Séance du 23 novembre 1998
M. le président. Par amendement n° I-110, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 8, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les biens professionnels définis aux 885 N à 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 6 000 000 francs. »
« II. - Après l'article 885 U, il est inséré dans le code général des impôts, un article ainsi rédigé :
« ... Les biens professionnels sont inclus dans les base de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante :
ÉVOLUTION DU RATIO Masse salariale/valeur ajoutée |
POURCENTAGE taux d'intégration
|
---|---|
Egale ou supérieure à une évolution de 2 points | 15 |
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point | 35 |
Egale à 1 | 50 |
Entre 1 et - 1 | 65 |
Entre - 1 et - 2 | 85 |
Entre - 2 et - 3 | 100 |
Entre - 3 et - 4 et au-delà | 125 |
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cet amendement constitue la principale mesure que nous souhaitons voir adopter
dans le cadre de ce débat sur l'impôt de solidarité sur la fortune.
Il s'agit, en l'occurrence, de l'intégration des biens professionnels dans
l'assiette de cet impôt.
Quant au fond, cette mesure n'a d'ailleurs pas le mérite de la nouveauté, car
nous avons tous à l'esprit que les biens professionnels étaient intégrés dans
la base d'imposition de l'impôt sur les grandes fortunes, dans sa mouture de
1981, à concurrence d'un montant minimal qui était à l'époque de deux ou trois
millions de francs.
Il s'agit donc, dans une certaine mesure, de revenir à cette conception de
l'impôt sur la fortune, dont je rappellerai qu'au regard de la base imposable
il était plus producteur de recettes fiscales que l'actuel ISF.
Evidemment, dans certains milieux, cette idée d'intégrer les biens
professionnels dans la base imposable paraît singulièrement mal venue, au nom
d'une taxation inconsidérée de l'outil de travail.
Il faut quand même nous poser la question : qu'est-ce qui valorise quant au
fond ce qui est appelé un peu rapidement « l'outil de travail » ? Est-ce
uniquement le produit des sages décisions de gestion de celui qui le possède ?
N'est-ce pas plutôt et surtout le produit du travail des salariés ? C'est un
peu des deux.
Le débat sur l'intégration des biens professionnels a évidemment traversé la
controverse fiscale dans les années quatre-vingt et il continue, nous le voyons
bien, de le faire.
En effet, après la suppression pure et simple de l'impôt sur les grandes
fortunes en 1986 par le gouvernement de M. Chirac, suppression dont le
caractère idéologique est assez fortement marqué, la conception de l'impôt de
solidarité sur la fortune a été réalisée à partir d'une réflexion sur la prise
en compte de ces biens professionnels.
Depuis, deux écoles s'affrontent : celle qui prône une intégration des biens
professionnels et la pratique de taux d'imposition relativement faibles et
celle qui préfère l'application de taux plus importants mais avec une assiette
excluant les biens professionnels.
C'est cette dernière solution qui a été finalement retenue mais qui a, dans
les faits, créé une inégalité de traitement entre les contribuables redevables
de l'impôt de solidarité sur la fortune à laquelle il conviendrait, dès lors,
monsieur le secrétaire d'Etat, de remédier.
C'est le sens de notre proposition qui s'appuie par ailleurs sur les
conclusions mêmes du quinzième rapport du Conseil national des impôts, rapport
qui souligne la nécessité de mettre un terme à cette exclusive, au nom,
précisément, de l'égalité devant l'impôt.
Vous nous permettrez cependant d'apporter à ce débat nécessaire et fondamental
une contribution qui me semble assez particulière.
Notre amendement dispose, en effet, que les biens professionnels ne seraient
pas pris en compte dans leur totalité pour l'établissement de la base
imposable.
Cette proposition se fixe pour objectif de moduler cette intégration des biens
professionnels en fonction des choix de gestion opérés effectivement par les
possesseurs de ces biens professionnels en matière d'emploi et de rémunération
des salariés.
