Séance du 3 décembre 1998
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant l'emploi et la solidarité : II. - Santé et solidarité.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le budget de la santé et de la solidarité se caractérise par une structure particulièrement mouvante. Depuis douze ans que je rapporte ce budget, je n'ai jamais pu le faire dans la même configuration.
L'an dernier, j'avais espéré que la présentation retenue pour 1998 serait conservée pour les exercices suivants, et que le budget de la santé et de la solidarité trouverait enfin le minimum de stabilité nécessaire à sa lisibilité.
Tel n'est pas le cas, et je dois regretter une fois encore que la présentation des crédits soit à nouveau modifiée cette année.
En 1998, les deux fascicules distincts qui existaient depuis 1996, intitulés respectivement « Santé publique et services communs » et « Action sociale et solidarité » ont été fondus en un seul. Ce nouveau fascicule unique incluait, en outre, l'ancien fascicule « Ville et intégration », ainsi que les crédits consacrés à l'action sociale en faveur des rapatriés et les crédits de la mission interministérielle à la lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui étaient antérieurement inscrits au budget du Premier ministre.
Pour 1999, les crédits consacrés à la politique de la ville sont à nouveau présentés sous un fascicule distinct.
L'ensemble des crédits de la santé et de la solidarité ainsi définis s'élève, pour 1999, à 79,9 milliards de francs, en progression apparente de 9,2 % par rapport à 1998.
Toutefois, il convient de prendre en compte deux modifications de périmètre, de sens contraire : en moins, le transfert des crédits de la ville sous un fascicule à part, soit 755 millions de francs ; en plus, la prise en charge de l'allocation de parent isolé par le budget de l'Etat, pour un montant de 4,2 milliards de francs.
A structure constante, l'augmentation du budget de la santé et de la solidarité pour 1999 est de 4,5 %, à comparer au taux de progression de 2,6 % enregistré en 1998 par rapport à 1997. Tout cela nous ramène, mes chers collègues, à un débat que nous avons eu récemment à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les taux de progression de nos dépenses sociales.
Il s'agit principalement d'un budget d'intervention, les dépenses du titre IV en constituant plus de 90 %. Celles-ci sont en progression de 10,3 % et expliquent l'essentiel de l'augmentation du budget. Les moyens des services sont en progression modérée de 2,6 %, tandis que les dépenses en capital sont en baisse de 26,7 % ; conformément à la tendance générale, constatée dans tous les projets de budget présentés cette année, l'équipement est sacrifié.
Outre les modifications de périmètre précédemment évoquées, le projet de budget de la santé et de la solidarité pour 1999 comporte une importante refonte de la nomenclature et des agrégats budgétaires. Selon la réponse qui m'a été faite, cette refonte vise à « donner ainsi une meilleure lisibilité des actions menées par le ministère ». Dans l'immédiat, je constate qu'elle interdit toute comparaison simple entre les deux exercices 1998 et 1999 dans l'évolution des crédits, et j'en suis pour ma part désolé.
Le projet de budget de la santé et de la solidarité est composé désormais de cinq agrégats de volumes très différents, deux d'entre eux en constituant à eux seuls près de 90 %.
Pour une présentation détaillée des crédits, je me permets de vous renvoyer à mon rapport écrit, mes chers collègues. Je tiens simplement à appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur six points qui me semblent poser quelques problèmes.
S'agissant tout d'abord des moyens en personnel, le ministère de la santé et de la solidarité se caractérise par le nombre des agents qui sont mis à sa disposition par les caisses de sécurité sociale et les établissements hospitaliers. Dans les services centraux, j'ai recensé 206 agents mis à disposition.
Ces mises à disposition sont particulièrement importantes à la direction de la sécurité sociale, qui emploie 44 personnes, et à la direction des hôpitaux, qui en emploie 98. Elles peuvent s'expliquer essentiellement par le souci de renforcer la capacité d'expertise des services concernés, mais elles risquent de mettre le ministère en contradiction avec la fonction de tutelle qu'il doit exercer par ailleurs sur les organismes d'origine des agents mis à disposition.
A cela, j'ajouterai que, dans les services déconcentrés, le recensement est plus difficile à faire ; mais, d'après mes estimations, le nombre de personnes mises à disposition serait de 110.
La situation serait à mon avis plus claire si ce personnel d'appoint n'était pas mis à disposition, c'est-à-dire payé par les organismes d'origine que sont les caisses ou les hôpitaux, mais rémunéré directement par le ministère. Tout à l'heure, j'entendais Mme la ministre souhaiter avoir un ministère exemplaire. Une modification de votre budget en vue de supprimer ces anomalies est nécessaire pour parvenir éventuellement à l'exemplarité sur ce point.
S'agissant par ailleurs de frais de justice et de réparation civile, je relève que la dotation de 10,9 millions de francs prévue pour 1999, identique à celle des années précédentes, est purement indicative. En pratique, les dépenses constatées en exécution sont toujours très supérieures. Cette année, le projet de loi de finances rectificative pour 1998 demande l'ouverture de 50 millions de francs complémentaires à ce titre. Voilà quelques années, on nous demandait plus de 150 millions de francs.
La présentation de ce poste de dépenses ne me paraît pas conforme au principe de sincérité budgétaire. Je l'ai dit et je le répète : cela doit être rectifié et supprimé.
J'observe en outre avec inquiétude la progression rapide des dépenses consacrées à la tutelle et la curatelle d'Etat. Ces crédits progressent de près de 10 % en 1999, pour s'établir à 571,5 millions de francs. Le plus important est non pas leur montant mais la justification de leur augmentation. L'évolution de ces crédits dépend des décisions judiciaires confiant à l'Etat des décisions de tutelle et de curatelle sur les personnes reconnues incapables : 21 000 décisions ont été rendues à ce titre en 1997, nombre en progression de 27 % par rapport à l'année précédente. Monsieur le secrétaire d'Etat, une telle hausse montre l'existence d'un vrai problème. Cette évolution résulte de la propension des juges des tutelles à écarter la famille au profit de l'Etat, en ignorant le caractère normalement subsidiaire de la tutelle publique. Je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour encadrer, voire pour corriger cette dérive.
Au-delà du cadre strict du projet de budget de la santé et de la solidarité, je me suis attaché à examiner cette année certaines insuffisances de la politique de santé publique. Pour cela, j'ai pu m'appuyer largement sur les travaux de la Cour des comptes, dont la contribution à l'information du Parlement, prévue par la Constitution, est irremplaçable. Le Sénat l'a renforcée en adoptant des amendements lui donnant des compétences élargies.
La Cour des comptes a rendu public, en juillet 1998, un rapport particulier sur le dispositif de lutte contre la toxicomanie, rapport qui est particulièrement critique à l'égard de la politique ministérielle. La Cour des comptes estime que la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie n'exerce pas de réel contrôle sur l'emploi des crédits et ne joue qu'un rôle réduit dans le domaine international. Elle estime également que les programmes et plans d'action gouvernementaux procèdent plus de la juxtaposition des préoccupations de chaque département ministériel que d'une véritable politique commune.
La Cour des comptes s'inquiète également des délégations d'attribution aux associations, qui sont d'usage en matière de lutte contre la toxicomanie. Elle estime que cette pratique fait obstacle à la coordination d'une politique nationale homogène sur tout le territoire, ainsi qu'à l'évaluation administrative et financière du dispositif. Enfin, la Cour des comptes estime que l'Etat n'a pas défini les axes prioritaires de la recherche en toxicomanie, ni mis en place l'organisation appropriée. Vous constaterez que des critiques nombreuses et fondamentales ont été formulées. Je voudrais donc savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles suites vous comptez donner aux observations de la Cour des comptes.
Je me suis par ailleurs intéressé au financement de la politique de lutte contre le cancer, à propos de laquelle j'ai récemment fait un rapport d'information que je vous ai adressé. Cette politique me paraît souffrir de graves lacunes. Après avoir largement consulté, j'ai formulé certaines propositions, que je crois pertinentes, afin de parvenir à une amélioration à cet égard. Monsieur le secrétaire d'Etat, avez-vous l'intention d'adapter, de modifier ou de renforcer cette politique ?
Pourquoi n'avez-vous pas reconduit le Conseil national du cancer, créé en 1995 ? Enfin, comptez-vous harmoniser les modes de tarification des chimiothérapies et mettre à jour la nomenclature des actes de radiothérapie ? Que faites-vous pour développer l'interdisciplinarité, qui est vitale en cancérologie ? Allez-vous renforcer la cancérologie dans la formation initiale et continue des médecins ?
Ma dernière observation, beaucoup plus large, complète les points que nous avons développés lors du débat sur la loi de financement de la sécurité sociale. Elle a trait au retard pris dans la mise en place des outils de régulation des dépenses d'assurance maladie, pour lesquels certains crédits budgétaires sont prévus.
Dans ce chapitre, je formulerai trois sous-observations. Tout d'abord, la dotation de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, est simplement reconduite en 1999, au niveau de 37,3 millions de francs. Alors que l'ANAES a été créée par les ordonnances du 24 avril 1996, la démarche d'accréditation ne sera officiellement lancée qu'au début de 1999. Le retard pris dans la mise en place de l'ANAES s'est traduit par des reports de crédits importants, qui atteignent près de 90 millions de francs au titre de 1997 et de 1998, et expliquent la stagnation apparente de sa dotation.
Ce retard est d'autant plus regrettable que l'ANAES apparaît comme un élément essentiel de la réforme du système de soins, qui doit contribuer à la transparence et à la rationalisation de l'allocation des ressources aux hôpitaux. Trouvez-vous normal, monsieur le secrétaire d'Etat, que la seule information comparative sur la qualité des établissements hospitaliers actuellement disponible soit le récent numéro spécial de Sciences et Avenir ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. C'est déjà ça !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Certes, mais c'est tout de même largement insuffisant pour un secrétariat d'Etat tel que le vôtre.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous avez raison !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Ma deuxième sous-observation porte sur le processus d'informatisation de l'assurance maladie, qui accuse un retard considérable.
A cet égard, le dernier rapport de la Cour des comptes au Parlement sur la sécurité sociale est particulièrement critique. Nous apprécions d'ailleurs beaucoup de pouvoir nous appuyer sur ce rapport, dont les observations sont incontestables.
La Cour des comptes estime que l'échéance du 31 décembre 1999 retenue pour la mise en place de la carte Vitale 2 n'apparaît plus réaliste. Elle s'inquiète également du futur équilibre économique de la concession de service public à Cegetel pour le réseau santé social, équilibre qui ne lui paraît pas garanti en raison de la concurrence potentielle d'Internet pour la télétransmission des feuilles de soins électroniques.
Plus généralement, la Cour des comptes estime « qu'aujourd'hui, la complexité du dispositif nécessite l'intervention d'un décideur capable d'anticiper et de suivre les options stratégiques, les échéances et les coûts. L'Etat, qui aurait dû jouer ce rôle, ne s'est pas, jusqu'à présent, mis en position de le faire ». On ne peut pas mieux dire !
La participation budgétaire de l'Etat à l'informatisation de l'assurance maladie est des plus modestes, puisqu'elle se limite à 1,450 million de francs de crédits prévus, en 1999 comme en 1998, pour les frais de fonctionnement du GIP « carte professionnelle de santé ». Je rappelle que la Cour des comptes estime à 7 milliards de francs les dépenses nécessaires à moyen terme pour la seule généralisation de la carte de santé Vitale 2.
Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'informatisation du système de soins, qui est la pierre angulaire de la réforme engagée en 1996. Aucune maîtrise effective des dépenses de santé ne sera possible tant que les projets en cours ne seront pas opérationnels.
Troisième sous-observation, le budget de la santé et de la solidarité accueille également certaines dotations destinées à accompagner le nécessaire processus de rationalisation de l'offre hospitalière, qui est financé principalement dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale.
Les autorisations de programme prévues pour le fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers s'élèvent à 250 millions de francs seulement pour 1999, contre 503 millions de francs en 1998. Les crédits de paiement afférents sont simplement reconduits, au niveau de 150 millions de francs.
Cette diminution des crédits s'explique par la lenteur du processus de sélection des dossiers. Le fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers est pourtant essentiel, puisqu'il a pour mission d'accompagner les opérations de restructuration.
Les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, dont l'autorité avait été fragilisée l'an dernier par une polémique que je qualifie de mesquine sur le niveau de rémunération de leurs directeurs, ne sont plus contestées désormais. Leur dotation budgétaire apparaît toutefois modeste.
Les crédits consacrés aux ARH sont accrus de 5 millions de francs en 1999, pour s'établir à 107,7 millions de francs, soit une hausse de 4,9 %. Cette mesure d'ajustement est destinée à financer la réalisation des schémas régionauxs d'organisation sanitaire, les SROS, de seconde génération.
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez leur apporter le soutien nécessaire lorsqu'elles auront à prendre des décisions difficiles.
Je ne saurais trop insister sur l'importance des ARH pour le processus d'ajustement des dotations hospitalières aux besoins réels de la population, ainsi que pour la réduction des inégalités entre les régions qui, comme vous le savez, varient de 1 à 3.
Mes chers collègues, il me reste à vous indiquer la position de la commission des finances sur le budget de la santé et de la solidarité pour 1999.
Tout d'abord, votre commission vous propose d'adopter sans modification les trois articles qui sont rattachés à ce budget.
L'article 82 transfère à l'Etat la charge du financement de l'allocation de parent isolé.
L'article 83 bascule automatiquement les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés sur le minimum vieillesse lorsqu'ils atteignent l'âge de soixante ans, et je sais que notre collègue M. Chérioux y est attaché.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Je vais conclure, monsieur le président.
Enfin, l'article 84 encadre par un système d'enveloppe fermée les dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat.
En revanche, la commission des finances a estimé que ce budget justifiait, outre les réductions de crédits forfaitaires proposées pour tous les ministères, certaines économies.
M. le président. Il vous faut vraiment conclure !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. La première de ces économies ciblées concerne l'allocation de parent isolé et porte sur 200 millions de francs.
