrétaire d'Etat, vous auriez beaucoup
de mal à expliquer aux anciens combattants d'Afrique du Nord pourquoi, avec
l'appui de notre collègue Mme Printz et du groupe socialiste, vous décevez, en
bottant peu glorieusement en touche, les espoirs que le Gouvernement a lui-même
suscités.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union
centriste et du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Lauret.
M. Edmond Lauret.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il
paraît tout à fait légitime que la reconnaissance et la solidarité de la nation
s'exercent au profit des anciens combattants d'Afrique du Nord, comme elle
s'est exercée au profit des générations antérieures.
Or, ainsi que l'a exposé notre rapporteur, le droit à la retraite anticipée
constitue une très vieille revendication des anciens d'Afrique du Nord.
Cependant, son coût financier extrêmement lourd pour le budget de l'Etat n'a
jamais permis d'envisager l'instauration d'une telle mesure de façon
généralisée.
Le précédent gouvernement avait néanmoins voulu prendre des mesures
significatives au bénéfice des anciens d'Afrique du Nord.
D'une part, la loi du 3 janvier 1995 a introduit des mesures dérogatoires au
droit commun en octroyant aux anciens combattants des réductions forfaitaires
de cotisations.
D'autre part, le Fonds de solidarité a vu son champ d'application étendu, de
même qu'a été élargie la nature des aides publiques versées.
Les anciens combattants qui vivent les situations les plus difficiles - ils
sont plus de 37 000 - sont ainsi aidés financièrement en percevant un
complément à leurs ressources.
Cependant, comme dans l'ensemble de la population française, les plus touchés
par le fléau du chômage sont les plus de cinquante ans, en fin de droits, qui
n'ont que très peu de chances de pouvoir se réinsérer sans aide dans le monde
du travail.
Ainsi, bien des situations difficiles perdurent malgré les dispositifs de
solidarité existants.
La proposition que nous examinons aujourd'hui vise, pour y remédier, à
accorder un droit à la retraite anticipée pour les anciens d'Afrique du Nord
chômeurs en fin de droits qui justifient de 160 trimestres de cotisation aux
régimes d'assurance vieillesse.
Il s'agit de leur donner la faculté d'opter pour une retraite anticipée,
susceptible d'améliorer la situation financière de la plupart d'entre eux.
Il me paraît extrêmement important, notamment sur un plan symbolique, que ce
droit soit une simple faculté. Ainsi, les anciens combattants seront libres de
demeurer dans leur situation actuelle ou d'opter pour la retraite anticipée.
Il convient en effet de respecter la volonté de chacun et de tenir compte des
disparités dans les situations existantes, car les aides accordées en
application des dispositifs de solidarité peuvent être supérieures aux droits à
pension, en raison d'une activité professionnelle de trop courte durée.
En votant ce texte, nous franchirons une étape supplémentaire dans la
reconnaissance et la solidarité de la nation à l'égard des anciens combattants
d'Afrique du Nord. Durement marqués par les événements qu'ils ont vécus en
Afrique du Nord, beaucoup ont sacrifié, ne l'oublions pas, une partie de leur
jeunesse à la France.
Pour ces raisons, le groupe du RPR votera cette proposition de loi.
Je profite de l'examen de ce texte pour vous interroger, monsieur le
secrétaire d'Etat, sur un sujet qui inquiète les anciens combattants, notamment
ceux de l'Afrique du Nord : le devenir de l'ONAC, l'Office national des anciens
combattants et victimes de guerre.
Son rôle est central, essentiel, dans l'exercice du devoir de reconnaissance
de la nation à l'égard du monde combattant. Les anciens combattants y sont donc
légitimement très attachés : il incarne la singularité du droit à réparation
qui leur est dû.
Il serait important que vous puissiez réitérer, monsieur le secrétaire d'Etat,
votre engagement quant à la pérennité de cet office. Le monde combattant
devrait être définitivement rassuré sur ce sujet.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis 1985 un certain
nombre de propositions de loi ont été déposées sur le bureau de chacune des
deux assemblées qui tendaient toutes à apporter une solution au problème de la
retraite des anciens combattants d'Afrique du Nord.
Au demeurant, ce thème a occupé une place importante dans toutes les campagnes
politiques qui se sont déroulées au cours de la même période.
Depuis 1985, en effet, la progression du chômage dans notre pays a été telle
que de nombreux anciens combattants d'Afrique du Nord ont été, eux aussi,
frappés par le fléau, et ceux-ci n'ont pas compris que leur participation aux
opérations militaires en Algérie, au Maroc et en Tunisie, où ils ont souvent
laissé une partie de leur santé, ne leur vale pas d'être prémunis contre la
dégressivité des allocations de chômage.
