Séance du 30 novembre 1998
Par amendement n° II-19, M. Lachenaud, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 87 121 041 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Ne vous inquiétez pas, monsieur Carrère, j'assumerai la responsabilité de cet amendement, y compris dans mon conseil d'orientation de l'université nouvelle de Cergy-Pontoise, que j'ai contribué à créer. Je lui donnerai un cours de finances publiques, comme je le faisais autrefois, pour expliquer que nous n'avons pas d'autre méthode conforme à l'ordonnance de 1959 que de présenter des réductions de crédits portant sur les différents titres des différents ministères.
Mme Hélène Luc. C'est faux !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Le déficit s'élève à 237 milliards ! On peut le diminuer !
Mme Hélène Luc. N'importe quoi !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la réalité !
M. Jean-Philippe Lachenaud, rapporteur spécial. Aussi, je vous propose, par cet amendement n° II-19, de réduire les crédits du titre IV, qui s'élèvent à 587 059 738 francs, de 87 121 041 francs.
Cet amendement a pour objet d'apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses du budget de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Cet amendement vise purement et simplement à supprimer les bourses ! Le Gouvernement est socialiste : il ne peut pas accepter de supprimer ce qu'il a créé... même si on les maintient à Cergy-Pontoise... par un amendement spécial... au titre III...
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Ce zèle hyperbolique du Sénat pour les finances publiques, que ne s'est-il exprimé quand M. Balladur était Premier ministre ! Nous n'en serions pas là !
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. le président. Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il socialiste ou de gauche ? (Sourires et exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Raymond Courrière. Le ministre est socialiste !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Mes chers collègues, la mesure proposée est présentée sous la forme d'une réduction des crédits, mais il s'agit d'une minoration de l'augmentation des crédits. J'espère que chacun, dans la Haute Assemblée, s'est aperçu que les crédits étaient toujours en augmentation, même avec l'amendement sénatorial.
M. Raymond Courrière. Cela s'appelle jouer sur les mots !
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Non, cela s'appelle lire !
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-19.
M. Ivan Renar. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Je ne veux pas que l'on coupe les bourses aux étudiants ! (Sourires.) Pour cette raison, même motif, même punition : nous voterons contre cet amendement.
M. Alain Lambert, président de la commission des finances. Vous, vous empruntez pour leur servir des bourses !
M. Jean-Louis Carrère. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Carrère.
M. Jean-Louis Carrère. L'explication de M. le président de la commission des finances m'a rappelé l'intervention d'un président de la République selon lequel l'accroissement du chômage était en train de décroître. (Sourires.)
En réalité, on réduit de 4 500 le nombre de bénéficiaires de bourses. Il s'agit d'une très mauvaise méthode ! Pour répondre aux aspirations de la jeunesse, vous feriez mieux de renoncer à cet amendement.
M. Raymond Courrière. Ils sont enfermés dans une logique dont ils ne peuvent pas sortir !
M. Jean-Louis Lorrain. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lorrain.
M. Jean-Louis Lorrain. Au-delà de cet amendement, je souhaite que nous en revenions à des sujets que nos concitoyens comprendront peut-être mieux.
Il est vrai que votre méthode, monsieur le ministre, nous déroute parfois : vous ouvrez de très nombreux chantiers, mais vous laissez les acteurs du monde éducatif sur leur faim.
M. Raymond Courrière. Vous vous adressez à qui, là ?
M. Jean-Louis Lorrain. A M. le ministre !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Lorrain, poursuivez.
M. Jean-Louis Lorrain. J'essaie de sortir de ce débat, qui me paraît quelque peu mesquin, car je souhaite revenir sur des sujets qui me préoccupent vraiment.
Avec l'agence Edufrance, dont le décret de création vient de paraître au Journal officiel, M. le ministre souhaite susciter la venue d'étudiants étrangers dans nos universités.
Comme l'a souligné M. Maman, l'idée est excellente, mais nous nous interrogeons, c'est vrai, sur la suffisance des moyens dégagés pour assurer l'accueil de ces étudiants étrangers et sur les possibilités de répondre aux appels d'offres d'éducation d'organismes internationaux, alors que, sur le terrain, les collectivités locales sont interpellées pour soutenir les associations caritatives s'intéressant à ce problème.
Mon collègue André Maman a rappelé, dans son intervention, que cette initiative méritait d'être étudiée de façon approfondie. Mais nous réaffirmons qu'il est illusoire de vouloir accueillir en France autant d'étudiants étrangers que les Américains. Nous avons, nous aussi, le sens de l'accueil, mais nous ne voulons pas recevoir ces étudiants dans n'importe quelles conditions.
Par ailleurs, un autre chantier présente un caractère d'urgence, et c'est pourquoi je me permets de souhaiter que nous élevions un peu le débat. Je veux parler de la réforme des études médicales, à propos de laquelle, paradoxalement, tout le monde reste muet. Les pathologies se transforment, d'autres naissent. La technologie a modifié totalement les gestes thérapeutiques. Les méthodes de diagnostic et de traitement évoluent. Les incidences économiques sont fortes. Les demandes déontologiques et éthiques ont beaucoup changé. Nous ne savons pas, monsieur le ministre, quels sont vos positions et vos projets en ces domaines.
