Séance du 15 décembre 1998
ÉLOGE FUNÈBRE DE GEORGES MAZARS,
sénateur du Tarn
M. le président.
Mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Georges Mazars.
(M. le secrétaire d'Etat, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Notre collègue, Georges Mazars, sénateur du Tarn, est décédé le 2 novembre
dernier, à la veille de son soixante-quatrième anniversaire.
La maladie était pour lui, depuis longtemps déjà, un combat quotidien. Mais
les progrès du mal qui, chaque jour, l'affectait un peu plus semblaient nourrir
en lui la force d'aller plus loin, avec une volonté sans faille et un courage
étonnant.
Il luttait contre la maladie comme en politique, sans amertume, avec
détermination et, surtout, une très grande dignité. Jusqu'au bout, notre
collègue Georges Mazars a assumé son mandat avec sérénité. Lui qui n'avait
rejoint notre assemblée que récemment restera pour nous comme l'exemple d'un
homme courageux.
Cadet d'une famille de sept enfants, Georges Mazars naît le 3 novembre 1934 à
Mirandol. Après des études secondaires à Carmaux, sa vocation s'affirme très
vite : il sera instituteur. Il fréquente l'école normale de Toulouse et, à sa
sortie, en 1955, le village tarnais de Dourgne sera son premier poste. Le
village adopte très vite ce jeune et brillant instituteur.
Georges Mazars restera ancré à cette terre d'adoption, qui lui donnera
beaucoup : une famille, la chaleur de ses habitants, le plaisir d'enseigner et,
plus tard, le terrain d'une action politique.
Il quittera cependant plus de deux ans et demi cette terre du Tarn, appelé, en
1958, pour un service national dans l'armée de l'air au Congo. Il en reviendra
enrichi d'une expérience qu'il considérait comme précieuse.
Le déroulement de sa carrière le mène à la direction de l'école, puis, en
1962, du collège, qu'il contribue à pérenniser par son action conjointe avec
les parents d'élèves. Sa carrière d'enseignant lui vaudra d'être distinguée par
la rosette d'officier des Palmes académiques.
Dans une région que la tradition ancre fortement à gauche et qui vit en
d'autres temps naître Jean Jaurès, le véritable engagement politique de Georges
Mazars se fait après le congrès d'Epinay. Militant SFIO, il est à l'origine de
la création de la section du parti socialiste de Dourgne. En 1975, il est
membre de la commission exécutive du parti socialiste.
Parfaitement à l'aise dans l'action de terrain, Georges Mazars est porté par
ses convictions personnelles et sa foi dans l'action politique. Cette foi
explique d'ailleurs certainement les réussites obtenues et l'ampleur de ses
succès électoraux, qui rassemblent bien au-delà de l'audience de sa famille
politique. Son expérience d'éducateur le porte et lui donne l'assurance qu'il
est toujours possible de faire bouger les choses et d'avancer.
Ses propos francs et directs portent la marque de l'instituteur de « la laïque
», comme l'on disait couramment, maître dans l'art d'enseigner, mais aussi dans
celui d'écouter.
Son entrée en politique s'inscrit dans le prolongement de son action
professionnelle.
Conseiller municipal de Dourgne dès 1971, il est élu maire de la ville en
1983.
Le maire de Dourgne s'investit plus particulièrement dans la qualité des
services offerts à ses administrés. La gendarmerie, la crèche et le bureau de
poste sont rénovés pendant son mandat. Très attentif à la vie du tissu
associatif local, Georges Mazars s'emploie à dynamiser la vie associative de
Dourgne. Il est présent dans tous les domaines, dans les associations sportives
et culturelles, et nombre de manifestations portent son empreinte, en
particulier lorsque Dourgne célèbre le romarin avec toute la force et la gaieté
des traditions du terroir.
Touché, à titre personnel, par les difficultés rencontrées par les personnes
handicapées, Georges Mazars est à l'origine de la première association du Tarn
pour l'insertion professionnelle des enfants handicapés et président de
l'association pour les travailleurs handicapés. Nombre de centres d'aide par le
travail de son département doivent leur existence à sa volonté, à sa ténacité,
à sa persévérance.
En 1982, Georges Mazars est élu conseiller général du Tarn. Réélu en 1988, il
accède à la vice-présidence du conseil général en 1994 et travaille tout
particulièrement, ce qui n'étonnera personne, dans le secteur social.
En suivant en cela son inclination, son engagement sur le terrain et l'estime
des élus de son département le portent vers le Sénat en 1995. Il rejoint la
commission des affaires sociales, où il place sur le plan national la force de
ses convictions.