Les propositions de loi qui ont fleuri depuis 1985 étaient de deux types : les
unes étaient de portée globale et visaient à remettre en place la retraite
anticipée, qui était une possibilité avant l'ordonnance de 1982 ; les autres
tendaient, de manière plus spécifique, à améliorer le sort de ceux des anciens
combattants qui se trouvaient confrontés au chômage, notamment ceux qui étaient
en fin de droit.
En 1991, j'ai ainsi rapporté une proposition de loi qui avait pour objet de
régler non l'ensemble du problème - le coût global de l'opération serait tel
qu'aucun gouvernement, quelles que soient son orientation politique et sa
volonté d'aboutir, ne pourrait y faire face - mais celui des anciens
combattants victimes du chômage et se trouvant en fin de droit.
Le Gouvernement avait opposé l'article 40 de la Constitution à cette
proposition de loi mais, par la suite, il avait rapidement mis en place le
Fonds de solidarité.
Fort modeste au départ, celui-ci a progressivement gonflé, jusqu'à disposer
aujourd'hui d'une ligne budgétaire de 1,574 milliard de francs, au bénéfice
d'environ 40 000 personnes, ce qui correspond à un début de solution.
Ce Fonds de solidarité présente toutefois deux inconvénients.
Tout d'abord, il est ressenti par les intéressés comme un aspect particulier
de l'aide sociale : les anciens combattants considèrent qu'ils sont mis sur le
même plan que tous les demandeurs de minima sociaux.
Par ailleurs, son fonctionnement ayant été modifié pratiquement à chaque loi
de finances eu égard aux inquiétudes que nourrissent les services de Bercy
quant à son coût, on ne peut pas dire que sa mise en oeuvre soit un modèle de
lisibilité.
Il reste que 1,5 milliard de francs, c'est une somme qui n'est pas négligeable
et qui montre qu'un effort a été fait.
La présente proposition de loi constitue un pas nouveau vers une solution aux
difficultés des chômeurs en fin de droit qui ont cotisé pendant quarante
ans.
Voilà quelques semaines, nous avons voté un texte intéressant tous les
travailleurs qui ont cotisé pendant quarante ans. Au lieu de leur ouvrir un
droit à une retraite anticipée, on s'est contenté - c'est le Gouvernement qui a
souhaité ce mécanisme - de prévoir le versement d'une allocation complémentaire
leur assurant un revenu minimum.
Bien entendu, les anciens combattants bénéficieront comme les autres de ce
dispositif, mais on n'a pas tenu compte de leurs problèmes spécifiques et on
n'a pas pris en considération les titres qui leur donnent droit à la
reconnaissance de la nation.
Je rappelle que, au moment de la réforme des régimes de retraite, il avait été
décidé de ne pas appliquer l'augmentation du nombre de trimestres à ceux qui
avaient servi en Afrique du Nord.
Malheureusement, les critères ayant fait l'objet d'âpres discussions au cours
de diverses réunions interministérielles, la mesure n'a pas eu un grand effet !
On s'est arrangé pour que, dans les décrets d'application, les mailles du filet
soient si serrées que presque personne ne puisse passer.
La proposition de M. Fischer, qui a été adoptée, je tiens à le souligner, à
l'unanimité par la commission des affaires sociales, tend à donner à tous les
anciens combattants chômeurs en fin de droit qui ont cotisé pendant quarante
ans à l'assurance vieillesse et qui n'ont pas atteint à soixante ans la faculté
de demander le bénéfice de la retraite anticipée.
On perçoit bien la différence existant entre un dispositif d'aide sociale ou
d'allocations spécifiques, qui s'applique à l'ensemble des chômeurs en fin de
droit, et la faculté d'adhésion à un mécanisme de retraite anticipée que
prévoit cette proposition.
D'après le rapport Chadelat, cette disposition touchera 15 000 personnes. Par
ailleurs, le coût, tel qu'il a été évalué par M. Fischer et par la commission,
n'est pas très élevé : 1,3 milliard de francs. Ce chiffre est à rapprocher du
milliard et demi de francs du Fonds de solidarité. J'ai cité les deux chiffres
pour bien montrer qu'il n'y a pas une envolée financière fantastique.
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Et c'est 1,3 milliard de francs sur quatre ans !
M. Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission.
Effectivement !
Au demeurant, cette somme va s'imputer partiellement - dans quelles
proportions ? Je n'en sais rien - sur le milliard et demi de francs du Fonds de
solidarité.
Je considère qu'il s'agit d'une mesure sage.
