Séance du 26 novembre 1998
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présentation des crédits de la fonction publique tels qu'ils figurent dans le projet de loi de finances pour 1999 m'apparaît être un exercice à la fois nouveau, atypique et instructif.
L'exercice est nouveau, car c'est la première fois qu'il m'appartient de rapporter ces crédits au nom de la commission des finances, succédant en cela - tâche ô combien difficile - à notre collègue M. Philippe Marini, devenu rapporteur général.
Rapporter les crédits de la fonction publique est également un exercice atypique, puisqu'il conduit à réaliser en même temps deux présentations distinctes.
Il s'agit, d'une part, d'examiner les crédits du ministère de la fonction publique stricto sensu, qui s'élèvent pour 1999 à 1,4 milliard de francs, et, d'autre part, d'analyser l'ensemble des dépenses de personnel de l'Etat, qui représentent, en 1999, plus de 650 milliards de francs, soit près de 39 % des dépenses nettes du budget général.
Rapporter les crédits de la fonction publique est enfin un exercice extrêmement instructif. A ce titre, et en vous renvoyant pour l'analyse détaillée de ces évolutions à mon rapport écrit, je souhaiterais vous présenter, mes chers collègues, deux grandes catégories d'observations.
Les premières ont trait aux charges de personnel de l'Etat et à leur évolution récente ; les secondes concernent l'état d'avancement de la réforme de l'Etat et sa nécessaire poursuite.
Au vu des informations fournies notamment par le très détaillé et très instructif rapport sur les rémunérations publiques annexé au projet de loi de finances, dont je me permets de vous recommander la lecture, il apparaît que les dépenses de la fonction publique échappent quelque peu au contrôle du Gouvernement. Cette absence de contrôle résulte, tout d'abord, de l'absence de diminution du nombre des fonctionnaires. Or une telle diminution est possible, M. le rapporteur général l'a bien montré. Il a donné des exemples précis en ce sens et formulé des propositions.
De même, il m'apparaît nécessaire de rappeler le coût pour 1999 de l'accord salarial dans la fonction publique du 10 février dernier : il sera de 14,8 milliards de francs pour l'Etat. Je souhaite souligner, par ailleurs, que cet accord aura également des effets induits sur les fonctions publiques territoriale et hospitalière.
Pour bien apprécier ce chiffre de 14,8 milliards de francs, on peut le rapprocher d'un autre, qui représente le coût, pour 1999, des emplois-jeunes, soit 13,8 milliards de francs. Cette comparaison fait bien apparaître la véritable hiérarchie des priorités du Gouvernement.
Par ailleurs, s'agissant toujours du coût et des effets de cet accord salarial, permettez-moi, monsieur le ministre, de relever, n'y voyez aucune malice de ma part, une différence d'appréciation entre vos services et ceux du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, différence d'approche qui me semble cependant révélatrice.
Là où vous ne voyez qu'une simple préservation du pouvoir d'achat, les services du ministère de l'économie décèlent, compte tenu de son coût, un accroissement du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Qui croire, dans ce contexte : la rue de Varenne ou Bercy ?
Je souhaitais également évoquer les dangers que représente la pérennisation, à terme, au sein de la fonction publique, d'un certain nombre d'emplois-jeunes, mais aussi les risques budgétaires existant en matière de financement des retraites des fonctions publiques.
Le président de la commission des finances M. Alain Lambert, avait fort justement, à ce sujet, parlé d'une « explosion programmée ». Cette expression me semble malheureusement se confirmer chaque jour.
En effet, le coût brut de ces pensions sera, en 1999, de 175 milliards de francs. Compte tenu de la dérive démographique actuelle, le surcoût a été chiffré, par la direction du budget, à 79 milliards de francs dès 2010, et serait à 90 % à la charge de l'Etat.
Il me paraît donc indispensable d'agir rapidement en ce domaine et, surtout, de prendre la mesure de la situation : en effet, plus l'action à mener sera réalisée tôt, plus elle sera efficace.
J'attends donc avec impatience les conclusions des travaux du Commissariat général du Plan sur ce point. Je souhaite cependant esquisser avec vous quelques pistes de réflexion autour des trois questions suivantes : Faut-il allonger la durée de cotisation des fonctionnaires ? Doit-on prendre en considération les rémunérations accessoires, ces « fameuses primes » dont même la Cour des comptes a du mal à cerner les contours et les montants exacts ? Est-il utile de créer une caisse autonome de financement de ces pensions ?
Autant de questions auxquelles le Gouvernement devra apporter des réponses précises.
Ma seconde série d'observations porte sur l'état actuel d'avancement de la réforme de l'Etat. Celle-ci doit être impérativement poursuivie et amplifiée.
D'autres grands pays européens tels que l'Allemagne ou la Grande-Bretagne nous ont montré l'exemple en associant les administrations centrales, les fonctionnaires et, surtout, les usagers à ce mouvement de réforme. Il s'agit là d'un excellent réflexe, que nous pourrions transposer à notre propre situation.
Dans ce cadre, monsieur le ministre, je souhaiterais plus particulièrement attirer votre attention, sur trois points.
D'abord, comptez-vous relancer les contrats de service qui ont été mis en place en juillet 1996 ? Ils permettent en effet d'accentuer la responsabilisation des services déconcentrés mais également d'associer les fonctionnaires à ce mouvement de réforme qui vise à accroître la qualité du service offert aux usagers du service public.
Ensuite, où en sont les réflexions sur l'extension à la fonction publique des 35 heures ? En cette matière, il me paraît nécessaire que la réflexion s'engage à effectif constant. L'aménagement du temps de travail doit en effet se traduire non par un accroissement des effectifs, mais par une plus grande souplesse dans la gestion des horaires et par une simplification de notre administration. Par voie de conséquence, l'aménagement du temps de travail devrait déboucher sur une plus grande efficacité au bénéfice des usagers des services publics.
Enfin, que comptez-vous faire en faveur des hauts fonctionnaires ? Il importe de leur assurer une progression de carrière motivante et une mobilité accrue entre départements ministériels. A défaut, se développera la « fuite des cerveaux » de la fonction publique, phénomène qui sera particulièrement préjudiciable au bon fonctionnement des services publics.
Au vu de ces différentes observations, votre politique ne nous semble pas suffisamment claire et déterminée, monsieur le ministre.
Il importe en effet, par-delà l'accroissement du pouvoir d'achat, mis en en place par l'accord du 10 février 1998, de véritablement réfléchir à ce que doit et ce que peut être la réforme de l'Etat.
L'Etat doit en effet faire évoluer ses structures, conformément au principe de mutabilité du service public, et ce afin de fournir les meilleures prestations aux usagers des services publics.
A ce titre, il me paraît indispensable que la notion de service public, à laquelle nous sommes tous attachés, retrouve sa véritable signification, qui est d'être au service du public.
Pour cela, le service public doit nécessairement s'adapter aux nouveaux enjeux et aux nouvelles contraintes de la société. Je vous engage à le faire, monsieur le ministre, avec détermination et sans retard.
Dans ce cadre, et conformément aux orientations définies par notre commission telles qu'elles ont été présentées lors de l'examen d'ensemble des crédits des services généraux du Premier ministre, la commission des finances vous proposera, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la fonction publique.
Elle vous demandera également d'adopter un amendement à l'article 79 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la fonction publique. Cet article concerne le congé de fin d'activité des fonctionnaires. Nous en acceptons la prorogation pour l'année 1999, mais refusons l'extension de son champ d'application.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 12 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen du budget de la fonction publique conduit, certes, à porter un jugement sur les dépenses engagées par l'Etat, mais aussi à évaluer les conséquences d'un certain nombre de dispositions qui s'imposent ou s'imposeront aux collectivités territoriales, aux établissements publics et aux établissements hospitalier à travers leur fonction publique respective. Et l'on ne s'étonnera pas que cet aspect des choses soit particulièrement mis en lumière dans cette enceinte.
