Séance du 9 décembre 1998
CONSEILS RÉGIONAUX
Adoption d'un projet de loi en nouvelle lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi (n°
81, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif
au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée
de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux. [Rapport n° 95
(1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous
présenter de manière succincte un projet de loi dont j'ai déjà eu l'occasion
d'exposer devant vous les grands traits. En effet, l'adoption par le Sénat
d'une question préalable en première lecture n'a pas permis l'échange de vues
nécessaire entre les deux assemblées ni l'examen par l'Assemblée nationale des
amendements issus du travail effectué par votre commission des lois.
C'est donc, par la force des choses, un texte très proche de celui que j'avais
déjà été amené à vous présenter qui est soumis à votre examen en nouvelle
lecture.
La modernisation de notre vie publique, généralement considérée comme
nécessaire, comme l'a rappelé le Président de la République le 4 décembre
dernier à Rennes, a conduit le Gouvernement à proposer une réforme du mode de
scrutin régional.
Critiqué de toutes parts, le système actuel, fondé sur la proportionnelle
intégrale, mérite à coup sûr d'être réformé. Ses résultats sont malheureusement
connus : majorités relatives, instabilité, alliances contestées ; les régions
en sont les premières victimes et les citoyens ne se reconnaissent plus dans
leur représentation. Le Président de la République le soulignait il y a
quelques jours : « Il faut d'abord que les régions soient gouvernables. »
Le débat sur le contenu de cette réforme est légitime et nécessaire ; mais le
rejet préalable exprimé par le Sénat le 21 octobre n'était en rien conforme au
souhait souvent exprimé d'une clarification des règles de la vie publique.
Les travaux de votre commission des lois et de votre rapporteur, M. Girod,
méritent le plus grand intérêt. Je souhaiterais donc m'y reporter
précisément.
Deux motions d'irrecevabilité visent à écarter le principe de parité dans
l'établissement des listes. Ce principe a été adopté par l'Assemblée nationale,
anticipant ainsi l'application de la réforme constitutionnelle portant sur
l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions et mandats.
Vous rappelez que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 18 novembre
1982, avait considéré que l'institution d'un système de quota n'était pas
conforme au texte de la Constitution. Mais peut-on considérer que, après le
vote explicite par la représentation nationale, au moins en première lecture,
de la réforme constitutionnelle, les choses resteront en l'état où elles
étaient en 1982 ?
Le législateur n'est-il pas fondé à faire preuve d'anticipation, au moment où
il adopte une réforme de notre texte fondamental visant à faciliter l'accès des
femmes aux mandats électifs, et à en tirer les conséquences dès lors qu'un
projet de mode de scrutin régional lui est soumis ? On ne peut, à mes yeux,
souhaiter la modernisation de la vie politique et ne pas s'en donner les moyens
!
La réforme constitutionnelle en cours ne conduit nullement à modifier les
modes de scrutin existants, mais, lorsqu'un scrutin de liste est déjà établi,
il est légitime de prendre en compte cette réforme. C'est d'ailleurs le propos
qu'a tenu M. le Premier ministre il y a quelques minutes à l'Assemblée
nationale : répondant au président du groupe Démocratie libérale, M. José
Rossi, il lui a indiqué que nous devions aller dans le sens de la parité, mais
que cela ne signifiait pas une modification du mode de scrutin et qu'il n'y
avait pas d'arrière-pensées dans le projet de loi constitutionnelle.
Voilà pour les deux premières motions d'irrecevabilité.
Une troisième motion d'irrecevabilité concerne l'article 21 du projet de loi,
qui définit une procédure dérogatoire d'adoption des budgets régionaux.
Pourtant, vous le savez, du fait de l'actuel mode de scrutin, de nombreux
conseils régionaux sont dotés d'une simple majorité relative, qui rend leur
gestion - et plus spécialement l'adoption de leur budget - très
problématique.
Certes, la réponse à ces situations réside, à terme, dans le changement de
mode de scrutin. Mais, en attendant, peut-on laisser ces régions à la merci des
crises sans porter atteinte à l'institution régionale, sans la fragiliser
dangereusement ?
Peut-on, en cas de difficulté majeure, faire du préfet l'arbitre de
l'impuissance des assemblées régionales ? Vous évoquez à bon droit le principe
de la libre administration des collectivités locales par des conseils élus.
Mais si, dans de nombreuses régions, demain, le représentant de l'Etat devait
arrêter les budgets, aurions-nous rempli nos obligations ?
Cette procédure dérogatoire s'éteindra d'elle-même dès que le nouveau mode de
scrutin permettra de former des majorités de gestion stables. Mais elle est à
présent urgente et nécessaire.
Je voudrais aborder maintenant les modifications substantielles que votre
rapporteur propose quant au mode de scrutin.
Il s'agirait, en premier lieu, comme le souhaite le Gouvernement, d'instaurer
un scrutin à deux tours, fondé sur la proportionnelle avec prime majoritaire.
Il s'agit bien d'adapter le mode de scrutin municipal, qui a fait ses preuves.
Mais les listes régionales seraient constituées de sections départementales, de
sorte que le scrutin demeurerait départemental, tandis que la prime serait
calculée au niveau régional.
L'intérêt d'un tel dispositif serait de garantir une représentation plus
juste, notamment pour les départements à faible démographie. Mais convenez que
sa complexité est immense ! De plus, la répartition des sièges gagnés du fait
de la prime conduirait, dans certains départements, des listes minoritaires en
voix à devenir majoritaires en sièges.
Définir un cadre régional pour des élections régionales me paraît plus simple
et plus sage. La juste représentation de tous les départements me paraît
pouvoir être obtenue par le simple bon sens des formations politiques, qui
auront tout intérêt à veiller à l'équilibre géographique des candidatures.
Enfin, il convient de noter que, si l'on veut que la région s'affirme dans les
domaines de l'aménagement du territoire et du développement économique, il est
légitime que la circonscription électorale où s'expriment les suffrages de nos
concitoyens soit bien la circonscription régionale.
J'ai bien noté aussi le désaccord formel qui se manifeste entre l'Assemblée
nationale et le Sénat à propos des seuils nécessaires, d'abord pour qu'une
liste puisse fusionner entre les deux tours, ensuite pour qu'une liste puisse
se présenter au second tour, enfin pour qu'une liste puisse participer à la
répartition des sièges.
M. le rapporteur rappelle mes propos à ce sujet : dans un domaine qui concerne
aussi étroitement les règles de notre politique, le Parlement doit avoir le
dernier mot.
Mais si la sagesse du Parlement doit prévaloir en matière de mode de scrutin,
il m'incombait d'éclairer avec franchise le choix de l'Assemblée et de préciser
les risques que comporterait, à mes yeux, un abaissement excessif des seuils.
L'Assemblée nationale a ensuite pris sa décision.
Nous devons trouver le juste équilibre entre, d'une part, la représentation
des diversités et des sensibilités politiques et, d'autre part, la définition
de majorités stables.
L'existence d'une prime majoritaire éclaire la question d'un jour particulier
puisqu'elle garantit qu'une majorité absolue pourra se dessiner dans les
conseils régionaux. Cette situation autorise sans aucun doute une plus grande
latitude pour la définition des seuils, mais avec le risque, là aussi,
d'émiettement du suffrage. Toutefois, je le rappelle, le Parlement doit juger
en pleine connaissance de cause.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi
s'inscrit dans un ensemble de propositions visant à moderniser notre vie
publique. Avec la réforme du cumul des mandats, la réforme constitutionnelle
favorisant l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats et fonctions, avec
le changement de mode de scrutin régional, si longtemps attendu, nous voici à
pied d'oeuvre.
Cette réforme appelle évidemment un débat. Celui-ci est engagé devant le
Parlement depuis le 23 juin dernier. Je ne suis pas sûr que l'adoption de la
question préalable en première lecture ait permis au Sénat d'y contribuer
pleinement.
En tout cas, je peux affirmer que le Gouvernement a pris ses responsabilités
pour affronter les difficultés nées de la situation actuelle dans nos régions
et pour les résoudre.
Le dispositif qui est présenté aujourd'hui est en mesure de rendre les régions
gouvernables, de représenter justement tous les courants politiques, de
dessiner des majorités de gestion et, dans la période transitoire, de permettre
l'adoption des budgets ou les clarifications rendues nécessaires. A ce titre,
il peut donner un nouveau souffle à la démocratie locale.
Tel est l'esprit du projet de loi soumis à votre examen en nouvelle lecture.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés,
dans le processus parlementaire, à la dernière lecture au Sénat d'un texte qui
était promis, parfois attendu ou redouté et qui, en tout cas, laisse perplexes
bon nombre de législateurs, en particulier de membres de la commission des
lois.
Je ne referai pas l'exégèse de tout ce processus. Je rappellerai seulement
qu'en 1996, si mes souvenirs sont exacts, un groupe de travail du Sénat avait
procédé, à la demande de la commission des lois, à toute une série d'auditions,
à de longues délibérations et qu'il avait adopté, à l'unanimité de ses membres
- j'ai eu l'occasion de le rappeler quelquefois cruellement à tel ou tel ! - la
position selon laquelle il n'était pas opportun de changer le mode d'élection à
l'époque : nous étions à deux ans des élections régionales.
Parmi les arguments avancés - je me permets de le souligner devant le Sénat -
il en est un qui avait été assez largement utilisé sur toutes les travées, et
qui était que, au fond, une modification était hasardeuse parce qu'on ne savait
pas à qui elle profiterait. Je l'ai encore dans les oreilles.
Cela signifie que, si tout le monde s'est rallié au
statu quo
, c'est
non pas pour des motifs majeurs mais pour des motifs mineurs et qu'après tout
le Gouverment de l'époque, prenant acte de cette situation, n'a peut-être pas
été aussi condamnable qu'on le dit maintenant de n'avoir point bougé en la
matière. S'il avait bougé, il aurait été en effet immédiatement soupçonné de
chercher à porter atteinte aux intérêts électoraux des uns ou des autres, dans
une période qui était sensible, et qui s'est avérée d'autant plus sensible
qu'il y a eu une dissolution de l'Assemblée nationale et un changement de
majorité.
Peut-être est-ce d'ailleurs ce même sentiment d'incertitude quant aux profits
éventuels des uns et des autres qui a prévalu dans les délibérations internes
du nouveau gouvernement et qui l'a amené à ne point présenter un nouveau mode
d'élection des conseils régionaux, tout en se drapant de la vertu qui veut que
l'on ne modifie pas les règles du jeu à moins d'un an de l'élection, sauf
consensus général, qui, dans le traumatisme de l'instant, était
a priori
évidemment impossible.
Le Gouvernement, c'est vrai - il faut lui en donner acte - avait pris
l'engagement de déposer, sitôt les élections passées, un projet de mode
d'élection rénové à la lumière de l'expérience qui serait née de l'élection de
1998.
Les élections régionales ont eu lieu, et nul ne peut dénier au Gouvernement le
fait que, sur ce point précis, il a tenu parole. Au lendemain des élections, ou
très peu de temps après, il a en effet déposé un texte de réforme des élections
des conseils régionaux.
