Séance du 8 décembre 1998







M. le président. « Art. 73. _ Au 1° de l'article 1464 A du code général des impôts, les mots : "Dans la limite de 50 %" sont remplacés par les mots : "Dans la limite de 100 %". »
Sur cet article, je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° II-160 rectifié, Mme Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de rédiger comme suit cet article :
« I. - L'article 1464 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« I. - Art. 1464 A. - Les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par délibération de portée générale prise dans les conditions définies à l'article 1639 A bis , exonérer de taxe professionnelle :
« 1° Dans la limite de 100 %, les entreprises de spectacles classées dans les cinq premières catégories définies à l'article premier de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles à l'exclusion :
« a) Pour la cinquième catégorie, des établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances ;
« b) Des entreprises qui donnent des représentations visées au 2° de l'article 279 bis .
« La délibération peut porter sur une ou plusieurs catégories ;
« 2° Dans la limite de 100 %, les établissements de spectacles cinématographiques situés dans les communes de moins de 100 000 habitants qui, quel que soit le nombre de leurs salles, réalisent en moyenne hebdomadaire moins de 2 000 entrées ; dans la limite de 50 % les autres établissements de spectacles cinématographiques.
« Les exonérations prévues au 2° ne s'appliquent pas aux établissements spécialisés dans la projection de films visés au 3° de l'article 279 bis . »
« II. - Les droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence. »
Par amendement n° II-138 rectifié, M. Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent :
« I. - De compléter l'article 73 par trois paragraphes ainsi rédigés :
« ... - Après le 3° de l'article 1464 A du code général des impôts, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Dans la limite de 100 %, les établissements de spectacles cinématographiques qui, quel que soit le nombre de leurs salles, réalisent en moyenne hebdomadaire moins de 2 000 entrées et comprennent au moins un écran classé "art et essai" au titre de l'année de référence. »
« Dans le dernier alinéa de l'article 1464 A du code général des impôts, les mots : "prévues aux 2° et 3°" sont remplacés par les mots : "prévues aux 2°, 3° et 4°".
« ... - La dotation globale de fonctionnement des communes est relevée à due concurrence de l'exonération à 100 % de la taxe professionnelle au profit des établissements de spectacles cinématographiques.
« ... - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions du précédent paragraphe sont compensées par un relèvement des tarifs mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
« II. - En conséquence, de faire précéder cet article de la mention : "I". »
La parole est M. Loridant, pour défendre l'amendement n° II-160 rectifié.
M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 73 du présent projet de loi de finances prévoit de porter à hauteur de 100 % le taux d'exonération de taxe professionnelle accordée éventuellement aux entreprises de spectacles, et singulièrement aux entreprises de spectacle vivant.
Nous ne vous cacherons pas que cette mesure va dans le bon sens parce qu'elle favorise la création artistique. Elle nous donne entièrement satisfaction car, d'une certaine manière, elle permettra le maintien ou le développement des activités culturelles.
On ne peut ici oublier que l'homme ne se nourrit pas que de pain et que l'accès à la culture et aux « nourritures » spirituelles ou culturelles peut se révéler aussi important.
Pour autant, nous souhaitons légèrement modifier cet article 75 - c'est l'objet de cet amendement - en permettant la prise en compte des structures, notamment associatives, qui accomplissent des efforts particuliers de diffusion cinématographique auprès de publics diversifiés.
On doit, en l'espèce, souligner certains aspects de la situation.
On connaît aujourd'hui un phénomène contradictoire : d'une part, on constate une progression générale du nombre des entrées enregistrées dans les salles de cinéma, mais, d'autre part, on observe aussi une progression, qui n'est pas sans inquiéter, du nombre d'entrées réalisées par les films d'origine nord-américaine.
Chacun sait ici que tous les réalisateurs américains ne s'appellent pas Woody Allen ou Robert Redford et que cette situation est parfois inquiétante.
L'un des aspects de la situation réside dans le développement de mégacomplexes cinématographiques qui, s'ils proposent des conditions optimales de vision des films programmés, n'en souffrent pas moins d'un éventail limité de programmation.
Il continue d'exister dans notre pays un réseau non négligeable de salles de cinéma associatives ou créées sur l'initiative de collectivités locales et qui se fixent notamment comme objectifs de permettre au public de connaître d'autres langages cinématographiques que le langage dominant.
On pourrait citer ici les salles gérées par les associations issues de la Fédération des ciné-clubs, celles de la Fédération des oeuvres laïques, etc.
On peut aussi souligner les efforts accomplis par certains départements dont celui de la Seine-Saint-Denis, pour en citer un au hasard, qui a recréé, dans les années quatre-vingt, un réseau de salles de cinéma d'origine municipale, tandis que disparaissaient les unes après les autres les salles commerciales classiques.
On peut également citer les efforts accomplis par un département comme le Gers pour rapprocher le public de la création cinématographique, par la mise en place de séances dans l'ensemble des chefs-lieux de canton du département à partir de l'activité dite « Ciné 32 ».