S'agissant des fonctionnaires de l'Etat, on ne peut s'empêcher de souligner le poids que représentent, à court terme et, surtout, à moyen terme, les accords salariaux conclus le 10 février 1998, qui se traduisent par une dépense supplémentaire de 5 milliards de francs en 1998 et de 23 milliards de francs dès l'an 2000.
Que l'on raisonne en masse ou en progression individuelle, que l'on prenne ou non en compte la structure des personnels de l'Etat et celle des entreprises privées, il n'est pas contestable que, ces dernières années, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a progressé plus vite que celui des salariés de droit commun, ce qui ne trouve aucune justification objective et ne manquera pas de peser de plus en plus lourd sur la dépense publique.
Pour ce qui concerne la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale, l'application des accords salariaux de 1998 se traduira, dès l'an 2000, par une charge supplémentaire évaluée respectivement à 8 milliards de francs et à 10 milliards de francs.
L'accroissement constant des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, du fait de charges à la définition desquelles leurs responsables ne sont en aucune manière associés, érode chaque année davantage leur capacité d'investissement, au détriment d'équipements souvent attendus, au détriment aussi de l'activité économique pour laquelle les collectivités territoriales représentaient des donneurs d'ordre importants.
Le projet de budget qui nous est soumis perpétue l'effort en faveur de l'action sociale en direction des personnels de l'Etat, pour 905 millions de francs.
C'est sans doute le moment et le lieu d'évoquer l'action sociale au sein des collectivités territoriales, action sociale souvent conduite dans l'insécurité juridique la plus complète, même si, totalisée, elle reste proportionnellement très largement inférieure à celle que mène l'Etat.
Une réflexion est en cours sur ce sujet. Il est, notamment, envisagé de légiférer pour mettre en place un socle de base obligatoire qui pourrait être complété par certaines prestations facultatives.
Que l'on s'abstienne, pour une fois, de faire compliqué quand on peut faire simple ! Que l'on donne un peu de respiration à la libre administration des communes ! Que l'on tienne compte de l'extraordinaire diversité de nos villes et de nos villages !
Il suffit de décider que les montants consacrés par les collectivités territoriales à l'action sociale ne peuvent dépasser un certain plafond, par exemple 1 % de la masse salariale, que ces montants doivent être gérés d'une manière paritaire et qu'ils ne doivent en aucun cas servir à financer des compléments de rémunération.
Ces principes étant posés, les élus et les agents décideront librement, en fonction du contexte local, de l'utilisation des fonds affectés à l'action sociale.
Et puisque nous en sommes aux comparaisons entre régimes appliqués par l'Etat et par les collectivités territoriales, il n'est pas possible de passer sous silence le problème des primes.
Elles représentent, dans les sommes consacrées à la rémunération des fonctionnaires de l'Etat, un montant de 48,1 milliards mais, surtout, elles constituent l'étalon sur lequel est censé s'aligner le régime des primes de la fonction publique territoriale.
Et l'on s'accroche à cette parité comme à un dogme, alors même qu'elle s'avère inapplicable dans les faits, source de plus d'inconvénients que d'avantages et, en tout état de cause, totalement pervertie par l'opacité qui caractérise le catalogue des primes versées par l'Etat à ses fonctionnaires.
Il existe, dans la fonction publique territoriale, une centaine de primes différentes, dont les modalités d'attribution sont souvent sujettes à interprétations divergentes.
Il y existe un régime indemnitaire d'une extraordinaire complexité, source d'inégalité car la structure du personnel ne permet pas de l'appliquer de la même manière dans des collectivités différentes, source de contentieux également car ses dispositions sont totalement ésotériques.
Quant au fameux article 111 de la loi du 26 janvier 1984, on le voit resurgir à l'occasion de chaque DDOEF sans que jamais le problème ne soit résolu au fond.
Il est profondément injuste que la prime de fin d'année - pour ne pas parler de treizième mois - puisse être versée aux agents de telle collectivité et pas aux autres.
C'est d'autant plus injuste que cela pénalise précisément d'une manière pérenne les agents qui étaient déjà privés de cet avantage.
Par ailleurs, il est absurde de mettre un frein à la mobilité des agents en considération de ce facteur et de voir ainsi se multiplier les détachements plutôt que les mutations, notamment en direction des regroupements de communes dont la création est la plus récente.
J'ai déposé, avec nombre de mes collègues, une proposition de loi qui, je l'espère, sera bientôt mise en discussion et adoptée, afin que soient fixées des règles parfaitement claires, mettant fin au désordre actuel.
Le temps me manque pour évoquer, comme il m'avait semblé utile de le faire, l'incertitude qui pèse sur l'avenir des titulaires des emplois-jeunes, sur la menace que fait peser sur les collectivités territoriales la prise en charge des indemnités de chômage de ceux qui, parmi eux, se retrouveront sans emploi - 120 000 francs par poste - et l'intégration dans la fonction publique pour ceux qui seront appelés à y pérenniser leur situation.
Enfin, j'évoquerai la difficulté à laquelle sont confrontés les responsables des collectivités locales pour assurer le fonctionnement de celles-ci sur le plan de la gestion des ressources humaines, dans un cadre statutaire qui semble aujourd'hui archaïque et largement inadapté. Les exemples de cette inadaptation seraient très nombreux, notamment en matière de recrutement et de concours. Je n'insisterai pas afin de ne pas prolonger mon propos.
Nous sommes tous profondément attachés à notre fonction publique. C'est bien la raison pour laquelle nous souhaitons qu'elle puisse tendre vers l'excellence et répondre au mieux à l'attente de nos concitoyens.
Aussi serons-nous très attentifs aux réponses que vous apporterez, monsieur le ministre, aux interrogations et aux interpellations exprimées au cours de ce débat.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, d'emblée, je tiens à souligner que l'impulsion que vous aviez donnée à la fonction publique l'an dernier perdure.
Je me contenterai de rappeler que, à notre grande satisfaction, vous avez su renouer le dialogue social, qui a débouché sur l'accord salarial du 10 février 1998, vous vous êtes concrètement engagé sur la voie de la rénovation de l'administration et vous avez ouvert un certain nombre de chantiers de réflexion sur la définition des missions de l'Etat, plaçant toujours au coeur de vos préoccupations les personnels et les usagers.
Au-delà de ce constat d'ensemble, je profiterai de l'examen du budget de la fonction publique pour insister sur la préservation de l'équilibre retrouvé en 1998, sans omettre d'évoquer les problèmes de fond qui demeurent et qui nous interpellent.
Oui, l'équilibre retrouvé en 1998 est préservé.
Certains peuvent déplorer l'absence de souffle nouveau du budget de votre ministère pour 1999. La constance des crédits tendrait à y contribuer.
Par rapport à 1998, en effet, les crédits que vous gérez stagnent. Ils s'élèveront à 1 450,5 millions de francs. Cela s'explique aisément. Les crédits de l'action sociale avaient augmenté très fortement en 1998, puisqu'ils avaient progressé de 41 %.
Rappelons que l'ensemble des crédits de l'action sociale interministérielle s'élèvera à 905 millions de francs, contre 636 millions de francs en 1997. Leur maintien à un haut niveau résulte de la reconduction de l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs accordée en 1998. Nous nous en félicitons car ils permettront un effort substantiel en matière de construction de logements sociaux, de rénovation de restaurants administratifs, d'aide ménagère à domicile pour les retraités ou d'attribution de chèques-vacances.