Conformément au souhait de la Cour des comptes, la seconde de ces économies ciblées porte sur le RMI. Elle concerne 1,3 milliard de francs et représente 5 % des crédits du RMI. Ceux-ci augmentent de 4,3 % alors que l'emploi s'améliore, ce qui paraît tout à fait excessif et démontre que vous n'avez pas le contrôle de la situation.
Tout en modérant ainsi leur progression, la commission des finances vous demande d'adopter les crédits de la santé et de la solidarité pour 1999. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement pour la République, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Chérioux, rapporteur pour avis.
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, incontestablement, le budget dela solidarité pour 1999, qui augmente de 4,73 % à structure constante, fait largement appel aux marges de manoeuvre dégagées par la croissance. Or l'on voit aujourd'hui, hélas ! combien les prévisions comportent d'aléas en cette matière.
Il est toujours tentant de juger un budget à la lumière des augmentations nominales de crédits obtenus par le ministre durant la négociation budgétaire. Dans le domaine social, ce raisonnement se heurte toutefois à l'ampleur des besoins non satisfaits. Qu'il s'agisse d'améliorer les conditions de vie des plus démunis, de lutter contre tous les facteurs qui freinent l'intégration des handicapés dans la société, d'accueillir les sans-abri ou de réinsérer les titulaires de minima sociaux, le présent budget ne saurait assurer la couverture de toutes les dépenses potentielles.
C'est pourquoi, pour apprécier ce budget, il faut examiner s'il s'accompagne d'un effort de maîtrise accrue des dérives de coût possibles dans le secteur social. Dépenser « plus » importe moins que dépenser « mieux », c'est-à-dire offrir plus de prestations ou les répartir plus équitablement, à niveau budgétaire constant.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. En effet !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Vous le voyez, je commence bien, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas mal !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Parmi les points de satisfaction, la commission des affaires sociales a relevé tout d'abord la poursuite de l'engagement en faveur des personnes handicapées, notamment en matière de création de places d'hébergement supplémentaires dans les maisons d'accueil spécialisé ou les centres d'aide au travail.
Cela étant, Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a déclaré récemment, devant le conseil supérieur des travailleurs handicapés, qu'elle souhaitait assurer le financement des équipes de préparation et de suivi du reclassement non plus par une dotation budgétaire, comme prévu pour 1999, mais par l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH. Il serait intéressant, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous apportiez des éclaircissements sur ce point.
Par ailleurs, la commission a tenu à souligner que, malgré les progrès médicaux, l'état des malades atteints d'une maladie évolutive grave soulevait toujours des incertitudes et que le régime de l'allocation adulte handicapé devait en tenir compte.
Par rapport à l'année dernière, nous avons également apprécié que les crédits d'action sociale de l'Etat tirent les conséquences de la loi du 29 juillet dernier relative à la lutte contre les exclusions.
Concernant l'accueil d'urgence, il nous apparaît qu'au-delà de la rénovation des dortoirs collectifs les plus inconfortables et les moins séduisants il devient essentiel de permettre une meilleure mobilisation des places disponibles lorsque les conditions climatiques se dégradent. C'est donc l'appareil d'accueil et d'orientation que l'Etat doit contribuer à soutenir pour en faire un véritable service public continu et efficace.
En revanche, au regard de la nécessaire maîtrise des coûts, la commission des affaires sociales s'est inquiétée de l'évolution particulièrement préoccupante de deux postes.
Le RMI aborde sa dixième année de fonctionnement avec plus d'un million d'allocataires, et ce nombre devrait augmenter de 3 % en 1999. Alors que nous entrons dans une période considérée comme une période de croissance plus riche en créations d'emplois, il est difficile d'accepter que les effectifs du RMI continuent d'augmenter plus vite que le PIB !
Peut-être aviez-vous déjà connaissance de ces éléments, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque le Gouvernement a décidé tout récemment de prendre en matière de RMI des mesures qui, elles, semblent aller dans le bon sens !
L'ensemble des outils dont s'est doté le Gouvernement pour assurer un nouveau départ aux chômeurs de longue durée doit être mobilisé pour obtenir des résultats plus significatifs sur les taux de sortie du RMI.
Il faut faire comprendre - y compris en contrôlant mieux - que le RMI est non pas un dispositif où l'on peut s'installer durablement, mais une étape avant de retrouver le chemin de l'insertion, faute de quoi l'on s'exposerait à une contestation croissante. Et, effectivement, les mesures que vous avez prises vont dans le bon sens.
Par ailleurs, les décisions de mise en tutelle et sous le régime de la curatelle d'Etat continuent de progresser de plus de 10 % par an - M. le rapporteur spécial s'en est ému - dans un contexte démographique défavorable, mais qui n'explique pas tout. Sur ce dossier, plutôt que des correctifs partiels qui entraînent le mécontentement des associations et des usagers, c'est bien une véritable réforme qui doit être lancée, en concertation avec le ministère de la justice, afin de redéfinir le rôle des familles et de clarifier les conditions dans lequelles les juges peuvent décider du recours à la tutelle par un tiers.
Comme chaque année, la présentation de cet avis donne à votre commission des affaires sociales l'occasion de dresser le bilan des dépenses d'action sociale et médico-sociale prises en charge par les collectivités locales.
Celles-ci ont augmenté de 2,7 % en 1997, ce qui semble confirmer la poursuite de l'accalmie observée depuis 1995 après l'explosion du début des années quatre-vingt-dix. Cette accalmie nous est apparue pourtant trompeuse, car l'avenir est lourd de menaces.
Les évolutions démographiques, la question nouvelle de la prise en charge des adultes handicapés âgés, la judiciarisation croissante de la protection de l'enfance et le fardeau de l'exclusion sociale constituent autant de tendances lourdes propices à une reprise forte de la demande au cours des prochaines années.
La situation est aggravée par les récentes réformes du Gouvernement, qui ne peuvent qu'entraîner un renchérissement du coût des prestations de l'appareil social et médico-social.
Tout d'abord, la mise en oeuvre des emplois-jeunes a un effet de surcoût immédiat pour les associations, qui conservent à leur charge au minimum 20 % du coût de la rémunération des personnes embauchées. Mais c'est surtout dans cinq ans qu'une demande forte apparaîtra en faveur de l'embauche par les associations des emplois-jeunes, cette fois-ci à part entière, sur des postes dont on nous dit déjà qu'ils doivent être « professionnalisés ».
Ensuite, la réduction du temps de travail dans le secteur social et médico-social est particulièrement onéreuse, dans la mesure où les gains de productivité susceptibles d'en compenser les effets sont faibles, voire inexistants. L'émiettement des structures et des budgets et le fait que les personnels travaillent face à des hommes et non à des machines appellent inévitablement le recours à de nombreuses embauches compensatrices.
Certains estiment à 2 % l'augmentation des dépenses salariales pendant la période aidée par l'Etat. Mais le surcoût peut varier entre 5 % et 8 % selon les secteurs à l'issue de cette période. C'est donc une menace pour l'avenir.
Enfin, la nouvelle définition de la notion de travail effectif, issue de la jurisprudence et corroborée par la loi du 13 juin 1998, remet en cause les accords conventionnels sur le calcul de la rémunération des périodes d'astreinte, ce qui peut entraîner des variations de 6 % à 8 % des dépenses de personnel dans les établissements selon les secteurs, ce qui est considérable.
C'est dans ce climat, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous avez choisi d'instituer le dispositif du taux directeur opposable dans le secteur social et médico-social, dont le financement est assuré par le budget de l'Etat et par l'assurance maladie.
Nous soutenons, bien entendu, votre démarche car, depuis deux ans, nous demandons la mise en place d'un système d'enveloppes réellement limitatives afin de freiner le caractère inflationniste des dépenses dans ce secteur, où les accords tarifaires peuvent être constamment remis en cause par la voie contentieuse. Nous vous proposerons, par cohérence, d'étendre le taux directeur au secteur financé par les départements.
Mais, pour autant, le taux directeur opposable ne doit pas devenir un garrot pour les associations gestionnaires.
M. Guy Fischer. C'est pourtant ce qu'il va devenir !
M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis. Le nouveau dispositif tarifaire ne prendra son sens que si l'Etat évalue régulièrement les facteurs d'évolution de la dépense qui dépendent de ses propres décisions et ceux dont la responsabilité incombe aux gestionnaires.
Parmi ces dépenses, il faut souligner l'incidence des normes techniques, génératrices d'investissements très lourds. Aucune coordination ne semble être assurée pour éviter que convergent sur les associations et les collectivités locales concernées des demandes impératives de remises aux normes sous la menace d'engagement de responsabilité en cas de carence. Il faut évaluer le surcoût imputable aux normes techniques !
Pour ce qui est de l'évolution des dépenses de personnel et du rôle que jouent les conventions collectives, un facteur incompressible d'évolution de la dépense au cours des prochaines années tient au « glissement vieillesse technicité », qui entraînera inéluctablement une progression de un à deux points par an de la dépense.
L'Etat, d'une manière générale, doit faire le point sur les surcoûts imputables aux récentes réformes que je viens d'évoquer, ainsi que sur les clauses des conventions collectives qui aboutissent à donner aux personnels de droit privé du secteur associatif un statut qui est parfois très proche de celui d'une quasi-fonction publique, alors que le recours aux associations a pour objet - du moins le prétend-on - de permettre une gestion plus souple.
Enfin, les conséquences financières des avenants aux conventions collectives devront être évaluées aussi bien pour l'Etat que pour les départements employeurs avant tout agrément ministériel, contrairement à ce qui avait été constaté lors de l'agrément des accords Durieux-Durafour.
En conclusion, monsieur le secrétaire d'Etat, compte tenu de ces observations, en particulier des inquiétudes qu'elles comportent, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable à l'adoption du projet de budget relatif à la solidarité tel que transmis par l'Assemblée nationale.
Bien entendu, cet avis ne préjuge pas les votes qu'elle sera amenée à formuler sur le budget tel qu'il pourrait être amendé sur l'initiative de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La paroles est à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis.
M. Louis Boyer rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avant d'aborder l'analyse du budget de la santé pour 1999, je voudrais rappeler que, depuis l'institution des lois de financement de la sécurité sociale, je n'évoque plus dans mon rapport la politique d'assurance maladie. Ce rapport concerne deux agrégats intitulés « Politique de santé publique » et « Offre de soins » du budget de la santé et de la solidarité, qui représentent au total 3,79 milliards de francs et qui affichent une très légère progression de 0,2 % par rapport à ceux qui ont été ouverts en lois de finances pour 1998.
Cependant, si l'on tient compte de la débudgétisation du financement des centres d'hygiène alimentaire et d'alcoologie, cette progression représente 3,6 % à structure constante.
Nous ne pouvons que nous en féliciter, car la commission des affaires sociales a constamment défendu l'idée selon laquelle les crédits du budget de la santé, à condition, bien sûr, d'être convenablement utilisés, étaient utiles et méritaient des redéploiements en provenance d'autres secteurs de l'action publique. Notre système de santé demeure, en effet, trop orienté vers le curatif, et le budget de la santé est le premier outil d'impulsion pour le financement d'actions préventives et d'adaptation de l'offre de soins.
J'évoquerai, d'abord, les priorités de ce budget telles qu'affichées par le Gouvernement, et, en premier lieu, celle qui concerne particulièrement la commission des affaires sociales du Sénat, à savoir la mise en oeuvre de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la sécurité et de la veille sanitaires.
Le projet de loi de finances prévoit en effet les crédits nécessaires à l'installation, dès le début de l'année prochaine, des trois nouveaux établissements publics institués par cette réforme : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire.
La première agence, qui contrôlera l'ensemble des produits de santé, profitera de l'essentiel des crédits, soit 119 millions de francs, plus une subvention destinée à financer des activités de recherche. Sur ces 119 millions de francs, près de 85 millions proviennent de transferts : 80,5 millions de francs correspondent à la subvention de l'Etat à l'ancienne Agence du médicament, et s'y ajoutent des transferts d'emplois, au nombre de vingt-sept, en provenance de l'administration centrale ou de l'Agence française du sang, représentant 4,5 millions de francs environ.
Les mesures nouvelles, qui doivent accompagner l'extension des missions de la nouvelle agence par rapport à celles de l'Agence du médicament, s'élèvent à 34,9 millions de francs. Ces crédits permettront notamment la création de soixante et un emplois.
La deuxième agence de sécurité sanitaire, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, disposera d'un budget bien moins élevé, avec un total de subventions de l'Etat de 31,4 millions de francs.
Au sein de ces 31,4 millions de francs, la contribution du budget de la santé est assez modeste ; elle s'élève à 8 millions de francs. La majeure partie de ces crédits correspondent, en fait, au transfert à l'agence du laboratoire d'hydrologie et à des subventions accordées, comme l'an dernier, à l'observatoire des consommations alimentaires. Les mesures nouvelles, qui situent l'effort du ministère de la santé pour créer une strucutre véritablement nouvelle, s'élèvent à 3 millions de francs seulement.
Troisième établissement public institué par la loi du 1er juillet 1998, l'Institut de veille sanitaire prend la suite, en quelque sorte, du réseau national de santé publique. Il bénéficiera d'une subvention de 62,5 millions de francs, dont plus du tiers sont des moyens nouveaux. Le reste des crédits correspondent, outre la subvention à l'ancien réseau national de la santé publique, aux moyens des registres de pathologies et à 3 millions de francs qui étaient antérieurement affectés aux observatoires régionaux de la santé.
Lorsque j'ai interrogé le ministre, en commission, sur ce dernier transfert, il a répondu que les 3 millions de francs ne feraient que transiter par l'Institut de veille puisqu'ils devraient être consacrés aux observatoires régionaux pour financer la maintenance des tableaux de bord. La fédération des observatoires régionaux de la santé, que nous avons interrogée à ce sujet, estime cependant que, lorsqu'ils reviendront aux observatoires, ces 3 millions de francs se réduiront au mieux à 2,49 millions ; ils seront en effet soumis à la TVA, sans tenir compte des éventuels frais de gestion de l'Institut de veille sanitaire.
