Séance du 26 novembre 1998
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : II. - Secrétariat général de la défense nationale.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits du secrétariat général de la défense nationale pour 1999 s'élèvent à 130 451 000 francs. Ils sont en hausse apparente de 9,6 % mais, à structure constante, ce budget est en retrait de 13 %, du fait du transfert des crédits du service central de sécurité des systèmes d'information, le SCSSI, qui proviennent des services généraux du Premier ministre et dont le montant atteint près de 27 millions de francs.
En dépenses ordinaires, la diminution des crédits de fonctionnement de 5 %, hors SCSSI, ne concerne que le SGDN et le programme civil de défense. Elle ne traduit, pour l'essentiel, que la fin de la restructuration et du recentrage du secrétariat général qui a été entreprise en 1995 sous l'impulsion du secrétaire général de l'époque, M. Jean Picq.
A périmètre constant, les dépenses en capital subissent une nouvelle baisse de 44,4 % pour les crédits de paiement et de 30,4 % pour les autorisations de programme. Si les crédits de paiement du Centre de transmissions gouvernemental, le CTG, sont réduits de 30 % ceux du programme civil de défense, qui a fait l'objet, depuis 1995, d'un recadrage, diminuent à nouveau de plus de 50 %.
Ne seront donc plus financés, en 1999, que la lutte antiterroriste nucléaire, biologique et chimique et le paiement de la contribution au système de messagerie NATO-WIDE, laquelle continuera toutefois à accuser un arriéré de règlement. Si le programme DEMETER a été abandonné depuis la précédente loi de finances, la maintenance du réseau téléphonique protégé RIMBAUD incombera, à partir de 1999, aux ministères utilisateurs.
Le SGDN assure également le secrétariat interministériel du renseignement, qui devra préparer, en liaison avec les services et les ministères impliqués dans cette action, le futur plan national de renseignement pour la période 1999-2001.
L'Institut des hautes études de défense nationale, l'IHEDN, a été érigé en établissement public administratif en 1997, afin de le doter d'une autonomie de gestion qui permet une clarification de son financement. Le SGDN continue cependant à en exercer la tutelle, par délégation du Premier ministre.
Au vu du rapport d'activité produit par l'Institut, l'objectif d'en faire un fondement essentiel à la culture et à l'esprit de défense semble en bonne voie d'être atteint. Cependant, en comparaison du coût réel du fonctionnement de l'IHEDN, qui s'établit à 41 millions de francs, les crédits de 9 millions de francs qui lui sont attribués pour la deuxième année d'existence de l'établissement public administratif, déjà en réduction de 15 %, sont insuffisants, nous semble-t-il, pour lui assurer une véritable autonomie financière.
L'effort budgétaire destiné à la défense civile de la nation comprend surtout les crédits que les ministères civils lui consacrent, qui sont récapitulés dans un « jaune budgétaire ».
En 1999, ils s'élèveront à 8 264 millions de francs, soit une diminution de 2,6 %. La plus grande part en sera fournie par le ministère de l'intérieur, avec 74 % du total, 32 000 agents étant susceptibles de participer à cette action.
Après cette présentation succincte, je souhaiterais maintenant vous faire part de quelques observations.
Un nouveau secrétaire général, M. Jean-Claude Mallet, a été nommé en juillet dernier. Il doit soumettre au Premier ministre ses projets pour le SGDN. Ceux-ci ne reposeraient aucunement sur l'idée d'une réforme de plus, ils seraient simplement fondés sur l'application des textes qui définissent les missions et les attributions, à savoir l'ordonnance de 1959 et le décret de 1978. C'est ce que nous a affirmé M. Jean-Claude Mallet.
Dans ses réflexions, le secrétaire général met l'accent sur quelques thèmes, tels que le suivi de la réforme de notre politique de défense, les conséquences des nouvelles technologies pour la défense et la sécurité, ainsi que le contrôle des exportations d'armement et la lutte contre les proliférations nucléaire, biologique et chimique.
Il souligne l'importance des procédures administratives qui échoient au SGDN, à l'instar de celles qui concernent les habilitations ou les autorisations de détention de matériel d'écoute.
Enfin, un objectif plus général reposerait sur le développement de son rôle dans le lien armée-nation, en partenariat avec l'IHEDN.