A ce propos, la montée en puissance des crédits consacrés aux chèques-vacances, qui ont presque doublé entre 1995 et 1999, mérite d'être soulignée. Elle témoigne de l'acquisition de nouveaux droits sociaux.
Cependant, seuls 10 % des fonctionnaires bénéficient de ce dispositif, dont le financement pérenne est souhaitable. Ne conviendrait-il pas, monsieur le ministre, d'étendre cette prestation aux non-titulaires, y compris aux emplois-jeunes, afin de consolider le rôle social du chèque-vacances et de permettre aux agents et à leur famille, a fortiori à ceux qui disposent des revenus les plus modestes, de partir en vacances ?
Hormis cet exemple, l'amélioration de l'action sociale demeure, nul n'en doute, une priorité.
En matière de nouveaux droits sociaux, j'évoquerai également l'augmentation des crédits de formation, de perfectionnement et de modernisation : ils passent de 32 millions de francs à 34 millions de francs, ce qui permettra des opérations de formation déconcentrée.
La reconnaissance du congé de formation-mobilité constituait déjà une avancée en novembre 1997. Vos choix budgétaires pour 1999 ne font que la conforter.
Incontestablement, nul ne peut nier votre souci permanent des personnels. Les revalorisations du point indiciaire résultant de la signature de l'accord salarial du 10 février dernier, la priorité donnée aux revenus les plus faibles dans la fonction publique en témoignent.
Toutefois, force est de constater que certaines mesures provoquent l'inquiétude des intéressés.
J'insisterai tout particulièrement sur l'emploi.
Le projet de loi de finances pour 1999 se caractérise par un strict maintien des effectifs budgétaires : 2 358 suppressions sont compensées par autant de créations, répondant aux priorités du Gouvernement.
Les secteurs qui connaissent une réelle progression de leurs effectifs sont la justice, avec 930 créations de postes, l'enseignement supérieur, avec 800 créations de postes, l'emploi, avec 215 créations de postes, et l'environnement, avec 140 créations de postes.
En revanche, d'autres ministères sont mis à contribution pour gager ces augmentations ; le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie connaît 695 suppressions, l'intérieur 502 et celui de l'équipement 490.
Tout en sachant que ces suppressions d'emplois concernent des postes laissés vacants par des départs à la retraite et dans les services investis de tâches purement administratives parmi les mieux dotés, on constate que l'essentiel des suppressions s'applique aux mêmes ministères que l'an dernier. Ne risque-t-on pas, dans ces conditions, d'affaiblir considérablement certains services ?
Dans les domaines sensibles, tous les services seront-ils en mesure de répondre correctement aux besoins ?
Vous préconisez, monsieur le ministre, la mobilité des agents entre les différentes fonctions publiques mais, dans l'immédiat, les dysfonctionnements et les déséquilibres font partie de la réalité quotidienne.
Un autre sujet d'inquiétude est le trop faible rythme de résorption de l'emploi précaire, résultant de l'accord conclu le 14 mai 1996 et dont l'application relève des dispositions de la loi du 16 décembre 1996 qui prévoit la création de concours réservés à certains agents non titulaires remplissant un certain nombre de conditions d'ancienneté : 150 000 personnes devaient être titularisées en quatre ans dans les trois fonctions publiques. Or, pour l'instant, 10 000 postes auraient été mis aux concours et seuls 80 % des postes offerts auraient été pourvus.
L'administration explique que les candidats n'avaient pas le niveau requis de compétences. Mais plusieurs recalés assurent qu'ils ont été victimes d'une sévérité excessive destinée à les éliminer, les vacataires coûtant moins cher que les titulaires puisqu'ils restent toute leur carrière au même échelon. Bref, quel que soit l'argument avancé, l'application de cet accord pose problème et, en définitive, ne met pas fin à la précarité.
Les concours sont souvent inadaptés. L'exemple des questions à choix multiples en témoigne. A cet égard, certains cas pourraient faire quelque peu sourire : ainsi, je ne suis pas sûr qu'un cuisinier de collectivité territoriale ait à connaître parfaitement les règles grammaticales concernant les noms composés !
De surcroît, on assiste à la reconstitution d'une catégorie de travailleurs précaires. En effet, tandis que certaines poches de précarité peuvent être supprimées, certains ministères recourent aux emplois contractuels pour pallier des défaillances momentanées.
En conséquence, non seulement la résorption de l'emploi précaire doit être accélérée et mieux adaptée, mais une gestion prévisionnelle des personnels de la fonction publique s'avère plus qu'indispensable.
En matière de gestion des ressources humaines, les efforts à fournir sont multiples, notamment pour rattraper les retards. Que 15 millions de francs soient consacrés à l'insertion des personnes handicapées est une très bonne chose, mais que la fonction publique n'emploie que 3,6 % de personnes handicapées, alors que l'obligation légale est de 6 %, n'est pas acceptable.
A ce jour, monsieur le ministre, où en sont les consultations avec les partenaires sociaux destinées à rechercher un accord-cadre qui serait décliné dans chacun des ministères ?
Ne pensez-vous pas, également, qu'il faudrait revoir le fonctionnement, trop lourd, des COTOREP ? Et, à l'avenir, envisagez-vous de sortir les crédits qui leur sont affectés du chapitre consacré à l'action sociale afin de constituer une enveloppe à part entière ?
Soyez, en revanche, assuré de notre grande satisfaction quant à la reconduction et à l'extension du congé de fin d'activité, le CFA.
On ne peut que se féliciter du succès indéniable de ce dispositif, qui a rencontré un accueil très positif puisque près de 12 500 agents de l'Etat, 5 500 dans la fonction publique territoriale et 1 700 dans la fonction publique hospitalière, en ont bénéficié dès 1997.
Permettez-moi à ce sujet de me tourner vers les travées de la majorité sénatoriale pour dire combien son refus de proroger le CFA pour 1999 est choquant.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. C'est faux !
M. Jacques Mahéas. En 2000, avez-vous dit ?
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Non !
M. Jacques Mahéas. C'est pourtant ce que j'avais entendu !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nous maintenons ce qui existe en 1999 !
M. Jacques Mahéas. Donc, c'est pour l'an 2000 qu'il faudra revoir les choses !
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Nous n'avons rien dit à ce sujet !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous examinons le budget de 1999 !
M. Jacques Mahéas. Quoi qu'il en soit, nous souhaitons effectivement pérenniser le congé de fin d'activité.
Signalons simplement que le dispositif de financement du CFA est d'une complexité sans précédent, c'est le moins qu'on puisse dire. Et ce sera là mon seul point d'accord avec la majorité sénatoriale. Mais de là à l'enterrer... Si nous en sommes d'accord, ne l'enterrons pas !
De surcroît, comme l'an dernier, la droite, au nom d'une stratégie de restriction de crédits, nous proposera tout à l'heure, par voie d'amendement, de rogner sans scrupule les crédits d'action sociale interministériels. Nous allons, bien évidemment, voter contre cet amendement.
Par ailleurs, dans le prolongement des questions que je vous avais posées l'an dernier, avez-vous établi un schéma de travail précis avant même que le rapport de M. Jacques Roché vous soit remis ? Comme chacun le sait, il s'agit de déterminer les implications des 35 heures, secteur par secteur, dans chacune des trois fonctions publiques.
Pour terminer, j'aborderai brièvement la réforme de l'Etat.
Notons que le fonds pour la réforme de l'Etat progresse légèrement : il passe de 112,5 à 115,3 millions de francs. C'est désormais dans le cadre d'une délégation interministérielle à la réforme de l'Etat que la relance de la politique de modernisation et de déconcentration des administrations est assurée. L'objectif consiste à améliorer les services rendus aux usagers et les outils de gestion. La réforme de l'Etat est donc bien toujours à l'ordre du jour.