La commission des affaires sociales souhaiterait, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir des précisions sur ce point.
Je ne voudrais pas clore le sujet de la mise en oeuvre de la réforme de la sécurité sanitaire sans évoquer les péripéties concernant la gestion des crédits ouverts en loi de finances pour 1998 pour l'installation des trois établissements publics créés par cette réforme.
Vous vous en souvenez, l'an dernier, nous avions voté, à ce titre, l'ouverture de 80 millions de francs de crédits. Dans la mesure où cet argent n'a pas encore été utilisé, les agences n'étant pas encore créées, un arrêté du 21 août dernier est venu annuler 34 de ces 80 millions de francs, un décret d'avances ouvrant, par ailleurs, des crédits d'un montant identique de 34 millions de francs pour financer les Etats généraux de la santé.
Restaient donc, au 21 août, 46 millions de francs pour les futures agences !
Aujourd'hui, le projet de loi de finances rectificative pour 1998 vient quelque peu compenser cette perte en demandant l'ouverture de 9 millions de francs supplémentaires. On aura donc, au titre de 1998, 55 millions de francs pour l'installation des nouvelles agences, dont on peut supposer qu'ils seront reportés sur 1999 et viendront donc s'ajouter aux crédits ouverts par le présent projet de loi de finances.
La commission voudrait s'assurer, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'ensemble de ces crédits seront bien reportés et elle aimerait connaître leur répartition entre les deux agences et l'Institut de veille sanitaire.
On ne peut donc que constater que la « cagnotte » des 80 millions de francs aura été bien utile, cette année, aux services du ministère de la santé pour financer temporairement d'autres opérations et qu'elle se trouve réduite, en fin d'année, de 25 millions de francs.
La seconde priorité gouvernementale affichée, cette année, dans le budget de la santé est la lutte contre les exclusions et la mise en oeuvre des programmes régionaux pour l'accès à la prévention et aux soins, institués par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
Le Gouvernement indique que 250 millions de francs, dont 194 millions de francs de mesures nouvelles, seront affectés à ces programmes.
L'appréciation de cet effort doit tenir compte d'un certain nombre d'effets d'optique, mais aussi de quelques effets de « yoyo budgétaire ».
Des effets d'optique, car l'effort annoncé en faveur de la lutte contre les exclusions rassemble des actions qui sont également prises en considération dans d'autres domaines de l'action gouvernementale. Ainsi, l'institution de consultations d'alcoologie dans les centres d'hébergement peut être inscrite, en affichage, au titre de la lutte contre l'exclusion, à condition de ne pas être comptabilisée deux fois et d'être rappelée comme mesure nouvelle de lutte contre l'alcoolisme. Il en est de même pour les vingt-cinq « points d'écoute » destinés au jeunes toxicomanes.
Il faut aussi tenir compte des effets de « yoyo budgétaire ». Ainsi, le Gouvernement annonce le quasi-doublement des crédits de l'article 40 du chapitre 47-11, intitulé « Interventions sanitaires en direction de publics prioritaires ». Si l'on doit se féliciter d'une telle progression, il convient aussi de rappeler que ces mêmes crédits avaient été réduits d'un tiers, l'an dernier, dans la loi de finances pour 1998.
Je voudrais maintenant évoquer la lutte contre les grands fléaux sanitaires.
La lutte contre la toxicomanie, d'abord, bénéficiera de plus d'un milliard de francs de crédits, soit plus du tiers du budget de la santé. Ces crédits se répartissent en 815 millions de francs au titre des crédits du ministère et de 236 millions de francs pour la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie. Ces derniers, après avoir progressé de 27 % l'an dernier, sont réduits de 19,5 % cette année, une partie des crédits n'ayant pas été consommés et devant faire l'objet d'un report.
Depuis l'entrée en fonctions du Gouvernement, se fait attendre un plan triennal d'action qui n'a toujours pas vu le jour. Il est vrai qu'un rapport de la Cour des comptes a critiqué les plans précédents, notamment leur impréparation et l'insuffisante évaluation des politiques déjà mises en oeuvre. A tout le moins peut-on espérer que, compte tenu de ses délais d'élaboration, le futur plan, s'il doit voir le jour, ne s'exposera pas à de telles critiques ?
Le chapitre 47-18, jusqu'ici exclusivement consacré à la lutte contre le sida, est élargi cette année à la lutte contre l'ensemble des maladies transmissibles, notamment l'hépatite C. Ses crédits, qui s'élèvent à 523,5 millions de francs, sont en progression de 50 millions de francs. Cete progression permettra, à hauteur de 16 millions de francs, d'améliorer le dépistage, la prévention et la surveillance épidémiologique de l'hépatite C, ce qui est une bonne chose.
En revanche, la lutte contre l'alcoolisme et le tabagisme est toujours le parent pauvre du budget de la santé. Une fois de plus, je souhaite dénoncer, outre l'indigence des crédits, le fait que, pour faire meilleure figure, le budget de la santé ne distingue pas les crédits de la lutte contre le tabagisme de ceux de la lutte contre l'alcoolisme.
Sur les 90 millions de francs ouverts dans le projet de loi de finances, les crédits de la lutte contre l'alcoolisme représenteraient, selon le ministère, environ 88,5 millions de francs et ceux de la lutte contre le tabagisme de 1,5 million de francs à 2 millions de francs.
L'an dernier, nous avions évoqué le manque de transparence des actions menées par le comité national de lutte contre le tabagisme, le CNCT, qui reçoit l'essentiel des crédits de la lutte contre le tabagisme ouverts chaque année en loi de finances. Un rapport de l'IGAS, en cours d'année, nous a donné raison.
Le ministère semble avoir choisi de ne pas reprendre en main lui-même la politique de lutte contre le tabagisme et de continuer à privilégier la solution CNCT, à condition que cette association accepte de renouveler ses instances dirigeantes.
M. le président. Mon cher collègue, j'en suis désolé, mais il va vous falloir conclure.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis. Je termine, monsieur le président.
La réponse à notre questionnaire budgétaire, cette année, n'est pas plus détaillée que celle des années précédentes : elle ne fait mention d'aucune précision, ni de délai ni de contenu, pour décrire l'exigence ministérielle. J'aimerais, monsieur le secrétaire d'Etat, obtenir des précisions sur ce point.
Je voudrais, enfin, évoquer certains crédits budgétaires destinés à l'offre de soins, notamment les crédits destinés à l'organisation des soins et aux secours d'urgence.
Les crédits déconcentrés régressent de 16 millions de francs à 10,5 millions de francs. Nous souhaitons obtenir des précisions sur les raisons d'une telle baisse.
Cette année, alors qu'il faudrait accélérer les opérations de restructuration, le fonds ne sera doté que de 250 millions de francs en autorisations de programme et de 150 millions de francs en crédits de paiement. On ne peut que regretter cette décision, d'autant qu'elle est malheureusement en phase avec la décision prise, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, de ne pas réorienter plus de financements de l'assurance maladie vers le fonds d'accompagnement social des restructurations hospitalières.
Compte tenu de l'ensemble de ces observations, la commission a émis un avis de sagesse pour l'adoption des crédits de la santé pour 1999. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 24 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 22 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 17 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 13 minutes.
La parole est à M. Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année encore, les crédits consacrés à la santé et à la solidarité enregistrent une progression substantielle.
Ce budget s'articule principalement autour de deux axes : le développement social et la lutte contre l'exclusion.
Si le développement social constitue, à mes yeux, une priorité fondamentale quant à l'épanouissement de la personne humaine, laissez-moi faire le choix du second axe de votre budget, la lutte contre l'exclusion, pour expliciter ma position quant à cette politique.
S'agissant des crédits consacrés aux politiques d'intégration et de la lutte contre les exclusions, qu'il me soit permis d'apprécier à sa valeur l'importance des crédits, en augmentation de 18,9 % par rapport au budget de 1998, puisqu'ils traduisent la mise en oeuvre de la loi du 29 juillet 1998 et s'inscrivent dans les priorités du Gouvernement.
Il nous appartient de garantir à chacun l'accès aux droits fondamentaux qui sont ceux de chaque citoyen, qu'il s'agisse des sans-abri récemment victimes de la vague de froid ou de cette jeune femme morte de faim à son domicile parce qu'elle se sentait exclue de la société. Il est de notre devoir de citoyen, et à plus forte raison d'élu, de consacrer une part substantielle des crédits au traitement de ce que nous pouvons aujourd'hui qualifier de fléau de cette fin de siècle.
Depuis 1946, la protection de la santé est un principe de valeur constitutionnelle, et nous nous devons de le respecter et de le faire respecter ; c'est le droit à la santé.
C'est la raison pour laquelle il faut consentir les efforts nécessaires à l'accueil de ces personnes.
Certes, les crédits permettront de créer 500 places supplémentaires dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale. Mais s'il est indéniable que ce chiffre est important, il est vrai aussi qu'il est encore trop insuffisant.
La politique d'insertion et de lutte contre l'exclusion se traduit également par le revenu minimum d'insertion, institué voilà tout juste dix ans. En progression de 4,3 %, les crédits consacrés à l'allocation du RMI représentent 26,4 milliards de francs.
Au risque de choquer, je ne crois pas que nous devrions nous en réjouir. Certes, cette augmentation résulte de la revalorisation de l'allocation, mais aussi - je le déplore - de l'augmentation du nombre de bénéficiaires. Au premier semestre de cette année, plus d'un million de personnes percevaient le RMI.
Cette situation me préoccupe d'autant plus que le nombre d'allocataires du RMI en Guyane - près de huit mille personnes au 31 décembre 1997 - ne cesse de progresser.
Ce que certains pourraient considérer comme une avancée sociale s'apparente en réalité à un véritable échec.
Outre l'insuffisance de sa revalorisation, force est de constater que le revenu minimum d'insertion ne constitue plus un moyen d'insertion pour les personnes vivant dans la précarité. Notre devoir est de redonner l'espoir à ces personnes, pour qui vivre dignement est un combat de tous les jours. Pour autant, le revenu minimum d'insertion n'apparaît plus comme la solution la mieux adaptée.
Ne pourrait-on pas envisager d'instituer, par exemple, un revenu minimum d'activité, qui pourrait être versé en échange d'un travail accompli au sein de la collectivité ? C'est aussi un principe de valeur reconnu dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, article 23 : le droit au travail.
S'agissant des crédits consacrés à la santé, qu'il me soit permis de vous faire part de mon sentiment d'insatisfaction pour ce qui concerne les crédits alloués à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est déroutant de constater que ces crédits sont très nettement insuffisants. Pourtant, les ravages occasionnés par ces deux fléaux ne sont plus à démontrer et touchent de plus en plus de jeunes. Les conséquences désastreuses méritent - ne croyez-vous pas ? - que l'Etat engage une réelle politique de lutte.
J'aurais pu m'attarder plus longtemps sur l'examen des crédits qui nous sont proposés ; mais, dans le temps qui m'est accordé, je manquerais à mes devoirs d'élu de Guyane si je ne profitais pas de l'occasion qui m'est donnée d'intervenir à cette tribune pour aborder la question de la précarité du système de santé en Guyane.
Comprenez mon étonnement de constater que les problèmes dont j'avais fait état lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998 sont malheureusement encore d'actualité. J'avais indiqué à cette tribune la nécessité de mettre en place une véritable politique de santé en Guyane. Je le réaffirme solennellement aujourd'hui : la sécurité sanitaire en Guyane n'est toujours pas assurée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, j'avais, l'an dernier, attiré votre attention sur l'endémie palustre qui ne cesse de se développer dans notre département et sur l'urgence qu'il y avait à combattre ce fléau, principalement en accordant le remboursement des médicaments antipalustres.
Je sais que l'admission au remboursement de ces médicaments suppose une procédure préalable qui met en jeu une commission de la transparence chargée de donner un avis d'ordre technique et un comité économique qui fixe le prix des médicaments.
Or la commission de la transparence a été saisie cet été.
Pourquoi avoir attendu si longtemps, alors que vous m'aviez donné l'assurance l'année dernière à cette même tribune que vous prendriez les dispositions nécessaires pour favoriser l'accès des populations aux traitements ? Combien de temps faudra-t-il encore attendre pour que cet avis soit rendu ? N'oublions pas que le paludisme est toujours aussi préoccupant et que les médicaments ne sont toujours pas remboursés.
Au mois de décembre dernier, une mission de l'IGAS, dont les conclusions sont aujourd'hui connues, s'est rendue en Guyane afin de procéder à un audit sur les centres de santé. Le 6 juin dernier, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer a annoncé à la préfecture de la Guyane l'accord sur le principe de la reprise en main des soins curatifs dans les centres de médecine collective en 1999 et la mise en place d'une mission d'évaluation, comprenant un directeur des hôpitaux et un médecin, pour établir la situation exacte. Pourquoi cette mission ? La décision de la prise en charge des soins curatifs par l'Etat a-t-elle été prise ?
L'année dernière, vous m'aviez également indiqué, ainsi qu'en fait foi le Journal officiel des débats du Sénat, qu'il était envisagé de demander des crédits exceptionnels pour parer au plus pressé en matière de soins curatifs - remplacement des équipements de base, approvisionnement, recrutement et rémunération des personnels. Or, rien n'a été fait jusqu'à présent. Pourquoi ?
Vous conviendrez pourtant avec moi, monsieur le secrétaire d'Etat, que la gravité de la situation sanitaire de la Guyane exige des actions et des financements exceptionnels.
Les structures de médecine collective sont pour certaines dans un état déplorable. L'état de délabrement est indéniable : mauvaises conditions d'hygiène, insuffisance de ventilation dans les salles de soins, pour ne citer que ces exemples. Face à cette situation, les médecins et les infirmières sont découragés et ne demandent surtout pas le renouvellement de leur affectation. Les moyens humains, matériels et budgétaires, mis en exergue dans le rapport Merle, sont très insuffisants et ne peuvent pas répondre aux besoins de la population.
Il est inadmissible et indigne qu'un département français souffre d'une telle déficience de son système de santé.