Nous estimons, en effet, que la question de l'impôt de solidarité sur la
fortune est suffisamment prégnante pour que nous proposions une forme
d'incitation fiscale aux choix de gestion les plus vertueux et les plus
positifs pour la collectivité nationale dans son ensemble.
Cette modulation de la prise en compte des biens professionnels dans
l'assiette de l'ISF constituerait un indicateur relativement fiable des choix
économiques opérés par les agents économiques eux-mêmes, et investirait en
quelque sorte les redevables de l'impôt d'une sorte de responsabilité
sociale.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers
collègues, à adopter notre amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il est clair que les objectifs du groupe auquel
appartient Mme Beaudeau ne correspondent pas à ceux de la majorité de la
commission des finances.
En ce qui nous concerne, nous estimons que l'éventuelle inclusion des biens
professionnels dans l'assiette de l'ISF aurait de graves conséquences en
matière d'emploi, car certains actionnaires pourraient être conduits à quitter
les entreprises dont ils sont actionnaires, c'est-à-dire tout simplement à
céder leurs titres dans des conditions qui peuvent ne pas être de nature à
préserver la continuité et le bon développement de l'entreprise en question.
C'est la raison économique de fond pour laquelle nous ne pouvons évidemment
pas accepter l'amendement.
J'ajoute que ce débat ne nous semble pas opportun : ce n'est certainement pas
en imposant des pénalités fiscales aux entrepreneurs que l'on créera de
l'emploi dans ce pays.
MM. Jacques Machet, Yves Fréville et Jean Chérioux.
Très bien !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Il s'agit là d'un amendement de rappel.
(Sourires...)
visant à souligner combien il est important pour le groupe
communiste républicain et citoyen de développer autant que possible l'effort de
solidarité par le moyen de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Vous le savez, madame Beaudeau, le Gouvernement a décidé d'écarter le principe
de la taxation des biens professionnels dans le cadre du projet de loi dont
nous discutons aujourd'hui.
J'ajoute, pour faire progresser le débat, que cet amendement est complexe dans
la mesure où il tend en quelque sorte à faire dépendre le taux de l'impôt de
solidarité sur la fortune d'un ratio masse salariale sur valeur ajoutée de
l'entreprise ; ainsi, une entreprise qui aurait une masse salariale importante,
et donc des profits moins importants, serait avantagée par rapport à une
entreprise que se trouverait dans la situation inverse.
Par exemple, dans l'industrie manufacturière, au développement de laquelle
nous sommes tous attachés, ce ratio masse salariale sur valeur ajoutée est plus
faible que dans le secteur tertiaire.
Je ne pense pas que vous souhaitiez, par votre amendement, pénaliser
l'industrie manufacturière qui a un noble passé dans notre pays et surtout un
avenir tout à fait important.
J'attire donc votre attention sur cette distorsion qui pénaliserait
l'industrie et favoriserait le secteur des services.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-110, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-109, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Foucaud, les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
8, un article additionnel ainsi rédigé : « Au début de l'article 885-I du code
général des impôts, sont ajoutés les mots : "Dans la limite de 2 000 000
francs, »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cet
amendement de notre groupe sur la définition de l'assiette de l'impôt de
solidarité sur la fortune complète d'une certaine manière le dispositif que
nous souhaitons voir adopter sur cette question.
Il s'agit ici de mettre en oeuvre une taxation des oeuvres d'art, aujourd'hui
exonérées de toute imposition en vertu des dispositions de l'article 885-I du
code général des impôts.
La question de la pertinence de cette disposition est clairement posée,
notamment lorsque l'on connaît les règles qui peuvent présider à la fixation
d'un certain nombre d'autres droits en matière de patrimoine.
Si l'on considère par exemple la question des droits de transmission, on
observe que l'actif constitué par les oeuvres ou objets d'art, les antiquités
que détient un contribuable est versé à l'actif de la succession.