Ainsi, les chômeurs en fin de droit qui ont cotisé à des régimes de retraite
pendant quarante ans, mais qui n'ont pas combattu, percevront une allocation
supplémentaire qui leur permettra de disposer d'un revenu minimum. Quant aux
chômeurs en fin de droit anciens combattants, ils bénéficieront, du fait de
cette qualité, d'un droit à la retraite anticipée.
Je crois que cette distinction n'est pas sans importance.
Il reste évidemment deux problèmes à régler.
Celui des retraites complémentaires est le plus délicat. Compte tenu de l'état
actuel des ressources des régimes de retraite complémentaire, qu'il s'agisse de
l'AGIRC, de l'ARRCO ou des autres, il est difficile de leur imposer des charges
nouvelles.
Par conséquent, nous souhaitons voir le Gouvernement indiquer aux partenaires
sociaux que, dans la remise en ordre des régimes de retraite complémentaire, la
qualité d'ancien combattant pourrait être un paramètre à prendre en compte lors
du calcul des taux de cotisation, des pensions, etc. J'espère que vous pourrez,
tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, nous donner des assurances dans
ce sens.
En vérité, il n'est pas possible d'aller au-delà d'une recommandation adressée
aux régimes complémentaires, eu égard à leur situation financière difficile.
Le second problème qui reste à résoudre tient notamment au fonctionnement de
l'ARPE. A cet égard, le Gouvernement pourrait suggérer aux partenaires sociaux
que la qualité d'anciens combattants d'Afrique du Nord constitue un élément
d'attribution de cette allocation, qui a pour contrepartie l'embauche de
jeunes.
Si le Gouvernement de la République, à la demande du Parlement, notamment du
Sénat, qui depuis longtemps s'intéresse à cette question, faisait cette double
recommandation aux partenaires sociaux, la première relative à l'ARPE, la
seconde concernant la modification du fonctionnement des régimes
complémentaires de retraite, nous prouverions que nous continuons à nous
occuper des anciens combattants.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons formulé une suggestion dans
le rapport. Pour de nombreux anciens combattants, le passage obligatoire par le
fonds de solidarité avec les inconvénients qui en résultent - instruction de
dossier, enquête - pour obtenir l'allocation de préparation à la retraite n'est
pas satisfaisant. L'intéressé est en effet obligé de passer par une aide
sociale avant de pouvoir bénéficier de l'APR.
Si, dans le prochain projet de loi de finances, vous permettiez aux anciens
combattants qui ont cotisé pendant plus de quarante ans d'accéder directement à
l'APR, il s'agirait là d'un progrès. Vous montreriez que le Gouvernement est
soucieux de passer progressivement d'une logique d'assistance à une logique de
droit, ce qui, en l'occurrence, me paraît tout à fait légitime.
Tels sont les quelques éléments que je voulais ajouter aux excellentes
interventions de mes collègues, MM. Cléach et Pagès. J'ai compris que le groupe
socialiste s'abstiendrait afin de ne pas mettre le Gouvernement en
difficulté.
Le problème des anciens combattants dépasse la sensibilité d'un gouvernement.
Je me suis vu opposer l'article 40 de la Constitution en 1991. Mais un fonds de
solidarité a été créé. Si jamais vous nous opposez à nouveau l'article 40
aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, j'espère que vous créerez dans les
prochaines années un mécanisme aussi intéressant et qui apportera autant de
garanties au monde des anciens combattants.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat aux anciens combattants.
Mesdames, messieurs les
sénateurs, je vous remercie d'abord du travail que vous avez accompli. Il est
toujours utile d'engager devant le Parlement un débat sur les problèmes
concernant les anciens combattants et, plus particulièrement, leur retraite. Je
me félicite du rapport de M. Fischer, qui contient d'ailleurs un certain nombre
d'indications permettant à d'autres membres du Gouvernement, moins directement
impliqués dans ces questions, de prendre conscience à la fois des
revendications qui subsistent et des mesures qui ont été prises au fil des
années.
Ce rapport montre aussi à quel point il est difficile d'appréhender la
réalité. Vous avez réalisé un fantastique travail d'approximation s'agissant de
l'appréciation des conséquences de telle ou telle mesure. Vous y avez été
contraints, tout comme je le suis quotidiennement.
Naturellement - et M. le président Fourcade vient d'évoquer cette question à
l'instant - ce rapport est incomplet dans la mesure où il ne traite pas du
financement de la retraite complémentaire. Il est simplement proposé que le
Gouvernement fasse des recommandations aux caisses de retraite complémentaire.
