Séance du 29 octobre 1998
M. le président. « Art. 3 sexies . _ I. _ Le premier alinéa de l'article L. 2123-23 du même code est ainsi rédigé :
« Les indemnités maximales pour les fonctions de maire des communes et de président de délégations spéciales prises en compte pour l'application des articles L. 2121-28, L. 2123-13, L. 2123-24, L. 5211-7 et L. 5215-16 sont déterminées en appliquant au terme de référence mentionné à l'article L. 2123-20 le barème suivant : ».
« II. - Après l'article L. 2123-23 du même code, il est inséré un article L. 2123-23-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2123-23-1 . _ A compter de l'entrée en vigueur de la loi organique n° ... du ... relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice, les indemnités maximales votées par les conseillers municipaux pour l'exercice effectif des fonctions de maire des communes et de président de délégations spéciales sont déterminées en appliquant au terme de référence mentionné à l'article L. 2123-20 le barème suivant :
Population (habitants) |
Taux maximal en % de l'indice 1015 |
---|---|
Moins de 500 | 17 |
500 à 999 | 31 |
1 000 à 3 499 43 | |
3 500 à 9 999 | 55 |
10 000 à 19 999 | 65 |
20 000 à 49 999 | 90 |
50 000 à 99 999 | 110 |
100 000 à 200 000 | 145 |
Plus de 200 000 | 145 |
Paris, Marseille, Lyon | 145 |
« La population à prendre en compte est la population totale municipale
résultant du dernier recensement. »
« III. _ Le premier alinéa de l'article L. 2511-34 du même code est ainsi
rédigé :
« Les indemnités maximales pour l'exercice des fonctions de maire de Paris,
Marseille et Lyon sont, pour l'application des deuxième et troisième alinéas du
présent article ainsi que pour celle des articles L. 2121-28 et L. 2123-13,
égales au terme de référence mentionné au I de l'article L. 2123-20, majoré de
15 %. »
Par amendement n° 12, M. Jacques Larché, au nom de la commission, propose de
supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jacques Larché,
rapporteur.
La question de l'indemnisation fait partie intégrante du
statut de l'élu. C'est un problème que nous devrons traiter dans son ensemble
et examiner sous l'angle des charges que cela entraînera pour les collectivités
publiques.
Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale est sans doute pertinent,
mais il représente une charge supplémentaire pour les collectivités publiques -
singulièrement pour les communes - de 700 millions de francs.
Le problème est de savoir si nous pouvons engager les collectivités sur la
voie de cette dépense, alors que nous connaissons la difficulté que nous avons
à établir nos budgets. Au demeurant, si l'Etat doit apporter sa contribution
dans l'escarcelle, celle-ci demeurera modeste : 100 millions de francs, ce
n'est pas beaucoup !
Ce problème devra donc être revu dans son ensemble.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Cette disposition, qui a été introduite par l'Assemblée nationale, est
cohérente par rapport au présent projet de loi, puisqu'il s'agit de revaloriser
la fonction de maire, et uniquement celle-ci dans la mesure où il n'y aura pas
possibilité de cumul entre une fonction parlementaire et une fonction exécutive
locale.
L'argument financier est souvent invoqué pour justifier le cumul : j'entendais
récemment encore, sur une chaîne de radio nationale, un honorable sénateur
affirmer que son élection au Sénat lui avait permis de cesser son activité
professionnelle et, ainsi, de se consacrer à plein temps à sa fonction de
maire.
Par ailleurs, quand on compare la réalité de la situation des maires dans
notre pays par rapport à ce qui se passe dans les pays voisins où il n'existe
pas de cumul, on constate que les indemnités sont nettement supérieures dans
ces derniers.
Il est donc cohérent d'interdire aux parlementaires l'exercice de fonctions
exécutives. A partir du moment où le Sénat permet d'exercer simultanément une
fonction exécutive et un mandat de parlementaire, il prive le texte de la
cohérence que voulait lui donner l'Assemblée nationale.
Cela étant, je confirme à M. Larché que la disposition prévue représente une
charge de l'ordre de 700 à 800 millions de francs.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 12.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Je voterai l'amendement, car il est, à mes yeux, regrettable que l'Assemblée
nationale ait cru devoir introduire dans ce texte des dispositions d'ordre
financier.