Qu'elle soit l'affaire de tous, nous en sommes convaincus comme vous. Vous aviez, à cet égard, annoncé, il y a environ un an, qu'un débat d'orientation aurait lieu au Parlement au printemps 1998, que des assises nationales se tiendraient à l'automne 1998 à l'issue d'une vaste concertation locale...
Autant vous avez pris des décisions d'ordre structurel avec la création de conseils et comités à différents échelons, autant nous regrettons que vos engagements ne se soient pas concrétisés. Alors que de telles questions méritent de larges débats, ce sont encore des commissions technocratiques ou des concertations restreintes qui les ont confisquées.
Résultat : plus les gouvernements préconisent la simplification administrative, plus nos concitoyens sont confrontés à des procédures compliquées. S'il y a une anomalie très grave, à mon avis, c'est bien celle-là. Dans un Etat moderne, les citoyens doivent être en mesure de comprendre leurs droits. L'administration doit utiliser un langage abordable. La technicité des textes est inacceptable, car elle les rend inaccessibles au citoyen lambda.
Souhaitons que toutes les missions que avez confiées à MM. Vallemont, Baquiast, Schwartz, Roché et à Mmes Escoffier et Colmou pour mieux évaluer la situation de la fonction publique contribuent à déterminer des perspectives claires et précises répondant aux besoins et aux attentes des personnels et des usagers ! En ce domaine, nous vous faisons confiance.
C'est dans cet état d'esprit que nous vous apportons notre soutien. Votre budget permet des avancées sociales et contribue à la poursuite de la réforme de l'Etat. Loin d'être une charge pour le pays, la fonction publique doit être confortée. C'est un partenaire indispensable qui offre des services de proximité correspondant aux attentes de nos administrés. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits gérés par le ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation s'élèveront à 1 450 millions de francs en 1999 au lieu de 1 452 millions de francs en 1998, soit une quasi-stagnation puisque ces crédits diminueront de 0,18 %.
Ces dotations ne permettent pas d'appréhender, à notre avis, la totalité de la politique de la fonction publique.
Nous venons d'entendre le mécontentement de la majorité sénatoriale s'agissant de la rémunération des fonctionnaires. Les rémunérations des fonctionnaires ayant été bloquées en 1996 et 1997, nous ne pouvons que nous féliciter de ce rattrapage, même si celui-ci ne réalise pas complètement la nécessaire remise à niveau.
Les fonctionnaires ont, eux aussi, messieurs de la majorité, assumé leur part de rigueur, la baisse de leur pouvoir d'achat en témoigne.
Concernant l'évolution des effectifs, après la création nette de 490 emplois civils prévue par la loi de finances pour 1998, le projet de loi de finances pour 1999 ne confirme pas la rupture attendue avec les réductions d'effectifs.
En stabilisant les emplois budgétaires civils à leur niveau de 1998, le projet de budget pour 1999 gage les créations d'emplois par autant de suppressions.
Les ministères qui bénéficient le plus de ces créations de postes sont ceux qui correspondent aux priorités affichées par le Gouvernement, à savoir l'enseignement supérieur, la justice, l'emploi et l'environnement.
On peut penser que ce projet de budget accrédite l'idée que le service public serait une charge pour le pays, alors qu'il est avant tout un instrument irremplaçable de cohésion sociale, et donc d'efficacité économique.
Les différents mouvements sociaux sont pourtant là pour rappeler qu'il manque des personnels dans les collèges, les lycées, les hôpitaux, les commissariats de police, les collectivités, les perceptions.
Vous allez, monsieur le ministre, nous présenter un projet de loi sur les relations administrés-administrations et sur les services de proximité. Comment comptez-vous promouvoir le développement de services de proximité sans moyens humains nouveaux ?
Mais il y a aussi, monsieur le ministre, des éléments très positifs à retenir dans ce projet de budget.
L'accord salarial du 10 février 1998 marque la reprise de la politique contractuelle. Il donne la priorité aux bas salaires, prévoit une augmentation des traitements et comprend des dispositions relatives au temps de travail et à la lutte pour l'emploi.
Nous ne saurions trop souligner l'importance de l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions de francs, accordée en 1998 et reconduite en 1999, conformément à l'accord salarial.
Les crédits ont contribué à relancer la politique d'action sociale au profit des agents de l'Etat. La pérennisation de cette politique au-delà de 1999 s'impose à l'évidence.
Le congé de fin d'activité est reconduit pour 1999, avec ouverture de son bénéfice aux agents âgés de cinquante-six ans justifiant de quarante années de service public.
La première année d'application de ce congé est un incontestable succès. La pérennisation de ce dispositif est, là encore, souhaitable.
Malheureusement, monsieur le ministre, la mise en place des trente-cinq heures dans la fonction publique semble suspendue, dans l'attente des conclusions de la mission confiée à M. Roché. Le groupe communiste républicain et citoyen sollicite tout de même, dès à présent, des mesures préparatoires. En effet, toute décision ou toute affectation de moyens pour la mise en place de ces trente-cinq heures est pour nous fondamentale.
Votre budget, monsieur le ministre, ne permettra pas de commencer à appliquer les trente-cinq heures. C'est dommageable, car, ce faisant, l'Etat ne se donne pas les moyens de montrer l'exemple au secteur privé.
Le dernier problème que je souhaite soulever est celui du régime indemnitaire et de l'intégration des primes dans les traitements.
Actuellement, une grande partie des rémunérations des fonctionnaires est versée sous forme de prime. Cela provoque un manque à gagner important au moment du remplacement du revenu d'activité par la pension de retraite.
Telles sont les observations que je voulais présenter à propos de ce budget, qui nous semble marqué par des contraintes d'ordre budgétaire importantes.
Le groupe communiste s'est abstenu à l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, les propositions de la majorité sénatoriale viennent encore renforcer le caractère libéral, je dirai même ultra-libéral de ce budget.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !
M. Thierry Foucaud. Aussi le groupe communiste républicain et citoyen déterminera-t-il son vote de la manière suivante : si une réduction de crédits est votée, nous voterons contre ; sinon, nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en entendant certains propos, j'ai eu l'impression que la fonction publique vivait en dehors de la société.
Le budget de votre ministère est intéressant, monsieur le ministre, mais les crédits de la fonction publique, c'est tout ce qui est dans les crédits généraux, qui représentaient, l'année dernière, 35,87 % du budget de fonctionnement de l'Etat, contre 36,54 % cette année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ça monte, ça monte !
M. Jean-Jacques Hyest. Normalement, ils devraient augmenter d'autant l'année prochaine, si bien qu'en dix ans ils progresseront de 7 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sans parler des 35 heures !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vais y venir !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Vous vous faites la courte échelle !
M. Jean-Jacques Hyest. D'où une véritable interrogation sur l'augmentation de la part de la fonction publique dans le budget de l'Etat.
M. Hilaire Flandre. Tout le monde fonctionnaire !
M. Jean-Jacques Hyest. Effectivement, peut-être faudrait-il qu'il y ait encore la moitié de la population française qui devienne fonctionnaire. Cela réglerait les problèmes, car on consacrerait à la fonction publique la totalité du budget de l'Etat !
Dans notre pays, c'est un sujet tabou, alors que, dans d'autres pays, il fait l'objet de profondes réformes.
On nous dit qu'il n'y a pas assez de fonctionnaires. C'est incontestable ! Moi-même, je ne vais pas me plaindre si l'on augmente le nombre des juges ou des greffiers ! Mais, permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, il est des secteurs que l'on pourrait mieux gérer sans pour autant augmenter le nombre de fonctionnaires, et vous le savez fort bien !