Pourquoi donc notre impôt de solidarité sur la fortune, assez largement
inspiré des règles de l'enregistrement, ne prend-il pas en compte ces biens
?
Pour autant, cela pose évidemment d'autres questions.
Notre conception de la pratique artistique et de la possession des oeuvres
d'art est en effet fondée sur quelques principes relativement simples.
Nous estimons en particulier que les oeuvres, en général porteuses de
plus-values latentes - au grand malheur des créateurs, mais pour le plus grand
profit des propriétaires - doivent pouvoir être assez largement accessibles au
grand public.
On pourrait d'ailleurs concevoir d'une certaine façon que le dispositif
Malraux qui est utilisé pour le patrimoine monumental, c'est-à-dire
l'autorisation d'imputation fiscale pour les travaux effectués dans les
demeures classées et rendues accessibles au public selon certaines conditions
d'ouverture dans l'année, soit en quelque sorte transposé pour les autres
oeuvres d'art et antiquités, dont nous parlons présentement.
Cet amendement pourrait donc gagner à être amélioré dans ce sens, tout en
contribuant, dans les faits, à mieux déterminer l'exactitude du patrimoine des
redevables de l'ISF, et donc leur réelle capacité contributive.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite le Sénat à adopter cet
amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission est très défavorable à cet
amendement.
En effet, si cette suggestion devait être suivie d'effet, il est clair que
notre patrimoine national connaîtrait une véritable hémorragie de ses oeuvres
d'art avec des conséquences désastreuses pour notre pays : accroissement de la
fraude, évasions vers l'étranger, multiplication des dissimulations de toute
nature.
Je rappelle en outre qu'il n'est pas si simple d'évaluer des oeuvres d'art. La
mesure présentée, qui méconnaît gravement le caractère international du marché
de l'art, ne peut susciter l'intérêt, me semble-t-il, d'aucune personne
raisonnable.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
La disposition proposée ne manquerait pas d'avoir des
conséquences négatives en matière de création artistique, d'emplois et de la
place qu'occupent Paris et plus généralement la France sur le marché de l'art,
les pays qui nous entourent ne demanderaient pas mieux que de recueillir ce
type d'activités.
Ce risque est réel et le Gouvernement estime qu'il ne mérite pas d'être
couru.
Vous souhaitez, et je le comprends très bien, accroître l'impôt de solidarité
sur la fortune. L'article 8, portant création d'une tranche supplémentaire sur
laquelle le rapporteur général n'a pas émis d'avis défavorable, suffit, me
semble-t-il, à marquer la solidarité des personnes les plus aisées à l'égard de
ceux qui sont dans la difficulté.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement
n° I-109.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-109.
M. Michel Charasse.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse.
Nous ne voterons pas l'amendement de Mme Beaudeau bien qu'il présente un
intérêt certain et qu'il reprenne devant le Sénat un très vieux débat, aussi
vieux que l'impôt sur la fortune.
On avait, en 1988, accusé le gouvernement de l'époque, et même le Président de
la République, d'avoir voulu protéger les oeuvres d'art et de les avoir donc
exclues des bases de l'impôt de solidarité sur la fortune. Le même argument
avait d'ailleurs dû être employé en 1981 lorsqu'avait été créé l'impôt sur les
grandes fortunes.
En vérité, je porte, en 1988, la responsabilité de cette exclusion. J'avais
alors réussi à convaincre le Parlement de ne pas retenir les oeuvres d'art dans
les bases de cet impôt, non que ce ne soit pas une valeur intéressante ou un
élément de fortune, mais parce que ce n'est pas applicable concrètement, en
dehors des arguments que viennent de donner M. le rapporteur général et M. le
secrétaire d'Etat, arguments qui sont d'ailleurs voisins.
En effet, la valeur d'une oeuvre d'art est aléatoire et son évaluation est
particulièrement difficile. Je soulignerai d'ailleurs que, s'agissant des
dations en paiement en matière de droits de succession, une commission
particulière, la commission des dations, procède à une évaluation qui requiert
parfois un an, voire plus, et ce avec les meilleurs spécialistes en la matière.
