Séance du 23 novembre 1998
M. le président. « Art. 14. - I. - L'article 750 ter du code général des impôts est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d'intérêts, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu'elles soient, reçus par l'héritier, le donataire ou le légataire qui a son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B. »
« II. - A l'article 784 A du code général des impôts, les mots : "Dans le cas défini au 1°" sont remplacés par les mots : "Dans les cas définis aux 1° et 3°". »
Par amendement n° I-10 rectifié, M. Marini, au nom de la commission des finances, propose de compléter le texte présenté par le paragraphe I de cet article pour le 3° de l'article 750 ter du code général des impôts, par une phrase ainsi rédigée : « Ce dispositif ne s'applique que lorsque le donateur ou le défunt a eu son domicile fiscal en France, au sens de l'article 4 B, pendant au moins six années au cours des dix années précédant celle au titre de laquelle les biens sont reçus par l'héritier, le donataire ou le légataire. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à n'imposer aux droits de mutation à titre gratuit les donataires héritiers ou légataires qui reçoivent des biens situés hors de France que dans le seul cas où le donateur ou le défunt a été fiscalement domicilié en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années.
Il semble en effet peu légitime de comprendre dans le champ d'application de l'article 14 des biens transmis par des personnes n'ayant jamais eu leur domicile fiscal en France ou l'ayant abandonné de longue date.
Nous estimons par ailleurs que la rédaction du Gouvernement peut poser un vrai problème pour des personnes de nationalité étrangère venues exercer, pour une durée limitée, des responsabilités en France dans le cursus de leur carrière professionnelle. On a utilisé à leur égard l'expression plus ou moins correcte d'« impatriés ».
La commission souhaite que son amendement puisse être voté, car il apporte une précision nécessaire sans laquelle le dispositif prévu par l'article 14 pourrait exercer un effet dissuasif contraire aux intérêts de notre pays et à l'esprit de cet article facilitant certaines formes de délocalisations ou, plutôt, de non-localisations fiscales en France.
J'ajoute que la rédaction retenue par la commission des finances doit beaucoup à notre collègue M. Jacques Peyrat, qui avait envisagé de déposer un amendement sur le même sujet et qui a bien voulu que nous reprenions sa rédaction, qui était juridiquement plus précise que celle à laquelle la commission avait pensé initialement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je voudrais présenter deux types de remarques.
Premièrement, l'objet de l'article 14 est clair : il s'agit de lutter contre certaines pratiques. Des titulaires de gros patrimoines s'installeraient en effet à l'étranger alors que les donataires, les héritiers ou les légataires resteraient résidents en France. La véritable finalité de l'article 14 est, là encore, de lutter contre l'évasion fiscale.
Cela dit, après un certain nombre de députés lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée nationale, M. Marini pose un problème particulier mais non négligeable, celui des personnes étrangères qui vivent en France et que l'on qualifie d'« impatriées » par analogie aux expatriés, ces Français qui travaillent ou vivent à l'étranger.
Il y a effectivement une difficulté à laquelle vous tentez de remédier, mais votre solution présente un risque pour d'autres personnes.
Le Gouvernement - je peux en prendre l'engagement devant vous comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale - cherche à élaborer un dispositif qui résoud le problème que vous avez posé, monsieur le rapporteur général. J'espère que, vous ayant assuré de la bonne volonté du Gouvernement sur ce point précis, sachant désormais que la volonté du Gouvernement de lutter contre les délocalisations de gros patrimoines reste entière, vous en conclurez que vous pouvez retirer l'amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je n'ai aucune raison de douter de la bonne volonté dont M. le secrétaire d'Etat a bien voulu faire état, mais je crois que cet amendement serait un jalon utile et qu'il pourrait être pris en compte par nos collègues de l'Assemblée nationale.
Cet amendement, légitime quant à son objet, M. le secrétaire d'Etat l'a lui-même reconnu, et dont la rédaction est aussi bonne que nous pouvons la concevoir, doit, si nous le votons, jouer un rôle dans la recherche d'une solution.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-10 rectifié, repoussé par le Gouvernement ?
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 14, ainsi modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 14 bis