Je suis l'auteur, avec un collègue député, d'un rapport sur la police et la gendarmerie qui fait grand bruit dans les chaumières et, surtout, dans les brigades. Il en ressort que l'on utilise mal des effectifs nombreux, reconnus comme étant les plus importants d'Europe, le taux de fonctionnaires de police et de gendarmerie par habitant étant également, chez nous, l'un des plus forts.
Mais dès que l'on commence à dire qu'il faudrait peut-être affecter les policiers dans les banlieues et supprimer quelques commissariats de province pour les remplacer par des unités de gendarmerie, tout le monde se lève pour dire qu'il ne saurait en être question. Cela démontre aussi les difficultés qu'ont les ministères à mieux gérer.
Le même problème se pose dans l'éducation nationale. On nous dit, et c'est vrai, qu'il manque des postes. Mais il faut savoir aussi que nombre de titulaires ne sont pas vraiment employés.
M. Allègre voulait régionaliser la gestion. C'était certainement une bonne idée. Certains s'y opposent violemment pour des raisons que je peux comprendre, mais aussi et surtout parce qu'ils y perdraient leur pouvoir. Voilà où devrait s'exercer également la réforme de l'Etat !
Par ailleurs, il y a des réformes qui ont été engagées et qui n'ont pas été menées jusqu'au bout, que l'on a abondonnées. On avait envisagé de rapprocher les services des directions départementales de l'équipement et ceux des directions départementales de l'agriculture. On avait même procédé à des expérimentations dans une dizaine de départements. Et bien ! on n'en entend plus parler. Peut-être aurait-on pu ainsi améliorer le fonctionnement des services !
Je pourrais citer bien d'autres exemples que ceux-là.
On peut toujours demander une augmentation du nombre de fonctionnaires. En fait, il faut aussi que l'Etat fasse en sorte que les fonctionnaires soient mieux utilisés, que leur productivité, parfois, augmente, en modernisant les méthodes de fonctionnement, en améliorant les conditions d'emploi, nombre de fonctionnaires eux-mêmes se plaignant que les méthodes de gestion de l'administration ne soient pas encore aussi modernes qu'elles devraient l'être.
Voilà les réflexions que m'inspire ce budget, étant entendu que, sur les 58,6 milliards de francs d'augmentation des crédits de personnels de l'Etat, 22 milliards sont affectés aux retraites !
On ne pourra pas rester indéfiniment sans se poser la question des retraites des fonctionnaires. On l'a fait pour le secteur privé, avec toutes les implications que cela suppose sur la durée des carrières, sur la durée requise de cotisation, etc. La fonction publique restera-t-elle totalement hors du champ de cette réflexion, étant entendu que par fonction publique j'entends, bien sûr, la fonction publique de l'Etat mais aussi la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière ?
Pour l'instant, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, est bénéficiaire, même avec les prélèvements au titre de la compensation, de la surcompensation. Mais, dans quelques années, la question se posera.
En outre, il n'y a pas de gestion prévisionnelle des effectifs, monsieur le ministre. Que penser quand on sait que 25 000 policiers partiront à la retraite dans les cinq prochaines années et qu'il faut que les postes soient vacants pour que l'on puisse recruter ? Nous allons au devant de difficultés considérables. Dans ce secteur aussi, il convient donc d'apporter des améliorations.
Voilà les quelques réflexions que je voulais faire sur le budget de la fonction publique proprement dit.
En ce qui concerne la réforme de l'Etat, monsieur le ministre, vous avez indiqué que vous aviez des projets. Lors de la précédente législature, nous avions débattu d'un certain nombre de réformes qui paraissaient à la fois importantes et intéressantes pour les usagers et les partenaires de l'administration. Il s'agissait, notamment, d'améliorer les relations entre les administrations et le public. Vous-même, vous vous étiez déclaré favorable à un certain nombre de propositions faites alors, monsieur le ministre. Apparemment, c'est resté au milieu du gué !
Lorsque nos concitoyens ont affaire à un certain nombre de services publics, nul doute qu'ils se disent qu'on pourrait améliorer l'accueil et simplifier les procédures !
C'est vrai, nous sommes également responsables parce que nous votons beaucoup de textes. Mais quand nous ne le faisons pas, c'est l'administration qui en édicte ou qui sort de nouveaux formulaires. C'est un mouvement perpétuel, on essaie de simplifier et on complique à loisir.
Une administration moderne, c'est aussi une administration qui se considère comme étant au service de la nation et au service du public. De ce point de vue, il y a certainement encore quelques progrès à réaliser dans un certain nombre d'administrations. (M. le rapporteur général applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le temps qui m'est imparti ne me permettra pas, à l'évidence, de répondre au fond à toutes les questions, très intéressantes, qui m'ont été posées. J'essaierai donc d'aller à l'essentiel.
On a fait observer que mon budget proprement dit ne couvrait pas l'ensemble des enjeux liés à la fonction publique. J'en suis ô combien d'accord ! Je vais d'ailleurs commencer par la partie qui n'est pas strictement incluse dans mon propre budget pour évoquer les préoccupations de mon ministère.
Lorsque j'avais présenté mon budget devant votre assemblée, il y a un an, j'avais conclu mon propos en insistant sur l'impérieuse nécessité de rétablir le dialogue social avec les représentants des agents de la fonction publique. J'avais clairement indiqué qu'il s'agissait d'une condition préalable pour poursuivre la réforme de l'Etat dans un climat de confiance.
C'est dans cet esprit que j'ai ouvert des négociations avec les organisations syndicales représentatives. Vous le savez, un accord signé par cinq d'entre elles, représentant la majorité des fonctionnaires, a pu être conclu le 10 février dernier.
On a abondamment parlé du contenu de cet accord. Je dois rappeler que, depuis quatre années, aucun accord salarial n'avait été conclu ni même recherché. Or, il convient qu'entre l'employeur et le salarié le dialogue, et notamment le dialogue sur les questions salariales, soit la règle et non pas l'exception.
J'ajoute qu'en 1996 les fonctionnaires n'avaient pas connu la moindre revalorisation.
Qu'a-t-on fait dans cet accord ? On s'est d'abord attaché à donner la priorité aux bas salaires, dont certains étaient inférieurs au SMIC. Un coup de pouce a été donné aux traitements les plus bas ; ils ont bénéficié, concrètement, de l'attribution de points supplémentaires.
La seconde priorité visait à préserver le pouvoir d'achat de tous les fonctionnaires à situation professionnelle constante. C'est chose faite pour 1998 et 1999.
Il est vrai que l'inflation a baissé plus que prévu.
M. Jean-Jacques Hyest. Tant mieux !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. C'est exact, il ne faut pas se voiler la face.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est même un record !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Cela devrait permettre d'améliorer le pouvoir d'achat en 1998 et probablement aussi en 1999.
Et si notre pays se comporte actuellement de manière tout à fait honorable dans le concert des différents pays pour ce qui est du taux de croissance, on peut penser que ce gain de pouvoir d'achat, qui ne concerne d'ailleurs pas uniquement les fonctionnaires.
Mais, à ce stade, je voudrais rétablir la vérité sur les comparaisons des rémunérations des secteurs privé et public, car la présentation qui en est faite, tout comme l'utilisation d'extraits tronqués du jaune budgétaire, laissent à penser que les fonctionnaires seraient particulièrement privilégiés. Je ne peux m'empêcher de penser que les intentions qui sous-tendent une telle démarche ne sont pas toujours innocentes. La vérité, c'est que les éléments de comparaison doivent être maniés avec prudence.
On évoque le concept de la RMPP, la rémunération moyenne des personnes en place. Je dois rappeler que cette notion n'est pas utilisée dans le secteur privé.