Le recentrage des activités du SGDN s'est accompagné d'une importante réduction de ses emplois budgétaires, dont le nombre est passé de 503 en 1996 à 218 en 1998. En tenant compte du transfert en 1997, au ministère de la défense, de 180 emplois du CTG, au total 133 suppressions nettes seront intervenues à l'échéance de la réforme, en 1999, puisque vingt nouveaux emplois d'appelés seront supprimés du fait de la modification du service national. Toutefois, le transfert du SCSSI viendra renforcer l'effectif budgétaire du SGDN, pour le porter à 234 agents.
Une fois les missions du SGDN réaffirmées, il conviendra de s'interroger sur le seuil atteint, par son format tant en crédits qu'en effectifs. Je ne peux, à ce sujet, que regretter la récente annulation de 2,4 millions de francs de ses crédits de fonctionnement pour 1998.
De plus, si, par le passé, bon nombre de personnels du SGDN étaient détachés dans d'autres administrations, ce dernier en est réduit à envisager de faire appel, à son tour, à d'autres départements ministériels, formule qui ne semble pas donner pleine satisfaction. Ainsi, l'IHEDN, auquel il n'est affecté que cinq postes budgétaires, disposerait en réalité de 78 emplois en équivalent temps plein.
Quant au SCSSI qui devait bénéficier, pour 1998, de quarante-six agents mis à disposition par d'autres administrations, il n'en emploie que vingt-quatre du fait que plusieurs d'entre elles ne tiennent pas leurs engagements. Il convient, à ce propos, de relever que même en effectif plein, ce service ne représenterait que le quart de ses homologues européens.
Il reste que le SGDN traverse depuis plusieurs années une sorte de crise d'identité, qui transparaît dans la diminution continue de ses moyens et la succession de ses responsables, puisqu'il a connu quatre secrétaires généraux différents en quatre ans.
Votre rapporteur spécial formule donc le souhait, maintenant qu'un nouveau secrétaire général a été nommé, que le Premier ministre puisse prendre position sur l'avenir de cet organisme. Prenant en considération cette nouvelle année de transition, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits du SGDN pour 1999.
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose pour cette discussion, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen disposant de sept minutes en raison d'un report de temps.
La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je vous prie d'excuser M. Vinçon, qui aurait dû intervenir au nom du groupe du RPR, mais qui, retenu par des obligations, m'a demandé de le remplacer à la dernière minute, ce que je fais avec plaisir.
L'examen du budget du secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, nous amène à poser deux questions : quels moyens pour quelles missions ? Quel avenir pour le SGDN ?
Les attributions du SGDN ont été fixées dans le cadre de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense.
Organe permanent de conseil et d'exécution, placé auprès du Premier ministre, pour l'exercice de ses responsabilités interministérielles en matière de direction générale de la défense, il doit, d'une part, contribuer à l'élaboration de la politique générale de défense, et, d'autre part, garantir la continuité de l'action gouvernementale.
Depuis 1959, qu'est devenu le SGDN ? Est-il adapté aux nouvelles menaces ? A-t-il les moyens de s'adapter à de nouvelles missions ? Autant de questions, monsieur le secrétaire d'Etat, auxquelles j'aimerais que vous donniez des réponses claires et précises.
Depuis plusieurs années, le SGDN connaît ce que certains appellent une crise d'identité et que d'autres qualifient de dérive bureaucratique.
Malgré la réforme de 1995, qui avait la volonté de restructurer cette institution, et la réorganisation effective qu'elle a dessinée en cinq grands pôles - défense et nation, affaires internationales et stratégiques, affaires juridiques et européennes, économie et défense, et technologies et transferts sensibles - il semblerait que la diminution de ses moyens ne soit pas enrayée.
Permettez-moi de formuler quelques inquiétudes, notamment en ce qui concerne l'une des fonctions que le SGDN est censé exercer auprès du Premier ministre, je veux parler de la sécurité, afin de contribuer à la protection des intérêts nationaux fondamentaux.
Un point en particulier me préoccupe, et je ne pense pas être le seul : le terrorisme ou plutôt la maîtrise de ce danger.
En effet, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, n'a-t-il pas prôné, lors de 53e session de l'assemblée générale des Nations unies, le renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme ? Il a même proposé la négociation d'une convention universelle contre le terrorisme.