Seulement voilà, ce texte, qui est à l'évidence un texte de fond, qui
s'inscrit dans une démarche complexe englobant à la fois la répartition des
pouvoirs entre les différents niveaux de l'administration territoriale de la
République et la rénovation souhaitée, parfois caricaturée, de notre vie
publique et du rôle de nos élus dans l'administration de notre pays, ce texte,
dis-je, qui demande à la fois réflexion et prudence, qui demande à être inscrit
dans un contexte général, a été assorti, au moment de son dépôt, d'une
déclaration d'urgence, déclaration que rien ne justifie puisque, de toute
façon, dans l'état actuel du droit, sauf dissolution générale prononcée par une
loi, tous les conseils généraux ont leur vie fixée jusqu'à l'année 2004.
Si mes souvenirs sont encore exacts, nous sommes en 1998. Par conséquent, nous
avons du temps avant que tombe le couperet de la dernière année avant
l'élection, époque à laquelle la bienséance veut que l'on ne modifie pas le
scrutin à venir.
M. Michel Caldaguès.
Oui, mais il y a un truc !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cinq ans ! Pourtant, urgence déclarée en juin et délibération
au forceps à tout prix pour en terminer avant le 31 décembre ! Nous sommes loin
de la sérénité !
C'est un premier aspect des choses.
Mais à cela, il y a une raison, nous dit-on : il y a, dans le texte, une
deuxième partie - je vous ai bien écouté, monsieur le ministre - destinée à
faire en sorte que les préfets ne règlent point les budgets des conseils
régionaux. Monsieur le ministre, c'est faux, totalement faux !
A en effet été promulguée le 7 mars dernier - si je me souviens bien - une
loi, d'ailleurs validée extrêmement rapidement par le Conseil constitutionnel,
qui prévoit tous les dispositifs nécessaires pour que les préfets n'aient pas
leur mot à dire dans l'adoption des budgets régionaux. Nous ne sommes donc plus
dans la situation que l'on invoquait l'année dernière, à savoir le risque d'une
intrusion des préfets.
Le texte existe. Il n'a pas donné les résultats - il aurait peut-être fallu
les définir un peu mieux , ces résultats ! - que certains espéraient. C'est
vrai, en tout cas, dans deux régions parce que les présidents des régions
concernés - ce n'est pas ma faute s'ils sont de vos amis, monsieur le ministre
- ont totalement méconnu et le texte et l'esprit, ce qui fait que, c'est vrai,
il y a eu intrusion du préfet.
Ce n'est donc pas une question de droit. C'est le fait de deux personnes. Et
l'on vient nous dire, alors, que les conseils régionaux sont d'avance bloqués
pour l'avenir parce que deux personnes, dans un passé proche, ont méconnu une
loi que l'on venait de voter !
Admettez, monsieur le ministre, que la commission des lois s'interroge - c'est
le moins que l'on puisse dire ! - sur la manière dont on conçoit
l'administration de notre pays et sur la conception que l'on a aujourd'hui de
la loi au niveau gouvernemental !
Par conséquent, le moins que l'on puisse dire également, c'est que l'urgence
sur la deuxième partie du texte ne se justifie pas plus que sur la première. Il
est en effet anormal de considérer une loi, dont on a dit à quel point elle
était merveilleuse, extraordinaire, et qui a été validée par le Conseil
constitutionnel malgré certaines réticences, comme morte quand on ne l'a pas
fait vivre, de vouloir, dès lors, en imposer une autre et de se servir de cette
autre pour justifier une urgence dans un domaine électoral qui ne la justifie
en rien !
Monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure le dépôt de la question
préalable au Sénat. Je veux, à cet égard, vous rappeler tout de même un certain
nombre de choses.
La décision n'a été prise ni spontanément ni à l'avance.
En tant que rapporteur de la commission des lois - je parle sous le contrôle
de son président - j'avais, en présentant mon rapport devant elle, fait
remarquer que la déclaration d'urgence posait le problème d'une éventuelle
question préalable, que je n'y étais, pour ma part, pas favorable à ce stade du
débat et que je préférais proposer à la commission un certain nombre
d'amendements, majeurs d'ailleurs, au texte qui nous venait de l'Assemblée
nationale. La commission de lois m'avait suivi.
C'est le débat en séance publique lors de la discussion générale, c'est en
particulier - permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre -, certaines
de vos réponses qui ont amené certains de nos collègues aux responsabilités
éminentes dans cette assemblée, c'est-à-dire les présidents de groupe,...
M. Henri de Raincourt.
Merci pour eux !
M. Paul Girod,
rapporteur
... à déposer une question préalable que le ton de la
discussion justifiait et que, du coup, la commission des lois, prenant
elle-même en considération les échanges qui avaient eu lieu en cette enceinte,
a été amenée à accepter et, ensuite, à faire adopter.
Par conséquent, c'est non pas une volonté de blocage du Sénat mais la nature
même du débat sur le projet qui a conduit au dépôt de la question préalable. Il
faut que cela soit clairement établi.
M. Robert Bret.
Ça c'est clair !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je vous remercie de le dire.
Alors, nous revient maintenant de l'Assemblée nationale, après l'échec
prévisible d'une commission mixte paritaire engagée dans de telles conditions,
un texte dont vous nous avez dit il y a quelques instants, monsieur le
ministre, qu'il est à fort peu de choses près identique au premier texte de
l'Assemblée nationale.
Le « fort peu de choses » n'est pas rien ! Le « fort peu de choses » est même
fondamental.
Il y a deux parties dans le texte. Avec votre permission, mes chers collègues,
je traiterai d'abord de la seconde, qui, à la limite, est la plus simple ;
parce qu'elle est celle qui pose le plus de problèmes de principe, et au sein
de laquelle, je serai amené à soulever une exception d'irrecevabilité
constitutionnelle sur un article - c'est une procédure assez peu fréquente ! -
qui entérine la prééminence exagérée des pouvoirs du président sur son propre
conseil à travers cette nouvelle procédure d'adoption de trois documents
budgétaires dans l'année.
Cette partie comporte un certain nombre d'anomalies, en particulier cette
prééminence majeure du président du conseil régional sur le conseil,
constitutionnellement seul responsable de la libre administration de la
collectivité territoriale dont il est la représentation.
Je signale d'ailleurs au passage, monsieur le ministre, que, si la
Constitution a prévu pour le Gouvernement, devant le Parlement, la procédure
que l'on appelle le « 49-3 », elle l'a spécifiquement réservée au Gouvernement
devant l'Assemblée nationale, ce qui exclut qu'elle puisse être appliquée par
tout autre exécutif à toute autre assemblée délibérante. Sur ce point, nous
verrons bien ce que décidera le Conseil constitutionnel.
Maintiendra-t-il la position qu'il a adoptée lorsqu'il a été saisi de la
première loi, considérant que le système de la double délibération, de la
motion de renvoi, qui était contenu dans cette loi et dont l'objet était
d'éviter l'intrusion du préfet venant régler tout seul le budget de la région,
était un progrès dans la responsabilité de l'assemblée délibérante ?
Considérera-t-il que l'intrusion du président, piétinant allégrement un vote
acquis de l'assemblée pour imposer autre chose, ressort de la libre
administration des collectivités territoriales par un conseil librement élu
?
Cela fait partie des inconnues, pour le moins majeures, du texte que nous
avons à examiner.
Restent d'autres dispositions variées.
L'une d'entre elles me paraît particulièrement contestable : le caractère
public des délibérations des commissions permanentes.
Monsieur le ministre, il faut vraiment ignorer ce qu'est une commission
permanente de collectivité territoriale pour envisager qu'elle puisse - sauf
exception, bien entendu, qui attirera immédiatement l'attention - siéger en
présence de la presse, alors qu'il s'agit de décisions ponctuelles qui ne sont
que l'habilitation donnée au président d'appliquer les politiques librement -
s'il y a encore une liberté en cette matière - définies par le conseil régional
tout entier.
La seconde partie du texte comporte donc quelques anomalies de ce genre ; mais
le Sénat essaiera d'y remédier.
J'en viens à la fameuse « affaire » du code électoral.
Mes chers collègues, je voudrais appeler votre attention sur un point précis
de la procédure parlementaire afin que vous mesuriez bien quels sont, en cet
instant du débat, notre pouvoir et nos capacités d'influence pour la suite.
Deux délibérations, une à l'Assemblée nationale et une au Sénat, se sont
déroulées dans le cadre de la procédure d'urgence. Nous savons à quoi elles ont
abouti : commission mixte paritaire et échec de celle-ci, c'était prévisible ;
rétablissement par l'Assemblée nationale - avec les différences dont je viens
de parler - de son texte d'origine ; aujourd'hui, nouvelle et dernière lecture
au Sénat.
J'imagine, monsieur le ministre, que, si le Sénat n'est pas complètement
d'accord avec l'Assemblée nationale, le Gouvernement va prendre la décision de
faire délibérer celle-ci en dernier ressort. Cette prévision me semble assortie
d'un certain coefficient de probabilités positives. Mais je ne suis pas Mme
Soleil...
L'Assemblée nationale aura uniquement le choix - car elle ne délibère plus
souverainement ; elle est complètement coincée - entre soit reprendre
intégralement son propre texte soit reprendre son propre texte en acceptant un
certain nombre d'amendements adoptés par le Sénat.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois a retenu une démarche à
la fois prudente et, espère-t-elle, constructive, qui consiste à ne pas
rebouleverser complètement le texte de l'Assemblée nationale en reprenant ses
propres positions de première lecture. Ce faisant, la commission ne renonce pas
pour autant aux positions de fond qu'elle a prises en première lecture, il faut
que ce soit clair.
J'ai eu le sentiment que peu de membres de la commission des lois acceptaient
de bon coeur l'idée d'abandonner, même pour des motifs tactiques - et il s'agit
bien de motifs tactiques - la référence au scrutin départemental.
Mais si nous voulons que l'Assemblée nationale puisse tenir compte de
certaines de nos objections, il faut les exprimer par des amendements ponctuels
sur des points choisis, afin de lui permettre de se poser un certain nombre de
questions.
Quels sont les points ponctuels qu'a retenus la commission des lois ?
La commission des lois n'a pas cédé à la tentation du scrutin à un tour. Si
elle a accepté le scrutin à deux tours, je le répète, c'est dans le cadre de
cette délibération qui n'est destinée qu'à encadrer les marges de manoeuvre de
l'Assemblée nationale en dernière lecture.
Accepter le scrutin à deux tours...
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est déjà trop !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Mon cher collègue, vous m'avez interrompu, je vous réponds
tout de suite : si nous retenons le scrutin à un tour, ce n'est même pas la
peine d'espérer que l'Assemblée nationale regarde quoi que ce soit ; d'avance,
elle serait déliée de toute espèce de nécessité d'étudier ce que nous avons
fait par le fait même que, dès le départ, nous aurions pris une position
totalement différente de la sienne.
Le problème de la commission des lois est d'essayer d'amener l'Assemblée
nationale à délibérer sur des points précis.
Nous avons donc accepté le scrutin à deux tours - avec tous les inconvénients
que nous ne nous dissimulons pas - et le cadre régional du scrutin.
Monsieur le ministre, tout à l'heure, vous avez parlé de scrutin
départemental. Non ! la liste sera régionale. Mais elle doit comporter un
nombre normal de représentants par département pour éviter que les départements
peu peuplés ne soient écrasés par le département le plus peuplé.