Malheureusement, la collectivité départementale de la Guyane ne peut plus faire face à ses responsabilités en matière de médecine curative, notamment en raison de la croissance de ses charges d'aide sociale. Toutefois, qu'il me soit permis de rappeler que les transferts financiers n'ont pas suivi les transferts de compétences en la matière, ce qui occasionne un manque à gagner pour cette collectivité d'un montant de plus de 500 millions de francs. En effet, la Guyane est confrontée à une très forte immigration, souvent clandestine, en provenance du Brésil, du Surinam, du Guyana ou d'Haïti.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je terminerai mon propos par une question qui me préoccupe particulièrement.
Compte tenu du nombre de bénéficiaires de thérapies gratuites relevant de la sécurité sociale, une convention a été ratifiée par l'Etat, la DDASS et le département. Cette convention prévoit le reversement par la sécurité sociale au conseil général de la Guyane de sommes gelées depuis plusieurs années. Aujourd'hui, la dette due par la sécurité sociale n'a toujours pas été versée. Or, sans moyen financier, le conseil général ne peut pas poursuivre les importants travaux que nous estimons nécessaires. Monsieur le secrétaire d'Etat, quelles dispositions comptez-vous prendre pour contraindre la sécurité sociale à payer sa dette ?
La situation sanitaire de la Guyane exige des efforts considérables, mais indispensables. Je forme l'espoir que, cette fois-ci, vous m'entendrez et que l'affirmation de votre volonté sera forte et grands les efforts que vous déploierez rapidement pour que la situation sanitaire de la Guyane retrouve une bonne santé.
M. le président. La parole est à M. Neuwirth.
M. Lucien Neuwirth. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le développement des soins palliatifs constitue une sujet essentiel, trop rarement pris en compte par les pouvoirs publics. En France, si l'on excepte les initiatives que nous avons décidées en faveur d'une meilleure prise en charge de la douleur - mais elles débordent très largement le seul cadre de l'accompagnement des mourants - il faut remonter à 1986 pour trouver une circulaire du ministère de la santé « relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades en phase terminale ». Une circulaire fort bien faite, d'ailleurs, et qui a eu quelques effets significatifs. Mais une simple circulaire n'a pas la force d'une loi, qui, elle, exprime une volonte politique.
Or, aujourd'hui, l'état des lieux montre une situation très insuffisante, avec quelque 550 lits de soins palliatifs très inégalement répartis sur l'ensemble de notre territoire - il existe encore des zones entièrement noires - alors que la petite Belgique compte environ 400 lits en unités hospitalières, auxquels il faut ajouter les nombreux lits à domicile grâce aux équipes non hospitalières et aux associations reconnues et financées par l'Etat.
Certes, au cours des deux dernières années, les pouvoirs publics et l'ordre des médecins ont pris conscience de la nécessité de faire évoluer les choses, en agissant principalement en direction des professionnels de santé.
Ainsi, la réforme des études médicales a ajouté les soins palliatifs à la liste des enseignements obligatoires du deuxième cycle, et ils constituent un des thèmes jugés prioritaires devant faire l'objet de séminaires. Mais cette réforme est insuffisamment appliquée par l'ensemble des facultés de médecine.
De son côté, l'ordre des médecins a accepté d'entreprendre une oeuvre salutaire en modifiant profondément le code de déontologie des médecins. Ses articles 37 et 38, en particulier, disposent désormais que « le médecin doit, en toutes circonstances, s'efforcer de soulager les souffrances, assister moralement le malade et éviter toute obstination déraisonnable. Le médecin doit aussi » - c'est un point sur lequel j'attire l'attention parce qu'il répond à certaines impatiences - « accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et des mesures appropriées la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage. »
Toutefois, de nombreux obstacles demeurent. Je crois ainsi que les blocages qui freinent le développement des soins palliatifs sont tout à la fois de nature réglementaire et de nature culturelle. Il faut également tenir compte de l'insuffisance - pour ne pas dire de l'inexistence, actuellement - des crédits budgétaires.
Je ne chercherai pas à hiérarchiser ces obstacles. Il me semble que seule une action coordonnée dans ces trois domaines est susceptible de faire évoluer les choses.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je suis favorable, comme l'ensemble des sénateurs de toutes tendances du groupe d'études de la commission des affaires sociales du Sénat, à ce que le Parlement soit appelé à réfléchir rapidement à la définition d'une véritable politique de développement des soins palliatifs. Celle-ci pourrait notamment avoir sa place dans la perspective d'une politique globale de la santé publique et du droit des malades.
La Belgique a su le faire. Dès le 19 août 1991, un arrêté royal relatif au financement des soins palliatifs faisait allusion à « l'aide et l'assistance pluridisciplinaire qui sont dispensées à domicile, dans un hébergement non hospitalier » - on pense aux maisons de personnes âgées - « ou dans un hôpital afin de rencontrer globalement les besoins physiques, psychiques et spirituels des patients durant la phase terminale de leur maladie et qui contribuent à la préservation d'une qualité de vie ».
La loi belge du 21 décembre 1994 instituait le droit pour tout travailleur du secteur public ou privé d'interrompre pour deux mois sa carrière pour se consacrer aux soins palliatifs d'un proche souffrant d'une maladie incurable par des congés à temps partiel ou par d'autres moyens.
Bref, dans toute l'Europe, les exemples ne manquent pas. Je ne parlerai pas de la Grande-Bretagne, qui fut naturellement pionnière en la matière. Tout le monde connaît l'hôpital Saint-Christopher.
Je pense aussi qu'il faut définir un statut de bénévole en santé et prévoir des formations appropriées. Les bénévoles jouent un rôle essentiel dans le domaine des soins palliatifs, et il n'est pas près de diminuer. Il faut donc que ces bénévoles bénéficient, pour mieux assumer leur mission et aussi en contrepartie de cette mission, de divers avantages et d'une formation appropriée, car les bénévoles aussi doivent être formés. Mais, à la base de tout, il faut inscrire les soins palliatifs dans la loi, prévoir, comme nous l'avons fait pour la douleur, que les projets d'établissement des hôpitaux ne peuvent pas continuer à rester muets sur la question de la gestion et de l'accompagnement de la fin de vie.
Je crois beaucoup aussi à l'action des réseaux ville-hôpital, dont il faut favoriser l'émergence, le fonctionnement et la coordination en prévoyant des tarifications forfaitisées, sortant du paiement à l'acte. Rien ne serait pire que la multiplication de structures spécialisées apparaissant comme des mouroirs, le départ d'un malade vers de telles structures étant nécessairement vécu comme un abandon ou une rélégation, une antichambre de la mort. Il convient autant que possible de faciliter le maintien à domicile - 30 % des décès ont encore lieu à domicile - ou dans des structures d'hospitalisation classique, car c'est au sein même de ces établissements publics ou privés que l'on doit trouver une place appropriée pour les personnes en fin de vie : autrement dit, des lits de fin de vie. Enfin, les procédures d'accréditation des établissements devraient prendre en considération, dans l'appréciation de la qualité des soins, la question de l'accompagnement de la fin de vie. Il faut cesser de considérer la mort comme le signe d'un échec de la médecine qui doit être caché, refoulé, non assumé, alors qu'il s'agit d'un événement inéluctable pour chacun d'entre nous.
Vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d'Etat, un plan en faveur du développement des soins palliatifs et un autre pour améliorer la prise en charge de la douleur. C'est bien. Mais je suis au regret de constater qu'aucun crédit budgétaire n'est prévu à ce titre, à l'exception de 400 000 francs que vous comptez utiliser pour financer un didacticiel sur la douleur.
Certes, il n'y a pas que les crédits budgétaires, et l'assurance maladie consacrera 100 millions de francs aux soins palliatifs. Mais nous souhaiterions avoir la certitude que cette somme sera bien engagée ! Pour faire quoi cependant, et comment ?
Il nous faut constater, monsieur le secrétaire d'Etat, que tout cela n'est pas à la hauteur de l'enjeu, compte tenu de la situation qui se présente aujourd'hui.
Mieux que quiconque, parce qu'en d'autres temps, en d'autres lieux, vous avez été sur le terrain, vous savez que là où il n'y a pas de volonté politique exprimée par la loi, soutenue par des engagements financiers, il n'y a rien à attendre que déception et rancoeur.
Comme il l'a fait pour la prise en charge de la douleur, dans laquelle il s'est engagé totalement, le Sénat souhaite, dans le domaine des soins palliatifs et d'accompagnement, accomplir le pas décisif qui reste à faire. Le budget de l'Etat sera-t-il prêt à suivre cette voie ? Nous l'espérons. Pour l'instant, telle est la question. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, un bon budget, n'est pas forcément un budget en forte progression. Nous le savons tous bien.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, nombre des crédits discutés que vous nous présentez aujourd'hui pour l'année 1999 risquent, en réalité, de ne pas être à la hauteur des problèmes rencontrés, et je le regrette.
En effet, c'est un budget global pour la solidarité et la santé sans réelle ambition que vous nous demandez de cautionner. De plus, ainsi que l'a indiqué très justement M. Jacques Oudin, rapporteur spécial, il est peu lisible.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais davantage de rigueur budgétaire pour le budget de la solidarité, sans diminution de son efficacité, et davantage de moyens pour le budget de la santé.
Les options budgétaires que vous avez retenues pour cette année représentent 650 millions de francs de mesures nouvelles, qui vont être consacrées à la réalisation du dispositif voté l'année dernière, dont 157 millions de francs au titre de son volet sanitaire, 434 millions de francs au titre des interventions sociales et 59 millions de francs en moyens de fonctionnement.
La réalité des efforts engagés par le Gouvernement, dans une approche globale, et par votre ministère, dans une approche spécifique, impose donc une « critique constructive » de ma part.
Ainsi, le budget consacré à la solidarité connaît, pour l'année 1999, une augmentation de 4,73 % plus importante que celle du budget général et des dépenses d'intervention, ce qui n'est pas la caractéristique d'une politique de rigueur budgétaire.
Ainsi que l'a indiqué notre collègue M. Philippe Marini dans son excellent rapport, il convient de « dépenser mieux », afin d'offrir plus de prestations et de les répartir plus équitablement à niveau budgétaire constant, sans pour autant « dépenser plus » dans un secteur où les contrôles affectés aux dispositifs mis en place - je pense tout particulièrement au RMI - sont aujourd'hui insuffisants.
Ainsi, c'est en toute tristesse que nous devons constater l'évolution des chiffres du dispositif du RMI.
Créé voilà maintenant dix ans, il accueille aujourd'hui plus d'un million d'allocataires et il conserve plus de 10 % de bénéficiaires de la « première heure ». Je souhaiterais, comme nombre de mes collègues, sans remettre pour autant le dispositif en cause, qu'un toilettage du RMI soit opéré.
Je citerai à cet égard trois cas concrets.
Tout d'abord - c'est le premier cas - est-il logique qu'un jeune de vingt-cinq ans, détenteur d'un diplôme supérieur - de type ingénieur - issu d'une famille aisée, puisse toucher le RMI au motif qu'il affirme ne percevoir aucune ressource de sa famille ? Nous connaissons tous, nous élus locaux, des abus qui représentent probablement un pourcentage non négligeable des bénéficiaires et dont la suppression permettrait, avec des contrôles plus efficaces, de ne plus favoriser des personnes qui le sont déjà, et ce au détriment de celles qu'on pourrait prendre davantage en compte. Cet exemple volontairement un peu fort n'a pour effet que d'insister sur la nécessité d'une rigueur accrue dans l'attribution du RMI.
Je citerai également, c'est le deuxième cas, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion qui omettent de déclarer des ressources annexes, ou qui vivent maritalement avec une personne aux ressources importantes et qui ne le déclarent pas.
Troisième cas enfin, est-il logique, alors que les budgets d'insertion des départements ont doublé en cinq ans, que l'insertion reste encore très insuffisante, puisque seulement 25 % des allocataires du RMI retrouvent un travail ?
L'ouverture du dispositif sur le monde du travail doit par conséquent être fortifiée, ainsi que l'a été le contrat social en entreprise que le département de la Vendée a mis en place dès 1994.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. C'est un bon conseil général.
M. Philippe Darniche. En ce qui concerne les autres dispositifs de votre budget de solidarité, je me permets d'attirer votre attention sur la situation de nos départements, qui sont insuffisamment dotés de maisons d'accueil spécialisées, en particulier de nos départements les plus ruraux. Je sais que des efforts sont prévus dans le projet de budget.
Par ailleurs, j'ai bien noté l'action entreprise par votre gouvernement en direction des centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, et de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH. Je ne peux qu'adhérer à cette orientation encourageante.
Toutefois, se pose l'épineux problème des personnes handicapées vieillissantes, qui ne peuvent trouver une place dans les foyers logement traditionnels et qui n'ont plus de place dans les foyers à double tarification. Il est urgent de trouver, tous ensemble, une solution à cette difficulté grandissante et inquiétante.
Quant aux centres d'aide par le travail, les CAT, avec près de 2 000 places nouvelles, comme l'année dernière - l'offre est portée à près de 90 000 places en 1999 -, l'effort est certes appréciable mais il reste insuffisant, car chaque département se verrait doté seulement de vingt places supplémentaires alors que leur déficit est de plusieurs centaines de places.
Votre projet de budget pour la santé, quant à lui, affirme des priorités et des choix budgétaires souvent contradictoires avec les objectifs retenus par le Gouvernement.
Les grandes orientations budgétaires de la santé pour 1999 ne progressent pas, et c'est inquiétant. En effet, le budget affecté à la politique de santé publique s'élève à 3,79 milliards de francs, soit une progression, presque nulle, de 0,2 %. Cela me semble notoirement insuffisant.
La lutte contre les fléaux sanitaires connaît une progression notable mais la répartition des crédits reste très inégale.
J'adhère totalement au fait que des dotations aient été attribuées aux agences de veille et de sécurité sanitaires des produits de santé, des aliments et des produits destinés à l'homme. Avec une progression de plus de 3 %, ces crédits affectés à la lutte contre les fléaux sanitaires dans notre pays démontrent un effort certain en la matière. C'est une bonne chose.
