Séance du 23 novembre 1998







M. le président. « Art. 8. _ I. _ L'article 885 V ter du code général des impôts est abrogé.
« II. _ Le tarif prévu à l'article 885 U du code général des impôts est ainsi modifié :


FRACTION DE LA VALEUR

nette taxable du patrimoine

TARIF APPLICABLE

(en pourcentage)

N'excédant pas 4 700 000 francs 0
Comprise entre 4 700 000 francs et 7 640 000 francs 0,55
Comprise entre 7 640 000 francs et 15 160 000 francs 0,75
Comprise entre 15 160 000 francs et 23 540 000 francs 1
Comprise entre 23 540 000 francs et 45 580 000 francs 1,30
Comprise entre 45 580 000 francs et 100 000 000 francs 1,65
Supérieure à 100 000 000 francs 1,80


Sur l'article, la parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. L'article 8 du projet de loi de finances porte sur la fixation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune.
L'examen de ces dispositions est pour nous l'occasion de rappeler un certain nombre de positions fondamentales, positions que nous développerons lors de l'examen des amendements que nous avons déposés sur le sujet.
Notre groupe est profondément attaché - on le sait - à l'existence d'un impôt sur la fortune ou, pour être plus précis encore, d'un véritable impôt sur le capital des personnes physiques.
J'indique d'ailleurs que nous sommes également partisans d'envisager une taxation spécifique du capital des personnes morales, sachant que l'accumulation est parfois organisée aussi dans le secteur de la production et pose d'incontestables problèmes d'égalité de traitement entre contribuables.
Nous avons d'ailleurs déposé, cet été, une proposition de loi destinée à renforcer l'efficacité de l'impôt de solidarité sur la fortune, efficacité que le quinzième rapport du conseil national des impôts a quelque peu mise en question du fait même de dispositifs correctifs divers et variés qui pèsent sur le rendement de cet impôt.
L'impôt de solidarité sur la fortune continue de connaître de sérieuses imperfections, dont la moindre n'est pas l'exonération de certains biens professionnels et d'autres éléments du patrimoine, ce qui limite, dans les faits, l'application du principe fondamental de notre législation fiscale selon lequel chacun contribue à la charge publique selon ses facultés.
En fait, cet impôt demeure encore assez éloigné de la réalité du patrimoine des Français, dont il devrait, à notre sens, fournir une image plus fidèle et plus précise. C'est le sens de la réforme nécessaire de cet impôt que nous proposons, en vue d'accroître à la fois son rendement et son efficacité économique et sociale.
L'impôt de solidarité sur la fortune ne peut pas demeurer une sorte d'appendice plus ou moins réussi du service de l'enregistrement ; il doit devenir un vecteur, parmi d'autres, de l'efficacité économique du capital et de la politique budgétaire en termes d'incitation à la croissance économique par l'affectation de la fortune au secteur de la production.
La résolution de certains des problèmes sociaux que nous connaissons et que l'Etat, dans le cadre de son action et le plus souvent avec le concours des collectivités territoriales, prend à son compte, impose cette réforme et la définition d'un véritable impôt moderne sur le capital, rôle que l'ISF est à même de remplir si, toutefois, nous l'améliorons.
Ce sont là les quelques observations que le groupe communiste républicain et citoyen souhaitait faire à l'occasion de l'examen de l'article 8.
M. le président. La parole est à M. Angels.
M. Bernard Angels. C'est avec une grande satisfaction que j'interviens sur cet article et, d'ailleurs, sur l'ensemble du volet relatif à l'impôt de solidarité sur la fortune.
Le Gouvernement nous présente en effet des mesures dont l'impact va véritablement renforcer le poids de cet impôt, de manière directe avec le relèvement du barème, de manière indirecte par des dispositifs affinés permettant de lutter contre l'évasion fiscale.
En suivant une telle orientation, le Gouvernement fait le bon choix.
Comme son nom l'indique, l'ISF est un impôt de solidarité. Quoi de plus naturel, en effet, que de faire contribuer les contribuables les plus fortunés de notre pays ?
Vouloir, comme le fait le présent article, renforcer le barème de cet impôt est justifié pour deux raisons.
Premièrement, cet impôt a un poids modéré dans la fiscalité applicable sur le patrimoine en France ; il représente en effet 5 % du total de celle-ci.
Deuxièmement, le total des impôts applicables au patrimoine entre, en France, seulement pour 5 % dans la structure de nos prélèvement obligatoires, alors que ce taux est de 7,7 % au Luxembourg, de 10,5 % au Royaume-Uni, de 11,6 % au Japon et même de 11,1 % aux Etats-Unis.
Il est, qui plus est, tout à fait positif, outre la non-indexation pour toutes les tranches et l'intégration de la surtaxe, de prévoir un alourdissement des taux pour les patrimoines les plus élevés.
La création d'une tranche supplémentaire pour les fortunes de plus de 100 millions de francs est une bonne chose. Huit cents contribuables seraient concernés. Ceux-ci bénéficient, en moyenne, d'un revenu net imposable de 3 millions de francs, leur patrimoine étant principalement constitué par des actifs financiers.
Voilà une mesure de solidarité dont l'impact est clairement défini sur les contribuables qui doivent le plus légitimement être fiscalement sollicités !
Je note, pour l'apprécier, que la majorité sénatoriale a accepté cette majoration du barème. Comme quoi, dans la pratique, et au fil du temps, les bonnes lois arrivent à être consensuelles !
Il était par ailleurs nécessaire, corrélativement à une révision du barème, de prévoir des mesures d'assiette, surtout lorsqu'elles mettent un frein à des pratiques dont l'objet est d'éluder l'impôt.