Il ne prévoit pas de mécanisme financier permettant aux anciens combattants, le
cas échéant, de prétendre à cette retraite, puisque le montant moyen de la
retraite de la sécurité sociale est actuellement inférieur aux allocations
servies notamment par le fonds de solidarité.
Par conséquent, tout se joue sur la question de la retraite complémentaire, et
j'ai moi-même rencontré cette difficulté. J'y reviendrai dans un instant.
Le débat sur la retraite anticipée est, comme certains l'ont indiqué, un débat
ancien, et j'y ai, pour ma part, participé lorsque j'étais parlementaire. J'ai
même signé des propositions de loi sur ce sujet, qui n'ont, au demeurant, pas
plus abouti que les autres. Mais, comme vient de le signaler M. Fourcade, tous
ces textes ne sont pas lettre morte, car ils pèsent dans la discussion et
influencent les rapports de forces ainsi que les décisions qui sont prises
ensuite par les différents gouvernements. De ce point de vue, le débat
d'aujourd'hui peut contribuer à résoudre un certain nombre de problèmes.
Il est vrai que toutes les majorités ont reculé devant le coût de la mesure,
mais cette question dissimule, à mon avis, un débat plus profond. J'y
reviendrai également dans un instant. La présente proposition de loi procède,
ce qui est bien légitime, à des tâtonnements.
Par ailleurs, je regrette aussi que le mot « guerre », que j'emploie pour ma
part, ne soit pas utilisé.
J'indique à M. Pagès que le Parlement aura sans doute prochainement -
peut-être à la rentrée d'octobre - à connaître d'un texte qui permettra aussi,
sous réserve de quelques analyses, car il ne faut pas tomber dans des
difficultés juridiques inextricables, d'adapter la législation à la réalité et
d'employer le mot « guerre », notamment sur les titres de pension des anciens
combattants d'Afrique du Nord. J'y travaille actuellement, et j'ai bon espoir
de parvenir rapidement à un texte.
Les anciens combattants d'Afrique du Nord bénéficient de la reconnaissance de
la nation, de même que les autres générations du feu, à travers les
dispositions du code des pensions militaires et d'invalidité. La loi prévoit
d'ailleurs des droits identiques.
La France - je dis bien « la France », parce que cela engage toutes les
majorités qui ont eu et qui ont à diriger notre pays - n'a pas été indifférente
à l'égard du monde combattant, notamment des anciens combattants d'Afrique du
Nord. Encore récemment, des dispositions ont été prises, et cet après-midi
même, nous débattons de cette question, ce qui prouve combien la nation et ses
représentants y sont attentifs.
Pour ma part, j'ai toujours essayé de travailler dans la loyauté et dans la
clarté, parce que j'estime que l'exigence de vérité est une forme de respect
qui doit être due au monde combattant.
S'agissant de l'ONAC, sujet qui est, certes, un peu en dehors de notre débat,
j'indique que, au cours des deux derniers mois, nous avons élaboré, avec les
représentants de son conseil d'administration, un texte d'orientation
concernant la définition du rôle de cet office dans les dix ou quinze
prochaines années. Ce texte a été approuvé à l'unanimité par le conseil
d'administration, réuni mercredi dernier en séance plénière.
Je puis vous dire que le secrétaire d'Etat aux anciens combattants et le
Gouvernement tout entier tiennent comme à la prunelle de leurs yeux à l'ONAC,
structure de proximité, et que notre objectif est plutôt de renforcer ses
moyens dans les départements, notamment en lui adjoignant, à compter du 1er
janvier 1999, des emplois-jeunes consacrés au travail de mémoire. De ce point
de vue-là, monsieur le sénateur, vous pouvez donc être tout à fait rassuré.
J'en arrive maintenant au fond du texte. Je partage les mêmes objectifs que
vous, à savoir la défense des intérêts des anciens combattants, notamment ceux
qui sont les plus défavorisés. Toutefois, la proposition de loi ne semble pas
avoir résolu une question de fond, et je vais m'en expliquer.
S'agissant de l'égalité entre les générations, je rappelle que, pour la
génération 1939-1945, la prise en compte des services s'est exercée au prorata
du temps passé sous les drapeaux, selon une règle de proportionnalité entre
soixante et soixante-cinq ans. Ici, il n'est pas question de
proportionnalité.
Le véritable problème réside dans la signification du verbe « participer ».