Le terrorisme a évolué ou, plutôt, les méthodes qu'il requiert ont pris d'autres formes. Aujourd'hui, on parle « sérieusement » de terrorisme chimique et bactériologique. En effet, depuis l'attentat du métro de Tokyo, en 1995, le pas vers le terrorisme chimique a bel et bien été franchi.
Si le terrorisme s'est conformé aux évolutions de notre société, ne doit-on pas, pour le combattre, se donner au moins les mêmes moyens, sinon des moyens plus performants ?
Aujourd'hui, selon les spécialistes de la lutte antiterroriste, il faut se donner tous les moyens de renseignements, de surveillance et de détection susceptibles d'être efficaces.
En matière de terrorisme chimique, cela signifie l'amélioration des moyens mis en oeuvre pour identifier et surveiller les groupes terroristes susceptibles d'utiliser des armes biologiques ; la poursuite des tentatives d'infiltration des organisations terroristes ; la surveillance des activités visant la mise au point d'armes biologiques dans les Etats appuyant le terrorisme ; l'amélioration de la sécurité des installations où se trouvent des agents biologiques ; la mise au point de nouvelles techniques de détection ; la mise sur pied de dispositifs pour évacuer les populations et, enfin, la possibilité de renseigner davantage la population sur les menaces et sur les moyens de se protéger.
La liste de ces possibilités est longue, le travail important. Aussi, les moyens doivent-ils l'être également.
Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous affirmer que nous faisons partie des pays les mieux armés contre ce genre de menace ?
Il serait souhaitable que le programme d'économies drastiques que subit le SGDN soit stoppé car, avec un budget aussi restreint, la pleine exécution de ses missions risque d'être fondamentalement remise en cause.
En effet, sur les 2 millions de francs demandés pour 1998 au titre des investissements en matière de transmission, seul 800 000 francs ont pu être obtenus lors de l'arbitrage budgétaire, et ceux-ci ne sont destinés qu'à couvrir la mise en chantier française de la ligne rouge avec Moscou.
En cas d'incident majeur, monsieur le secrétaire d'Etat, cette stagnation des crédits ne vous paraîtrait-elle pas lourde de conséquences ? Quelle solution proposeriez-vous alors ?
En accord avec M. le président de la République, le Premier ministre a demandé au nouveau secrétaire général de la défense nationale, M. Jean-Claude Mallet, de dynamiser le service dans un cadre nouveau, tout en se référant au décret du 25 janvier 1978, qui définit ses missions fondamentales.
Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous sommes impatients de prendre connaissance de ce projet d'avenir du SGDN. Nous attendons qu'il confère à cette institution tous les moyens qui lui permettront de faire face aux nouveaux enjeux du xxie siècle. Je ne doute pas de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, alors que nous examinons les crédits du SGDN, je voudrais souligner l'importance des services que l'Institut des hautes études de défense nationale - l'IHEDN - rend à notre pays avec des moyens qui restent très modestes, insuffisants disait même notre rapporteur spécial de manière excellente tout à l'heure.
Or cet institut est appelé à jouer un rôle croissant si nous voulons que, demain, professionnalisation des armées ne signifie pas professionnalisation de la défense, si nous voulons que la nation dans son ensemble continue à assurer cette défense, si nous voulons que les Français en restent des acteurs informés et motivés. L'institut est en situation de répondre à cet appel élargi grâce à sa compétence bien affirmée et au rayonnement qu'il a acquis depuis un demi-siècle d'existence.
L'IHEDN est un exceptionnel lieu de rencontre entre civils et militaires, entre acteurs des secteurs public et privé. Dans une société en quête de cohésion et qui lutte contre le « chacun pour soi » et les corporatismes, ce seul caractère de lieu de rencontre représente une formidable opportunité pour le pays.
Que ces rencontres facilitent échanges et réflexions sur les problèmes de défense est excellent également sur le plan du principe. Cela confirme qu'il ne peut y avoir de défense que globale et que la défense doit être l'affaire de tous. Bien plus, ces rencontres sont pratiquement productrices de réflexions tout à fait utiles et de travaux de très bonne qualité.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est vrai !
M. Denis Badré. Au temps de la professionnalisation des armées, l'IHEDN peut donc porter la responsabilité de maintenir vivant et vigoureux le lien entre l'armée et la nation. M. Michel Moreigne le rappelait déjà tout à l'heure.