Demain, nous aurons ici un débat sur l'aménagement du territoire. J'entends
demander à votre collègue ministre de l'environnement et de l'aménagement du
territoire, qui, je crois, représentera le Gouvernement, s'il existe encore en
France des territoires non urbains susceptibles de recueillir un peu
d'attention de la part du Gouvernement...
Avec un système régional sans sectionnement départemental, que va-t-il se
passer ?
Bien entendu, en région Picardie, qui est la mienne, cela ne posera pas de
problème majeur. Mais en Rhône-Alpes, en Ile-de-France, en Midi-Pyrénées, en
Aquitaine, dans les régions où la métropole régionale est majeure, que va-t-il
se passer pour les départements les moins peuplés ?
Nous voyons très bien ce qui se profile, et, par conséquent, sur ce point
précis, nous demandons que les départements les moins peuplés ne soient pas
sous-représentés.
La deuxième série d'amendements a trait à ces fameux seuils, à propos
desquels, monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure que le texte qui
nous revient de l'Assemblée nationale est à peu près identique à celui que nous
avons examiné en première lecture.
Je m'inscris en faux contre cette affirmation, monsieur le ministre. Vous ne
pouvez décemment pas soutenir que l'abaissement des seuils à 5 % pour se
maintenir au second tour, à 3 % pour participer à la répartition des sièges et
à 3 % pour fusionner les listes, assorti d'une prime limitée à 25 % pour la
liste arrivée en tête, permet d'assurer les majorités dans les régions.
Ce n'est pas vrai, et votre seul objectif est en réalité de faire plaisir à
certains de vos alliés de la majorité dite plurielle,...
M. Michel Duffour.
Et alors, ce n'est pas un crime !
M. Paul Girod,
rapporteur.
... qui, autant que je sache, ont prononcé quelques oukases à
cet égard. Cela a d'ailleurs été dit sans fard à l'Assemblée nationale par le
rapporteur du projet de loi, qui a bien expliqué qu'il s'agissait d'un texte
élaboré en fonction de préoccupations politiques et qu'il n'était pas motivé
par un souci de bonne administration. Par conséquent, il s'agit en réalité
d'une manoeuvre purement qualifiée.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que ce projet tient debout, dans la
mesure où, en réalité, vous savez très bien qu'il s'agit pour vous d'essayer
d'enfermer vos adversaires dans un piège, et non pas d'assurer aux régions une
majorité stable.
L'objectif est bel et bien de mettre en place une majorité que vous avez
choisie d'avance.
A cet égard, je me permettrai simplement de citer quelqu'un que, j'imagine,
vous ne récuserez pas, à savoir le président Mitterrand. Il a dit, si ma
mémoire est bonne - et je crois que j'étais présent - que les réformes
électorales étaient des choses à manipuler avec précaution, parce qu'en général
cela se retournait contre ceux qui les faisaient. Or je ne suis pas certain
que, en l'occurrence, vous n'aboutissiez pas à une déconvenue, d'autant,
monsieur le ministre - et je reviens là aux discussions de la première lecture
- qu'il était ressorti très clairement de tous les débats que nous avons eus le
sentiment général que l'on allait prendre prétexte de la deuxième partie du
texte pour expliquer l'urgence, mais l'appliquer à la première partie,
c'est-à-dire à la réforme électorale, avec l'espoir que l'on aurait à s'en
servir prochainement.
Au reste, et j'attire votre attention sur ce point, je ne suis pas certain
qu'il soit constitutionnel d'avoir des assemblées de même nature et
fonctionnant en même temps mais élues selon des modes de scrutin différents.
D'ailleurs, la commission des lois vous proposera - encore un point
d'application d'une réforme électorale - d'exprimer clairement que tout ce
dispositif ne s'applique qu'à compter des élections de 2004, et pas avant.
M. Michel Duffour.
A tort !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous verrons bien si c'est à tort, mon cher collègue.
Donc, pas avant 2004, et ce quelles que soient les manipulations sur le
fonctionnement des conseils régionaux qui pourraient éventuellement être
validées avant...
Mais, monsieur le ministre, à force de tirer sur les ficelles, il arrive qu'on
les casse et, dans cette affaire, je crains que le Gouvernement, à force de
vouloir tirer sur les ficelles, ne soit en train de créer une mécanique qui ne
fera que plonger un peu plus les régions dans l'incertitude.
Dissoudre un conseil régional à la faveur d'un traquenard, cela peut
s'expliquer. On peut aller à la chasse et espérer rapporter un gros gibier.
(Sourires.)
Mais, parfois, on est un peu étonné de n'avoir tiré qu'une
grenouille !
(Nouveaux sourires.)
J'ai connu cela, j'étais moi-même un peu chasseur
dans le temps... encore que je n'aie jamais réussi à tuer une grenouille avec
un plomb, car ce n'est pas une cible facile à toucher ! Reste que c'est de la
manipulation, monsieur le ministre, de la manipulation !
Ce n'est pas grandir une institution que de s'en servir pour des
démonstrations de second ordre.
La réalité, c'est que nous avons besoin de régions stables. Vous l'avez dit et
tout le monde partage ce sentiment.
Vous avez évoqué la déclaration de Rennes ; je ne suis pas sûr que vous l'ayez
très bien lue.
M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, ministre de l'intérieur par intérim.
Si
!
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous en avez tiré ce qui vous arrange et rejeté ce qui vous
arrange moins !
M. Claude Estier.
Il y avait tout et le contraire de tout dans cette déclaration !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il y avait un appel à la morale publique, un appel au sérieux
pour traiter des rapports entre notre peuple, ses collectivités locales, de
leur nécessaire évolution et de la réalité de la vie républicaine et de ses
principes de base.
Or, monsieur le ministre, d'une certaine manière, le texte qui nous arrive de
l'Assemblée nationale transgresse certains de ces principes de base.
C'est la raison de fond, mes chers collègues, des amendements qui vous seront
présentés par la commission des lois et que, j'espère, le Sénat retiendra.
J'espère surtout que, dans un ultime sursaut vers le sérieux, l'Assemblée
nationale s'en saisira, les étudiera un par un, sans être obligée de se renier
sur l'ensemble de ses positions.
Qu'elle revienne au sérieux dans l'affaire ! Qu'on n'ait pas un émiettement
de la représentation par l'introduction du majoritaire dans le proportionnel.
Qu'on évite les manipulations politiciennes.
Monsieur le ministre, j'ai été un peu dur à cette tribune, je ne l'ai pas été
beaucoup moins dans mon rapport écrit.
Mes chers collègues, je crois que nous devons prendre conscience à la fois de
la responsabilité qui est la nôtre en cet instant et de nos limites d'action.
Telle est encore une fois la raison de ces amendements ciblés. Je reconnais
qu'ils ne reflètent pas totalement notre sentiment sur le fond. Toutefois, dans
la technique législative d'instruction des textes et dans la situation
juridique dans laquelle se trouve l'Assemblée nationale, ils constituent pour
le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, le
dernier moyen d'appeler au sérieux, à l'abandon des petites manoeuvres, à une
réalité qui s'impose à nous tous, celle de la libre administration de nos
collectivités territoriales, de leur solidité, de leur sérieux et de leur
fidélité aux principes républicains.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 45 minutes ;
Groupe socialiste, 38 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 29 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 27 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
J'ai bien apprécié les propos de M. le ministre au début de son
intervention.
Il nous a d'abord dit qu'il y avait un réel problème de fond, et j'ai cru un
instant qu'il allait nous écouter avec beaucoup d'attention et qu'il se ferait,
devant l'Assemblée nationale, l'avocat des propositions honnêtes et
intelligentes que le Sénat va adopter. Mais après l'avoir entendu jusqu'au
bout, il me semble bien que c'est tout autre chose qui nous attend.
Monsieur le ministre, je tiens à vous rappeler que, si nous avons voté la
question préalable en première lecture, c'est parce que, à l'issue de la
discussion générale, vous nous avez dit que vous ne tiendriez compte d'aucun de
nos amendements.
Vous aviez eu l'air d'estimer que le Sénat ne servait à rien dans cette
affaire et que les dés étaient jetés.
Nous avons donc fait un effort méritoire, comme l'a dit M. le rapporteur, dont
je salue le travail tout à fait remarquable. Pourtant, vous êtes allé encore
plus loin dans votre déclaration liminaire aujourd'hui. Peut-être est-ce une
manoeuvre délibérée de votre part ? Vous avez en effet justifié une atteinte
évidente à la Constitution et à la décision du Conseil constitutionnel selon
laquelle il est impossible de fixer des quotas en affirmant que l'Assemblée
nationale a voté et que, par conséquent, il n'y a pas de raison de ne pas
l'inscrire dans la loi.
Je vous rappelle à ce propos que le seul chef de gouvernement qui ait tenu
dans le passé le même raisonnement que vous, c'est Staline.
(Rires et
exclamations sur les travées communistes.)
Selon lui, il était possible de
modifier la Constitution par une loi ordinaire. Il n'y a pas d'autres
précédents historiques !
M. Guy Allouche.
Queyranne égale Staline !
M. Patrice Gélard.
Je trouve que vous allez un peu loin, monsieur le ministre. Il me semble que
vous avez un peu oublié le contenu de la Constitution et son article 89, selon
lequel, en matière de révision constitutionnelle, le Sénat a des droits égaux à
ceux de l'Assemblée nationale.
Je vous renvoie également à un excellent article paru dans
Le Monde
d'avant-hier et signé de M. le doyen Vedel, pour qui le texte tel qu'il a
été voté par l'Assemblée nationale ne signifie pas, en l'état, qu'il doive y
avoir des quotas.
Pourtant, en l'occurrence, prévoir 50 % d'un sexe et 50 % de l'autre, cela
veut bien dire que nous sommes en face de quotas.
Vous avez donc ôté le masque : en fait, vous voulez qu'il y ait des quotas
!
On en discutera, mais je ne suis pas du tout convaincu que le Sénat puisse
vous suivre dans cette voie car, si nous sommes pour la parité entre hommes et
femmes, nous ne sommes pas pour autant partisans des formules qui ont apporté
partout la preuve de leur effet néfaste.
Je ferme la parenthèse et j'en reviens au fond du texte qui nous est transmis
de l'Assemblée nationale.
Il y a un vrai problème régional, nous en sommes tous convaincus. Ce problème
mérite des solutions et nous avons, au sein du Sénat, constitué un groupe de
travail sur cette question. Nous n'avons pas pu aboutir, on s'en souvient. Nous
avions alors le temps devant nous. Rien ne justifiait l'urgence, on l'a déjà
dit et je le répète, car je crois qu'il faut parfois enfoncer les clous.
Que dire à propos du texte que vous nous proposez ?
Il était certes nécessaire de réviser le mode de scrutin régional pour aboutir
à une majorité stable et faire en sorte que les régions atteignent enfin le
seuil de crédibilité qu'elles ont du mal à obtenir aux yeux de nos
concitoyens.
Je reprocherai toutefois à ce projet de loi de n'être ni assez moderne ni
assez audacieux en matière électorale. Vous reprenez en effet les modes de
scrutin anciens, que vous aménagez comme vous pouvez.
En matière de mode d'élection aux conseils régionaux, on pouvait innover, on
pouvait proposer un système à l'allemande, par exemple.