L'article L. 351-8-1 qu'il est proposé d'insérer après l'article L. 351-8 du
code de la sécurité sociale précise en effet : « Les assurés qui sont chômeurs
en fin de droit et qui ont participé aux opérations militaires en Afrique du
Nord... ». S'agit-il d'un engagement dans une unité combattante ? Faut-il avoir
mis le pied en Afrique du Nord pour bénéficier de la disposition ? C'est
d'ailleurs plutôt ce que je crois, puisque vous indiquez que ce texte vise à
élargir le champ des dispositions qui sont souvent liées au titre de
Reconnaissance de la nation ou à la carte d'ancien combattant. Je peux pousser
le raisonnement jusqu'à l'absurde : il suffirait d'avoir séjourné un jour en
Afrique du Nord au cours de la période indiquée pour pouvoir bénéficier de la
retraite anticipée. Je ne sais pas gérer une telle situation.
(M. Pagès
proteste.)
C'est bien de cela qu'il s'agit, monsieur Pagès. Dans la mesure où le verbe «
participer » n'est pas défini, le texte ne peut pas s'appliquer
correctement.
Je vous rends attentif à cette difficulté, car un texte de loi doit être
relativement précis.
J'aborderai maintenant d'autres questions de principe qui, d'ailleurs,
dépassent le monde des anciens combattants proprement dit. Je le dis comme je
le pense, à ce point du débat, ayant moi-même été élu de la nation et en tant
que citoyen : est-il possible tout à la fois de diminuer le temps de travail
hebdomadaire, de retarder l'âge de l'entrée dans la vie active de par
l'allongement de la durée des études, d'interrompre son itinéraire
professionnel pour participer à des stages de requalification, de réinsertion
ou de mise à niveau et de réduire l'âge de la retraite par le biais d'une
mesure de principe ? Personnellement, je ne le crois pas. Il ne me semble pas
possible de faire tout cela en même temps. Mais il s'agit là d'une question de
fond qui intéresse l'ensemble de la nation.
Cela ne signifie pas toutefois qu'il faut se contenter du chômage actuel, que
nous souhaitons tous voir diminuer. Le premier objectif, en effet, est bien de
créer des emplois par le biais de mesures diverses, telles que les
emplois-jeunes, qu'il est, certes, possible de contester sur le plan politique,
selon des options qui distinguent la gauche de la droite dans notre pays. En
effet, des débats peuvent être engagés et vous en avez d'ailleurs eu un tout à
l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la réduction des charges
applicables aux bas salaires.
L'objectif prioritaire doit être de donner des emplois aux jeunes plutôt que
d'abaisser l'âge de la retraite. Or cette proposition de loi ne comporte aucune
contrepartie en termes d'emplois. Mais, me direz-vous, si une dizaine de
milliers de personnes partent à la retraite, peut-être les entreprises
procèderont-elles à des embauches à moins qu'elles n'améliorent leurs gains de
productivité. Il n'y a donc pas de lien direct entre la proposition que vous
faites et la création d'emplois.
Notre désaccord principal est de principe, comme je viens de l'indiquer, mais
il tient également aux objectifs que vous affirmez. Certains orateurs ont
rappelé les engagements pris par M. le Premier ministre au mois de mai 1997
ainsi que les quarante engagements que j'ai pris pour 1998.
Je suis tout de même très prudent. Pourquoi ? Lorsque j'ai été saisi de ce
dossier, je me suis heurté au problème du financement de la retraite
complémentaire. Il était probablement possible d'avancer sur le concept de la
retraite de la sécurité sociale, et tel est finalement le sens de la mesure qui
avait été prise l'an dernier par le Parlement.
Permettez-moi, à cet égard, de vous faire observer que j'avais émis le voeu,
lors de l'examen du budget du secrétariat d'Etat aux anciens combattants, que
certaines décisions soient prises dans le cadre du débat parlementaire afin de
bien marquer le rôle du Parlement en ce qui concerne les questions relatives,
notamment, aux anciens combattants.
C'est parce que j'avais été confronté au problème du financement des retraites
complémentaires que j'avais pris la précaution d'écrire : « En revanche, il
assumera lui-même la conduite à terme du dossier relatif aux chômeurs en fin de
droit ayant quarante annuités dans la mesure où ils relèvent du fonds de
solidarité. Il recherchera une mesure en leur faveur leur garantissant au moins
une situation matérielle similaire à la pleine jouissance de leur pension de
retraite. »
La proposition de loi atteindra-t-elle son objectif ? A ce propos, il
subsiste, me semble-t-il, une incompréhension entre nous. Vous avez tous
affirmé qu'il fallait venir en aide aux anciens combattants, aux chômeurs, aux
chômeurs en fin de droits, donc à ceux qui éprouvent les plus grandes
difficultés sociales. C'est bien de cela qu'il s'est agi dans le débat. Or,
vous proposez de mettre en place un dispositif qui s'organise autour d'une
option.