En effet, le problème du cumul, contrairement à ce que l'on entend dire, en
particulier dans les médias, est non pas un problème financier mais un problème
de responsabilités au sein des assemblées parlementaires et à l'échelon des
collectivités territoriales, un point c'est tout !
C'est, en fait, pour essayer de mettre l'opposition nationale, c'est-à-dire la
majorité sénatoriale, dans une position fausse, voire pour la clouer au pilori,
que l'on introduit cet élément financier, en donnant à penser que nous sommes
favorables au cumul pour une question d'argent.
Eh bien non ! Je le dis haut et clair, ce n'est pas une question d'argent ;
c'est une question de conception du travail du parlementaire.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'irai dans le même sens que mon collègue Jean Chérioux.
Il est évident que l'amalgame entre cumul de fonctions et cumul d'indemnités a
été largement répandu par les médias. On ne saurait l'accepter, et c'est la
raison pour laquelle on ne peut suivre le Gouvernement sur ce point.
Par ailleurs, on nous a beaucoup parlé de ce qui se passait à l'étranger, et
je veux, à ce propos, formuler quelques remarques.
Il est vrai que, dans un certain nombre de pays voisins, les fonctions de
maire ou de responsable de région sont beaucoup mieux rémunérées que chez
nous.
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas comparable !
M. Patrice Gélard.
Mais, dans ces mêmes pays, les fonctions de parlementaire sont, elles aussi,
beaucoup mieux rémunérées.
A cela s'ajoute un autre élément. Puisqu'on a beaucoup parlé de l'Allemagne,
ces temps-ci, savez-vous que les bourgmestres allemands ou les ministres des
Länder ont tous d'autres activités, que l'on oublie de mentionner ?
Ainsi, le nouveau Chancelier allemand, M. Schröder, est membre du conseil de
surveillance de Volkswagen. Il n'a pas démissionné, il est rémunéré pour cette
fonction. Et tel est le cas de la plupart des hommes politiques allemands.
Il convient donc de regarder de près ce qui se passe à l'étranger : il y a non
pas cumul de mandats électifs mais cumul avec toute une série d'activités
rémunérées dans les sociétés commerciales, professionnelles, les associations
ou autres.
M. Jean Chérioux.
Dans les syndicats !
M. Patrice Gélard.
Je tenais à le mentionner, car on oublie trop souvent ce genre de choses quand
on parle de nos voisins !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mme Dinah Derycke.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke.
Je voterai contre l'amendement, car, quand on s'oppose au cumul des mandats,
on doit poser le problème de la rémunération des élus. La démocratie a un prix
et elle a un coût. Il faut l'accepter.
Il est bien dans la tradition française de refuser tout débat sur les
problèmes d'argent. Or, je le répète, c'est une réalité, qu'on le veuille ou
non : nos concitoyens ont cette suspicion, légitime ou non - je laisse à chacun
le soin d'en juger - qui les incite à penser que la volonté de cumuler les
mandats résulte aussi de la volonté de cumuler plus ou moins les indemnités et
les moyens.
M. Jean Chérioux.
Il y a écrêtement ! Quant à la suspicion, elle est entretenue savamment !
Mme Dinah Derycke.
Je le sais bien, mon cher collègue, et certains de nos concitoyens le savent
aussi,...
M. Jean Chérioux.
Non, ils ne le savent pas !
Mme Dinah Derycke.
... mais cela ne les empêche pas de toujours demander combien cela fait au
bout du compte et si l'on y inclut les moyens, voitures, etc. dont nous
disposons ?
Nos concitoyens, croyez-le bien, sont assez au fait de ces choses, même s'il
est vrai que parfois - c'est là le danger ! - une certaine presse en
rajoute.
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
Mme Dinah Derycke.
A partir du moment où l'on ne veut pas que les élus cumulent, il est tout à
fait logique de poser le problème de leur rémunération, afin de rendre la
fonction d'élu accessible à tous.