Il n'en est rien et l'on conserve le scrutin proportionnel, qui n'est pas un
mode de scrutin très intéressant pour les électeurs puisqu'ils ne connaissent
pas les candidats qui se présentent.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est exact !
M. Patrice Gélard.
Dans une région, constituée de cinq départements parfois très éloignés les uns
des autres, comment voulez-vous que l'électeur s'y retrouve ? Il ne connaîtra
pas les candidats ; peut-être reconnaîtra-t-il un nom, même s'il est placé en
dix-septième position sur la liste. Il ira alors pêcher à la ligne plutôt que
de participer au scrutin.
Ce processus, on le connaît déjà, monsieur le ministre, malheureusement, pour
les élections européennes. Les élections européennes ne sont qu'une lointaine
préoccupation des Français parce que les électeurs ne connaissent pas les
candidats qui se présentent.
On va pourtant faire la même chose avec le scrutin régional.
Je vous avoue que ma préférence pour les élections régionales aurait été un
scrutin majoritaire pour la moitié des sièges et un scrutin à la
proportionnelle pour l'autre moitié, soit un mode de scrutin que le parti
socialiste lui-même avait envisagé à une époque.
Je regrette qu'on ne soit pas allé au bout du processus. Cela vous aurait
peut-être permis d'éviter ce débat un peu stérile, où nous jouons les
défenseurs de positions d'arrière-garde.
Selon moi, seul un mode de scrutin différent nous aurait permis d'approfondir
réellement la réflexion.
Le scrutin proportionnel est un mode de scrutin qui fait courir le risque de
l'émiettement, avez-vous dit au début de votre intervention, et c'est exact.
Mais je déplore que vous n'ayez pas souligné devant l'Assemblée nationale que
l'abaissement des seuils conduit à rendre le scrutin proportionnel totalement
inutilisable.
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Patrice Gélard.
A la limite, on aurait pu retenir la proportionnelle intégrale sans aucun
seuil ! On en connaît pourtant le résultat ! Les Polonais, qui l'ont essayé
récemment, ont vu arriver quarante-huit partis au Parlement, dont certains
aussi folkloriques que « Les Amis de la bière », dont le seul programme était
la détaxation du demi de bière.
(Sourires.)
On risque d'aboutir à ce résultat-là, vous le savez aussi bien que moi !
Le seuil à 5 %, même s'il n'est pas excellent, a maintenant plus de cinquante
ans d'existence dans notre pratique électorale. En effet, en 1946 déjà, au
moment du scrutin proportionnel, ce seuil était fixé à 5 %. Il est alors apparu
insuffisant et il a fallu voter la malheureuse loi de 1950 sur les
apparentements, qui n'était pas une merveille. Il n'en demeure pas moins que le
seuil à 5 % fait partie de notre tradition.
Modifier le seuil traditionnel pour le ramener à 3 %, c'est porter un mauvais
coup à la proportionnelle. Cela revient, plus précisément, à la discréditer.
Comme M. le rapporteur l'a excellemment dit, le fait de ramener le maintien au
second tour de 10 % à 5 % va conduire à un résultat parfaitement prévisible :
au second tour, ce ne sont pas deux listes qui subsisteront, mais trois,
quatre, voire cinq listes qui se maintiendront. Cela permettra par ailleurs à
ces listes de décider dans l'ombre, en dehors de l'électeur, quelles alliances
- contre nature ou pas - elles concluront une fois le résultat acquis.
Je ne suis donc absolument pas satisfait du travail de l'Assemblée nationale
en ce qui concerne le mode de scrutin.
Permettez-moi maintenant d'en venir à quelques interrogations quant à la
constitutionnalité de certaines dispositions du texte que vous présentez,
monsieur le ministre.
Le droit n'est pas fait pour être tordu. Le droit est droit, il n'est pas
courbe. Or, on a l'impression avec ce texte que les possibilités juridiques ont
été tordues au maximum, non pour atteindre un objectif net et clair - la bonne
administration de la région - mais pour répondre à des préoccupations
politiques mal avouées.
Pourquoi avoir décidé que, dorénavant, la primauté n'irait plus au doyen d'âge
mais au benjamin, que ce soit pour la présidence des séances ou en cas
d'égalité des voix ? C'est complètement ridicule, parce que vous touchez là à
une tradition républicaine qui remonte au tout début de la République :
l'institution du doyen d'âge remonte en effet à la Révolution française.
A mon avis, il s'agit là d'un des principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République, et vous le remettez en cause. On peut le faire. Il faut
certes que la loi évolue avec les moeurs. Mais, à ce moment-là, il faut
modifier la Constitution et non la loi !
En l'occurrence, il s'agit d'une pure déclaration démagogique. On met le plus
jeune à la place du plus vieux pour faire plaisir à quelques électeurs de plus.
Et je ne suis même pas convaincu que cela leur fera plaisir !
Cette mesure relève de la simple démagogie et non de la volonté pourtant
affirmée d'un bon fonctionnement des régions.
J'évoquerai également - mais M. le rapporteur en a déjà parlé - la durée du
mandat régional, qui est ramenée à cinq ans sans étude préalable, sans
discussion préalable, sans motif valable.
Cette disposition aurait pu répondre à une raison, monsieur le ministre :
faire coïncider la durée du mandat régional avec celle du contrat de plan
Etat-région. Alors, à la limite, j'aurais pu accepter votre choix. Un contrat
de plan Etat-région de cinq ans correspondant à la durée du mandat régional, ce
n'était pas idiot du tout, cela se justifiait.
Mais, puisque les contrats de plan Etat-région durent désormais non plus cinq
ans, mais six à sept ans, vous ne permettrez donc même pas à un conseil
régional de mener à terme le contrat Etat-région qu'il aura négocié. Au bout de
cinq ans, ce sera terminé ! Les conseillers régionaux seront obligés de se
représenter devant les électeurs !
Il n'y aura donc pas de lien logique entre les engagements pris à un moment
donné et leur réalisation.
Là encore, il aurait fallu prendre le temps, réfléchir. Pourquoi pas cinq ans,
disais-je, si cela se justifie ? Cela aurait été acceptable à cette
condition.
Mais chacun d'entre nous sait bien qu'aujourd'hui cinq ans est un minimum, et
que six ans, c'est mieux pour mener à bien une politique qu'on a lancée.
J'en reviens aux quelques motifs d'inconstitutionnalité que j'ai cru pouvoir
relever.
Pour ce qui est de la parité hommes-femmes, l'inconstitutionnalité est
manifeste.
Pour ce qui est de la primauté du benjamin sur le doyen d'âge,
l'inconstitutionnalité est réelle, j'en suis convaincu.
Mais j'ai relevé d'autres irrégularités.
Qu'en est-il des sections départementales ? Je ne suis en effet pas du tout
convaincu qu'il soit constitutionnel de faire en sorte que les électeurs
sénatoriaux n'aient aucun rapport avec le département dans lequel ils seront
appelés à voter.
Il est prévu par ailleurs prévu de rendre publiques les réunions des
commissions permanentes. Cela me paraît relever de la pure démagogie. On ne
réunira plus les commissions permanentes que pour la façade, les véritables
décisions se prenant ailleurs.
Est-il conforme à la Constitution d'adopter un tel dispositif ? Ne revient-il
pas aux collectivités locales de régler elles-mêmes un problème de cet ordre,
sans que la loi intervienne ?
En outre, avec un tel système, M. le rapporteur l'a bien souligné, le
président de la région peut se transformer en un dictateur régional, passer
outre les décisions du conseil.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, pourquoi ne pas se lancer dans une
autre expérience l'élection du président du conseil régional au suffrage
universel direct, par exemple ? Seule une telle élection justifierait les
pouvoirs que la loi va lui reconnaître.
Monsieur le ministre, le texte que nous examinons aujourd'hui et que nous
avons tenté d'améliorer pour inciter l'Assemblée nationale à suivre certaines
de nos recommandations est tellement tordu que le remède choisi risque
d'entraîner l'aggravation du mal. Je crains que les conseils régionaux n'en
sortent plus amoindris, plus malades qu'avant, moins crédibles au regard de
l'opinion publique, parce que la loi n'est pas bonne.
Je me demande même si, par machiavélisme, vous n'avez pas voulu en fait que
l'on saisisse le Conseil constitutionnel, et si, dès le départ, vous n'avez pas
accepté un certain nombre de dispositions tout à fait invraisemblables pour que
le Conseil constitutionnel les refuse.
Je me demande aussi dans quelle mesure vous n'avez pas été soumis dans cette
affaire, d'abord et avant tout, à des pressions politiques pour que les
conseils régionaux soient les plus proches possible de la représentation idéale
de votre majorité plurielle.
Nous ne pouvons pas accepter qu'une loi soit faite en fonction des
circonstances. Elle est faite pour l'avenir, pour le futur. C'est la raison
pour laquelle je crois que nous avons fait un travail solide en proposant des
amendements qui valent ce qu'ils valent, mais dont nous espérons qu'ils seront
suivis par l'Assemblée nationale, faute de quoi je crains - je le dis
franchement - que la loi qui sera votée par l'Assemblée nationale en dernière
lecture ne soit tellement mauvaise dans la pratique, qu'elle doit, tôt au tard,
revenir devant le Sénat.
(Vifs applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion
de la première lecture de ce texte au Sénat, le 20 octobre dernier, j'avais
indiqué au nom de mon groupe les aspects que nous jugions positifs ou
nécessaires, ainsi que ceux que nous estimions négatifs et sur lesquels nous
émettions certaines réserves.
Au premier rang de nos critiques figuraient, dans le projet de loi, des seuils
que nous considérions comme trop élevés pour la participation au second tour ou
le bénéfice de la répartition des sièges. Je constate que vous revenez,
monsieur le ministre, avec un texte nettement meilleur, et notre attitude va
s'en ressentir sur les plans tant du débat que de nos appréciations.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Tiens !
Tiens !
M. Michel Duffour.
C'était pour nous une question importante. Nous nous sommes en effet beaucoup
interrogés sur le fait de savoir si l'objet de tels seuils était le bon
fonctionnement des conseils régionaux. De toute évidence, non, puisque les
dispositions prévues pour favoriser l'émergence d'une majorité stable, avec
notamment l'octroi d'une prime significative à la liste arrivée en tête,
permettaient cette stabilité.
Notre crainte était alors - je n'y reviendrai pas - le franchissement d'une
étape supplémentaire dans une bipolarisation de la vie politique que nous
estimons mauvaise pour la vie citoyenne de notre pays. En effet, la conséquence
essentielle d'un seuil trop élevé est de priver de toute réprésentation des
courants minoritaires qui, pourtant, rassemblent une part importante de
l'électorat et méritent donc d'être représentés.
Nous estimons que la démocratie ne peut se satisfaire d'une restriction du
débat d'idées, car c'est dans la diversité et dans le pluralisme qu'elle puise
sa vitalité.
La région est un échelon suffisamment important pour que le débat y prenne une
dimension politique marquante.
La discussion que nous avons eue sur la question des seuils - je respecte les
arguments qui ont été avancés par le Gouvernement - a, je le constate, porté
ses fruits, et nous nous en félicitons.
La majorité des députés, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, a
décidé la réduction significative des seuils. Il s'agit d'un geste politique
important que nous approuvons pleinement.