Bref, c'est très compliqué ! La valeur peut varier selon que l'on se réfère au
marché de l'art de Londres, à celui de New York, de Monaco ou de Paris.
En outre, la situation des biens se juge au 1er janvier de l'année de la
déclaration. Or une vente à Londres qui a eu lieu deux jours avant peut être
démentie deux jours après par une vente à Monaco. Bref, je le répète, c'est
très compliqué !
Par ailleurs, il faudrait que les agents des services fiscaux non seulement
soient formés spécialement pour cela, mais qu'ils bénéficient de surcroît d'une
espèce de recyclage permanent, c'est-à-dire qu'ils deviennent des spécialistes
du marché de l'art, comme le sont notamment les commissaires-priseurs et un
certain nombre d'experts reconnus par les tribunaux.
J'ajoute, et je le dis à nos collègues du groupe communiste républicain et
citoyen, que, si l'on veut imposer les oeuvres d'art - là aussi, ce n'est pas
une idée anormale - il faudrait envoyer les vérificateurs chez tous les
déclarants pour s'assurer qu'ils n'ont rien oublié. A partir du moment où le
patrimoine doit comprendre toutes les oeuvres d'art au sens large, c'est-à-dire
tous les objets de valeur, y compris les petites cuillers du service Napoléon
III, il faut que les services du ministère et du contrôle fiscal puissent aller
s'assurer tous les ans que l'on n'a rien oublié.
Cet amendement, s'il était adopté - mais il a été déposé à des reprises
successives, récurrentes par plusieurs parlementaires, y compris par certains
membres du parti socialiste qui souhaitent un effort à cet égard - serait
inapplicable.
La seule solution pour tenir compte du patrimoine des propriétaires d'oeuvres
d'art de valeur serait le système du forfait. Sur cette base, nous pourrions
avoir une discussion plus intéressante.
De même qu'il y a aujourd'hui un forfait pour le mobilier, c'est-à-dire que
l'on retient 5 % du total de la valeur des biens en disant que ce sera la
valeur forfaitaire du mobilier, on pourrait prévoir qu'il y ait 5 % à 10 % au
titre des oeuvres d'art, sauf s'il n'y en a pas, le système du forfait ne
nécessitant pas de contrôle particulier ou systématique.
En dehors de ce système, je ne vois pas comment, en pratique, l'administration
pourrait faire pour appréhender les oeuvres d'art dans la base de l'ISF.
Je dirais à nos collègues du groupe communiste que c'est dommage, parce que
les oeuvres d'art sont un élément de fortune incontestable, mais c'est ainsi
!
A certains moments, à l'impossible nul n'est tenu.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-109, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° I-108, Mme Beaudeau, MM. Loridant et Foucaud, les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
8, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 885 V du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi
rédigé :
« Le bénéfice de ces dispositions ne s'applique qu'aux contribuables dont le
patrimoine imposable n'excède pas la limite haute de la tranche assujettie au
taux de 0,55 %. »
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le
plafonnement de la cotisation due par certains contribuables au titre de l'ISF
n'est pas sans poser quelques questions.
Aussi étrange que cela puisse paraître, j'inclinerais d'ailleurs à penser que
les premières questions qui nous sont posées ont comme essence même non pas la
législation relative à cet impôt, mais bien plutôt ce qu'il signifie quant à la
manière dont sont, globalement, conçus nos impôts.
La règle qui est aujourd'hui retenue en matière de plafonnement de l'ISF fait
expressément référence au cumul de deux impôts par nature différents, de par
leur assiette, à savoir l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la
fortune. Comment confondre, en effet, patrimoine et revenu ?
On se sert donc du calcul de l'impôt sur le revenu et des effets du tarif de
l'impôt de solidarité sur la fortune pour déterminer une sorte de limite
infranchissable à la capacité contributive des ménages affectés par les deux
cotisations.