Nous connaissons tous dans nos communes - c'est le cas dans la mienne - des
hommes et des femmes qui travaillent et qui, pour exercer un mandat électoral,
devraient quitter leur place. Pour eux, qui ne sont pas encore à la retraite,
qui n'ont pas une fortune leur permettant d'arrêter leur activité pendant six
ans pour être maire, voire adjoint, se pose, en outre, le problème de leur
retraite future.
M. Charles Descours.
Et de leur retour à la vie professionnelle s'ils ne sont pas fonctionnaires
!
Mme Dinah Derycke.
Il y a donc là un frein réel à la candidature de chacun. Or la démocratie,
c'est aussi permettre à tous nos concitoyens, s'ils le souhaitent, d'être
candidats et d'exercer un mandat électoral.
Voilà pourquoi je voterai contre cet amendement, qui n'est pas en cohérence
avec le texte du projet de loi initial et qui, de ce fait même, empêche un
certain nombre de nos concitoyens d'accéder aux fonctions d'élu.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Michel Duffour.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous voterons également contre cet amendement. En effet, dans la logique du
non-cumul, comme vient de l'exposer Mme Derycke, il est nécessaire de prévoir
une rémunération suffisante pour ceux qui exercent une charge élective.
A l'Assemblée nationale, le groupe communiste n'avait pas suivi le
Gouvernement, car le raisonnement de M. le ministre ne lui convenait pas
totalement.
En effet, selon nous, le statut de l'élu ne doit pas être réduit à ce simple
aspect. Nous aurions préféré qu'il soit abordé dans un cadre plus large.
M. Marcel Lesbros.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Lesbros.
M. Marcel Lesbros.
A ce stade de la discussion, je pense pouvoir faire état de mon expérience
personnelle, pour avoir cumulé, comme beaucoup d'autres, tous les mandats -
sénateur, conseiller régional, conseiller général, président du conseil
général, etc. - même s'il est vrai qu'être président du conseil général des
Hautes-Alpes ou de Lozère n'est pas du tout la même chose qu'être président du
conseil général du Nord ou encore être à la fois maire de Lyon et président de
la Courly !
Le problème le plus grave, en l'instant, le problème de fond pour la
République, le problème qui se pose depuis des générations, c'est celui de
l'antiparlementarisme.
Me tournant vers ceux qui font ces propositions ou qui les défendent, je les
incite à être très attentifs. Il y a un antiparlementaire latent en France.
Avant-guerre, c'était celui du PPF, du PSF et autres produits d'extrême droite,
et il peut resurgir aujourd'hui.
Sous prétexte d'une loi de non-cumul, n'alimentons pas l'antiparlementaire. M.
Chérioux a raison de faire la distinction entre la fonction et les indemnités.
Mais cette distinction, le grand public, lui, ne la fait pas. Il fait
l'addition, et c'est tout. La plupart de nos électeurs ne savent même pas qu'il
y a un plafond, un écrêtement. Pour eux, vous êtes maire, cela fait tant ; vous
êtes vice-président du conseil général, cela fait tant, etc.
Le débat est d'importance, car il touche aux fondements mêmes de la
République, de la démocratie. Prenons garde, à l'occasion de ce débat, de ne
pas glisser vers l'antiparlementarisme.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Je m'étonne quelque peu que l'on oublie complètement que nous avons procédé à
un examen complet du statut de l'élu local en 1992. La loi sur l'administration
territoriale de la République, présentée, d'ailleurs, par un gouvernement de
gauche, avait fait l'objet d'un long débat, au cours duquel nous avions abordé
tous les problèmes, notamment d'indemnisation et de retraite. Si ce n'est pas
suffisant, reconnaissons qu'il y a tout de même eu des avancées !
(Mme Dinah
Derycke s'exclame.)
Ne dites pas que, notamment, les collectivités peuvent participer à une
retraite complémentaire ! Il ne faut pas exagérer.
C'est vrai, en matière de formation, les dispositions ont été très peu
appliquées. On pourrait donc faire le point sur l'application de la loi de 1992
et peut-être aller plus loin, mais ce dans une réforme d'ensemble.
On compare souvent notre pays, d'autres l'ont dit, à l'Allemagne. Mais le
maire allemand est un fonctionnaire...
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest...
ou un quasi-fonctionnaire, soumis à une exigence de diplôme. Ce n'est pas du
tout le même système.
En revanche, le président du conseil municipal, élu, n'est pas rémunéré, parce
qu'il n'a pas de fonction exécutive.
L'étude, comme toujours excellente, faite sur ce sujet par les services du
Sénat montre que les situations ne sont pas du tout comparables.
A l'heure où l'on exige le plein temps pour certaines fonctions, je fais
observer que, dans nombre de pays, on estimerait que cela est complètement
délirant. Il faut donc mesure garder.
Faire des élus des pseudo-fonctionnaires serait très dangereux. En effet, si
l'on allait vers une professionnalisation, il faudrait aussi exiger des
diplômes et ne plus avoir cette double fonction de secrétaire général et de
maire.
Le système serait tout autre. Peut-être serait-ce mieux, après tout ! On a
connu cela pour les conseils généraux, avec le préfet en charge de l'exécutif.
A mon avis, ce serait un sacré retour en arrière.
Il faut donc réfléchir encore à tout cela. L'heure n'est peut-être pas venue
d'augmenter brutalement les indemnités. De plus, ce serait très mal vu par la
plupart de nos électeurs. Dans une commune rurale, passer le taux de référence
de 12 % à 17 %, soit 5 % d'augmentation, soit encore 10 000 francs sur un
budget de 400 000 francs, cela se sentirait, et les électeurs ne seraient pas
contents.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Guy Allouche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, s'il est un endroit où l'on doit parler vrai, c'est ici ;
c'est le lieu privilégié du langage de la vérité.
Nous traitons d'un sujet sensible. Nous savons tous que, dans notre pays,
certains sujets sont tabous, et l'argent est de ceux-là.
J'entends des collègues dire qu'il faut éviter de faire des amalgames,...
M. Jean Chérioux.
Amalgames que vous faites en permanence !
M. Guy Allouche.
... de nourrir l'antiparlementarisme.
Chers collègues, la meilleure façon d'éviter les amalgames, fondés ou non,
faits par le grand public, c'est de répondre précisément à cette confusion. Et
que fait d'autre ce projet de loi que de remédier à l'antiparlementarisme
puisqu'il vise à limiter ce que le grand public considère, à tort ou à raison,
comme des abus ?
M. Jean Chérioux.
Ne leur laissez pas croire qu'il y en a !
M. le président.
Mes chers collègues, je vous prie de laisser parler l'orateur ! Vous pourrez
toujours demander la parole ensuite pour exprimer votre point de vue.
M. Guy Allouche.
Parlons vrai, mes chers collègues ! Certes, il y a écrêtement, mais dans un
pays où des millions de personnes connaissent des difficultés, vous savez bien
que l'indemnité de conseiller général ou de conseiller régional est en tout cas
très largement supérieure au revenu moyen d'un salarié.
Si l'indemnité parlementaire a été fixée au niveau que nous connaissons, plus
ou moins haut par rapport à d'autres pays étrangers - la question n'est pas là
! - c'est justement pour permettre aux parlementaires d'être tout à fait libres
de leurs mouvements et de leurs paroles, et d'avoir les moyens d'exercer
constamment et en toute indépendance leur mandat. La logique, si vous vouliez
éviter les amalgames et l'anti-parlementarisme, si vous souhaitiez que les
salariés du privé accèdent aux fonctions exécutives, aurait dû vous conduire,
monsieur le rapporteur, à proposer un amendement tendant à supprimer totalement
le cumul d'indemnités pour un parlementaire. Voilà la logique.
La meilleure façon de répondre à la critique de nos concitoyens et de montrer
qu'ils sont dans l'erreur aurait consisté à supprimer le dispositif. Mais vous
ne le faites pas.
L'Assemblée nationale a donc répondu au souhait de nombreux maires dont le
montant des indemnités ne leur permet pas d'exercer leurs fonctions de maire et
leurs fonctions de salarié.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste ne votera pas
l'amendement n° 12.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 3
sexies
est supprimé.
Article 4