M. le rapporteur et l'orateur précédent ont fantasmé sur d'éventuelles
magouilles au sein de la majorité. Il faut vous y faire, messieurs. La majorité
plurielle fait preuve de sa vitalité et de son sens du dialogue. Des désaccords
nous opposent sur certains sujets. Nous les exprimons avec beaucoup de
franchise.
A la différence de la droite, que nous avons vue pendant des années paralysée
par des divisions internes - M. le rapporteur a fait l'historique à sa façon de
la non-publication d'un texte au cours des dernières années -, qui est
complètement empêtrée dans ses contradictions et qui n'a pas le courage de
dépasser ses désaccords, et cela au grand jour, la majorié de la gauche
plurielle a tout simplement réussi à se mettre d'accord et a faire converger
ses différents points de vue.
Cette évolution, sur un point que nous estimons essentiel, nous conduit
aujourd'hui, dans un esprit constructif et pour permettre aux régions de
fonctionner dans de meilleures conditions, à approuver ce texte.
L'attitude de la majorité de droite, qui souhaite restaurer des seuils plus
élevés, voire aller beaucoup plus loin que le texte initial comme elle le
propose dans certains amendements, cette attitude ne nous surprend pas.
Que la droite sénatoriale veuille faire barrage à la reconnaissance du
pluralisme politique à l'échelon régional ne nous étonne nullement, car la
déformation du suffrage universel a malheureusement toujours été une constante
de la droite française ! Il suffit de regarder le mode de scrutin sénatorial,
ses aspects antidémocratiques évidents - mais qui ne le constate aujourd'hui ?
- pour refuser à la majorité sénatoriale, qui défend bec et ongles ce mode de
scrutin, de donner ici des leçons de démocratie !
Nous voterons donc contre les dispositions présentées par la commission des
lois pour restaurer les seuils, que l'Assemblée nationale a réduits.
Nous nous opposons aussi - je le dis d'emblée, car nous n'interviendrons pas
fréquemment dans cette discussion - à la volonté de la majorité sénatoriale de
ralentir la discussion. Il aurait tout de même été beaucoup plus sain et
productif...
M. Paul Girod,
rapporteur.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Duffour ?
M. Michel Duffour.
Très volontiers, monsieur le rapporteur.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Très honnêtement, mon cher collègue, si nous avions vraiment
voulu ralentir les débats, je vais vous dire ce que j'aurais pu être amené à
faire, car c'était mon devoir de rapporteur : j'aurais pu demander à rencontrer
M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur, et demander les
résultats des simulations relatives aux abaissements de seuils.
Nous ne l'avons pas fait. Nous avons accepté d'entrer dans le jeu et de nous
en tenir au calendrier qui nous était fixé. Mais nous n'avons pas cherché à
ralentir le débat. Dans cette affaire, monsieur le ministre, nous somme blancs
comme neige !
M. Henri de Raincourt.
Clean !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Duffour.
M. Michel Duffour.
Nous allons voir si ce souci d'avoir une discussion productive et rapide...
M. Jacques Larché.
président de la commission des lois.
Productive et rapide, c'est
incompatible !
M. Michel Duffour.
... va finalement se confirmer dans les heures qui viennent !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Ce n'est pas moi qui ai prévu pour cet après-midi la
célébration du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des
droits de l'homme !
M. Michel Duffour.
En tout cas, pour ce qui est de la productivité, il est sûr que notre débat en
première lecture n'aurait pas été conclu comme il l'a été et, s'agissant de la
réforme du mode de scrutin régional, le Sénat aurait pu apporter sa pierre ! Je
constate qu'il ne l'a pas fait. Notre Haute Assemblée avait pourtant besoin
d'un débat utile.
Mais je pense que celui-ci est quelque peu biaisé en raison de la
contradiction que je constate dans vos propos lorsque j'entends, d'un côté, des
orateurs de la majorité sénatoriale défendre bec et ongles la circonscription
départementale - que j'avais par ailleurs défendue moi-même - et, de l'autre,
l'ancien Premier ministre, M. Juppé, « exécuter » les départements, voilà
quelques jours ! J'attends donc les remarques que feront tout à l'heure les
orateurs appartenant au même parti que M. Juppé,...
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Vous avez une conception
monolithique du parti !
M. Michel Duffour.
... pour voir quels sont véritablement les fondements de leur démarche !
S'agissant de la parité entre les hommes et les femmes, je m'étonne, alors que
M. le Président de la République parle de modernité, d'entendre M. Gélard
aborder le problème de manière extrêmement restrictive, sans trouver le souffle
nécessaire pour accueillir favorablement le texte gouvernemental !
Je considère enfin, lorsque j'entends M. Gélard, déclarer que le scrutin
proportionnel à l'allemande a son intérêt - ce dont je ne disconviens pas -
alors que nous n'en avons jamais parlé au cours des deux derniers mois et
qu'aucun amendement n'a été déposé à l'appui de cette affirmation, que les
propos tenus manquent d'un certain sérieux ! Voilà ce que nous voulions dire
dans ce débat.
Je tiens à rappeler les réserves que nous avions émises sur certains aspects
du projet de loi et qui demeurent aujourd'hui.
La proportionnelle, je l'ai indiqué lors de la première lecture de ce texte,
est source de démocratie, et non le contraire.
Nous maintenons également nos réserves sur la réduction de l'effet
proportionnel dans le scrutin régional.
Nous reconnaissons cependant l'urgence qu'il y a à mettre en place des règles
de fonctionnement pour les régions.
Enfin, tout en étant pleinement conscients des nécessités de l'heure, nous
alertons le Sénat sur les risques d'enfermement dans un système s'apparentant
au vote bloqué parlementaire - je n'en veux pas spécialement à M. Gélard ! -
mais sans les excès qui ont été évoqués quant au danger d'un pouvoir
dictatorial des présidents. Je ne pense pas que l'on puisse faire de telles
remarques à propos de ce projet de loi.
Il sera important pour nous, à l'avenir, de faire le bilan d'un système qui
est transitoire et d'en tirer les conclusions.
La volonté affichée par le Gouvernement et la majorité plurielle de
l'Assemblée nationale de garantir la représentation des minorités mérite d'être
soutenue. Nous défendrons donc le texte tel qu'il a été initialement proposé.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, cher rapporteur, mes chers
collègues, refusant de mettre rapidement un terme aux situations de blocage
vécues par certains conseils régionaux du fait de l'absence de majorité stable,
prétextant de l'utilisation de la procédure d'urgence et regrettant que la
réforme du fonctionnement des conseils régionaux ne soit pas disjointe de la
réforme du scrutin, le Sénat a rejeté le texte en première lecture après
adoption d'une question préalable.
Réunie le 28 octobre dernier, la commission mixte paritaire a bien évidemment
échoué. Conformément à l'article 45 de la Constitution, il était normal que
l'Assemblée nationale reprenne le projet qu'elle avait précédemment adopté.
Ultime lecture, semble-t-il, que celle que nous avons aujourd'hui ! Séance de
pure forme, car il est très peu probable que le Gouvernement suive la majorité
sénatoriale dans ce qu'elle propose et que nos collègues députés acceptent la
moindre proposition sénatoriale.
M. Jean-Pierre Raffarin.
Il ne faut pas désespérer du Palais du Luxembourg !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Malgré les efforts de M. le rapporteur, la réflexion n'a guère progressé. En
revanche, les conclusions de la commission des lois ont gagné en confusion et
en contradictions ; je m'en expliquerai.
A l'occasion de cette discussion générale, je veux m'attarder sur les
explications et motivations développées par M. le rapporteur dans la première
partie de son rapport écrit, sur les critiques qu'elles m'inspirent, car, à
l'appel des articles, peut-être aurai-je l'occasion d'expliquer les raisons
pour lesquelles nous sommes opposés à ce que vous proposez.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de préciser, compte tenu des sentiments
de confraternité et des liens qui nous unissent, qu'à travers vous je m'adresse
également à la majorité sénatoriale. N'y voyez donc aucune attaque d'ordre
personnel.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je n'aurais jamais pensé une seule seconde qu'une telle
tactique puisse vous inspirer !
M. Guy Allouche.
Je vous en remercie.
Pour ne pas trop étaler ses divisions et pour faire taire ses profondes
divergences, la majorité sénatoriale a préféré adopter une question préalable
en première lecture. Cher rapporteur, nous avons une profonde divergence sur
l'interprétation de cette question préalable.
Je prétends que si elle est intervenue, aux termes du règlement, à la fin de
la discussion générale, nous avions connaissance de son dépôt à l'ouverture de
la séance,...
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Et alors ?
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous aviez de meilleurs « espions » que moi !
M. Guy Allouche.
... tant et si bien que mes amis m'ont demandé de répondre également à la
question préalable.
Par conséquent, ce n'est pas après la réponse du ministre que la majorité
sénatoriale a décidé de déposer cette motion de procédure. C'est avant même que
le débat s'ouvre. Il suffit de consulter l'heure à laquelle la motion a été
déposée pour s'en rendre compte ! Monsieur Larché, je dis cela pour remettre
les choses dans l'ordre chronologique. Ce n'est pas à la fin de la discussion
générale que MM. de Raincourt, de Rohan et Arthuis ont pensé à la question
préalable. Non ! c'était avant et c'était leur droit.
M. Henri de Raincourt.
C'était une précaution que nous avions prise !
M. Guy Allouche.
Merci de le préciser ! Par conséquent, cela infirme ce qu'a dit notre
rapporteur.
M. Henri de Raincourt.
Non !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Absolument pas !
M. Guy Allouche.
M. le rapporteur a bien précisé que c'était à la suite de la non-prise en
considération par le ministre de ce qui avait été dit dans la discussion
générale...
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Guy Allouche.
Comment M. le ministre pouvait-il prétendre connaître vos remarques avant que
le débat commence ?
M. Henri de Raincourt.
Nous avons plusieurs cordes à notre arc !
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Monsieur Allouche, me permettez-vous
de vous interrompre ?
M. Guy Allouche.
Je vous en prie, monsieur Larché.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de
l'orateur.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Je m'étonne toujours de la
conception que nos collègues socialistes ont du débat parlementaire.
Comme l'a parfaitement dit le président de notre groupe, vous connaissant et
connaissant votre entêtement sur les positions que vous prenez, il n'était pas
du tout illégitime que nous prenions quelque précaution. Cette précaution,
c'était la rédaction d'une question préalable.
Vous êtes trop respectueux de la procédure parlementaire pour ne pas vous
souvenir qu'il a fallu réunir la commission des lois après la discussion
générale et vous connaissez suffisamment la liberté de ton et d'opinion qui
règne au sein de la commission des lois pour savoir que l'on ne pouvait pas du
tout préjuger le sort qui serait réservé à cette question préalable.
La question préalable n'a donc pris une existence juridique qu'à partir du
moment où, faisant ce qu'elle croyait être bon - mais elle aurait pu faire
autrement -, la commission des lois a décidé de l'approuver.
Votre chronologie n'apporte absolument rien au débat ; elle montre simplement
que vous avez été un peu dépités de la manoeuvre.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Je disais donc que, pour ne pas trop étaler ses divisions et faire taire ses
profondes divergences, la majorité sénatoriale a préféré adopter une question
préalable en première lecture.