A ma connaissance, aux termes des textes applicables en la matière, qu'il
s'agisse du code du travail et de l'ensemble des dispositions législatives
régissant le Fonds de solidarité ou tout autre instrument de solidarité, les
prestations versées aux chômeurs en fin de droit ou aux chômeurs en général
cessent d'être versées dès que les intéressés remplissent les conditions de la
loi pour percevoir leur retraite, même s'ils n'en demandent pas le bénéfice.
Il ne s'agit donc pas d'un système optionnel. Aussi les dispositions que vous
préconisez pour les chômeurs en fin de droit justifiant de quarante annuités de
cotisations diminuées du temps passé en Afrique du Nord s'appliqueront-elles à
l'ensemble des chômeurs en fin de droit ayant cotisé pendant quarante annuités.
Autrement dit, ils perdront tous les bénéfices dont il disposent si la
rémunération qui leur est versée aujourd'hui est supérieure à ce qu'ils
percevraient, en cas d'application de votre proposition de loi.
Parmi les personnes qui relèvent aujourd'hui du Fonds de solidarité amélioré
et touchent 5 600 francs - cela concerne 8 000 personnes : 6 000 dépendent
directement du fonds et 2 000 bénéficient de la mesure à travers l'APR, soit un
seuil compris entre 4 600 francs et 5 600 francs - nombre d'entre elles
risquent de voir leur situation remise en cause. En effet - et nous sommes là
au coeur du dispositif - c'est la question de la retraite complémentaire qui
est posée.
Quant aux personnes qui bénéficient de l'allocation pour les chômeurs âgés, le
régime est encore plus intéressant, puisque l'indemnité versée correspond à 55
% du salaire brut non plafonné et est de l'ordre de 7 700 francs en moyenne. Ce
dispositif concerne 54 000 personnes, dont 27 000 sont anciens combattants,
selon nos estimations. Or, aux termes de la présente propositon de loi, leur
situation risque d'être inférieure à celle qu'ils connaissent aujourd'hui, et
ce sans pouvoir agir. En effet, les textes législatifs applicables en la
matière ne permettent pas les options.
S'agissant de cet aspect, je ne comprends pas cette proposition de loi. En
effet, elle ne constitue pas un avantage par rapport à l'ensemble du dispositif
en vigueur.
Aussi, l'objectif affiché ne sera pas atteint. Des situations vont être
remises en cause. Finalement, on risque de se retrouver dans cette situation
incroyable où l'Etat contribuera aux caisses de retraite après avoir pris
l'argent aux chômeurs et aux anciens combattants qui bénéficient actuellement
de dispositifs sociaux. Certes, l'intention est bonne...
M. Hilaire Flandre.
Ce n'est pas très convaincant !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je ne sais pas si c'est très convaincant. Je comprends
que cela vous chagrine. Pour ma part, je vous indique les textes qui sont
aujourd'hui applicables.
Si nous mettons en oeuvre la mesure que vous préconisez, elle ne pourra être
optionnelle. En effet, elle sera obligatoire en vertu des textes qui régissent
l'ensemble du dispositif de protection sociale du code de la sécurité
sociale.
Je ne vous en fais pas grief. Je vous décris la réalité. Vous pouvez le
vérifier en vous reportant aux textes. En effet, la situation que j'expose, je
ne la crée pas pour la commodité du débat. Il ne peut y avoir de système
optionnel dès lors que s'appliquera un régime général touchant les chômeurs en
fin de droit justifiant de quarante annuités de cotisations diminuées du temps
passé en Afrique du Nord.
Cela ne veut pas dire que votre proposition de loi ne répond pas au souci de
prendre en considération la situation du monde des anciens combattants. Ne me
faites pas dire ce que je ne dis pas ! Le monde des anciens combattants mérite
effectivement l'attention que vous lui portez et que je lui porte, et donc que
nous lui portons ensemble.
Le financement des retraites complémentaires - puisqu'il s'agit, comme l'a dit
M. Fourcade, d'un système conventionnel, l'Etat fera des recommandations -
représenterait quelque 4 milliards de francs. Ce n'est pas anodin. De plus, le
budget de l'Etat devrait apporter une compensation si la recommandation n'était
pas suivie d'effet.
Cela étant, je ne suis pas insensible à certain des arguments qui ont été
développés cet après-midi. Les grands esprits se rencontrent dans certaines
situations, dit-on. Vous avez travaillé de votre côté ; j'ai travaillé du mien
sur les mêmes sujets. Nous partageons en effet les mêmes préoccupations.
Je travaille actuellement sur deux dispositifs.