L'adoption, l'insertion des handicapés et la défense des services publics de
proximité seront les sujets privilégiés de sa réflexion. Il intervient de façon
remarquée lors du débat sur l'adoption en avril 1996.
Lors de l'examen du projet de loi de finances, il intervient avec force,
sagesse et surtout conviction en faveur de l'insertion sociale des handicapés
et du soutien au développement d'activités pour leur permettre de trouver leur
place sur le marché du travail.
Georges Mazars a conduit ainsi avec une grande générosité son combat personnel
sur la scène politique, réagissant avec une grande ouverture et un courage
immense à une expérience personnelle douloureuse.
Pour nous tous, il était un collègue généreux et très apprécié. Aussi, c'est
avec émotion que je fais part aujourd'hui à ses collègues de la commission des
affaires sociales et à ses amis du groupe socialiste des condoléances sincères
et émues du Sénat tout entier.
A sa femme, à sa fille, à tous ses proches, aux habitants de Dourgne, je tiens
à exprimer toute ma sympathie sincère et attristée.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat au budget.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter,
secrétaire d'Etat.
Vous venez, monsieur le président, de retracer d'une
façon remarquable ce que fut le parcours professionnel et politique de Georges
Mazars, sénateur du Tarn, conseiller général et maire de Dourgne.
Permettez-moi, au nom du Gouvernement et plus particulièrement au nom de son
Premier ministre, M. Lionel Jospin, d'exprimer à Mme Mazars, à sa fille et à
ses petits-enfants, à ses parents et à ses alliés, à MM. Jean-Marc Pastor et
Roger Lagorsse, ses collègues du Tarn, ainsi qu'aux membres du groupe
socialiste, toute l'amitié sincère et chaleureuse qui peut leur être témoignée
en de pareilles circonstances.
Le bon et généreux visage de Georges Mazars, son regard plein de douceur et de
malice vont nous manquer. Sans nul doute devrions-nous faire davantage appel à
l'esprit de ce qu'il a été, car, si la mort peut nous enlever un être cher,
elle ne peut en aucun cas nous ôter de la mémoire les idées et les combats qui
forgèrent la vie riche et intense de cet homme originaire de cette terre du
Ségala dont il était si fier.
D'après ce que m'ont rapporté certains de ses proches, Georges Mazars avait
fait sienne cette maxime : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. » Acte
de foi de l'instituteur, du pédagogue et de l'homme politique qu'il était, ces
quelques mots résument bien tout l'engagement d'un citoyen exemplaire au
service de la collectivité, au service de l'intérêt général.
Jean Jaurès, qui fut l'un de ses illustres prédécesseurs dans ce beau
département du Tarn, aurait sans doute aimé ce fils spirituel dont la vie se
confond tout entière avec le bien commun de la République, de toute la
République.
L'action sociale, la solidarité, le soutien aux plus nécessiteux et
l'insertion professionnelle des jeunes handicapés ont été ses engagements les
plus forts auxquels il s'était attaché avec un dévouement exemplaire.
Entré au Sénat au mois de septembre 1995, c'est tout naturellement à la
commission des affaires sociales qu'il siégera afin d'accomplir, sur le plan
législatif, ce pour quoi il se battait sur le terrain. En dépit de son état de
santé, il en fut un membre très actif, déterminé à ne pas se laisser terrasser
par le mal qui le rongeait, fidèle en cela à sa maxime préférée, digne et
pudique dans sonmalheur.
Georges Mazars laissera à chacun d'entre nous, au-delà des clivages parfois
superficiels, l'image d'un humaniste passionné, animé par le désir constant de
trouver les mots qui rassemblent et réconcilient les coeurs.
Georges Mazars était un serviteur au sens noble du mot. Etre remarquable, il
s'est donné à ses concitoyens ; à sa famille, en tout premier lieu, à ses
anciens élèves, à ses administrés de Dourgne, à ceux du Tarn, à la République
enfin. Oui, vraiment, comme l'avait déjà remarqué son ami Jean-Marc Pastor : «
C'est la fierté de la République de compter parmi ses enfants des hommes et des
femmes qui, à l'image de Georges Mazars, ont su la faire vivre au quotidien
toute une vie durant. »
Honneur, donc, au sénateur-maire de Dourgne, honneur à vous, madame, à votre
fille, d'avoir su chérir jusqu'à la fin un tel homme.
Veuillez, madame, croire à la sincère compassion du Premier ministre et de son
gouvernement dans l'épreuve qui vous atteint, comme à la chaleur de leurs
sentiments envers celui qui fut votre époux et notre ami.
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants en
signe de deuil.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures
trente, sous la présidence de M. Paul Girod.)