Aujourd'hui, rappelée certainement à l'ordre par le Président de la
République, qui a déclaré nécessaire de rendre gouvernables les régions
précisément par une réforme du mode de scrutin, elle semble avoir pris
conscience de ses erreurs, de ses incohérences et de ses inconséquences.
M. Hubert Haenel.
Ce n'est pas le cas du Gouvernement !
M. Guy Allouche.
Elle tente à présent d'y remédier, en acceptant de débattre, mais un peu
tard.
Les arguments avancés par notre rapporteur ne résistent pas longtemps à
l'analyse. Tous les reproches faits au Gouvernement et à la majorité de
l'Assemblée nationale n'arriveront jamais à masquer un tant soit peu les
profondes divergences que nous avons constatées depuis cinq ans, au sein de la
droite, sur cette question. Vous tentez de faire diversion avec une proposition
de dernière minute. Nul n'est dupe de la manoeuvre, et j'oserai employer une
expression quelque peu familière : « il n'est pire sourd que celui qui ne veut
rien entendre. »
Dès l'instant où le Sénat a considéré qu'il n'y avait pas lieu de délibérer,
pourquoi faire reproche à l'Assemblée nationale de ne débattre que de ses
proppres propositions. Que pouvait-elle faire d'autre ? Vous contestez
l'urgence. Moi aussi, j'ai souvent contesté les déclarations d'urgence, et vous
le savez.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Vous avez là une belle occasion de déployer vos talents !
M. Guy Allouche.
Vous contestez l'urgence déclarée qui interdirait à l'Assemblée nationale
d'examiner les propositions du Sénat. Il aurait été préférable, mes chers
collègues, que la Haute Assemblée les formule et les adopte en première
lecture. Tel n'a pas été le cas. Et je vous renvoie à la conclusion de mon
intervention contre la question préalable, dans laquelle je vous disais mot
pour mot : « Vous laissez à nos amis de l'Assemblée nationale le soin de
traiter de cette question. Ils ne s'en priveront pas. » N'est-ce pas, monsieur
le président de Raincourt ?
(M. de Raincourt acquiesce.)
Vous vous le rappelez. Donc, pourquoi faire reproche à l'Assemblée
nationale de reprendre son travail.
Et que dire de l'argument savoureux utilisé par le rapporteur lorsqu'il écrit
: « Le ministre se refusant à prendre en considération les propositions de
votre commission des lois, le Sénat a finalement décidé, avec l'avis favorable
de la commission des lois, d'adopter une question préalable. » C'est ce que
vous avez écrit, monsieur le rapporteur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Oui, c'est vrai !
M. Guy Allouche.
Cependant, comme il est très peu probable que le Gouvernement vous suive
aujourd'hui, qu'il accepte ce que j'ai appelé, vous me le pardonnerez, l'«
usine à gaz » que vous avez proposée, est-ce à dire que nous serons saisis
d'une deuxième question préalable à la fin de cette discussion générale ?
M. Henri de Raincourt.
Vous verrez bien !
M. Guy Allouche.
Si chaque fois que le Gouvernement s'exprime en contradiction profonde avec le
Sénat, si chaque fois qu'il refuse les propositions sénatoriales, la droite
sénatoriale adopte une question préalable, mes chers collègues, il n'y a plus
de débat possible dans cette assemblée ! Cette autocensure joue contre vous -
et contre nous tous - et c'est vous qui en quelque sorte portez atteinte à
l'institution à laquelle vous et nous sommes attachés !
Au fait, qui décide au Sénat ? Est-ce le Gouvernement de la gauche plurielle
ou est-ce la majorité sénatoriale ?
Si vous aviez réellement voulu que l'Assemblée nationale étudie et prenne
éventuellement en considération les propositions alternatives du Sénat - à
supposer qu'elles existent - il aurait fallu les formuler et les adopter.
Représentant des collectivités territoriales, le Sénat a en quelque sorte
démissionné et laissé le soin à l'Assemblée nationale de définir l'avenir des
conseils régionaux. C'est vous qui avez choisi de tronquer le débat. Telle est
la réalité !
Je suis au regret de vous dire, monsieur le rapporteur, que, malgré vous, vous
avez été l'otage de votre propre majorité. En commission des lois, puis en
séance publique le 20 octobre dernier - vous l'avez redit tout à l'heure - vous
aviez rejeté le principe de la question préalable au motif que cela serait mal
interprété et qu'elle constituerait une réaction excessive.
M. Robert Bret.
C'est vrai !
M. Guy Allouche.
Vous l'avez dit en commission et à la tribune, vous l'avez écrit, vous l'avez
répété tout à l'heure.
Pour autant et dans un second temps, face aux divergences clairement exprimées
en séance, la commission des lois, qui s'est réunie à la fin de la discussion
générale, a voté en faveur de cette question préalable. Non seulement vous ne
vous êtes pas abstenu, monsieur le rapporteur, mais vous l'avez soutenue.
Vous n'avez de cesse de critiquer l'urgence. Mais il faut être sourd et
aveugle pour ne pas s'apercevoir que, déjà, des conseils régionaux élus il y a
à peine six mois ne fonctionnent pas et que d'autres, demain ou d'ici à 2004,
risquent de connaître la même situation. Tout gouvernement qui laisserait se
dégrader une telle situation serait à mes yeux irresponsable et coupable.
Oui, il y a urgence à sortir ces conseils régionaux des difficultés qu'ils
rencontrent.
Oui, il y a urgence à préserver d'autres assemblées régionales de ces mêmes
maux.
Oui, il y a urgence à changer de mode de scrutin, quand on sait, d'évidence,
que l'actuel mode de scrutin ne répond plus ou ne répond pas au mal qui se
développe.
M. le rapporteur a fait état du groupe de travail de la commission mis en
place par la commission des lois en 1996. Pour y avoir participé assez
activement, je puis attester que, effectivement, l'unanimité s'est faite,
compte tenu des divergences qui existaient entre nous tous, sur l'idée qu'il ne
fallait pas changer de mode de scrutin ; c'est exact.
Mais il y a eu l'alternance en 1997, et vous avez rappelé l'engagement du
Premier ministre - ce dont vous lui avez donné acte, monsieur le rapporteur -
de ne pas modifier les choses immédiatement. Dans la mesure où il n'y avait pas
de consensus avant l'élection régionale, il a fallu attendre que celle-ci se
déroule - on a vu avec quels résultats ! - pour que le Gouvernement prenne ses
responsabilités.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Très bien ! Parfait !
M. Guy Allouche.
Il a pris ses responsabilités, le Parlement en débat.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Personne ne conteste cela, monsieur Allouche, c'est l'urgence
qui est contestée.
M. Guy Allouche.
Je suis quand même étonné de voir, depuis quelques semaines, le nombre de
propositions de mode de scrutin qui surgissent tout à coup ! Je ne veux pas les
énumérer car ce serait trop long. Mais pourquoi cela n'a-t-il pas été fait
avant, de 1993 à 1997 ?
Notre excellent collègue M. Gélard, dont on connaît la science
constitutionnelle, vient de nous faire l'apologie du système allemand, rappelé
par notre collègue M. Duffour. Or, voilà à peine quelques heures, dans
l'enceinte de la commission des lois, j'ai entendu le même M. Gélard dire qu'en
aucun cas le système français ne pouvait être comparé au système allemand,
l'Allemagne étant un Etat fédéral.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Allons, allons, son propos portait
sur un autre point !
M. Guy Allouche.
Peut-être, mais en tout cas, le mode de scrutin utilisé dans un système
fédéral ne peut s'appliquer dans un système centralisé comme le nôtre ! Il faut
savoir choisir ses exemples !
Vous n'avez donc pas réussi à faire cette modification en quatre ans. Le
Premier ministre a pris un engagement devant la représentation nationale, il
l'a dit ici même au Sénat. Ce projet de loi concrétise cet engagement.
Je suis obligé de constater - et je ne suis pas le seul - que la droite oppose
toujours des préalables aux projets du Gouvernement : il faut approfondir la
décentralisation et adopter un statut de l'élu avant de parler du non-cumul des
mandats ; il faut procéder à l'examen des autres volets de la réforme de la
justice avant de ratifier la révision constitutionnelle sur l'indépendance du
Conseil supérieur de la magistrature ; il faut redéfinir l'avenir des régions
avant de modifier le mode de scrutin régional, etc., etc. Je pourrais
multiplier les exemples !
Vous soulignez, pour aussitôt les stigmatiser, « les considérations politiques
à l'origine de cette modification ». Oui, pourquoi ne pas le reconnaître ? Il
est exact que cela a fait l'objet de négociations au sein de la gauche
plurielle ! Et alors ? En quoi la concertation des composantes de la majorité
est-elle condamnable ?
M. Jean-Pierre Raffarin.
Parce qu'elle est exclusive !
M. Guy Allouche.
Cher monsieur Raffarin, n'y a-t-il pas concertation de la majorité sénatoriale
?
M. Henri de Raincourt.
Si !
M. Guy Allouche.
Celle-ci ne se réunit-elle pas pratiquement chaque semaine ?
M. Henri de Raincourt.
Si !
M. Robert Bret.
Cela n'a pas l'air de fonctionner !
M. Guy Allouche.
Ne décide-t-elle pas pour l'ensemble de la majorité ?
M. Henri de Raincourt.
Pas toujours.
M. Guy Allouche.
Mais souvent ! Est-ce qu'on vous en fait le reproche ? Non. Alors !
Si, au sein de la gauche plurielle, les composantes politiques qui soutiennent
le Gouvernement en place n'engageaient pas des discussions et des négociations,
ce ne serait plus une gauche plurielle.
M. Michel Duffour.
Très bien !
M. Guy Allouche.
Mes chers collègues, oui, il y a eu des discussions, il y a eu des
négociations, C'est la loi du genre et je ne pense pas qu'il faille balayer
d'un revers de main ce genre de contacts qui existent entre formations
politiques.
Comment ne pas être choqué par le comportement de la majorité sénatoriale, qui
refuse de remédier aux dysfonctionnements de certains conseils régionaux en
adoptant un amendement qui supprime tout le titre III ? Tout le travail de la
commission a été focalisé, selon vos propres termes, sur la question des
seuils, donc du mode de scrutin, alors qu'elle admet que l'urgence n'aurait dû
porter que sur le seul fonctionnement des conseils régionaux.
M. Paul Girod,
rapporteur.
On ne peut pas admettre des mesures
anticonstitutionnelles.
M. Guy Allouche.
Que de contradictions, monsieur le rapporteur ! Vous auriez dû proposer, en
toute logique - si tant est que la logique et la politique aillent de
pair...
M. Henri de Raincourt.
Pas toujours !
M. Guy Allouche.
... vous auriez dû proposer, dis-je, des amendements qui suppriment tous les
articles relatifs au mode de scrutin pour présenter des articles alternatifs
relatifs au fonctionnement des conseils régionaux. Vous avez fait l'inverse :
vous supprimez les articles concernant les dysfonctionnement et vous n'amendez
que ceux qui visent le mode de scrutin. Voilà la contradiction ! Voilà
l'incohérence et l'inconséquence de votre attitude ! Je ne pouvais pas ne pas
vous le faire remarquer.