Le premier vise à rendre l'ARPE obligatoire au bénéfice des anciens
combattants. Il s'agit non pas d'une recommandation, mais de quelque chose de
tangible. En effet, avec le dispositif de l'ARPE, il existe une contrepartie en
emploi direct, puisque quand l'emploi est libéré par la personne concernée
l'entreprise doit engager un jeune. Or, c'est bien l'axe central de toutes nos
préoccupations actuelles, à savoir un mécanisme obligatoire pour faciliter
l'emploi.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Pas pour les chômeurs !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Le second dispositif sur lequel je travaille, c'est le
sas de six mois avant de bénéficier de l'APR. A travers le débat relatif à
cette proposition de loi, vous allez sans doute m'aider les uns et les autres à
progresser sur ce sujet, et je vous en remercie.
Le sas de six mois est effectivement une complexité administrative. Je
réfléchis donc également à sa suppression afin d'améliorer un certain nombre de
situations ; j'ai bon espoir d'y parvenir.
Cela étant, s'agissant de l'objectif du dispositif proposé, je ne peux pas
laisser voter un texte de loi avec les incertitudes, notamment financières, que
je me suis efforcé de décrire. Je sens, bien évidemment, que vous allez me
reprocher cela, même si je vous ai assuré que nous allions travailler ensemble
sur les deux points que j'ai évoqués, à savoir l'ARPE et la suppression du sas
de six mois.
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire
d'Etat ?
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de M. le secrétaire
d'Etat.
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Je vous ai écouté très attentivement. Certes, vous invoquez
une série d'arguments qui peuvent être fondés, vos conseillers techniques ayant
peut-être une approche du texte différente de la nôtre.
Cela étant dit, je voudrais souligner un point.
Les études auxquelles j'ai procédé au cours des dernières semaines - j'ai dans
mon dossier toutes les propositions de loi qui ont été présentées dans cette
enceinte sur les problèmes spécifiques des anciens combattants chômeurs ou à la
retraite anticipée - montrent que, dans la période récente, tous les groupes -
et à un certain moment, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez été membre de
l'un d'entre eux, notamment lors de la discussion d'une proposition de loi
déposée en 1995 - ont étudié en détail le moyen d'améliorer la situation des
anciens combattants chômeurs justifiant de quarante annuités de cotisations.
Je retiens de ce débat la volonté unanime, même si, en commission, elle a été
exprimée, d'une manière différente par le groupe socialiste - d'entendre
l'appel lancé par le Front uni, par toutes les organisations et par l'ensemble
des parlementaires.
Nous souhaitons contribuer, par les débats parlementaires, à faire en sorte
que, à l'occasion du projet de loi de finances pour 1999, des pas
supplémentaires soient faits. Tel était le sens de cette proposition de loi
présentée par M. Pagès et moi-même, et par les collègues de notre groupe.
M. Philippe François.
Nous allons la voter !
M. Guy Fischer,
rapporteur.
Nous voulons que ce message soit entendu. Je ne doute pas
qu'il le sera.
M. Alain Vasselle.
Vive la majorité plurielle !
M. Hilaire Flandre.
On va voter !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur a compris quelle serait ma
conclusion, vous aussi d'ailleurs.
(Sourires.)
M. Philippe François.
Beau numéro de natation !
(Sourires.)
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
Ne vous faites pas de souci !
Vous le savez, je partage les préoccupations générales de la représentation
nationale sur le dossier des anciens combattants. Depuis un an, je me suis
efforcé de travailler dans la loyauté et la clarté, et j'ai dialogué, autant
que possible, avec les représentants des anciens combattants.
Comme je le répète fréquemment : je dis souvent non et rarement oui. Mais
c'est un devoir de correction vis-à-vis du monde des anciens combattants que
d'exprimer les choses comme je les ressens et je les vois, de dire ce qui est
possible et ce qui ne l'est pas, d'assumer cette situation, et donc d'accepter
d'être critiqué. C'est cela la démocratie.
Je peux tout de même témoigner de la volonté d'avancer à petits pas sur un
certain nombre de dossiers.
S'agissant de la retraite anticipée, j'ai signé, je le répète, des
propositions de loi qui n'ont jamais été examinées. Désormais, certaines
propositions de loi peuvent au moins être discutées grâce au dispositif des «
niches législatives ». Cela a permis, cet après-midi, d'évoquer une question
très ancienne, qui n'a été résolue par personne, pas même par la majorité
sénatoriale au cours des dernières années, pas plus que par des majorités plus
anciennes.
Il est vrai que, au fil des ans, compte tenu de l'âge des bénéficiaires
potentiels, la question...