En revanche, si l'on veut parler à données constantes - je réponds là à M. Eckenspieller - le salaire moyen par tête, le SMPT, a effectivement connu une progression plus importante dans la fonction publique entre 1990 et 1996, en raison notamment des plans de qualification concernant les personnels d'exécution. Cette revalorisation s'appliquait donc aux salaires les plus modestes.
Mais si l'on veut bien considérer une période plus longue - c'est nécessaire pour appréhender une donnée sociale aussi lourde que l'évolution comparative des revenus des fonctionnaires et de ceux des salariés - à savoir de 1982 à 1996, on constate que la progression est identique pour les deux catégories.
En 1998, le salaire moyen par tête de la fonction publique augmentera de 2,1 % ; pour l'ensemble des salariés, sa croissance sera, environ, de 3 %.
Comment expliquer cette différence ? L'augmentation de la rémunération tient compte, par exemple, du bénéfice que les salariés, et les fonctionnaires dans une moindre proportion, ont tiré du basculement CSG-cotisations sociales ; voilà l'une des explications car tout ne vient pas de la hausse des salaires nominaux.
Je voudrais dire, enfin, combien la comparaison que l'on fait parfois entre les salaires dans les deux secteurs me paraît frappée d'une certaine malhonnêteté. On compare la rémunération moyenne de l'ensemble des deux catégories en voulant ignorer qu'il y a tout de même, chez les fonctionnaires, 45 % de cadres, contre seulement 15 % dans le secteur privé.
Si nous voulons faire des comparaisons, faisons-les de manière sérieuse en segmentant au minimum et comparons les rémunérations de personnels ayant des niveaux de formation comparables ; nous parviendrons, alors, à ne plus considérer, comme on essaie de le faire, les fonctionnaires comme des privilégiés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je vous en prie.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, vous nous avez dit, voilà un instant, que les comparaisons entre les deux secteurs, qui sont assurément très difficiles, étaient parfois abordées avec, si je ne m'abuse, malhonnêteté intellectuelle.
Je ne pense pas que vous puissiez appliquer ce qualificatif au jaune budgétaire « Rapport sur les rémunérations de la fonction publique » auquel vous avez fait allusion, car, aux pages 30 et 31 de ce rapport, qui émane, certes, de Bercy, et non de votre ministère, figurent des courbes que vous avez commentées et les niveaux moyens de rémunération.
Certes, les compositions des populations sont différentes, vous avez tout à fait raison, mais lorsque l'on regarde l'évolution de l'écart entre la moyenne fonction publique et secteur privé, force est de constater que cet écart s'est accru : l'écart « salaire moyen net fonction publique » par rapport au « salaire moyen net secteur privé » s'est accru sensiblement sur la période 1991-1996. Je ne pense pas, monsieur le ministre, que cette présentation puisse être taxée de malhonnêteté intellectuelle.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. A aucun moment je n'ai dit que le document auquel vous vous êtes référé est fait de manière malhonnête. Je m'en garderai bien ! Il s'agit d'un document officiel : toutes les données qui y figurent sont exactes.
J'ai évoqué l'utilisation qui pouvait être faite et, parfois, de façon tronquée, des éléments contenus dans ce rapport ; je ne comprends pas pourquoi vous vous êtes senti particulièrement visé, monsieur le rapporteur général, par ce propos.
J'ai pris la précaution de dire dans mon propre discours qu'il était exact que l'évolution des rémunérations de la fonction publique avait connu un certain rattrapage par rapport à celles du secteur privé de 1990 à 1998, mais que sur la période 1982-1998 elle était quasi identique. Je suis honnête : vous voudriez juger les choses sur huit ans et je prends une période de seize ans, qui, pour des phénomènes de cette nature, me paraît d'une amplitude adaptée.
La troisième priorité de l'accord salarial concernait l'action sociale interministérielle. Celle-ci vise à corriger les disparités des budgets sociaux des différents ministères. Je pensais que vouloir mettre l'accent sur l'action sociale interministérielle recueillerait un accord général.
Une dotation exceptionnelle de 230 millions de francs en 1998, reconduite en 1999, permettra de réaliser un effort non négligeable en matière de logements sociaux, de rénovation des restaurants administratifs, d'aide-ménagère à domicile pour les retraités ou encore de chèque-vacances.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez conclu, tout à l'heure, votre exposé en recommandant au Sénat, bien sûr, sous réserve de l'adoption de l'amendement de suppression que vous défendrez tout à l'heure, d'adopter les crédits de la fonction publique.
M. Gérard Braun, rapporteur spécial. Suppression partielle, monsieur le ministre !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Même partielle, je vous en donne acte. Nous verrons tout à l'heure. Vous avez à peine rappelé que la Haute Assemblée avait, il y a quelques heures, adopté un amendement supprimant une grande partie des crédits d'action sociale des services généraux, supprimant par là même pratiquement pour 1999 la dotation exceptionnelle déjà allouée en 1998. Il s'agit, selon moi, d'une erreur, et je me battrai pour que, dans la suite de la discussion budgétaire, elle soit corrigée.
M. Eckenspieller a fait allusion à l'action sociale dans les collectivités locales. A la suite de cette négociation salariale, j'ai demandé un rapport à Mme Escoffier pour essayer de cadrer et de sécuriser cette action sociale dans les collectivités locales. Ce rapport, qui m'a été remis, constitue d'ores et déjà la base d'une concertation que je compte mener de manière très étroite avec les organisations de personnels mais aussi les collectivités. Nous aurons l'occasion d'évoquer cette question au conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
L'accord salarial prévoyait, en outre, la reconduction du congé de fin d'activité en 1999 et son extension aux agents âgés d'au moins cinquante-six ans justifiant de quarante années de cotisation. Ce dispositif, qui s'apparente à celui de l'allocation de remplacement pour l'emploi, l'ARPE, pour les salariés du secteur privé, a rencontré un accueil positif.
Permettez-moi, au passage, de m'étonner de l'attitude de la majorité sénatoriale qui a voté la semaine dernière contre le financement de ce dispositif pour les fonctions publiques hospitalières et territoriales. Ce dispositif a été mis en place, je le rappelle, par mon prédécesseur Dominique Perben. Il s'agissait non pas d'augmenter la contribution des collectivités locales mais d'utiliser, pour 1999 seulement, une partie des disponibilités d'un fonds structurellement excédentaire. Nous évoquerons cette question tout à l'heure lors de l'examen de l'amendement n° II-3 rectifié. Je n'insisterai pas sur cette question à ce point de notre débat.
Pour revenir à l'accord salarial, celui-ci prévoyait la constitution de trois groupes de travail : sur les pensions d'invalidité où l'on rencontre de réelles situations de détresse, les prestations de la fonction publique étant parfois inférieures aux minima du régime général ; sur les frais de déplacements qui n'ont pas été revalorisés depuis le 1er janvier 1994 ; sur l'articulation des dispositifs de la cessation progressive d'activité et du congé de fin d'activité.
Ces groupes de travail ont largement avancé et des décisions relatives à ces trois sujets devraient pouvoir être prises dans les tout prochains jours.
S'agissant du temps de travail, comme vous le savez, j'ai confié une mission à M. Jacques Roché, qui doit me rendre ses conclusions à la fin de l'année. Il s'agit, avant toute décision, de réaliser un état des lieux de la réglementation et des pratiques effectives concernant le temps de travail et les heures supplémentaires.
Vous avez dit, monsieur Foucaud, que la fonction publique devait donner l'exemple. Ce serait une approche un peu excessive et non justifiée. Les fonctionnaires ne resteront bien évidemment pas à l'écart de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail. Cependant, les conditions et les enjeux sont différents de ceux du secteur privé : l'amélioration de la productivité ne se traduit pas par des bénéfices supplémentaires...