M. le président. Par amendement n° I-5, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de rédiger ainsi le tableau figurant au II de l'article 8 :


FRACTION DE LA VALEUR

nette taxable du patrimoine

TARIF APPLICABLE

(en pourcentage)

N'excédant pas 4 737 000 francs 0,00
Comprise entre 4 737 000 francs et 7 701 000 francs 0,55
Comprise entre 7 701 000 francs et 15 281 000 francs 0,75
Comprise entre 15 281 000 francs et 23 728 000 francs 1,00
Comprise entre 23 728 000 francs et 45 944 000 francs 1,30
Comprise entre 45 944 000 francs et 100 000 000 francs 1,65
Supérieure à 100 000 000 francs 1,80

La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a certes lieu, chaque année, de maintenir le barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, mais de le maintenir en termes réels. Il ne nous semble pas raisonnable, en effet, de procéder à des augmentations implicites ou quelque peu subreptices de la pression fiscale en n'affectant pas le taux d'indexation au barème dont il s'agit. En d'autres termes, si l'on indexe les tranches d'imposition de l'impôt sur le revenu, il faut utiliser le même taux de variation, soit, en l'occurrence, 0,8 %, pour les tranches d'imposition du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Telles sont les motivations de cet amendement, que la commission vous appelle, mes chers collègues, à adopter par scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est, bien évidemment, très défavorable à cet amendement, car il a pour objet implicite de supprimer la tranche à 1,8 %, qui frappe les patrimoines supérieurs à 100 millions de francs. Or, c'est là une mesure de justice fiscale à laquelle le Gouvernement et la majorité qui le soutient tiennent beaucoup.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-5.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement illustre, si besoin était, le sens que la commission entend donner à l'évolution de notre fiscalité.
Il n'est pas très étonnant qu'après avoir souhaité maintenir en l'état le quotient familial et fait la sourde oreille à toute éventuelle extension de l'assiette de l'impôt sur le revenu la commission des finances propose d'alléger l'impôt de solidarité sur la fortune.
La réduction des impôts, des « prélèvements obligatoires » pour tout dire, selon une terminologie relativement usitée, ne porte, dans l'esprit de la majorité sénatoriale, que sur l'impôt sur le revenu, singulièrement pour les plus hauts revenus, et sur l'impôt de solidarité sur la fortune.
En toute bonne logique, quand il s'agit des impôts locaux, c'est la taxe professionnelle qui est l'objet de toutes les attentions.
Bien entendu, nous ne pouvons manquer de parler des choses qui fâchent : s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée ou des taxes sur le tabac ou les produits pétroliers, il n'existe pas, évidemment, beaucoup de marges de réduction.
Nous pouvons tout à fait comprendre, monsieur le rapporteur général, cette position de principe.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'en suis pas sûr !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Elle est la vôtre depuis longtemps. Elle illustre, une fois de plus, la nature profonde de vos conceptions en matière d'égalité fiscale.
Voilà pourquoi, bien entendu - ce n'est pas une surprise - nous ne voterons pas l'amendement n° I-5.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai prêté à M. le rapporteur général des intentions qu'il n'avait pas.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai en effet compris qu'il était favorable à la tranche de 1,8 % pour les patrimoines supérieurs à 100 millions de francs.
Si le Gouvernement s'oppose à l'amendement, c'est parce que l'indexation proposée lui ferait perdre des recettes, ce qu'il ne souhaite pas.
M. Yves Fréville. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. M. le secrétaire d'Etat vient, en fait, de répondre à la question que je voulais poser.
Quand je ne comprends pas quelque chose, je le dis ; j'ai effectivement constaté que, pour ce qui est de la tranche supérieure à 100 millions de francs, il y avait identité à la lettre du projet gouvernemental et de l'amendement présenté par notre rapporteur général.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-5, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 9:

Nombre de votants 318
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages 159
Pour l'adoption 218
Contre 98

M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 8, ainsi modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 8