M. Robert Pagès.
Sera réglée !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
... se pose en termes très différents. Cependant la
France et la majorité nationale s'efforcent d'apporter des réponses plus en
termes de solidarité que de droit à réparation au sens strict. En effet, c'est
la période qui le veut. Depuis un certain nombre d'années, la situation
économique et sociale est difficile, comme le montre le nombre de chômeurs. Au
cours des dernières années, les victimes du chômage ont en effet été
principalement les femmes et les hommes de plus de cinquante ans, appartenant à
la génération directe d'anciens combattants d'Afrique du Nord. Désormais, le
chômage concerne, dans de fortes proportions, les jeunes. C'est vers eux que
nous devons diriger le maximum de nos efforts en termes d'emploi.
Le dispositif de l'ARPE sur lequel je travaille est intéressant. En effet,
pour un départ à la retraite avant l'âge de soixante ans, il y a création d'un
emploi pour un jeune. C'est un dispositif qui, selon moi, doit être mis en
oeuvre au regard des préoccupations de la commission des affaires sociales du
Sénat.
Par ailleurs, il convient d'aménager le sas de six mois, de façon que, si la
moindre ambiguïté subsistait, le monde des anciens combattants ne perçoive pas
ces mesures comme négatives. Des termes un peu durs ont été employés, notamment
le mot « aumône ». Il n'a jamais été dans l'esprit de la France de traiter ses
anciens combattants avec indifférence ou simplement de leur faire la charité.
Il ne s'agit pas de cela. Le droit à réparation existe, et il s'éteindra avec
la disparition du dernier ancien combattant vivant sur le territoire
français.
Aujourd'hui, dans une période particulièrement difficile, le Gouvernement
cherche à mettre en oeuvre des systèmes de solidarité pour que personne - pas
plus les anciens combattants que les autres - ne reste au bord du chemin. Tel a
été l'objet de la disposition prévoyant un montant garanti de 5 600 francs. Le
Gouvernement a ainsi voulu prendre en considération la situation des anciens
combattants d'Afrique du Nord, réintégrer cette page d'histoire dans notre
histoire, traiter avec le même respect, la même reconnaissance la génération
d'Afrique du Nord et les autres générations, utiliser le mot : « guerre » pour
qualifier ce qui s'est passé en Algérie, prendre des mesures notamment sur la
délivrance de la carte d'ancien combattant en tenant compte des dix-huit mois
de présence, et créer un mémorial national pour témoigner de ce devoir de
mémoire à l'endroit de cette génération d'anciens combattants. Cependant,...
Cela ne règle pas tout, c'est évident. Mais soyez persuadés, monsieur le
rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement a bien
l'intention de continuer dans cette voie.
M. Robert Pagès.
Cependant !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
... et pour clore le débat que nous avons engagé
depuis maintenant un peu plus de deux heures, compte tenu des incertitudes que
j'ai énoncées et des risques réels sur les situations actuelles - si les
montants versés ne sont pas mirobolants, ils sont cependant supérieurs à la
moyenne de la retraite de la sécurité sociale - risques auxquels je vais
m'efforcer de vous sensibiliser dès demain à partir des analyses juridiques
élaborées par le département ministériel des anciens combattants sur cette
impossibilité de l'option, dès lors que la disposition doit s'appliquer à
l'intégralité des situations visées - anciens combattants chômeurs en fin de
droit justifiant de quarante annuités de cotisations diminuées du temps passé
en Afrique du Nord - dans la mesure où la disposition serait préjudiciable à un
nombre plus important de personnes que le nombre des anciens combattants dont
vous voulez améliorer le sort, j'invoque l'article 40 de la Constitution sur
cette proposition de loi.
M. Alain Vasselle.
Ce n'était pas la peine d'en dire autant !
M. Jean-Pierre Masseret,
secrétaire d'Etat.
C'est toujours la peine...
M. le président.
N'entamez pas un débat, s'il vous plaît !
Monsieur Clouet, la commission des finances estime-t-elle applicable l'article
40 de la Constitution ?
M. Jean Clouet,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire
d'Etat, je fais partie de celles et de ceux qui se réjouissaient de voter...
M. le président.
Pas de débat, mon cher collègue !
M. Jean Clouet,
au nom de la commission des finances.
Je vais répondre, monsieur le
président !
M. le président.
Répondez-moi par oui ou par non ! Le règlement est formel, il ne peut y avoir
de débat sur ce point !
M. Jean Clouet,
au nom de la commission des finances.
Eh bien, à mon grand regret
(Sourires)
je réponds : oui.
M. le président.
L'article 40 de la Constitution étant applicable, la proposition de loi n'est
pas recevable.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons
interrompre nos travaux pendant dix minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf
heures.)