Vous avez avancé un autre argument, monsieur le rapporteur : « Le choix de la
circonscription électorale contribue à une politisation accrue des élections »,
écrivez-vous. Mais cet argument consiste tout simplement à vouloir nier le rôle
politique des conseils régionaux, au niveau tant de leurs acteurs que de leurs
compétences. Qu'il s'agisse de listes régionales ou de listes régionales à
sections départementales, pour reprendre votre proposition, elles sont toutes
présentées par des formations politiques. S'il est une assemblée territoriale
qui a une fonction éminemment politique...
M. Jean-Pierre Raffarin.
Politique ne veut pas dire partisane !
(Exclamations sur les travées
socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. Claude Estier.
Ça vous va bien !
M. Guy Allouche.
Monsieur Raffarin, je ne m'attendais pas à ce que ce soit vous qui disiez cela
!
Enfin, la critique des seuils est pour vous sans appel. Vous affirmez que le
texte qui nous vient de l'Assemblée nationale a changé de nature et que
l'abaissement proposé faciliterait la représentation des extrêmes.
M. Jean-Pierre Raffarin.
C'est vrai !
M. Guy Allouche.
Mais, mes chers collègues, n'avez-vous pas encore remarqué que les extrêmes
dont vous parlez sont déjà représentés dans les conseils régionaux et que leurs
scores électoraux dépassent de très loin le seuil proposé ?
M. Henri de Raincourt.
Hélas !
M. Henri de Richemont.
Grâce à vous ! Vous avez tout fait pour !
M. Paul Girod,
rapporteur.
C'est bien pour cette raison qu'il faut le remonter !
M. Guy Allouche.
Tiens, c'est bizarre... Nous n'avons pas changé le mode de scrutin ! Et c'est
à cause de nous que les dysfonctionnements se produisent ! On veut le changer,
et c'est encore à cause de nous que cela ne va pas marcher ! Dans tous les cas
de figure, nous sommes coupables !
M. Henri de Richemont.
Ben oui !
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas nous qui avons pactisé avec l'extrême droite.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Henri de Richemont.
Nous non plus !
M. Guy Allouche.
Je ne mets pas tous les élus du RPR et de l'UDF dans le « même sac », si je
puis dire !
M. Henri de Raincourt.
Merci !
M. Guy Allouche.
Parmi eux, je connais d'éminents républicains. Mais j'en connais d'autres qui
n'hésitent pas et qui veulent continuer à pactiser avec l'extrême droite !
M. Henri de Richemont.
Moi, j'en connais qui ont tout fait pour pousser l'extrême droite.
M. Guy Allouche.
Depuis quarante-huit heures, certains de vos amis ouvrent les bras...
M. Dominique Leclerc.
Assez d'hypocrisie.
M. Henri de Richemont.
Avant 1981, il n'y avait pas d'extrême droite !
M. Guy Allouche.
... à une formation politique que j'exècre et que j'ai toujours combattue. Eux
sont prêts à l'accepter comme si elle était blanchie.
En fait, le nouveau texte approfondit l'esprit de la réforme. Il s'agit d'un
mode de scrutin proportionnel à deux tours, qui est désormais conforme à la
tradition française où la diversité s'exprime avant que les rassemblements
nécessaires à l'existence d'une majorité stable s'opèrent dans la clarté, la
transparence. Ainsi, l'électeur peut choisir en connaissance de cause.
L'objectif que l'on cherche à atteindre par ce projet de loi est respecté : il
s'agit de donner une meilleure légitimité aux régions, de garantir des
majorités stables au sein des assemblées, tout en préservant la représentation
des minorités, d'assurer une véritable lisibilité et une transparence pour le
citoyen.
M. Henri de Richemont.
Des mots !
M. Guy Allouche.
En quoi l'assouplissement des seuils contredirait-il l'objectif de
transparence ? C'est justement parce que tout sera clair pour le deuxième tour
- soit le maintien, soit la fusion - que la transparence sera assurée sans
attendre les manoeuvres, manoeuvres honteuses...
(M. Dominique Leclerc s'esclaffe)
connues de tous et que nous ne
cesserons jamais de condamner.
N'est-ce pas le président du RPR, M. Philippe Séguin, qui, déplorant cette «
honteuse exception française »...
M. Henri de Richemont.
Les modes de scrutin ?
M. Guy Allouche.
Il parlait des alliances.
M. Séguin a déclaré, voilà quelques jours, dans un hebdomadaire qui paraît le
jeudi et qui ferait l'événement de ce jour...
M. Paul Girod,
rapporteur.
On se demande quel peut être cet hebdomadaire !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Voilà le document ! Il est daté du 19 au 25 novembre 1998 !
(M. Allouche présente un document à ses collègues.)
Je vous cite le président Séguin.
M. Hubert Haenel.
Bonne lecture !
M. Guy Allouche.
« Un accord entre élus, ça ne peut se prendre que devant les électeurs. Donc
avant l'élection. Si on le passe après, sans avoir prévenu préalablement, il y
a tromperie sur la marchandise. » Sur ce point précis, M. Séguin parle d'or.
M. Henri de Richemont.
Toujours !
M. Guy Allouche.
Pour moi, sur ce point précis !
En quoi l'assouplissement des seuils affecterait-il le fonctionnement des
conseils généraux, dès l'instant où une majorité stable s'est dégagée grâce à
la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête ?
M. le rapporteur n'hésite pas à affirmer que le projet de loi dont le Sénat
est saisi en nouvelle lecture apparaît comme une « machine de guerre »
politique et électoraliste, susceptible de déboucher sur des compromissions, de
favoriser les intérêts de la majorité de l'Assemblée nationale et de constituer
un obstacle sérieux à l'alternance régionale. Voilà ce que vous écrivez,
monsieur le rapporteur ! Rien de moins que cela !
Une réflexion approfondie vous aurait conduit à constater que, contrairement à
ce que vous affirmez, en abaissant les seuils, le Gouvernement n'oblige
personne - j'y insiste - et en tout cas pas les composantes de sa majorité, à
s'unir au second tour. Il respecte leur autonomie de décision, puisqu'elles
pourront se maintenir, ce qui ne permettra pas, éventuellement, à la gauche
dite « plurielle » d'arriver en tête et de bénéficier de la prime lui assurant
une majorité stable.
M. Henri de Richemont.
C'est généreux !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
La parcellisation que vous redoutez est un « plus » démocratique à partir du
moment où une majorité politique cohérente et stable s'est dégagée.
M. Henri de Richemont.
Le tout, c'est de nous empêcher d'avoir la majorité !
M. Guy Allouche.
Si la gauche se parcellise, la droite devrait s'en réjouir, elle dont nous
savons tous, et depuis longtemps, qu'elle est parfaitement unie au sein de
l'Alliance, dont les partenaires sont d'accord sur tout et en tous domaines, au
point de ne jamais rien négocier.
Pour ce qui est des compromissions que vous craignez, certains de vos amis
politiques n'ont pas attendu la réforme du mode de scrutin pour passer à
l'acte. Votre région, monsieur le rapporteur - j'en suis désolé, et je suppose
que vous le regrettez comme moi - est un triste exemple à cet égard. Nous
verrons d'ailleurs ce que feront les élus du RPR, de l'UDF et de Démocratie
libérale, dont la collusion avec le Front national est patente, lors des votes
des budgets des conseils régionaux. Ce qui s'est passé en Languedoc-Roussillon
n'est pas de très bon augure sur ce plan.
Si nous savons depuis longtemps que l'on ne combat pas l'extrême droite avec
le code électoral, il est tout aussi évident que ce n'est pas en pactisant avec
elle ou en reprenant ses thèses racistes et xénophobes qu'elle reculera.
Quant au mode de scrutin que vous proposez, et que je qualifierai une nouvelle
fois d'« usine à gaz », il est complexe et peu lisible. J'en veux pour preuve
la mixité du cadre électoral ; le fait qu'une liste minoritaire dans un
département puisse néanmoins se voir attribuer la majorité des sièges ;
l'instauration d'un double seuil pour le maintien au second tour, à savoir 5 %
à l'échelon départemental et 10 % à l'échelon régional. C'est vraiment très
difficile à comprendre, et j'avoue que je n'ai pas compris !
M. Henri de Richemont.
Vous ?
M. Guy Allouche.
Moi, je n'ai pas compris, mon cher collègue, et comme je pense être à l'image
du Français moyen...
M. Henri de Richemont.
Mais non !
(Sourires.)
M. Hubert Haenel.
Vous êtes mieux que cela !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Puis-je vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Guy Allouche.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Je suis navré de devoir vous interrompre, monsieur Allouche,
mais vous savez qu'en matière électorale les mathématiques sont une chose et
les préoccupations politiciennes une autre.
Vous dites que vous n'avez pas compris. Je crains que vous n'ayez tout
simplement pas trouvé la manoeuvre politique qu'il y avait derrière la fixation
de certains seuils.
M. Guy Allouche.
Non.
M. Paul Girod,
rapporteur.
En fait de manoeuvre, il y a la déclinaison d'un principe
simple : on ne peut pas représenter le peuple si l'on ne représente rien !
Telle est la réalité ! En vérité, dans cette affaire, en tout cas au niveau du
rapporteur - et je vous prie, monsieur Allouche, de m'en donner acte - il y a
jamais eu de conception partisane du système des seuils. Ce système, tel qu'il
est conçu, se veut le reflet de la représentativité républicaine.
Puisque vous avez cité ma région, je souhaite que vous me donniez acte d'autre
chose : dans mon département, où la majorité a changé dans un canton pour sept
suffrages, les choses se sont passées de manière telle que, même à l'échelon
national, nous avons été salués comme étant des républicains conséquents. Je ne
voudrais donc pas que quiconque lisant les débats qui se tiennent ce soir au
Sénat puisse déduire des propos que vous avez tenus sur ma région quoi que ce
soit concernant mon honneur.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur Allouche.
M. Guy Allouche.
Monsieur le rapporteur, je vous en donne acte, bien entendu ! Pour le cas où
j'aurais été mal compris, j'indique qu'en aucun cas vous ni vos amis dans votre
département ne pouvez être mis en cause. Que les choses soient claires : j'ai
parlé de certains de vos amis politiques dans votre région.
Le système que vous proposez est difficile à comprendre. Il y avait plus
simple à proposer pour veiller à la juste représentation des départements. Nous
aussi nous sommes soucieux de voir les départements bien représentés ! Vous
auriez pu suggérer, par exemple, l'obligation pour chaque liste régionale de
respecter le nombre de candidats affectés à chaque département. Il est
impensable, en effet, qu'un département soit totalement absent d'une assemblée
régionale ; il y va de l'intérêt politique et électoral de chaque liste. En
réalité, votre système exprime la crainte de ceux qui sont atteints -
j'emploierai un néologisme - de « départementalite aiguë », et qui voient d'un
oeil sombre l'émergence croissante des régions.
M. Jacques Larché,
président de la commission des lois.
Eh oui !
M. Guy Allouche.
Monsieur le rapporteur, vous qui reprochiez au Gouvernement, avec l'ensemble
de la droite, de ne pas avoir engagé une large concertation en vue de définir
un mode de scrutin acceptable par l'ensemble des formations politiques
républicaines, puis-je vous demander avec qui vous vous êtes concerté ?
Vos amis de la majorité sénatoriale ont découvert, comme nous-mêmes en
commission, votre proposition, et vous ne pouvez pas dire que vous avez été
unanimement suivi par les vôtres !
M. Jean-Pierre Raffarin.
Pourquoi ne serions-nous pas pluriels, nous aussi ?