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... et la modération salariale est difficile à mettre en oeuvre dans le cadre du dispositif salarial globalisé de la fonction publique. Ces deux exemples montrent que les situations ne sont pas transposables.
C'est donc à la lumière du bilan de M. Roché, que nous pourrons définir un mode opératoire adapté.
Le Gouvernement porte par ailleurs une attention particulière à toute une série de dossiers sensibles, tels que les diverses formes d'emplois précaires dans la fonction publique avec la poursuite du plan de titularisation, l'obligation légale d'emploi de personnes handicapées qui n'est pas suffisamment respectée dans les fonctions publiques, comme l'a rappelé, à juste titre, M. Mahéas, la mobilité des agents à l'intérieur de la fonction publique d'Etat et entre les trois fonctions publiques, ou encore la parité hommes-femmes au sein de la fonction publique. L'application du statut construit sur le principe d'égalité ne fait pas disparaître certaines inégalités de fait.
Pour conclure sur l'aspect fonction publique, je voudrais dire un mot sur les effectifs de l'Etat pour lesquels le projet de loi de finances prévoit la stabilité en 1999.
Là aussi, le débat est souvent caricatural. On me dit sur certains bancs qu'il y a trop de fonctionnaires, que les dépenses salariales de l'Etat pénalisent la croissance. Mais on ne me dit jamais dans quel secteur on doit supprimer des postes. Au contraire, les mêmes parlementaires demandent plus de policiers, plus d'infirmières, plus de magistrats ou de professeurs, que sais-je encore ?
M. Jean-Jacques Hyest. Pas besoin !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. M. Hyest sait très bien que lorsque l'on propose...
M. Jean-Jacques Hyest. Plus de policiers !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... des réductions ou des transformations de postes...
M. Jean-Jacques Hyest. Personne n'en veut !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. ... personne n'en veut et cela, sur tous les bancs !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai, mais ils ont tort !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Ce n'est pas facile. Vous avez même évoqué, monsieur Hyest, en anticipant un peu sur le chapitre de la réforme de l'Etat, les problèmes de fusion entre DDA et DDE. Quel président de conseil général - et ils sont nombreux dans cet hémicycle - accepterait que l'on supprime dans son département, comme cela, soit sa DDE, soit sa DDA ? Poser la question, c'est y répondre.
Si le Gouvernement a décidé de stabiliser les effectifs de l'Etat, il ne s'agit pas d'un non-choix, d'une sorte de ni-ni, mais délibérément d'un équilibre entre le souhaitable - qui n'a pas de limite - et le possible, défini par les contraintes budgétaires.
Les besoins du service public sont illimités. On peut prévoir deux fois plus de professeurs par élève et on peut imaginer que l'enseignement en tirera avantage.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pourvu qu'ils enseignent effectivement !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Les besoins sont illimités. Si, au lieu d'avoir un professeur pour vingt élèves on en avait un pour dix, l'enseignement serait peut-être amélioré.
A un moment donné, on doit trancher entre le souhaitable et le possible, à la lumière d'un certain nombre de contraintes, les contraintes budgétaires n'étant pas les plus méprisables. Cela fait aussi partie des équilibres que la nation doit se donner même si, encore une fois, je me refuse à considérer, contrairement à ce que j'ai entendu dire quelquefois sur certaines travées, le montant des rémunérations comme un mauvais indice dans l'ensemble de la dépense budgétaire.
J'ai tendance à penser qu'un certain nombre d'incitations à l'embauche ou à la création d'emplois sous les gouvernements précédents - celui-ci les ayant considérablement développées - que les sommes consacrées à ces objectifs, et qui représenteraient selon les estimations 150 milliards à 200 milliards de francs dans le budget, n'étaient pas forcément la meilleure façon d'utiliser l'argent public.
M. Jean-Jacques Hyest. Même aujourd'hui !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Une question m'a été posée sur les redéploiements. Il arrive que les redéploiements affectent, dans le sens de la baisse ou de la hausse, plusieurs années de suite, le même ministère. Cela prouve simplement que l'on a le souci d'étaler dans le temps et de donner une visibilité dans le temps à l'évolution des effectifs et des moyens de chaque ministère.
J'en viens maintenant à la réforme de l'Etat.
D'ores et déjà, le Gouvernement a avancé sur une série de points essentiels. Tous nos efforts sont orientés vers l'objectif de remettre l'usager au coeur de notre système administratif et d'organiser les services publics en fonction de ses besoins. L'Etat doit adapter son organisation et ses missions à l'évolution des réalités démographiques et socio-économiques du pays.
L'amélioration de l'efficacité de l'Etat - n'ayons pas peur de prononcer les mots « efficacité de l'Etat » - appelle d'évidence un nouvel équilibre des rapports entre les administrations centrales et les services déconcentrés. Il faut renforcer sensiblement l'autonomie et la capacité d'agir de l'Etat au niveau territorial, dans chaque département, chaque région, pour rapprocher encore davantage les lieux de décision des citoyens.
Pour la première fois, une centaine de préfets et de chefs des services territoriaux des différentes administrations ont travaillé pendant cinq mois pour établir un diagnostic et des propositions permettant d'améliorer l'efficacité des échelons déconcentrés de l'Etat. Ils ont d'ailleurs travaillé avec les administrations centrales.
Sur la base de leurs conclusions, les services déconcentrés élaboreront collégialement, sous la responsabilité des préfets, un projet territorial à trois ou cinq ans.
Les entreprises publiques de réseau - La Poste, EDF, la SNCF - et les établissements publics y seront associés pour assurer une cohérence totale des contrats d'objectifs ainsi fixés avec les services centraux.
C'est ainsi que les modalités d'organisation et de fonctionnement des services pourront, sans mettre en péril l'unité de la République, différer d'un département à l'autre pour tenir compte des spécificités locales et, surtout, des contraintes géographiques ou démographiques.
L'amélioration des relations entre l'administration et les usagers constitue une autre priorité ; vous l'avez évoqué, monsieur Hyest, à l'instant. Dans ce but, j'ai saisi l'Assemblée nationale d'un projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leur relation avec les administrations.
Monsieur le sénateur, vous avez fait allusion au fait que ce projet de loi n'était pas encore venu en discussion. Je le regrette, mais les contraintes du calendrier parlementaire sont importantes et je déplore que, récemment, des discours de cinq heures et demie d'affilée sur le PACS aient conduit à différer de manière non négligeable la discussion de projets d'une utilité évidente.
M. Jean-Jacques Hyest. D'autres projets présentent peut-être un caractère plus urgent !
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Ce projet de loi soumet l'Etat, les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale à un certain nombre de règles de principe qui renforceront très concrètement la position de nos concitoyens face à l'administration : accusé de réception, délais de réponse, personnalisation de l'interlocuteur administratif, etc.
Le projet de loi améliore également l'accès aux documents administratifs et renforce les pouvoirs du médiateur de la République.
Monsieur Foucaud, je partage votre point de vue sur les services publics de proximité. Les maisons de service public, dont le développement est prévu par le projet de loi, constituent l'une des solutions possibles pour répondre à ce défi.
Enfin, le Gouvernement veut se donner les moyens de disposer des informations nécessaires pour préparer ses décisions : études d'impact, évaluation, développement de la fonction prospective, programmes pluriannuels de modernisation.
Ces programmes pluriannuels de modernisation, prévus par une circulaire du 3 juin 1998, exprimeront et contractualiseront dans un document unique les choix et les perspectives d'évolution des ministères. Arrêtés dès la fin de l'année, ils seront rendus publics pour prendre en compte le souci de transparence de l'action publique qui anime le Gouvernement.