Malheureusement, le budget de lutte contre la toxicomanie, même s'il fait l'objet de l'effort le plus important du budget de la santé, voit ses crédits régresser légèrement et, avec une enveloppe de près de 1 milliard de francs, ils demeurent insuffisants.
Les crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue baissent de 20 %, ce qui illustre le fait que les moyens alloués à la politique de prévention sont désespérément insuffisants.
Ainsi, je regrette profondément, comme mes prédécesseurs à cette tribune, que le plan triennal de lutte contre la toxicomanie, annoncé par le Gouvernement dès son entrée en fonctions, n'ait pas encore vu le jour. Sa mise en place s'avère indispensable et les attentes, sur le plan local, demeurent nombreuses.
Il est ici nécessaire de rappeler que les saisies de drogues par les services des douanes françaises ne cessent d'augmenter - battant chaque mois le record du mois précédent - et que l'offensive des trafiquants de drogues n'a pour unique destination et pour cible ultime que la population - fortement influençable - de nos jeunes en milieu urbain.
Les seuls moyens matériels et financiers de lutte contre les trafics de stupéfiants accordés aux services des douanes restent certainement insuffisants et ne serviront à rien au regard de la trop grande insuffisance du volet « prévention » de la lutte contre la toxicomanie.
De même, avec une diminution de plus de 50 %, les crédits affectés à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme sont notoirement faibles et sans réel rapport avec l'ampleur du fléau social et sanitaire, ce qui ne permet pas de développer une politique de prévention efficace et durable.
Je tiens à rappeler cette spécificité actuelle et fort préoccupante du tabagisme dans notre pays, à savoir son inquiétante progression chez les jeunes filles, qui, dans les cours de collèges et de lycées, fument plus que les garçons.
Ce tabagisme, si la prévention n'est pas durablement renforcée, fournira les contingents à venir de malades atteints de maladies coronariennes et de cancers. J'émets le voeu que soit enfin élaboré, pour l'an 2000, un plan d'action gouvernemental digne de ce nom afin de lutter contre ce fléau sanitaire et social qui atteint particulièrement les jeunes.
Pour résumer, monsieur le secrétaire d'Etat, les crédits de santé pour 1999 me paraissent tout de même réduits à la portion congrue.
Leur augmentation par rapport à 1998, qui est insuffisante, laisse en suspens un certain nombre de questions malgré les efforts concernant l'informatisation du système de santé, l'extension géographique de SESAM Vitale, l'état d'avancement de la mise en place du fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers et au fonctionnement de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES. Celle-ci reste insuffisamment dotée, en dépit de l'accroissement des missions qui lui sont confiées et de l'urgence d'une véritable évaluation des établissements de santé dans notre pays.
En ce qui concerne le secteur hospitalier, bien que je regrette que les crédits du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux soient si faibles au regard des besoins, je tiens surtout à vous faire savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, que, sur le terrain, il n'y a pas plus attristant que d'être hospitalisé dans des établissements aux techniques modernes de soins, mais dont les locaux demeurent désespérément inadaptés.
Pour conclure, je tiens à remercier M. le rapporteur pour la clarté de ses analyses et la force de ses propositions sur un projet de budget qui témoigne, à mes yeux, de la faiblesse des moyens consacrés à la politique de solidarité et de santé publique dans notre pays.
M'alignant sur les conclusions des rapporteurs, MM. Jean Chérioux, Louis Boyer et Jacques Oudin, je souhaite que les aménagements nécessaires que j'ai énoncés soient pris en compte. C'est la raison pour laquelle je voterai, en toute sagesse, avec la majorité de mes collègues non inscrits, les amendements de la commission sur ce projet de budget. (MM. les rapporteurs applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. M. le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec près de 80 milliards de francs de crédits pour 1999, le projet de budget de la santé et de la solidarité porte, cette année encore, l'affirmation de la priorité de l'action contre l'exclusion et les difficultés sanitaires d'une grande partie de nos concitoyens.
On peut dire à l'inverse que ce projet de budget de la santé et de la solidarité est profondément marqué par la persistance de difficultés sociales majeures que la reprise économique actuelle n'a pas encore permis de résoudre.
Les seules dépenses liées au RMI - 26,4 milliards de francs - à l'allocation de parent isolé - 4,233 milliards de francs - et à l'allocation aux adultes handicapés - 24,569 milliards de francs - en mobilisent la majeure partie, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de questions.
Loin de nous l'idée que, comme le suggèrent certains ici, ces sommes seraient mal utilisées et que l'attribution des allocations concernées ferait l'objet de nombreuses fraudes qu'il conviendrait de pourchasser.
Nous devons plutôt, de notre point de vue, considérer ces réalités comme le rappel de la lutte tenace que nous devons mener chaque jour, avec pugnacité, contre la fracture sociale.
Pouvons-nous moralement accepter que, à moins de quinze mois de l'an 2000, 10 % des ménages de notre pays vivent au-dessous du seuil de pauvreté, qui est de 3 800 francs mensuels, et que 6 millions de personnes relèvent des minima sociaux ?
La solution consistant à faire supporter à la solidarité nationale les conséquences de l'absence de réponse aux besoins en matière de travail, de respect et de dignité qu'expriment aujourd'hui les exclus ne peut et ne doit perdurer. C'est là-dessus que nous nous sommes engagés, et c'est une nouvelle fois ce que disent les milliers de chômeurs, dans la rue aujourd'hui même.
Le RMI, qui devait être éphémère, a dix ans.
Et, depuis, les riches se sont enrichis et le nombre de ceux qui reçoivent le RMI est toujours supérieur à un million.
Dès lors, quand la commission des finances propose de diminuer les crédits, je dis : Non ! s'il vous plaît !
Un peu d'espoir tout de même, que l'on peut mettre au crédit du Gouvernement. D'abord, la profession en nombre ralentit. Ensuite, je salue la publication du décret permettant le cumul temporaire entre un minimum social et un emploi qui doit favoriser une insertion toujours difficile et incertaine.
En revanche, le relèvement significatif attendu des minima sociaux n'est pas au rendez-vous. Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous y tenons, parce que ce serait un signe fort de justice sociale.
Près de 17 milliards de francs de rentrées fiscales supplémentaires ont été générées en 1998 grâce au regain de la croissance. Pourquoi ne pas utiliser cet argent pour répondre aux situations d'urgences dans lesquelles sont les sans-abri et les chômeurs ? Ne serait-ce pas un juste retour des choses quand on sait que 80 milliards de francs d'exonération de charges sociales patronales sont dépensés sans contrepartie pour l'emploi ?
Cette revalorisation des minima sociaux devrait s'accompagner d'une réforme d'ensemble de ces mêmes minima et de l'assurance chômage, afin que le chômage induit par la précarité extrême des emplois soit indemnisé par l'assurance et qu'aucun bénéficaire ne vive avec des ressources inférieures au seuil de pauvreté.
En ce qui concerne l'aide d'urgence, j'approuve les procédures administratives simplifiées mises en place par le Gouvernement. En revanche, il serait souhaitable que les fonds sociaux soient rapatriés à l'UNEDIC et aux ASSEDIC dans un souci de transparence. En effet, depuis le 2 juillet 1997, les fonds sociaux de l'UNEDIC sont répartis auprès des différents organismes et échappent ainsi au contrôle des représentants syndicaux.
En outre, l'approche des fêtes de Noël et de fin d'année en rappelle l'urgence, il est nécessaire de réabonder ces fonds. Aujourd'hui, à Paris, la réponse des ASSEDIC, c'est de fermer leurs portes, pour éviter d'êtres prises d'assaut !
Les crédits de santé traduisent les priorités nouvelles de cette année, puisque l'essentiel de leur progression concerne l'application de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et la réorganisation de la sécurité sanitaire.
L'engagement budgétaire pour les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, les PRAPS, est important, mais il faut souligner tout de même qu'une partie est financée par le regroupement de crédits déjà existants.
J'apprécie les dépenses liées à la prévention du saturnisme, à la lutte contre la toxicomanie, ou encore à la mise en place de consultations d'alcoologie dans les CHRS.
Concernant les CHRS, qui s'impliquent au quotidien dans la réponse à l'urgence, je prends acte de la création de cinq cents places nouvelles. Toutefois, les besoins en places supplémentaires sont de 15 000 sur cinq ans, et non pas sur quelques décennies !
Instaurer des taux directeurs qui encadreront de manière drastique les établissements sociaux et médico-sociaux, comme le veulent certains ici, est tout à fait inquiétant.
Je voudrais faire quelques remarques qui touchent à la prévention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez souvent eu l'occasion de dire que notre système de santé a été longtemps caractérisé par une approche très curative et faiblement préventive, alors que l'efficacité de la prévention est unanimement reconnue, mais en paroles seulement !
Vous affirmez la volonté d'une réorientation vers la prévention, et j'y suis évidemment très favorable. Mais il faut mesurer le chemin à parcourir quand on constate que les crédits actuels consacrés à la prévention sont très modestes dans ce projet de budget et que les différents dispositifs de prévention en dehors de ce budget restent « en panne » alors qu'ils ont déjà été tellement mis à mal précédemment.
Une véritable politique de prévention suppose un renforcement, voire une reconstruction des structures existantes, notamment de la médecine du travail, dont l'insuffisance et les besoins ont été pointés récemment par un rapport parlementaire, et de la médecine scolaire. Cette dernière doit participer à la mise en place d'un véritable système sanitaire et social qui assure le droit à la santé de tous les enfants, droit affirmé par l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Il faut renforcer à cet effet significativement les équipes de médecins scolaires, de psychologues, de conseillers d'orientation, d'infirmières, d'assistances sociales, car le suivi des enfants est un tout.
Quelques mots sur la toxicomanie.
J'ai déjà eu l'occasion de l'affirmer ici : il y a lieu de développer auprès des toxicomanes une multiplicité de réponses de soins et de soutiens correspondants à la diversité de leurs situations et des types de toxicomanie, et cela dans le cadre global de la protection sociale.
Force est de constater que les structures médicales pour des désintoxications ou des thérapies lourdes ne prennent pas suffisamment en compte le problème des jeunes, particulièrement des adolescents. Il s'agit non pas de se focaliser de manière sécuritaire et inefficace sur une éventuelle toxicomanie des mineurs au moyen d'une surveillance et d'un suivi à la trace, mais de mener une réflexion en vue de mettre à la disposition de ces derniers des structures repensées qui leur évitent de basculer dans une toxicomanie durable une fois adulte.
Notre pays n'est pas en avance dans la prise en charge de ce fléau. Ne pourrait-on pas réfléchir à la façon de rendre possible, en plus de l'augmentation des moyens des dispositifs existants, une réintégration sociale des toxicomanes qui prenne en compte leur problématique personnelle et qui - les expériences sur le terrain et les exemples à l'étranger le prouvent - provoque à plus ou moins longue échéance une libre demande de soins ?
Concernant le saturnisme, j'apprécie, je l'ai dit, les moyens supplémentaires débloqués. Mais la présence de plomb dans le sang peut, au-delà des situations les plus dramatiques, qu'il faut traiter de manière rapide et définitive, avoir des conséquences graves, en particulier sur les facultés intellectuelles d'un nombre important d'enfants, comme l'a démontré une étude publiée par l'INSERM. Il s'agit donc de prendre des mesures concrètes, concertées, permettant de dépister plus largement qu'aujourd'hui les risques, qui sont plus fréquents qu'il n'y paraît.
Quelques mots sur le sida, trois jours après la journée mondiale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, notre pays s'honore, par votre intermédiaire, d'avoir proposé la création d'un fonds thérapeutique mondial. J'espère que vous mènerez ce combat à son terme, sur les plans tant européen qu'international.
En France, les crédits sont en augmentation, mais le périmètre est élargi et il ne faudrait pas que l'extension à la lutte contre les épidémies et les maladies transmissibles cachent une diminution des moyens spécifiques pour le sida.
Vous le savez, les progrès thérapeutiques - dont on ne peut que se réjouir - ont eu des effets démobilisateurs sur le financement privé de la lutte contre le sida et sur la prévention, qu'il s'agisse de l'information ou de la protection.
La nécessité de moyens publics n'en devient que plus criante. Je propose que l'ensemble des dispositifs de prévention soit réévalué. Par ailleurs, les progrès médicaux nous obligent à repenser le suivi des malades, leur réinsertion professionnelle, qu'il faut pouvoir concilier avec un traitement lourd, chacun le sait.
Un cumul partiel entre l'allocation aux adultes handicapés et un salaire devrait pouvoir être envisagé.
Un mot sur l'hôpital Pasteur de Paris, aujourd'hui menacé de fermeture. Depuis quelques années, ses crédits sont revus à la baisse. Les raisons invoquées sont, précisément, l'avènement des nouveaux traitements du sida, qui font baisser les taux d'occupation des lits.
Il me semble que le constat fait aujourd'hui sur les traitements devrait conduire à préserver des structures comme celle de Pasteur. Un projet d'établissement visant à diversifier les activités de l'hôpital pour en faire un pôle de recherche clinique a été soumis à l'Agence régionale de l'hôspitalisation. Les moyens financiers et humains nécessaires à ce projet devraient être assurés.
La mise en oeuvre d'une véritable politique sanitaire et sociale suppose également un système hospitalier en bon état. Or la situation actuelle est préoccupante, j'ai déjà eu l'occasion de le dire. La très faible augmentation de 1,17 % pour les établissements franciliens, cette année, en est une illustration. Elle posera des problèmes nouveaux.
Permettez-moi également, même si cela ne concerne pas complètement ce budget, d'évoquer l'état de santé des détenus dans les prisons, qui est préoccupant : les cas de tuberculose et de VIH sont dix fois plus élevés chez les prisonniers que dans le reste de la population.
Des progrès ont été faits, mais une attention plus grande devrait être portée au suivi des sortants de prison et à la situation de leur famille.
Enfin, ce budget traduit un effort évident pour améliorer les moyens des services sanitaires et sociaux.
Je salue le travail admirable effectué par les fonctionnaires de ces secteurs, et je le dis à l'intention de ceux qui voudraient réduire leur nombre !
