Séance du 21 janvier 1999
M. le président. La parole est à M. Mauroy.
M. Pierre Mauroy. Monsieur le ministre des affaires étrangères, les frontières de l'inacceptable ont une nouvelle fois été franchies. Après la Bosnie, la tragédie se trouve maintenant au Kosovo. Et nous sommes sous le coup de l'indignation et de l'émotion que nous inspire le massacre perpétré à Racak, même si nous attendons d'une enquête internationale des éclaircissements nécessaires quant à sa nature exacte.
Mais que reste-t-il de l'accord du 13 octobre 1998 qui avait pour objet d'instaurer un cessez-le-feu durable et d'ouvrir les négociations entre les Serbes et les Kosovars sur le statut de la province ?
Comme preuve de bonne volonté, Milosevic s'était engagé à réduire les forces de sécurité et les Kosovars de l'UCK à mettre fin à la guérilla. Le contrôle des observateurs de l'OSCE, notamment grâce à une implication particulière de la France, dont nous nous félicitons, garantissait le respect du dispositif.
A Racak, le président yougoslave a violé ses engagements. En empêchant Louise Arbour d'effectuer la mission dont elle a la charge en qualité de procureur du tribunal international sur l'ex-Yougoslavie, en menaçant d'expulser le représentant de l'OSCE, William Walker, il lance un défi sans précédent à la communauté internationale et au conseil de sécurité de l'ONU.
Je sais, monsieur le ministre, que la France n'a pas ménagé ses efforts pour la relance du processus politique. Elle prend une part active dans la mission de l'OSCE comme dans le dispositif d'évacuation mis en place par l'OTAN.
Et pourtant, monsieur le ministre, nous devons sortir du cercle vicieux « indignation-impuissance ».
Les objectifs à atteindre paraissent clairs.
Milosevic doit renoncer à sa logique d'escalade, dont les risques de contagion, aujourd'hui au Kosovo, demain en Macédoine et au Monténégro, après-demain en Albanie, sont très inquiétants.
Le tribunal international sur l'ex-Yougoslavie doit pouvoir enquêter au Kosovo, afin que les atrocités commises par les forces serbes ne restent pas impunies.
Les autorités de Belgrade, comme d'ailleurs l'UCK, l'armée de libération du Kosovo, doivent être convaincues de l'urgence d'entamer des négociations en vue de ce que vous appelez une « autonomie substantielle » au Kosovo.
Les moyens diplomatiques suffiront-ils à atteindre ces objectifs ? Nous n'en sommes pas entièrement persuadés, mais nous l'espérons, comme vous, monsieur le ministre, et comme nos partenaires.
Et si les pressions diplomatiques venaient à échouer, le recours à la force serait-il envisageable selon vous ?
Telles sont les questions du groupe socialiste du Sénat, et je vous remercie d'avance, monsieur le ministre, de votre réponse. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur Mauroy, immédiatement après la découverte du massacre de Racak, les autorités françaises ont naturellement exprimé avec beaucoup de clarté et de fermeté que la vérité devait être faite complètement sur ces faits et que les responsables de ces atrocités devraient rendre compte de leurs actes.
Je voudrais surtout dire de nouveau devant la Haute Assemblée ce que nous faisons.
Nous employons tous les moyens dont nous disposons pour trouver une solution au problème de la coexistence des Serbes et des Albanais du Kosovo.
Avec la communauté internationale, nous avons défini, voilà plusieurs mois maintenant, une solution de compromis raisonnable - c'est d'ailleurs sa force mais aussi sa faiblesse - une solution d'autonomie substantielle. En effet, le statu quo est, à l'évidence, intolérable, mais aucun pays dans le monde ne pense pouvoir soutenir, quoi que l'on pense par ailleurs de la politique de Belgrade, la revendication d'autonomie qui, si elle était entendue, redéstabiliserait l'ensemble de cette région des Balkans.
Nous employons tous les moyens et, aujourd'hui, c'est un véritable forcing diplomatique qui s'engage. Nous n'écartons aucun moyen pour aboutir.
Il convient que nous fassions s'asseoir autour de la même table les Serbes, mais aussi les Albanais. Il faut dire, pour parler ici un langage de vérité, que nous rencontrons des difficultés des deux côtés. Du côté yougoslave, on refuse la participation des représentants de l'UCK et, du côté des Albanais du Kosovo, tous les moyens sont employés par l'UCK pour empêcher que cette délégation se constitue. Au milieu se trouve M. Rugova, qui fait preuve de coopération, de mesure et de bonne volonté, mais on ne peut faire l'accord avec lui seul.
Donc, notre action se poursuit. J'ai dit qu'elle était diplomatique, elle est aussi politique et elle n'écarte aucun moyen.
Je rappelle que les dispositions prises par l'OTAN en conformité avec les résolutions du Conseil de sécurité sont toujours valables et que l'on peut avoir à décider de les employer, même si la décision n'a pas été prise à ce stade.
Pour le moment, nous faisons en sorte que tous les pays du groupe de contact, du Conseil de sécurité, de l'Europe et de l'OSCE, notamment, fassent pression sur les deux parties afin de tenter d'arracher une solution politique pour cette coexistence qu'il faudra bien un jour ou l'autre réussir à établir. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et du RPR.)
PROBLÈMES À LA DIRECTION
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