Il nous faut être très concrets et tirer complètement parti de la récente transformation de l'institut en établissement public.
L'audience de ses sessions nationales est connue ; celle de ses sessions régionales et jeunes doit être encore valorisée. Sa pédagogie de la défense doit prendre en compte la fin du service national.
L'Union européenne, par ailleurs, assumera un jour la responsabilité de sa défense, quitte à ce que ce soit dans le cadre de l'Alliance atlantique et avec les moyens militaires de l'OTAN. Pour préparer cette échéance, l'IHEDN peut concevoir et organiser des rencontres entre responsables civils et militaires des Etats de l'Union. Notre conception globale de la défense devrait ainsi pouvoir faire école dans l'intérêt de notre pays et de l'ensemble de nos partenaires de l'Union.
L'Union va s'élargir à l'Est : les candidats à l'adhésion demandent à rejoindre notre système de sécurité et aspirent à partager notre prospérité. Alors, on peut répondre simplement : « OTAN pour la sécurité » et « zone de libre-échange pour la prospérité ».
Pas du tout ! Nous voulons aller plus loin.
Là aussi, prenons l'initiative et demandons à l'IHEDN d'organiser des rencontres et de proposer échanges et formations...
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Très bien !
M. Denis Badré. ... afin que nous puissions, effectivement, avoir un vrai dialogue constructif sur le fond avec nos partenaires de l'Est pour créer réellement une union politique qui assume sa défense. Je pense que ces pays pourront alors être séduits par notre conception globale de la défense et tentés par les offres de services que nous pourrions leur présenter dans ce sens.
Il existe aussi des attentes chez nos amis méditerranéens et africains.
Il apparaît, enfin, un très large champ de réflexion, d'échanges, de recherches et d'études dans le domaine des « nouvelles menaces ».
Ces exemples montrent que la demande est aujourd'hui importante et diverse, qu'elle évolue vite et qu'elle touche à des domaines nouveaux. Face à cette demande, l'établissement public se met en ordre de marche. Budgétairement, il fait l'inventaire des dons et legs provenant de ses tuteurs ainsi que des dotations de base accordées par vous, monsieur le secrétaire d'Etat.
Cet inventaire doit être rapidement achevé ; nous pourrons alors savoir exactement ce qui manque à l'institut pour que son fonctionnement minimal soit assuré dans des conditions décentes. Cet effort de clarification réalisé, chacun, notamment les grands ministères demandeurs des actions que je viens d'énumérer, pourra passer commande et apporter le financement correspondant. Alors, illégitimement exigeant, chacun sera plus responsable, ce qui est la condition nécessaire à une bonne défense de la nation. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. M. le rapporteur spécial a fait remarquer, non sans raison, hélas ! que les crédits du SGDN s'effilochaient depuis quelques années de manière dramatique, ce qui a un certain nombre de conséquences notamment dans un domaine que je commence à connaître un peu mieux, encore que je devrais assez bien le connaître dans la mesure où j'ai eu l'honneur de succéder à M. Maurice Schumann à la tête du Haut Comité français de défense civile. Cela m'a permis d'étudier plus attentivement les différentes questions relatives au programme civil de défense.
L'état des lieux n'est pas brillant. M. le rapporteur spécial a fait remarquer que le SGDN avait été obligé de redéployer ses crédits en matière de programme civil de défense à un point tel qu'on finit par se demander s'il en reste ! De colloque en colloque au sein du Haut Comité, on s'aperçoit que les carences sont terrifiantes. Voilà qui m'amène à poser les questions suivantes : existe-t-il une politique civile de défense dans ce pays ? Est-on décidé à prendre sérieusement en main la protection de la population ?
Je rappelle que, pendant très longtemps, le programme civil de défense avait été surtout pensé comme étant un non-programme de non-défense au motif que la dissuassion était, paraît-il, moins convaincante s'il y avait un programme de protection des populations civiles que s'il n'y en avait pas. C'était une conception que beaucoup trouvaient un peu osée, mais qui avait une cohérence intellectuelle, tout au moins en termes militaires.