Un effort plus important devrait néanmoins être fait pour la formation des professions médicales et paramédicales. En effet, la stabilité des crédits pour 1999 ne permet pas d'assurer cette formation ; les difficultés auxquelles sont confrontés nos établissements et le recours croissant au financement des familles vont s'aggravant.
Le Gouvernement a redonné l'espoir - notamment lors des débats qui ont accompagné la loi relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, la loi sur les trente-cinq heures et la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions - que tous les efforts convergeront par l'emploi, par les salaires, par la politique sanitaire et sociale, pour dépasser la misère de l'assistance et pour instaurer des droits égaux pour tous les citoyens. Cet espoir ne doit pas être déçu.
J'ajoute que, bien entendu, je voterai contre les amendements de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Le projet de budget de la santé pour 1999, dont on nous a rappelé qu'à structures constantes il progressait de 3,6 %, continue de traduire la forte priorité que le Gouvernement accorde à l'action que vous menez avec Mme Aubry.
Cette forte priorité s'exprime, cette année, tout d'abord autour de la mise en oeuvre des trois initiatives législatives qui auront marqué l'activité du Parlement cette année : le renforcement de la sécurité sanitaire, l'organisation de notre système de soins, à travers la loi de financement, et la lutte contre l'exclusion.
En ce qui concerne le renforcement de la sécurité sanitaire, je me bornerai à constater avec satisfaction que ce projet de budget donne les moyens de fonctionner aux nouvelles structures qui découlent de ce texte de loi, à savoir l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments et l'Institut de veille sanitaire.
Au-delà de l'allocation de ces moyens nouveaux, qui sont le gage d'une mise en oeuvre effective et rapide de la réforme récemment votée par le Parlement, je souhaite toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous précisiez la date de la mise en place de ces nouveaux établissements publics et l'état d'avancement des textes réglementaires d'application de la loi.
J'insiste sur ce point, car j'aimerais bien que vous puissiez m'apporter les réponses que je suis en droit d'attendre.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Vous pouvez compter sur moi !
M. François Autain. Je ne peux que répéter ici, à cet égard, mon regret que la loi sur les thérapies génique et cellulaire ne soit toujours pas appliquée.
Le deuxième axe de la politique gouvernementale concerne l'organisation de notre système de soins. Les crédits correspondants sont de l'ordre de 1,6 milliard de francs.
Ils sont destinés d'abord aux investissements d'équipement sanitaire, et donc à la nécessaire modernisation de nos hôpitaux. Ils sont destinés aussi au service d'aide médicale urgente, dont, après beaucoup d'autres, je crains la diminution des moyens. Ils vont, enfin - et vous me permettez d'insister davantage sur ce point dès lors que, d'une certaine manière, cette institution s'inscrit aussi dans notre politique de sécurité sanitaire -, à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé.
Instituée par l'ordonnance du 24 avril 1996, cette institution s'inscrit dans la mission de sécurité sanitaire puisqu'elle est chargée d'évaluer et de valider les pratiques médicales. Elle constitue en cela le quatrième pilier de notre réforme. Mais elle s'inscrit aussi dans la mission d'amélioration de l'efficacité de notre système de soins, puisqu'elle est chargée de mettre en oeuvre la procédure d'accréditation des établissements de santé, publics ou privés.
On peut regretter qu'au moment où l'agence ambitionne de développer sa première mission et doit supporter la mise en oeuvre de la seconde ses crédits ne soient pas davantage accrus. Il convient de rappeler toutefois les moyens nouveaux mis à sa disposition dès l'an dernier et permettant ainsi d'accélérer le calendrier de sa mise en place par rapport à ce qui avait été initialement prévu.
Vous me permettrez, à cette occasion, de souligner la qualité du travail accompli par les dirigeants de l'agence. Siègent aujourd'hui au cabinet de Mme le ministre certains de ceux qui ont contribué au premier chef à la mise en place de l'Agence du médicament. Que tous soient remerciés pour leur action.
Le Sénat a pris sa part dans ces initiatives, part, je dois le dire sans fausse modestie, décisive. Il continue d'ailleurs, vous me permettrez cette diversion, à porter une attention particulière à ces sujets.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. François Autain. Il a montré récemment, à travers la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, tout l'intérêt qu'il porte, par une politique industrielle appropriée, au développement de la recherche dans le domaine du médicament. Il est regrettable que certains aient voulu voir dans cet intérêt d'autres objectifs que ceux de la santé publique et de la protection sanitaire de nos concitoyens.
Pour revenir à mon sujet, j'en viens au troisième axe, qui s'est traduit, cette année aussi, par des mesures législatives, et Dieu sait qu'elles sont importantes : la lutte contre l'exclusion.
C'est en application de l'article 67 de la loi d'orientation que, pour permettre l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies, il a été décidé de créer des programmes régionaux. Vous aviez promis 250 millions de francs à ce titre : vous les avez effectivement inscrits. Les engagements ont donc été tenus, même si l'on peut regretter que ces moyens ne soient pas plus importants.
A cet égard, je reprends à mon compte les craintes exprimées par certains de mes collègues dont l'attention a été attirée par la Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale sur les moyens trop limités qui sont consacrés aux dispositifs d'urgence sociale. A ces trois priorités s'ajoute évidemment la poursuite des actions traditionnelles de votre ministère. Je pense ici, en premier lieu, aux crédits consacrés à la lutte contre les fléaux sanitaires, qui progressent, à structures constantes, de 2,9 %.
La lutte contre les toxicomanies devrait se trouver sensiblement améliorée par la réorganisation de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont les compétences ont été, en outre, élargies à l'alcool et au tabac. Les affaires les plus récentes montrent en effet les liens qui s'établissent entre toutes les dépendances et la nécessité d'une stratégie commune.
S'agissant de la lutte contre le tabac, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire hier, monsieur le secrétaire d'Etat, que j'approuvais vos choix ; je n'y reviens donc pas.
J'aborderai maintenant la lutte contre les maladies transmissibles, dont les crédits progressent globalement de plus de 10 %, traduisant ainsi les efforts particuliers développés contre le sida et contre l'hépatite C.
S'agissant du sida, la progression du nombre de cas diminue chaque année davantage et le nombre de décès chute. Nous devons rester très vigilants. Ces résultats n'auraient pas pu être obtenus sans la mise en oeuvre des moyens budgétaires et de ceux de l'assurance maladie. Il nous faut poursuivre notre effort.
C'est la même démarche qui vous anime dans la lutte contre l'hépatite C. Le niveau de contamination est considérable. Les personnes malades sont aujourd'hui de 4 000 à 5 000, et nous savons que 20 % d'entre elles souffriront d'affections chroniques ou seront atteintes de maladies mortelles. Les moyens ouverts sont heureusement à la hauteur des besoins. Il reste encore à accentuer notre politique de dépistage anonyme et gratuit, qu'il s'agisse de l'hépatite C ou du sida.
Vous allez voir que je ne change pas complètement de sujet en évoquant les étudiants en chirurgie-dentaire. Vos relations avec eux, monsieur le secrétaire d'Etat, selon les informations dont je dispose, ne paraissent pas meilleures que celles que vous entretenez actuellement avec leurs aînés. Certains d'entre eux sont d'ores et déjà en grève illimitée et toutes les facultés de chirurgie-dentaire devraient rejoindre ce mouvement dès lundi prochain.
Les motifs de cette grève sont divers, qu'il s'agisse des craintes que leur inspire la dévalorisation de leur profession, de leur revendication d'uniformisation de leurs études, de leur droit d'exercice en sixième année ou de la gratuité des études.
Mais il est une revendication sur laquelle je tiens à insister ici parce qu'elle est directement en rapport avec le thème dont je viens de traiter : ils souhaitent obtenir le statut hospitalier au motif particulier qu'ils s'estiment sans protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, notamment contre les risques de transmission du sida ou de l'hépatite C.
Pensez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'ils puissent espérer obtenir un jour ce statut ?
Telles sont les remarques d'ensemble que je souhaitais formuler aujourd'hui sur votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je voudrais en venir, pour finir, à deux ultimes préoccupations.
Il est des sujets, monsieur le secrétaire d'Etat, qui plaisent à la presse, vous le savez : la lutte contre la douleur et aussi, depuis quelque temps, les soins palliatifs. Ces sujets plaisent à la presse, certes, mais ils sont importants, voire essentiels. Telle est la raison pour laquelle notre assemblée, derrière mon ancien collègue questeur Lucien Neuwirth, qui vient de les évoquer longuement et brillamment, et à qui je rends hommage aujourd'hui, s'y intéresse depuis longtemps.
C'est en effet dès 1994 qu'a été créée ici une mission d'information sur la douleur. Le secrétaire d'Etat à la santé de l'époque, M. Douste-Blazy, avait flatté son image personnelle, ce dont il a d'ailleurs l'habitude, en faisant presque aussitôt siennes, au point de nous en déposséder, nos propositions. Tous ses successeurs, oserai-je dire jusqu'à vous, monsieur le secrétaire d'Etat, ont fait de même.
Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui de la suppression des carnets à souche, proposition faite en 1994 et qui n'a toujours pas été mise en oeuvre. On nous dit que l'échéance est proche... Je ne peux que féliciter Lucien Neuwirth pour son obstination ! Que dire, en revanche, de l'action de l'Etat ?
Puisque vous avez choisi de vous impliquer aussi dans ce sujet, monsieur le secrétaire d'Etat, et de l'intégrer dans une réflexion sur les soins palliatifs, faites-nous le plaisir d'agir comme vous le promettez au lendemain de ces conférences de presse toujours gratifiantes pour ceux qui les organisent, mais vaines quand elles ne sont pas suivies d'effet.
En matière de santé publique plus qu'en tout autre, il importe, pour sa crédibilité, que le décideur public dise ce qu'il fait et, plus encore, qu'il fasse ce qu'il dit.
Je crois d'ailleurs que c'était l'un des points les plus importants du programme de l'actuel Premier ministre.
Je sais que nous pouvons compter sur vous plus que sur tout autre pour adopter cette ligne de conduite. Vous pouvez compter sur nous pour vous y aider.
Je voudrais également vous adresser, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi qu'à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité, que vous représentez, et à tous vos collaborateurs, mes compliments.
Certes, la loi de financement de la sécurité sociale permet désormais, par la clarté des choix que vous nous avez proposés, de rendre plus lisible notre politique de protection sociale pour ses bénéficiaires et, mieux encore, pour ses acteurs.
Il reste que les moyens administratifs qui vous sont donnés pour accomplir ce travail sont sollicités au-delà de ce qui paraît quelquefois raisonnable.
Je rends hommage aux directions de votre ministère qui, dès le printemps, sont engagés dans une entreprise qui ne s'achève qu'au plus tôt au mois de février. Autant dire qu'elle les occupe toute l'année. Je ne partage nullement les critiques formulées par M. Jacques Oudin sur les solutions auxquelles vous devez recourir,...
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Critiques pertinentes !
M. François Autain. ... comme vos prédécesseurs, pour renforcer vos moyens en personnel.
Je souhaite simplement que l'on entende mieux, s'il se peut, quai de Bercy, les préoccupations que vous exprimez sûrement à cet égard. La conduite de notre politique sanitaire et sociale, l'importance des enjeux financiers méritent mieux que les moyens logistiques qui y sont consacrés.
Voilà donc, monsieur le secrétaire d'Etat, les deux remarques particulières que je voulais faire.
J'en oublierais presque, avant de terminer mon intervention, de dire l'essentiel : nous voterons évidemment les crédits qui vous sont attribués pour 1999 si, toutefois, la majorité sénatoriale ne les défigure pas comme elle en a maintenant pris l'habitude. Malheureusement, après avoir examiné les amendements que la commission des finances a déposés, je crains que nous ne soyons une fois de plus amenés à voter contre ces crédits tels qu'ils nous seront finalement soumis. (M. Neuwirth applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention sur le budget de la santé et de la solidarité revêt cette année une importance particulière, car nous nous apprêtons à fêter le vingtième anniversaire de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger.
C'est une étape essentielle, qui doit nous permettre de dresser le bilan des mesures prises à l'égard des Français de l'étranger depuis les travaux de la commission Bettencourt en 1975 et de réfléchir aux améliorations que nous pouvons leur apporter.
Aussi, je me félicite qu'une mission de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, ait lieu en ce moment-même : l'analyse et les réflexions que ce grand corps de l'Etat fera sur la caisse des Français de l'étranger seront importantes pour le futur.
Les administrateurs et la direction de la caisse, qui ont rencontré comme moi-même les deux inspecteurs de l'IGAS chargés de cette mission, attendent avec intérêt le rapport qu'ils devraient vous remettre dans les prochains jours, et nous espérons tous disposer des premiers éléments de cette analyse au cours du conseil d'administration de notre caisse, qui se réunira à Rubelles les 14 et 15 de ce mois.
Sans préjuger les conclusions de ce rapport, je voudrais vous rappeler en quelques mots, ayant suivi le processus d'élaboration de la couverture sociale des Français expatriés et de création de la caisse des Français de l'étranger, que c'est à la demande des entreprises françaises qui envoient du personnel à l'étranger que ce système a été mis en place. Auparavant, n'existait que le détachement limité dans le temps, très onéreux, ce qui pénalisait d'autant l'expatriation française et, par conséquent, notre présence sur les marchés internationaux.
C'est dans cette perspective que furent pris les premiers textes : la loi du 31 décembre 1976, qui institua la possibilité pour les seuls salariés expatriés de s'assurer volontairement pour les risques maladie et accident du travail auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne et dont les décrets d'application ne furent promulgués qu'en 1978, voilà donc vingt ans ; ce fut ensuite la loi du 16 janvier 1979, qui permit aux salariés, seuls visés là encore, de s'assurer contre le chômage.
En tant que représentant de nos compatriotes installés à l'étranger, il m'a alors paru juste et souhaitable que les Français de l'étranger qui n'étaient pas salariés puissent également bénéficier d'une couverture sociale. Je fus donc à l'origine de la loi du 27 juin 1980 qui étendit aux non-salariés et aux retraités cette faculté.