Le Gouvernement a également pour priorité d'améliorer l'efficacité des services publics. Ainsi, comme on l'a vu tout à l'heure lors de la discussion sur le Commissariat général au Plan, il a décidé de créer un Conseil national de l'évaluation pour piloter une procédure d'évaluation des politiques publiques dans des conditions d'objectivité reconnues.
La présence d'élus au sein de ce conseil et la possibilité donnée aux collectivités territoriales de s'associer aux évaluations favorisera la coordination des politiques qu'elles mènent conjointement avec l'Etat.
Le troisième et dernier volet de mes attributions concerne la décentralisation.
Contrairement à ce que je peux entendre ici ou là, l'heure est non pas à la recentralisation mais bien à l'approfondissement de la décentralisation. Nous avons eu ici même, il y a quelques jours, un débat qui a parfaitement clarifié ce point.
La décentralisation a fait la preuve de son efficacité, et c'est aujourd'hui un élément de consensus dans notre pays. Il convient cependant de remédier à quelques dysfonctionnements clairement identifiés.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement propose un ensemble de réformes cohérentes contenues dans des textes complémentaires : le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, présenté par Mme Dominique Voynet, le projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale préparé par M. Jean-Pierre Chevènement ; enfin, le projet de loi sur l'intervention économique des collectivités locales, qui aura pour objet d'adapter les dispositifs d'intervention pour une meilleure efficacité au service de l'emploi et pour une sécurisation juridique et financière des élus. Dans le même but, je proposerai un toilettage de la loi de 1982 sur les sociétés d'économie mixte locales.
J'aborderai maintenant un autre aspect de la décentralisation : le fonction publique territoriale et les suites que j'entends donner au rapport Schwartz. Celui-ci, je le précise, avait pour objet non pas de redéfinir le statut de la fonction publique territoriale dans son ensemble, mais simplement d'identifier les points prioritaires sur lesquels des corrections apparaissent nécessaires dans le domaine du recrutement, de la formation et du déroulement de carrière des fonctionnaires territoriaux.
J'ai rencontré récemment les représentants des élus locaux et des syndicats de fonctionnaires. La consultation se poursuit.
Un certain nombre d'orientations s'en dégagent déjà, comme une meilleure coordination des différents organismes de gestion ou un abaissement des seuils de recrutement, par exemple, pour les secrétaires généraux de mairie.
Monsieur Eckenspieller, s'agissant des différences de rémunérations entre les personnels des collectivités territoriales, à propos du treizième mois ou des compléments annuels de rémunération, par exemple, nous avons pris des dispositions qui permettent d'ores et déjà de réduire les inégalités qui peuvent exister.
J'observe cependant que les demandes qui nous sont faites sur certaines travées et les propositions de loi en préparation auxquelles il a été fait allusion conduiraient tout simplement à un surcroît de dépenses, ce qui est en totale contradiction avec les reproches qui ont pu m'être adressés à propos du coût supposé de l'accord salarial.
J'en viens maintenant au budget de mon ministère.
M. le président. Monsieur le ministre, nous avons des contraintes de temps à respecter.
Si vous souhaitez que votre budget soit voté avant vingt heures quinze, je vous invite à la concision.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. J'en termine, monsieur le président.
Ce budget, d'un montant de 1,412 milliard de francs, augmente de 1,6 % par rapport à 1998.
Quelles en sont les principales caractéristiques ?
Les crédits d'action sociale sont maintenus à un niveau élevé, passant de 900 millions à 905 millions de francs. Le Sénat a cru devoir rectifier cette donnée, je le regrette et je ferai en sorte que nous n'en restions pas là.
Dans l'ensemble de cette enveloppe, le chèque-vacances, qui a été évoqué dans cette discussion, poursuit sa progression de 223 millions à 245 millions de francs.
Pour répondre à M. Mahéas, je dirai que les non-titulaires y ont droit, mais que la question se pose effectivement pour les emplois-jeunes et qu'elle est en discussion au sein du Comité Interministériel d'action sociale, le CIAS. Vous comprenez certainement, monsieur le sénateur, qu'il convient de maîtriser des dépenses qui croissent de manière exponentielle.
Les sections régionales interministérielles seront dotées de 10 millions de francs pour favoriser la déconcentration de l'action sociale.
Enfin, une dotation de 15 millions de francs pour l'insertion des personnes handicapées sera inscrite sur une ligne spécifique de manière à la pérenniser. Cette précision me permet de répondre à un autre souci de M. Mahéas.
Les autres postes sont sans changement. Aussi me permettrez-vous d'exprimer ma surprise s'agissant de l'amendement prévoyant de supprimer les crédits sociaux, que M. le rapporteur spécial a effleuré dans son rapport.
Le chapitre 39-94 qui est doté de 34 millions de francs, permettra de renforcer les opérations interministérielles de formation déconcentrées.
Les subventions de fonctionnement aux établissements de formation - l'Ecole nationale d'administration, les instituts régionaux d'administration, l'institut international d'administration publique et le centre d'études européennes de Strasbourg - progressent légèrement, pour prendre en compte l'augmentation du nombre des élèves ou des stagiaires.
Le fonds pour la réforme de l'Etat connaîtra une progression de 112,5 millions de francs à 115,3 millions de francs. L'évolution de la réparation des financements traduit clairement l'option forte en faveur de la déconcentration.
Ces dotations sont concacrées principalement à l'amélioration du service rendu à l'usager - accueil, information du public, maisons de services publics - et, dans une moindre mesure à celle des outils de gestion.
Enfin, et pour répondre à votre rapporteur, les opérations de délocalisation pourront normalement se poursuivre même si aucun crédit nouveau n'a été inscrit pour 1998. En effet, le chapitre 37-07 consacré aux mesures d'accompagnement social comporte un solde disponible de 66 millions de francs et le chapitre 57-01 a été augmenté en loi de finances rectificative pour atteindre 196,4 millions de francs. Ces montants permettront d'assurer sans difficulté l'ensemble des opérations programméees pour 1999.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez constaté que mon propos et mes préoccupations dépassent largement le modeste budget de mon ministère. Le ministre de la fonction publique, de la réforme et de l'Etat et de la décentralisation a avant tout un rôle d'impulsion et de coordination.
Je fonde de réels espoirs que l'administration poursuive son évolution vers une plus grande modernité et une plus grande efficacité.
Il fallait tout d'abord et avant tout retrouver la confiance de ses agents. C'est ce qui a été fait à travers l'accord salarial et la relance vigoureuse dans tous les domaines.
Il faut ensuite poursuivre l'exigence de rigueur et de qualité pour un emploi plus efficient des fonds publics. De nombreux chantiers ont été ouverts, qui visent notamment à apprécier l'impact des politiques publiques.
Il faut également arriver à vaincre les rigidités traditionnelles pour adapter les moyens de l'administration aux besoins exprimés par une société qui évolue.
La réforme de l'Etat, c'est tout cela. Cette action n'est pas toujours visible pour l'usager. Elle est rarement spectaculaire, mais elle est indispensable. Le Gouvernement ne ménagera aucune effort pour qu'elle soit mise en oeuvre. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Je rappelle que les crédits concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat inscrits à la ligne « services généraux du Premier ministre » seront mis aux voix le samedi 5 décembre, à la suite de l'examen des crédits affectés à la communication.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 105 859 504 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV :
moins
155 120 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 396 000 000 francs ;
« Crédits de paiement : 326 780 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
J'appelle en discussion l'article 79
bis
pour lequel le Gouvernement,
en accord avec la commission des finances, a demandé la priorité.
Article 79 bis (priorité)