Bref, il existe une vitalité de l'activité cinématographique dans notre pays, que l'on peut et que l'on doit envisager de soutenir au travers de l'adoption de cet amendement n° II-160 qui vous est présenté par le groupe communiste républicain et citoyen.
M. le président. La parole est à M. Angels, pour présenter l'amendement n° II-138 rectifié.
M. Bernard Angels. Cet amendement vise également à permettre aux collectivités locales et à leurs groupements dotés d'une fiscalité propre d'exonérer à 100 % les établissements de spectacles cinématographiques qui réalisent, en moyenne, moins de 2 000 entrées et comprennent au moins un écran classé « recherche ». Je ne reviendrai pas sur les explications générales. Je dirai simplement que notre pays compte actuellement 165 établissements disposant de tels écrans.
Ces salles sont primordiales pour la diffusion de la culture cinématographique en France et pour le développement du cinéma français et européen. Elles présentent, en effet, des films novateurs ou des reprises de classiques, malheureusement peu diffusés, mais qui permettent de soutenir la création cinématographique française, notamment ce que l'on appelle le cinéma d'auteur.
Les établissements qui diffusent ces films sont, dans leur quasi-totalité, gérés par des associations. Aussi est-il indispensable de donner la possibilité aux collectivités locales d'exonérer à 100 % les établissements comportant des écrans classés « recherche ». J'ajouterai, en conclusion, que cet amendement ne coûte rien à l'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s II-160 rectifié et II-138 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces deux amendements ont le même objet : ils tendent à ouvrir aux collectivités locales et à leurs groupements la possibilité d'exonérer de taxe professionnelle certains établissements de spectacles cinématographiques de type « art et essai ».
Je rappelle que, dans ce domaine, l'article 73 du projet de loi de finances prévoit que les collectivités locales et leurs groupements puissent porter à 100 % l'exonération de taxe professionnelle pour certaines catégories de spectacles, contre 50 % seulement à l'heure actuelle.
La motivation qui sous-tend ces amendements est cohérente avec la volonté, que nous partageons tous, de favoriser la vie culturelle sur le plan local. Il n'existe, en effet, aucune raison d'exclure du bénéfice de la mesure favorable envisagée par le Gouvernement les cinémas qui, comme ceux que vous visez, présentent une programmation de qualité.
Par ailleurs, la rédaction de l'un et l'autre amendement comporte des considérations d'ordre technique. Avant de donner l'avis définitif de la commision, je souhaiterais connaître les réactions du Gouvernement, à l'égard des deux dispositifs qui sont proposés, lesquels recueillent, bien sûr, la sympathie de la commission des finances, pour les raisons que j'ai exposées.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Les deux amendements qui ont été défendus, l'un par M. Loridant, l'autre par M. Angels, sont de bon aloi, parce qu'ils visent à permettre aux collectivités locales de soutenir, par des abattements, voire des exonérations de taxe professionnelle, des petits cinémas dont chacun sait qu'ils sont soumis à rude concurrence et qu'ils apportent à la vie culturelle un supplément d'âme qu'il faut absolument préserver.
Par conséquent, ces deux amendements procèdent d'une bonne intention. J'avoue cependant avoir une préférence pour l'amendement n° II-138 rectifié, présenté par M. Angels, parce qu'il explicite que les établissements de spectacles cinématographiques doivent, quel que soit le nombre de leurs salles, comprendre au moins un écran classé « art et essai ».
Cet amendement, auquel M. Loridant pourrait se rallier aisément, a un double mérite : premièrement, il représente un encouragement pour les spectateurs qui souhaitent conserver près de leur domicile une salle de cinéma - c'est donc une incitation à la fréquentation cinématographique - deuxièmement, il favorise la création cinématographique. Chacun sait, en effet, que les films d'art et d'essai n'ont de sens que s'ils sont largement diffusés dans le pays.
Aussi, parce que l'amendement de M. Angels apporte un plus, une aide indirecte mais efficace à la création cinématographique dans notre pays, j'avoue qu'il a ma préférence. Je demande donc à M. Loridant de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui de M. Angels.
Reste un dernier point sur lequel il faut être tout à fait clair. M. Angels a dit que la mesure proposée ne coûtait rien à l'Etat, car il est clair qu'il n'y aura pas de compensation de l'Etat à ces abaissements volontaires de taxe professionnelle. Je lève donc le gage de l'amendement n° II-138 rectifié.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-138 rectifié bis .
Quel est maintenant l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Favorable.
M. le président. Monsieur Loridant, l'amendement n° II-160 rectifié est-il maintenu ?
M. Paul Loridant. Il est évident que si la rédaction de ces deux amendements n'est pas strictement identique, leur esprit leur est bien commun. Compte tenu du fait que le Gouvernement et la commission donnent un avis favorable à l'amendement de M. Angels, c'est bien volontiers que je retire l'amendement n° II-160 rectifié et que, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, je me rallie à l'amendement du groupe socialiste. (M. Michel Dreyfus-Schmidt applaudit.)
M. le président. L'amendement n° II-160 rectifié est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° II-138 rectifié bis , accepté par la commission et par le Gouvernement.
M. Michel Charasse. Sans le gage !

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 73, ainsi modifié.

(L'article 73 est adopté.)

Article additionnel après l'article 73