L'une des étapes marquantes fut sans nul doute la loi Bérégovoy du 13 juillet 1984, qui, reprenant deux propositions de loi que j'avais déposées en 1982 et dont je fus le rapporteur au Sénat, fut adoptée à l'unanimité : elle créa la caisse des Français de l'étranger, la dota de l'autonomie et généralisa l'accès des assurances volontaires maladie à tous les Français de l'étranger.
Soucieux de justice sociale, ce texte instaura deux catégories de cotisations selon les revenus, qui devinrent trois catégories en 1989. Je note qu'à l'époque j'avais proposé avec mes collègues que cette troisième catégorie soit accessible aux revenus inférieurs à 40 % du plafond de la sécurité sociale, mais le ministre de l'économie et des finances d'alors, inquiet du bon équilibre de la caisse des Français de l'étranger, avait décidé qu'elle s'appliquerait aux revenus inférieurs à 50 % du plafond.
Depuis lors, un certain nombre de mesures sont venues renforcer le dispositif existant en développant les prestations offertes et en diminuant le coût des cotisations chaque fois que cela a été possible.
Le constat que nous pouvons dresser à l'heure actuelle est plutôt satisfaisant. En constante progression, la caisse des Français de l'étranger couvre aujourd'hui près de 120 000 Français qui, bien qu'expatriés, bénéficient d'une continuité de couverture avec la sécurité sociale française.
Certains disent qu'il s'agit d'un chiffre faible par rapport au nombre de Français expatriés. C'est un argument de circonstance et ceux qui l'utilisent oublient de mentionner les 600 000 à 700 000 Français qui, vivant dans l'Union européenne, sont donc soumis à sa réglementation sociale. De nombreux expatriés disposent en outre d'une couverture sociale, qu'elle soit d'ordre privé, comme aux Etats-Unis, ou étatique.
La caisse des Français de l'étranger dispose en outre d'un équilibre financier positif depuis sa création, et ce grâce à une gestion rigoureuse.
L'examen attentif de cet équilibre financier nous oblige à une particulière attention, car le détail des comptes établis depuis plusieurs années nous indique qu'en ce qui concerne l'assurance maladie des salariés l'équilibre n'est dû qu'à la première catégorie de cotisants - c'est-à-dire celle des entreprises qui envoient du personnel à l'étranger - et que la troisième catégorie de cotisants, créée dans un souci de justice sociale, est largement déficitaire ; il en est de même de celle des pensionnés.
L'importance du déficit pour cette dernière catégorie a d'ailleurs amené la caisse à prendre des dispositions qui commencent à porter leurs effets.
Quant aux non-salariés, aux retraités et aux autres catégories, elles connaissent un déficit croissant. Le conseil d'administration de la caisse des Français de l'étranger va d'ailleurs être amené à se pencher sur ce dernier et à réfléchir à des mesures propres à le corriger.
En fait, sans l'important excédent du régime accidents du travail-maladies professionnelles - pour lesquels ne cotisent que les entreprises qui envoient du personnel à l'étranger - la caisse des Français de l'étranger serait fortement déficitaire, et il n'est donc pas exagéré de dire que les entreprises françaises qui envoient du personnel à l'étranger font un effort exceptionnel de justice sociale envers nos compatriotes installés individuellement hors de France, qui bénéficient grâce à la caisse d'un système de couverture sociale fort apprécié.
Toujours en ce qui concerne l'équilibre financier de la caisse des Français de l'étranger, nous devons faire maintenant le bilan d'un an de suspension des mesures de rétroactivité prévues par la loi du 13 juillet 1984, qui a permis à nos compatriotes expatriés d'adhérer sans cotisation rétroactive au système mis en place. Ce bilan sera particulièrement intéressant, car il nous permettra de voir si cette suspension n'a pas permis trop d'adhésions à risque ouvert, susceptibles d'affecter, bien entendu, l'équilibre des comptes.
Autre mesure intéressante : la prolongation de l'exonération de cotisations pour les entreprises mandataires de la caisse des Français à l'étranger engageant un jeune de moins de trente ans sur un emploi nouveau à l'étranger. Cette mesure prise dans le cadre de la loi quinquennale du 20 décembre 1993 et due à mon initiative, devait prendre fin au mois de décembre. Sur proposition du conseil d'administration de la caisse des Français de l'étranger, vous avez accepté de prolonger ce dispositif pour deux ans. Je m'en félicite, car il favorise l'emploi à l'étranger sans pour autant peser trop lourd sur l'équilibre du régime des salariés.
Deux autres dispositions sont également venues contribuer à la politique de l'emploi des entreprises qui envoient du personnel à l'étranger.
Il s'agit, d'une part, de la ristourne accident du travail accordées jusqu'à présent aux entreprises qui comptaient au moins vingt adhérents auprès de la caisse des Français de l'étranger et qui est désormais applicable dès que celles-ci ont dix adhérents.
Il s'agit, d'autre part, de la possibilité pour les entreprises mandataires de la caisse des Français de l'étranger de ne pas tenir compte des salariés étrangers ressortissants d'un pays de l'Union européenne précédemment affiliés à la sécurité sociale française dans le quota de 10 % de salariés étrangers qu'elles peuvent faire adhérer à la caisse des Français de l'étranger.
D'autres améliorations sont en cours ; elles concernent directement les adhérents de la caisse des Français de l'étranger.
Avant de terminer sur ce point, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous m'apportiez des informations en ce qui concerne la contribution sociale généralisée appliquée à ceux des adhérents de la caisse des Français de l'étranger qui, bien qu'expatriés, sont fiscalement domiciliés en France, car ils ont à subir la hausse de 4,1 % de cette contribution sans voir en contrepartie, contrairement à leurs compatriotes métropolitains, leurs cotisations maladie diminuer.
Les entreprises qui envoient du personnel à l'étranger sont les premières à en être affectées, car elles compensent cette perte et l'expatriation devient donc plus coûteuse. Par ailleurs, l'alourdissement des charges ainsi créées défavorise la création d'emplois à l'étranger occupés par des Français au profit d'emplois tenus par des étrangers.
Les salariés d'entreprises ne sont pas les seuls concernés, puisqu'un certain nombre de Français de catégorie modeste, salariés par l'Etat français et affiliés à la Caisse des Français de l'étranger, sont considérés comme fiscalement domiciliés en France et subissent donc de plein fouet les effets de l'augmentation de la contribution sociale généralisée.
Il en va de même pour les adhérents de la Caisse des Français de l'étranger qui perçoivent un revenu de remplacement, notamment des indemnités journalières, puisque la compensation prévue dans ce cas au régime général n'a pas été envisagée en faveur des adhérents de la Caisse des Français de l'étranger.
Toujours soucieux de ne pas pénaliser une catégorie d'assurés qui doit déjà faire face à un certain nombre de difficultés lorsqu'ils perçoivent des indemnités journalières - donc un revenu inférieur à leurs ressources habituelles - le bureau de la Caisse des Français de l'étranger a décidé d'autoriser la caisse à compenser la perte subie au titre de la contribution sociale généralisée.
En revanche, s'agissant des cotisations maladie, il n'est pas de notre pouvoir de prendre des mesures compensatoires et, depuis un an, nous attendons une décision et un texte de vos services.
J'avais interrogé à ce propos Mme le ministre en commission des affaires sociales, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Elle m'avait alors indiqué que le statut des adhérents de la Caisse des Français de l'étranger, fiscalement domiciliés en France, pourrait être traité de façon analogue à celui des frontaliers et qu'une solution serait recherchée dans ce sens.
A ce jour, aucune disposition n'a été prise. Qu'en est-il et que comptez-vous faire à ce sujet ? Je serais heureux de vous entendre à cet égard.
Avant de conclure cette intervention, je dirai encore quelques mots sur un sujet qui préoccupe nos compatriotes de France comme ceux qui se sont expatriés, mais plus encore peut-être ces derniers compte tenu de la situation de certains pays ; je veux parler de la retraite.
Les Français s'inquiètent - à juste titre, semble-t-il - des pensions qu'ils percevront dans quelques années. C'est pourquoi, ils ont mis beaucoup d'espoir dans l'épargne retraite communément appelée "fonds de pension", qui avait fait l'objet d'un texte de loi en mars 1997.
A la suite de l'adoption d'un amendement que j'avais déposé, les Français résidant hors de France avaient été prévus dans ce texte. La loi de 1997 n'a pas eu de suite, et vous nous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'un nouveau projet de loi relatif à l'épargne-retraite serait proposé au Parlement au cours de l'année 1999.
Nos compatriotes expatriés sont attachés à cette perspective. Je souhaite donc qu'ils soient pris en compte dès l'origine dans les propositions que vous nous ferez.
J'ai remarqué avec plaisir - et je les en remercie - que, dans l'amendement qu'ils ont déposé à ce sujet lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, mes collègues Jean Arthuis et Jean-Louis Lorrain avaient proposé que tout salarié établi en France ou hors de France puisse souscrire un plan d'épargne-retraite. C'est essentiel, car cela permettra de préserver l'ensemble des droits à la retraite de nos compatriotes.
Il est vrai que, à côté des retraites de base françaises que se constituent volontairement les expatriés, auprès soit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, soit des caisses de travailleurs non salariés, nombre de ceux-ci sont également obligés de cotiser au régime local de leur pays de résidence. Si cela ne pose pas de problème quand il s'agit des pays de l'Union européenne ou d'autres pays occidentaux, il n'en va pas de même avec les pays d'Afrique noire. En effet, on ne compte plus les réclamations de Français travaillant ou ayant travaillé en Afrique et qui ne perçoivent pas les retraites pour lesquelles ils ont cotisé, ou qui n'obtiennent pas les documents prouvant qu'ils ont cotisé auprès des caisses africaines et qui leur permettraient d'améliorer leur retraite française.
Après la dévaluation du franc CFA et les crises successives survenues en Afrique, l'Inspection générale des affaires sociales avait été chargée, en 1995, d'une mission d'évaluation de la protection vieillesse des Français vivant en Afrique francophone. Cette mission réunissait, outre un représentant de votre ministère, un représentant du ministère des affaires étrangères et de la coopération.
Le rapport qui a été établi préconisait la mise en place d'un certain nombre de mesures pour l'avenir, afin de préserver les droits de nos compatriotes. Plusieurs d'entre elles sont en cours d'élaboration, telles que la constitution d'un fichier central des Français titulaires d'une pension africaine ou que l'assistance technique à la réorganisation des caisses africaines, et l'on ne peut que s'en féliciter. Mais cela reste limité, et je ne vois là aucune solution pour régler le passif des pensions dues aux Français d'Afrique.
Je vous ai interrogé récemment à ce propos, ainsi que M. le ministre de la coopération. En particulier, je vous demandais s'il n'était pas possible d'assouplir les conditions de prise en compte des périodes d'assurance vieillesse ayant fait l'objet de cotisation auprès des régimes étrangers - en particulier africains - lorsque ces régimes traversent de graves difficultés d'organisation et qu'il est patent qu'ils se trouvent dans l'impossibilité d'établir les attestations requises par la réglementation française.
J'attends avec intérêt votre réponse sur ce point, car cela permettrait aux intéressés au moins de percevoir la retraite française qui leur est due, en attendant que, peut-être un jour, les caisses africaines puissent enfin leur verser la leur.
Mais je crains que, sans une très forte pression politique et économique exercée par la France sur ces pays, ce jour ne soit encore très éloigné.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les principaux sujets que je souhaitais aborder aujourd'hui, bien que les préoccupations des Français de l'étranger portent également sur bien d'autres problèmes, tels que l'assurance chômage.
Vous l'aurez compris au travers de mes propos, mon principal souci est, d'une part, de permettre à tous les Français expatriés, quelle que soit leur situation, de bénéficier d'une couverture sociale identique à celle qui existe en métropole et, d'autre part, d'apporter ma contribution à la politique de l'emploi en favorisant et en développant le plus possible l'emploi à l'étranger, tout en préservant ce que nous avons patiemment mis en place depuis 1978.
Jusqu'à ce jour, la Caisse des Français de l'étranger a su, depuis sa création, répondre à la demande des entreprises françaises qui envoient du personnel à l'étranger et qui souhaitaient, sans quitter le système de la sécurité sociale, avoir une caisse de rattachement spécifique capable de s'adapter aux conditions particulières que rencontrent nos compatriotes dans leurs divers pays de résidence.
Comme je l'ai indiqué précédemment, il était souhaitable - et cela a été fait - que ce système soit étendu plus largement aux Français de l'étranger vivant dans des pays où la couverture sociale ne leur est pas adaptée et qui souhaitaient avoir de la France une couverture pour la maladie, la maternité, les accidents du travail, tant à l'étranger que lors de leur retour en France.
Ce pari a été tenu, et le coût de cette couverture est d'environ trois fois moins élevé que celui du détachement au titre de la sécurité sociale.
Soumise à la concurrence d'organismes privés, de compagnies d'assurances françaises ou étrangères, qui savent adapter leurs contrats aux besoins particuliers des entreprises, tenant compte du lieu d'expatriation de leur personnel, la Caisse des Français de l'étranger se devait d'être compétitive pour ne pas disparaître. Jusqu'à ce jour, cela a été le cas, et elle a pu poursuivre son activité avec des comptes équilibrés, sous le contrôle de votre département ministériel et de celui du budget. Souhaitons qu'avec votre appui elle poursuive son activité pour satisfaire les Français établis hors de France.
Je souhaite en terminant, monsieur le secrétaire d'Etat, attirer votre attention, tant en mon nom personnel qu'au nom de mon collègue Claude Huriet, sur l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale, qui dispose que les prestations familiales du régime français sont dues uniquement aux personnes résidant sur le territoire français. Toutefois, la circulaire du 28 mai 1979 indique qu'à titre dérogatoire ce droit est maintenu durant trois mois aux travailleurs détachés à l'étranger avec leur famille.