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Certes, il est du rôle du rapporteur de formuler des propositions, mais, en la
circonstance, vous nous avez sorti ce mode de scrutin comme un magicien sort
une colombe de son chapeau !
M. Paul Girod,
rapporteur.
Cela prouve que j'ai quelque talent !
M. Hubert Haenel.
Généralement, c'est un lapin que l'on sort du chapeau !
(Sourires.)
M. Guy Allouche.
Je préfère la colombe, monsieur Haenel, c'est plus symbolique, et c'est la
paix !
En ce qui concerne le second volet du projet de loi, selon vous, l'institution
du vote bloqué à l'article 21 serait contraire à la libre administration des
collectivités territoriales, au motif qu'il dessaisit l'assemblée délibérante
en matière de vote du budget.
Vous feignez de ne pas comprendre que cette procédure n'intervient qu'à
l'issue d'un premier rejet du budget, donc après une première délibération. Le
nouveau budget proposé par le président ne peut être modifié que par des
amendements soutenus en première lecture et qui ne sont présentés qu'avec
l'accord du bureau. Le président qui est élu par l'assemblée délibérante, je le
rappelle, n'a donc pas un pouvoir absolu. Tout à l'heure, notre collègue
Patrice Gélard a employé le terme de « dictateur », me semble-t-il, en parlant
du président.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Nous en parlerons lors de la discussion des articles, car ce
n'est pas du tout cela ! C'est même le contraire !
M. Guy Allouche.
Oui, nous en discuterons à l'occasion de l'examen dudit article.
M. Paul Girod,
rapporteur.
Il s'agit de l'ancienne loi !
M. Guy Allouche.
Ce dispositif permet à la majorité sortie des urnes d'appliquer un budget qui
est conforme aux engagements pris devant les électeurs.
Le système est équilibré. Un ultime recours est prévu : si une majorité
absolue se dégage au sein de l'assemblée délibérante, elle a la possibilité de
présenter un budget alternatif, avec un accord sur celui, ou celle, qui sera
appelé à exercer la présidence.
Il ne suffit pas de se prononcer contre un budget. Encore faut-il être en
mesure d'en proposer un autre qui recueille l'assentiment de la majorité
absolue ! Il appartiendra alors au nouveau président d'assurer la bonne marche
de l'assemblée régionale, le tout s'effectuant dans la clarté et la
transparence grâce aux dispositions nouvelles.
Pour conclure mon propos, mes chers collègues, je dirai que le groupe
socialiste, qui approuve non pas le texte issu des travaux de la commission des
lois, mais le projet de loi, se félicite du fait que les conseils régionaux
pourront disposer de moyens juridiques leur assurant un fonctionnement
rationalisé.
La majorité sénatoriale, une fois encore, n'arrive pas à masquer ses
divergences et ses incohérences, tant il est vrai que l'on ne peut, dans le
même temps, dénoncer le malaise et les dysfonctionnements des conseils
régionaux et plaider pour l'immobilisme en condamnant, notamment, l'urgence.
Le nouveau mode de scrutin régional, qui s'inspire largement du scrutin
municipal, si décrié à l'époque et apprécié par tous aujourd'hui, adapté à la
situation politique des régions, est parfaitement conforme à la tradition
française. Il permettra l'expression des sensibilités politiques du pays, tout
en dégageant une majorité stable. C'est ce compromis entre deux exigences
démocratiques que nous approuvons.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Hubert Haenel.
Allouche est un bon avocat !
M. le président.
La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de
ce soir est intéressant et important, car nous savons tous qu'à l'arrière-plan
de cette discussion sur le mode de scrutin régional et sur le fonctionnement
des conseils régionaux trois questions de principe se profilent.
La première concerne l'avenir de la collectivité régionale, son efficacité et
la place qu'elle doit prendre dans le paysage institutionnel français.
La deuxième a trait à l'éternel débat sur le mode de scrutin le
meilleur,...
M. Hubert Haenel.
Les deux sont liées !
M. Daniel Hoeffel.
... et la tentation est grande, à ce propos, d'ouvrir le débat sur la justice
et l'efficacité qui peuvent se dégager de tel ou tel mode de scrutin et sur la
difficulté qu'il y a à concilier justice et efficacité.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les intervenants précédents et
l'évocation, par certains d'entre eux, de modes de scrutin en vigueur dans
d'autres pays européens. J'ajouterai à ce propos que chaque pays a sa mentalité
et qu'à cette mentalité correspond une certaine conception des modes de
scrutin. Il y a toujours quelque risque à vouloir transposer chez nous ce qui
peut être valable à l'étranger compte tenu de notre mentalité latine quelque
peu particulière.
M. Guy Allouche.
Très juste !
M. Daniel Hoeffel.
Par ailleurs, nous avons expérimenté en France, tout au long de nos
républiques, quasiment tous les modes de scrutin possibles et imaginables. Nous
avons même expérimenté, sous la IVe République, un mode de scrutin qui
permettait aux candidats ayant recueilli le moins de voix d'être élus !
La troisième question de principe qui se profile derrière ce débat est celle
du mode de fonctionnement des conseils régionaux et, d'une manière générale, de
toute assemblée élue.
C'est dans ce contexte que nous abordons ce débat.
Je tiens à dire d'emblée qu'il convient d'exprimer notre reconnaissance au
rapporteur de la commission des lois, M. Paul Girod.
M. Hubert Haenel.
C'est vrai.
M. Daniel Hoeffel.
Sur ces sujets ô combien délicats, qu'il est nécessaire de dépassionner au
maximum - et nous avons pu constater, à travers les interventions que nous
venons d'entendre, que cet exercice est difficile - il s'est livré à un travail
sérieux, en ayant constamment la volonté d'être objectif et efficace. Vous ne
serez donc pas surpris, monsieur le ministre, qu'après avoir exprimé, en
première lecture, des positions quelque peu divergentes le groupe de l'Union
centriste approuve aujourd'hui pleinement les conclusions qu'il a
présentées.
En première lecture - j'y reviendrai rapidement car je ne veux pas prolonger
inutilement ce débat - j'avais exprimé une double position.
En premier lieu, il me paraissait logique que la circonscription régionale
soit la circonscription à l'intérieur de laquelle devaient se dérouler les
élections régionales, tant il est vrai qu'il est toujours difficile d'expliquer
à l'électeur de base que, pour l'élection régionale, c'est la circonscription
départementale qui est choisie.
En second lieu, nous avions exprimé notre préférence pour un scrutin à un tour
et nous vous avions mis en garde contre toutes les difficultés, toutes les
sombres tractations et les manoeuvres complexes qui apparaissent nécessairement
entre les deux tours d'une élection, quelle qu'elle soit.
Le choix de la circonscription régionale et d'un scrutin à un tour me
paraissait être un gage d'efficacité et une garantie pour l'émergence de la
collectivité régionale, à laquelle, personnellement, je crois profondément.
M. Auguste Cazalet.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Cela ne signifie pas pour autant - je veux, d'emblée, rassurer M. le président
de la commission des lois - qu'il convienne de jeter l'opprobre sur la
collectivité départementale, à laquelle notre pays doit beaucoup...
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
... et qui doit continuer à jouer son rôle.
M. Henri de Raincourt.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Néanmoins, regardons l'avenir en face : l'émergence de la région est un
phénomène inévitable, irréversible, et j'y crois.
M. Jean-Pierre Bel.
Nous aussi !
M. Daniel Hoeffel.
Tels sont les arguments qui étayaient notre position lors de la première
lecture.
Mais nous en sommes, ce soir, à la nouvelle lecture et, je le répète, nous
pensons que l'idéal est un objectif auquel il convient de ne jamais renoncer.
Ce mode de scrutin idéal est encore lointain cependant il ne pourra être
atteint que par étapes.
Je salue, à cet égard, les avancées positives qui ont été faites par notre
rapporteur et qui vont incontestablement dans la bonne direction puisque, en
l'occurrence, c'est la circonscription régionale qui est choisie dans son
principe, les sections départementales étant néanmoins préservées. Ainsi, la
circonscription régionale est reconnue mais elle s'accompagne d'une répartition
équitable des sièges département par département. Concilier ces deux exigences
était un exercice difficile. C'est donc un pas qui va dans la bonne
direction.
L'autre élément du mode de scrutin régional - et nous pouvons le regretter,
compte tenu des propos exprimés lors de la première lecture - c'est le maintien
des deux tours. Mais, pour des raisons tout simplement réalistes, il fallait en
passer par là. En effet, la représentation proportionnelle étant maintenue,
tout le problème consistait à parvenir à une répartition juste des sièges, tout
en évitant les excès d'une proportionnelle poussée à l'extrême. En effet, la
proportionnelle n'est à la fois juste et efficace que dans la mesure où elle
est encadrée et où l'on en évite les à-coups. Tel est l'objet de l'opportune
proposition de la commission des lois.
En accordant une prime égale au quart des sièges à la liste arrivée en tête,
la proposition s'inspire du mode de scrutin qui est en vigueur dans les grandes
villes, tout en évitant le caractère pénalisant d'une prime trop forte, qui
irait en fin de compte à l'encontre d'une répartition équitable des sièges.
En préconisant de maintenir à 5 % des suffrages exprimés le seuil permettant à
une liste de fusionner avec une autre liste au deuxième tour, de fixer à 10 %
le minimum pour le maintien d'une liste au deuxième tour et à 5 % le seuil
permettant de participer à la répartition de sièges, M. le rapporteur évite les
listes marginales et donc une dispersion de la représentation qui irait à
l'encontre de l'objectif recherché. Compte tenu des progrès significatifs
intervenus entre la première et la deuxième lecture, je suis persuadé que la
commission et le Sénat contribueront à renforcer l'esprit régional et la
collectivité régionale.
S'agissant du second volet du texte qui nous est soumis et qui concerne le
fonctionnement des conseils régionaux, les choses me paraissent très claires :
dès lors que le mode de scrutin permet de dégager une majorité, il est inutile
de recourir à toute sorte d'artifices pour essayer de trouver des solutions aux
dysfonctionnements.
Le mode de scrutin tel qu'il est présenté permet incontestablement, dans
l'immense majorité des cas, de dégager spontanément une majorité. Dès lors, il
est inutile de recourir à un vote bloqué, voire à l'adoption sans vote du
budget de la région, ou de rendre publiques les réunions des commissions
permanentes.
Nous sommes pour une région par adhésion et non pour une région par défaut.
M. Hubert Haenel.
Très bien !
M. Auguste Cazalet.
C'est le bon sens !
M. Daniel Hoeffel.
Voilà pourquoi il était nécessaire que, en toute clarté, la commission des
lois et son rapporteur nous proposent de ne pas adopter toutes les dispositions
concernant le fonctionnement des conseils régionaux. Cette seconde partie du
texte tombera d'elle-même dès lors que nous nous serons efforcés, dans la
première partie, de trouver une réponse claire pour le mode de scrutin.
M. Guy Allouche.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel. C'est pourquoi, mes chers collègues, après mûre réflexion, après avoir lu attentivement les conclusions présentées par M. le rapporteur, après avoir écouté les prises de position en faveur de ce texte ou contre celui-ci, nous soutiendrons, en toute objectivité et d'une manière dépassionnée, les conclusions de la commission des lois du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) 5