Quant au statut social de l'étudiant, j'attire votre attention sur la prise en compte des problèmes de santé mentale, qui sont loin d'être mineurs.
Pouvons-nous encore nous vanter de bénéficier d'un enseignement supérieur compétitif à l'échelon mondial ? Je crois que M. Kouchner s'intéresse à cette question, sur laquelle vous pourriez vous aussi vous pencher.
Votre budget est, certes, en augmentation, mais l'objet de cette augmentation ne nous paraît pas clairement défini. Nous ne voyons pas quels en seront les effets concrets sur le terrain. L'enseignement supérieur n'affiche pas de priorités en fonction des urgences...
M. Jean-Louis Carrère. Vous allez les voir, les diminutions...
M. le président. Veuillez laisser l'orateur s'exprimer, monsieur Carrère.
M. Jean-Louis Lorrain. Mon cher collègue, gardez votre démagogie pour vos électeurs. J'essaie simplement d'exprimer un certain nombre de besoins.
Je ne prétends pas que nous soyons obligatoirement à l'aise sur ces questions.
M. Raymond Courrière. Totalement incohérent !
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je trouve personnellement très triste de voir des groupes parlementaires de la majorité en arriver là. C'est un aveu terrible du peu d'ambition qu'ils ont pour la jeunesse française. (Protestations sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le ministre a dit tout à l'heure que, pour atteindre le niveau des Etats-Unis, il faudrait que 300 000 jeunes supplémentaires entrent dans l'enseignement supérieur.
Au moment où il est question du développement des sciences et des techniques et alors que l'on sait que chaque jeune devrait pouvoir, devra pouvoir exercer dans sa vie deux ou trois métiers, ne faut-il pas développer l'enseignement fondamental dans le supérieur ?
Je m'en tiens à ce que je connais bien, c'est-à-dire à l'université Paris-XII du Val-de-Marne. Cette faculté, qui n'a jamais été achevée alors qu'elle a été commencée en 1970, doit déjà être reconstruite parce qu'on a utilisé des matériaux qui ne tenaient pas le « choc » - je crois pouvoir employer ce terme !
La faculté des sciences de Saint-Maur, quant à elle, occupe encore un bâtiment ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes loin des bourses !
Mme Hélène Luc. ... qui a fait l'objet de quelques travaux de sécurité mais qui n'en est pas moins un bâtiment de type Bender. Il a fallu réduire le nombre des élèves et louer d'autres locaux pour éviter que ce bâtiment ne soit par trop surpeuplé.
J'assistais samedi à une assemblée d'enseignants et de parents d'élèves. Je puis vous dire que votre décision de supprimer des crédits figurant au budget de l'éducation nationale qui a été diffusée à la radio à plusieurs reprises pendant toute la journée a créé l'événement ! Des enseignants et des parents d'élèves m'ont même dit : « Ce n'est pas possible ! Ils se sont trompés à la radio ! »
M. Jean-Louis Carrère. C'est au Sénat qu'ils se sont trompés !
Mme Hélène Luc. Je leur ai répondu que, non, la radio ne se trompait pas ; j'étais au Sénat, à ce moment-là ; ils ont bien supprimé des crédits pour l'éducation nationale.
Alors, mesdames et messieurs de la droite, ne vous plaignez pas ! Ne dites pas qu'il faut plus de crédits et plus d'enseignants ! Ne faites pas de démagogie ! Vous prenez là une lourde responsabilité. Heureusement, la majorité plurielle de l'Assemblée nationale rétablira ces crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vous qui êtes docteur en démagogie !
M. Guy Cabanel. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Cabanel.
M. Guy Cabanel. Cet amendement a trait, si j'ai bien compris, à l'action sociale en faveur des étudiants.
La réduction des crédits proposés est apparemment moins grave que les amputations sur les crédits relatifs à l'organisation générale de l'enseignement supérieur, mais elle est tout de même délicate au moment où l'on se plaint des inégalités sociales importantes au sein de l'université et où l'on regrette le nombre restreint d'étudiants étrangers. Ce regret a du poids car l'attraction de notre industrie, la capacité d'intéresser certaines nations à nos productions dépendent de la fréquentation de nos universités et de la connaissance de nos filières de recherche et de technologie.
A cet égard, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, toujours en concertation avec M. Pierre Laffitte, émettra le même vote que précédemment sur l'amendement n° II-19 : certains d'entre nous voteront contre, d'autres s'abstiendront. Ces réductions de crédits ne nous semblent pas vraiment opportunes, d'autant que celle qui nous est proposée a peu d'incidence sur l'équilibre général du budget. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-19, repoussé par le Gouvernement.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant de la commission des finances, du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 29:
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 305 |
Majorité absolue des suffrages | 153 |
Pour l'adoption | 200 |
Contre | 105 |
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?..
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 30:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 310 |
Majorité absolue des suffrages | 156 |
Pour l'adoption | 203 |
Contre | 107 |
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 651 860 000 francs ;