La menace de guerre stratégique nucléaire semble s'être éloignée, au moins pour un temps. Espérons que ce sera définitif. Il n'en demeure pas moins que la nature des menaces a changé. Nous sommes maintenant confrontés à une criminalité organisée susceptible de commettre des actes de terrorisme, à des risques chimiques liés à nos techniques, à nos industries et à nos moyens de transport, à des risques nucléaires, directs ou indirects, dont nous savons bien qu'ils peuvent être, à un moment ou à un autre, extrêmement graves.
Face à ces risques, il s'avère que les équipements sont peu importants et que la formation des personnes est dramatiquement courte. Prenons un exemple très simple : chaque fois qu'une catastrophe naturelle se produit à l'étranger, nous sommes très contents et très fiers d'envoyer nos pompiers ou les membres d'une de nos compagnies d'instruction de la sécurité civile. Ces intervenants sur le terrain, qui sont connus et reconnus, montrent à la fois le dévouement de la France et ses capacités d'intervention.
Mais tout le programme de construction des unités civiles de défense est interrompu depuis plusieurs années. Aucune formation nouvelle n'a été créée. Dans le même temps, l'équipement et l'entraînement de nos unités de sécurité ont lieu à des échelles confidentielles. Actuellement, si nous étions confrontés à un problème du genre de celui qu'ont connu les Japonais avec l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo, nous rencontrerions très vite des difficultés non seulement pour y faire face, mais surtout pour mener à bien la décontamination, dès lors que de 500 à 2 000 personnes seraient touchées.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas un problème de réduction ou d'augmentation de crédits que je vous soumets. C'est un problème d'orientation à long terme. Je souhaite que le Gouvernement puisse un jour éclairer le Parlement, au besoin au moyen d'un débat spécifique, sur la manière dont il envisage de reconsidérer tout ce pan de notre politique qui, à travers les crédits actuels du secrétariat général de la défense nationale, nous semble être particulièrement mal pourvu, ce qui est déjà grave, et ne pas être au service d'une politique, ce qui est beaucoup plus grave ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Michel Moreigne, votre rapporteur, qui vient de vous présenter avec clarté, précision, concision, le projet de budget du secrétariat général de la défense nationale.
Instance de coordination interministérielle et de préparation des arbitrages gouvernementaux en matière de défense et de sécurité, le secrétariat général de la défense nationale a fait l'objet d'une réforme importante qui a été lancée en 1995 et dont les effets budgétaires seront encore sensibles en 1999.
Cet organisme dispose désormais d'une structure qui lui permet d'assurer une expertise sur les dossiers, de renforcer la coordination interministérielle et d'étayer les arbitrages rendus par le Premier ministre.
M. Moreigne s'est interrogé sur les effectifs. Je serai précis sur ce point. Les effectifs propres du SGDN passeront l'an prochain de 218 à 190 agents, avec la suppression de six chargés de mission, de vingt appelés et le transfert de deux emplois à l'Institut des hautes études de défense nationale, dont je parlerai plus loin.
En fait, la réduction réelle du nombre des agents permanents est de six personnes. Avec le transfert des quarante-quatre emplois du service central de la sécurité des systèmes d'information, familièrement appelé SCSSI, les effectifs du SGDN seront portés à 234 agents en 1999.
Les crédits du SGDN, comme M. Moreigne l'a dit, s'élèveront, l'an prochain, à 130,5 millions de francs, en hausse de 9,6 %. Cette hausse s'explique par le transfert dont j'ai parlé du SCSSI, qui antérieurement dépendait du secrétariat général du Gouvernement et qui désormais est totalement intégré à la gestion du SGDN. Placé par le décret du 29 janvier 1996 sous l'autorité du secrétaire général de la défense nationale, ce service devrait voir ainsi ses possibilités d'action facilitées et simplifiées.
Le recentrage du programme civil de défense, auquel M. Paul Girod a fait longuement référence, permet une diminution des dotations budgétaires. Mais les crédits de coordination du renseignement seront maintenus au même niveau que celui de 1998.
Je voudrais dire à M. Paul Girod, qui m'a interrogé sur la logique du programme civil de défense, que le SGDN joue, en la matière, un rôle d'impulsion et non de prise en charge des dépenses correspondantes.
Permettez-moi de prendre un exemple : le réseau de liaisons protégées, dénommé RIMBAUD, sera assuré, M. Moreigne l'a dit lors de la présentation de son rapport, dès l'année prochaine, par les ministères utilisateurs.