Je me permettrai ici de rappeler une donnée fondamentale : un tel système
serait en quelque sorte acceptable si l'assiette de l'impôt sur le revenu était
exactement représentative de la composition du revenu des ménages, ce qui est
loin d'être le cas, et s'il en allait de même pour l'assiette de l'ISF, ce qui,
nous l'avons dit, n'est pas le cas dès lors que les biens professionnels en
sont assez largement exclus !
Un problème récurrent nous est donc posé par ce système de plafonnement : sa
profonde inadaptation à la réalité de la situation des redevables de l'ISF.
Le plafonnement profite en effet à deux catégories assez distinctes de
contribuables : ceux dont le patrimoine est essentiellement constitué de biens
immobiliers acquis en quelque sorte par héritage et peu productifs de rendement
en termes de revenu, d'une part, et, d'autre part, ceux - pour lesquels le
plafonnement est le plus « rentable » - dont le patrimoine imposable est
largement allégé par l'exonération des actifs professionnels, actifs qui sont
pourtant à la base d'une part importante de leur revenus tant salariaux que
mobiliers et qui sont, le plus souvent, assez largement exonérés de toute
contribution à l'impôt sur le revenu !
Vous comprendrez que l'on puisse trouver quelque peu étonnant qu'il y ait en
France des contribuables au titre de l'ISF qui soient en situation, d'acquitter
cet impôt avec le montant de la restitution de leur avoir fiscal.
Le plafonnement a donc tendance à nuire très gravement à l'efficacité de
l'ISF, puisque son impact est particulièrement significatif : environ 1,1
milliard de francs pour un impôt rapportant aujourd'hui environ 10 milliards de
francs et dont le produit ne sera finalement majoré que grâce à la série de
dispositions que le texte initial du projet de loi contient. Nous souhaitons
donc améliorer celui-ci.
Par conséquent, nous proposons que le plafonnement de l'ISF soit en quelque
sorte réservé aux contribuables acquittant les plus faibles montants, afin d'en
réduire sensiblement le coût et de renforcer par là même l'efficacité de
l'impôt.
Dans les faits, notre amendement prévoit donc de limiter le bénéfice du
plafonnement aux seuls contribuables imposés au titre de la deuxième tranche de
l'impôt, c'est-à-dire à ceux dont la valeur du patrimoine est comprise entre
4,7 millions de francs et 7,64 millions de francs.
De la sorte, nous pouvons espérer que l'impôt de solidarité sur la fortune
cessera d'avoir entre autres défauts de ne vraiment frapper que les
millionnaires et d'épargner les milliardaires, comme cela a pu être dit à
l'époque de sa création.
C'est sous le bénéfice de ces observations que je vous invite, mes chers
collègues, à adopter cet amendement.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission ayant adopté un amendement dont la
philosophie est exactement inverse de celle qui vient d'être développée, nul ne
sera surpris que son avis soit extrêmement défavorable sur cette proposition.
En effet, vouloir accroître le nombre de contribuables dont le revenu est
insuffisant pour faire face aux différentes charges fiscales est manifestement
un défi au bon sens.
(M. Jacques Machet applaudit.)
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
D'abord une remarque incidente, madame Terrade : la
référence faite dans l'amendement à l'article 885-5 du code général des impôts
est sans doute le résultat d'une faute de frappe, parce qu'il s'agit d'une
disposition qui vise la réduction de 1 000 francs par personne à charge.
Mais c'est une remarque de détail. Le fonds du problème, c'est qu'en matière
d'impôt de solidarité sur la fortune, avec la nouvelle tranche à 1,8 %, avec
les diverses dispositions destinées à durcir la prise en compte de revenus
exonérés et à « boucher » quelques voies d'évasion fiscale, le Gouvernement a
proposé un dispositif relativement complet, et je crois qu'il faut s'en tenir
là pour cette année.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-108, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9