Or, avec le développement des échanges internationaux, il arrive de plus en plus fréquemment que des fonctionnaires français - notamment des médecins hospitaliers - soient envoyés à l'étranger pour des missions de quelques mois, tout en conservant leur traitement français et leur domiciliation fiscale en France.
Pour ces personnels, pour qui l'expatriation ne représente pas un bonus financier, il apparaît comme très pénalisant que leur départ entraîne une baisse de leurs revenus du fait de la suppression des prestations familiales.
Pourrait-on, afin de favoriser des échanges de savoir toujours fructueux, envisager de prolonger le délai de trois mois prévu par la circulaire de 1979 ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, placer la personne âgée au coeur du système et allouer les ressources en fonction de son état : tel est le principe posé par la prestation spécifique dépendance, créée par la loi du 24 janvier 1997. Cela a fait l'objet d'un très bon article intitulé « le Désert des Tartares ».
Ne nous y trompons pas, c'est un principe révolutionnaire par rapport aux conceptions qui prévalaient jusqu'alors en matière de prise en charge des personnes âgées dépendantes et, par voie de conséquence, en matière de gestion des établissements qui les reçoivent.
La tarification sera, en effet, fonction du niveau d'autonomie ou de dépendance des personnes : les crédits de fonctionnement des établissements pourront fluctuer en fonction du nombre et de l'état des personnes accueillies, ce qui aura des conséquences sur la gestion des effectifs du personnel.
Mais le plus important est encore l'évolution dans le temps de l'état de santé des personnes, qui peut modifier soit le montant de l'aide, soit celui du tarif.
En effet, dans les mêmes lieux, avec le même personnel, deux types de tarification cohabitent : ceux qui sont relatifs aux soins et qui dépendent de la sécurité sociale ; ceux qui concernent l'hébergement et la dépendance et relèvent des conseils généraux.
Or certaines maladies dégénératives, comme celle d'Alzheimer ou d'autres sur le plan fonctionnel, ne sont pas prises en charge, alors qu'elles engendrent très peu de dépenses médicales, mais de très fortes dépenses de personnel.
L'importance et la complexité de l'enjeu sont donc capitales puisqu'elles touchent environ 700 000 personnes âgées dépendantes et leurs familles, environ 10 000 institutions et services, 600 000 lits et places, et de l'ordre de 300 000 agents.
A cela il faut ajouter le nouveau défi que constituent l'allongement de l'espérance de vie et la prise en charge de l'âge extrême.
L'actualisation et la modernisation du cadre législatif et réglementaire liées à la loi sociale de 1975 s'imposent donc incontestablement. Mais on voit bien qu'elles doivent reposer sur une préparation rigoureuse, à la mesure de la complexité des facteurs à prendre en compte, et menée en concertation étroite et continue avec les différents acteurs concernés.
A ce titre, je rappellerai également que l'on constate, d'une façon générale, que ce sont les départements les moins riches économiquement qui ont les plus grandes charges s'agissant des personnes âgées dépendantes, alors que ce sont les plus riches qui, eux, pourraient le plus facilement absorber ces charges, qui en ont le moins ; cela se comprend d'ailleurs aisément. Cela pose donc un problème de solidarité nationale qu'il faudra bien traiter et prendre en compte dans la réforme.
Vous vous êtes engagé, monsieur le secrétaire d'Etat, avec Mme Aubry, à inscrire ce grand projet de réforme dans vos priorités pour 1999. Il existe une version datée du 7 mai 1998, qui a été bien reçue par les acteurs du secteur social et médico-social en ce qui concerne la place des usagers et de leur famille, une meilleure organisation et coordination institutionnelles et opérationnelles pour ce qui est de l'équipement social et médico-social, enfin le rapprochement des mécanismes de régulation des institutions sociales et médico-sociales avec ceux du secteur sanitaire.
En revanche, monsieur le secrétaire d'Etat, deux points inquiètent particulièrement les gestionnaires d'établissements d'hébergement de personnes âgées, dans la mesure où ils touchent aux conditions mêmes de fonctionnement.
Le premier est relatif à l'encadrement des dépenses à travers un taux d'évolution, ce qui supprimerait toute négociation budgétaire et serait, par conséquent, contraire à l'approche contractuelle prônée par ailleurs, et plus que jamais nécessaire dans le contexte décrit ci-dessus. Sans doute faut-il abandonner le taux directeur utile en son temps, mais devenu pervers.
Le second point a trait au contrôle des institutions, remettant en cause le principe de contrôle de légalité a posteriori, instauré par les lois de décentralisation et par la loi du 6 janvier 1986. Ce serait une régression et une atteinte à l'autonomie et à la responsabilisation des établissements, elles aussi particulièrement nécessaires dans ce contexte.
Le deuxième volet de l'action réformatrice concerne, bien sûr, la réforme de la tarification des établissements.
Le « Livre noir » publié en juin dernier et le comité national de coordination gérontologique témoignent, de façon différente, des nombreux dysfonctionnements constatés à ce sujet.
Le comité économique et social, quant à lui, précise « qu'il est temps pour notre pays de se doter d'un dispositif opérationnel et socialement juste de prise en charge de la dépendance » et « s'interroge sur une réforme de son financement et des modalités de gestion dans le cadre de la solidarité nationale ».
Le projet du Gouvernement comporte un certain nombre de points qui posent problème.
En effet, il semble consacrer les discriminations territoriales déjà constatées : il instaure un dispositif trop complexe, inaccessible aux personnes âgées et à leur famille, dont certaines verront leurs charges s'alourdir, du fait de l'intégration d'une part non négligeable des soins dans le tarif dépendance ; il reste muet sur l'avenir de certaines populations hébergées en long séjour, en attendant de pouvoir entrer dans un établissement adapté, je pense aux paraplégiques, hélas ! très jeunes, pour lesquels le nombre de places n'est pas encore suffisant ; il accroît le risque d'une diminution des moyens pour les personnes hébergées en long séjour ; enfin, il organise la mise en place d'une tutelle sur les établissements médico-sociaux qui est aux antipodes d'une gestion moderne, responsable et motivante, laquelle sera bien nécessaire pour parvenir à résoudre des problèmes qui, reconnaissons-le, sont extrêmement complexes.
C'est pourquoi ce projet doit être réexaminé en profondeur, en ayant pour préoccupation majeure un financement clairement défini et une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire national. C'est à ce prix que les pouvoirs publics réhabiliteront l'espoir déçu de nos aînés et de leur famille, ainsi que celui des professionnels qui sont auprès d'eux et s'en occupent.
Monsieur le secrétaire d'Etat, même si ces questions sont difficiles, nous espérons que, avec le temps, la bonne volonté et la concertation, nous parviendrons à les résoudre.
Tels sont les points sur lesquels, je souhaitais attirer particulièrement votre attention. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, ainsi que sur le banc des commissions. - M. Jean-Pierre Cantegrit applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le secrétaire d'Etat, après avoir écouté MM. les rapporteurs et les différents intervenants, je consacrerai mon propos à trois questions de société qui s'inscrivent parfaitement dans la politique de solidarité du Gouvernement et auxquelles vous portez, dans votre domaine ministériel, une attention toute particulière.
J'évoquerai successivement les décisions importantes que vous avez annoncées en faveur des personnes handicapées, la nécessaire réflexion que nous devons engager sur le dispositif de prise en charge des personnes âgées et, dans un tout autre domaine, les dons d'organe.
Ces trois thèmes sont sans lien apparent, mais ils s'inscrivent dans la politique de solidarité qui constitue le volet central du pacte républicain du Gouvernement.
Ce sont trois questions de société dans lesquelles l'Etat doit jouer pleinement un rôle d'animation et de régulation, car il s'agit d'apporter des réponses à des sujets qui suscitent parfois des réactions inattendues de la part de nos concitoyens et qui appellent, à ce titre, un engagement fort des pouvoirs publics.
Dans le domaine du handicap, vous avez, monsieur le secrétaire d'Etat, clairement indiqué le sens de votre action, d'abord en réaffirmant votre attachement à une politique spécifique en faveur des personnes handicapées, mais aussi en inscrivant la dimension de leur intégration sociale et du libre choix de vie au coeur de vos préoccupations.
Après le vote de la loi d'orientation de 1975, il était indispensable de donner un souffle nouveau à cette politique au sein de laquelle, pendant longtemps, la vision comptable a prévalu sur la dimension humaine et sociale, et où seul le verdict médical préfigurait la destinée de chaque personne, dictait son placement dans un établissement, sans que l'on se préoccupe de ses potentialités.
Votre politique trace des axes forts pour redonner une signification à l'intégration, à la formation et à la socialisation des personnes handicapées.
C'est tout particulièrement l'objet des actions de partenariat que vous engagez avec le ministère de l'éducation nationale, en faveur des jeunes, pour améliorer leurs conditions d'accueil dans le milieu scolaire et renforcer leur formation par un dispositif approprié, mais aussi, en direction des travailleurs handicapés, en mobilisant autour de l'objectif d'intégration les partenaires de l'emploi et les acteurs de l'insertion.
Il convient, à cet égard, de rappeler les dispositions législatives qui existent, mais sont mal exploitées, pour favoriser le recrutement de travailleurs handicapés dans des structures publiques.
Enfin, pourquoi ne pas favoriser des conventions entre l'Etat et les collectivités locales, ou les entreprises du secteur privé, pour faciliter la création d'emplois réservés à des personnes handicapées ?
Parallèlement à ces orientations, nous accueillons très favorablement le programme pluriannuel, décidé par le Premier ministre, de création de places pour les adultes lourdement handicapés.
Il faut en effet rappeler que, durant la période 1985-1998, le nombre de places d'hébergement pour adultes a été quasiment multiplié par deux, passant de 42 000 à 81 000. Malgré ces efforts, nous ne répondons toujours pas aux demandes des familles, et nous constatons par ailleurs de fortes disparités territoriales.
Je livrerai un témoignage concret, en ma qualité de maire de Clermont-l'Hérault. Voilà cinq ans, nous avons construit, dans cette commune, une maison d'accueil spécialisée de quarante lits grâce au soutien du Président François Mitterrand et du comédien Michel Creton ; je tiens à saluer ici l'action constante que ce dernier mène avec beaucoup de passion à travers la France.
Face aux très nombreuses demandes, nous avons réalisé, voilà quelques mois, une extension concernant douze lits, mais ces efforts restent insuffisants. En effet, le département de l'Hérault compte seulement sept maisons d'accueil spécialisées. Aussi, je formerai le voeu que les projets élaborés à Montpellier et à Ganges soient financés dans le cadre de ce plan pluriannuel, et ce dans les meilleurs délais.
Ce programme et ces mesures que vous engagez, monsieur le secrétaire d'Etat, sur les cinq années à venir, représentent un effort considérable.
Ils sont le témoignage de choix politiques clairs en direction des personnes les plus fragilisées, conformément aux engagements pris par le Premier ministre ; ils sont aussi l'affirmation d'une volonté délibérée d'inscrire la personne handicapée en tant qu'acteur de la vie de la cité.
C'est un choix politique majeur, qui détermine une nouvelle approche du handicap, dans laquelle « dignité » et « citoyenneté » trouvent leur pleine signification.
Cette philosophie - qui vous anime et nous anime - consistant à donner à chacun les moyens du plein exercice de la citoyenneté, nous la percevons aussi dans la politique que vous entendez conduire en faveur des personnes âgées.
Les progrès de la médecine et l'allongement de la durée de la vie nous commandent de renouveler notre approche de cette question de société.
Selon les prévisions de l'INSEE, la France devrait compter 2 000 000 de personnes dépendantes en 2020, alors que l'on en recense 1 000 000 aujourd'hui. C'est dire l'urgence de la réflexion que nous devons engager.
Je retiendrai dans mon propos trois préoccupations majeures.
D'abord, comment s'assurer de l'égalité de l'accès aux soins de ces personnes ?
Ensuite, comment résoudre le problème des disparités territoriales en matière d'équipements ?
Enfin et surtout, comment s'assurer d'une bonne coordination de l'action gérontologique, dans un domaine où le partage des compétences s'exerce non seulement entre l'Etat, les départements et les communes, mais aussi entre les acteurs publics et les acteurs privés ?
Toutes ces questions, auxquelles on pourrait ajouter la question de la complexité des grilles de tarification des prestations d'accueil, de soins ou de séjours médicalisés, méritent que nous organisions prochainement un grand débat.
Nous devons, dans ce domaine, effectuer des choix, sur le maintien à domicile, sur la création de lits médicalisés, sur la maîtrise comptable de ces dépenses qui vont fortement progresser dans les prochaines années, et sur la formation qualifiante des agents territoriaux qui interviennent auprès des personnes âgées.
Ce sont des orientations politiques où, là encore, la dignité des personnes devra être nettement respectée.
Enfin, je souhaite conclure mon propos en attirant votre attention sur les actions d'information en faveur du don d'organes.
Chaque année, selon les statistiques établies par vos services, 3 000 greffes d'organes sont pratiquées dans les établissements hospitaliers français, au sein desquels nous pouvons compter sur des équipes médicales qui sont parmi les meilleures au monde et auxquelles nous devons rendre publiquement hommage.
Hélas ! ces équipes sont confrontées à l'attente de nombreux malades - près de 5 000 - qui ne peuvent être tous sauvés faute de donneurs.
Nous savons aussi que le nombre de personnes qui s'opposent aux prélèvements d'organes a augmenté légèrement au cours des dernières années.
C'est la raison pour laquelle il me paraît important et urgent de relancer, avec le concours de l'Etablissement français des greffes, les campagnes d'information et de sensibilisation de nos concitoyens sur un sujet extrêmement grave et préoccupant, qui appelle rapidement des prises de position.
Sur toutes ces questions, nous savons que nous pouvons compter sur votre détermination et sur votre compétence, monsieur le secrétaire d'Etat. La solidarité est bien au coeur de l'action du Gouvernement.
Le projet de budget que vous présentez vous donne les moyens de cette action et il engage notre pays dans la réforme de société souhaitée par les Français. Aussi, mes collègues du groupe socialiste et moi-même, nous le voterons sans réserve, en apportant volontiers notre soutien aux choix politiques qui le sous-tendent. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.)