Séance du 3 décembre 1998
Par amendement n° II-24, M. Oudin, au nom de la commission des finances, propose de réduire ces crédits de 2 266 862 417 francs.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Cet amendement a également pour objet d'apporter une contribution à l'effort de maîtrise des dépenses de l'Etat en opérant une réduction forfaitaire de 1 % des dépenses d'intervention.
Toutefois, toujours à la demande de la commission des affaires sociales, les crédits consacrés à la veille et à l'alerte sanitaires ne seront pas soumis à cet effet de rigueur.
Par ailleurs, cet amendement comporte deux mesures d'économie ciblées.
La première d'entre elles, d'un montant de 211 millions de francs, porte sur les crédits consacrés à l'allocation de parent isolé. Selon la Cour des comptes, je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, cette prestation sociale est largement détournée de son objectif, car la condition d'isolement est difficilement vérifiable. La Caisse nationale des allocations familiales demande depuis longtemps que soit instaurée une présomption de non-isolement en cas d'habitation commune. Cela semble de bon sens. Votre commission des finances estime que des économies pourraient être réalisées, à hauteur de 5 % des crédits, si le Gouvernement répondait à cette demande.
La seconde économie ciblée, d'un montant de 1 320 millions de francs, porte sur les crédits consacrés au revenu minimum d'insertion. (Marques d'indignation sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.) Madame le secrétaire d'Etat, les explications fournies par le Gouvernement ne nous ont pas convaincus. La Cour des comptes estime entre 3 % et 5 % les dépenses de RMI indues, du fait de la non-déclaration ou de la sous-déclaration de leurs revenus par les bénéficiaires. Nous sommes tous ici des élus locaux. Nous connaissons tous des exemples de cette nature.
M. François Autain. Facile !
M. Jacques Oudin, rapporteur spécial. Par ailleurs, le Gouvernement présente des dépenses de RMI en progression sensible pour 1999, alors qu'il nous annonce une croissance soutenue et une amélioration de la situation de l'emploi l'an prochain. C'est une contradiction manifeste que nous soulignons depuis des années. (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.) Votre commission des finances estime donc possible d'atténuer de 5 % la progression des crédits demandés au titre du RMI.
Je souligne que cette économie ne remet aucunement en cause les droits existants des allocataires.
Au total, les crédits du titre IV augmenteront de 5,019 milliards de francs en 1999, au lieu des 7,286 milliards de francs proposés. Cette économie de 2,267 milliards de francs porte sur un total de crédits de 73 milliards de francs. Je vous invite à lire le rapport de la Cour des comptes. Il est édifiant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Guy Fischer. Il n'y a que les petits qui fraudent ?...
C'est scandaleux !
M. René-Pierre Signé. Triste amendement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Il va de soi que je ne peux souscrire à une proposition de réduction de crédits qui remettrait fondamentalement en cause les différentes politiques menées par mon ministère au service de l'ensemble de nos concitoyens.
Au surplus, votre commission des finances propose d'ajouter à une réduction forfaitaire deux abattements massifs de crédits ciblés sur l'allocation de parent isolé et sur le RMI.
Vous proposez de réduire l'API de 211 millions de francs, en invoquant l'incertitude sur la notion d'isolement.
Compte tenu du montant de cette prestation, le contrôle de l'isolement a toujours constitué une cible prioritaire des contrôles effectués par les caisses d'allocations familiales.
Toute diminution des crédits affectés à cette allocation aurait pour conséquence d'empêcher de la servir à l'ensemble de ses bénéficiaires.
Cela s'avérerait particulièrement préjudiciable au moment où le Gouvernement met en place un dispositif d'intéressement à la reprise d'activité des bénéficiaires de cette allocation afin de favoriser leur retour à la vie professionnelle.
Enfin, votre commission propose une réduction de 5 % des crédits consacrés au RMI en s'appuyant sur le rapport public de la Cour des comptes pour 1995, qui souhaitait le renforcement des contrôles sur le RMI. Le chiffre de 3 % à 5 % cité par le rapport de la Cour s'appuyait alors sur les résultats d'une enquête antérieure diligentée par les inspections générales des finances et des affaires sociales.
Depuis la date de l'enquête, les croisements de fichiers informatisés à fin de contrôle souhaités par la Cour des comptes ont tous été mis en place et sont opérationnels.
Ainsi les économies souhaitées par la Cour ont-elles été déjà réalisées et la demande du rapporteur n'est pas fondée. Pour autant, la préoccupation du maintien d'un haut niveau de contrôle sur pièces et sur place demeure une préoccupation importante.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que demander le rejet de cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° II-24.
M. François Autain. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Il est déjà tard et je ne voudrais pas allonger le débat. Cependant je ne peux rester silencieux devant le caractère particulièrement scandaleux d'un tel amendement.
Pour faire des économies, on est prêt à priver de revenus des femmes seules, qui sont, on le sait, dans une situation précaire. Non content de cela, on veut aussi réduire les crédits consacrés au RMI.
J'estime que la politique qui inspire cet amendement est inacceptable parce qu'elle s'attaque aux plus démunis, même si j'apprends par M. le rapporteur que ce sont ceux qui fraudent le fisc.
Je m'avoue très surpris d'apprendre une telle nouvelle aujourd'hui. En effet, j'avais bien entendu parler de fraudeurs, mais je n'avais pas le sentiment qu'ils se recrutaient au sein des RMIstes. Je pensais, au contraire, qu'ils se recrutaient plutôt parmi les millardaires, voire parmi les multimilliardaires !
Avec force, le groupe socialiste s'opposer donc à cet amendement. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Bravo !
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je voulais dire la même chose que mon collègue François Autain. Il est extrêmement significatif que l'on montre ainsi du doigt les RMIstes !
J'ajouterai une chose : alors que nous avons souvent reçu ici des leçons sur la famille, je trouve caractéristique qu'on soit si sélectif en matière familiale ! Dès qu'il s'agit de parents isolés, on est beaucoup moins généreux à l'égard de la famille. C'est parfaitement scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore faut-il savoir s'ils sont vraiment isolés ! M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-24, repoussé par le Gouvernement.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen vote résolument contre !
(L'amendement est adopté.)
M. René-Pierre Signé. Ils n'ont pas honte !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix, ainsi modifiés, les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 89 600 000 francs ;
« Crédits de paiement : 46 450 000 francs. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)