De même, le programme de lutte antiterroriste, auquel M. Vasselle a fait allusion, met en oeuvre les moyens de sept ministères. M. Vasselle m'autorisera à ne pas lui en dire davantage parce que, en la matière, une certaine discrétion est de mise. Sachez que le Gouvernement est attentif aux risques de terrorisme chimique comme de toutes les formes de terrorisme.
Durant l'année qui vient de s'écouler, les structures spécifiques à l'Institut des hautes études de la défense nationale, qui est devenu établissement public administratif, ont été mises en place et notamment son conseil d'administration.
Dans ce nouveau cadre, le budget de 1998 s'exécute de façon satisfaisante, et les actions entreprises permettront, en 1999, de conforter l'institut dans son autonomie d'établissement public, de mieux cerner sa gestion et d'amplifier son rôle au niveau européen.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez eu raison de relever que le coût réel de l'IHEDN est supérieur à celui qui est traduit dans son budget : en effet, comme vous l'avez fort bien dit, l'institut bénéficie de personnels et de moyens qui lui sont fournis, en grande partie, par le ministère de la défense.
Son conseil d'administration, qui vient donc d'être mis en place, a commencé à travailler sur l'identification des coûts réels et sur la recherche des voies d'une meilleure autonomie de l'institut en tant qu'établissement public.
Je voudrais dire à M. Badré, qui évoquait la possibilité d'ouvrir l'Institut des hautes études de la défense nationale sur le secteur international, notamment de développer son expertise en matière de défense européenne, qu'il s'agit là d'une véritable priorité à laquelle le Gouvernement est particulièrement attaché. Je crois donc que, en la matière, le voeu qu'il a exprimé est pleinement exaucé.
M. Denis Badré. Je vous en remercie !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je voudrais confirmer à M. le rapporteur spécial et à la Haute Assemblée que ces réformes très importantes qui ont été entreprises depuis 1995 et qui concernent le SGDN, l'Institut des hautes études de défense nationale et le service central de la sécurité des sytèmes d'information sont maintenant arrivées à leur terme.
Comme M. Vasselle l'a rappelé après M. le rapporteur spécial, en plein accord, avec le Président de la République, le Premier ministre a confié au nouveau secrétaire général de la défense nationale la responsabilité de dynamiser ce service, qui a maintenant un cadre juridique rénové, en se fondant sur les termes du décret du 25 janvier 1978 qui a défini ses missions fondamentales. Cette démarche devrait permettre de donner au secrétariat général toute sa place dans le processus interministériel de décision en matière de défense et de sécurité.
Les lignes de fond de l'action du SGDN ont été exposées par M. le rapporteur spécial et M. Vasselle y a fait allusion, mais j'aimerais y revenir parce qu'il s'agit évidemment de la charte de base de cet organisme.
Il s'agit, à la fois, du suivi des réformes concernant la politique de défense et du suivi de la politique tirant les conséquences du développement des nouvelles technologies de la communication et de l'information dans le domaine de la défense et de la sécurité. Il s'agit également du contrôle rigoureux des exportations d'armements, de la mise en place d'un dispositif cohérent en matière de lutte contre la prolifération, enfin, de la contribution aux réflexions en cours dans le domaine de la sécurité européenne et de l'Europe de la défense.
Monsieur Vasselle, vous estimez - c'est votre droit le plus strict - que le service central de la sécurité des sytèmes d'information avait, par comparaison avec d'autres pays européens, des effectifs insuffisants.
En réalité, le fait que cet organisme s'appuie, en quelque sorte, sur la logistique du SGDN, notamment sur la direction des technologies et des transferts sensibles, doit lui permettre d'exercer ses missions tout à fait importantes avec les moyens requis.
En conclusion, je dirai que ce que deux d'entre vous ont appelé « la crise d'identité » du SGDN est maintenant terminé.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le SGDN a un responsable, un statut juridique, des priorités et un budget qui doivent lui permettre de retrouver le rôle éminent qui est le sien et qu'il a peut-être perdu à tel ou tel moment dans le passé.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le secrétariat général de la défense nationale et figurant aux états B et C.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 16 295 695 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 21 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 9 200 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurants au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le secrétariat général de la défense nationale.
III. - CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL