Séance du 21 janvier 1999
M. le président. « Art. 12 ter. _ En cas de liquidation judiciaire ou de redressement de l'exploitation agricole, le lieu d'habitation principal de l'exploitation agricole, en deçà d'un seuil fixé par décret, ne peut être saisi. »
Par amendement n° 16, M. Souplet, au nom de la commission des affaires économiques, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Souplet, rapporteur. L'article 12 ter vise, en cas de liquidation judiciaire ou de redressement de l'exploitation agricole, prévus par la loi du 25 janvier 1985, à empêcher la saisie du lieu d'habitation principale de l'exploitation agricole - et non de l'exploitation agricole elle-même. Il appartiendra à un décret de définir le seuil en deçà duquel cette saisie est inopérable.
Je comprends très bien les motivations qui ont présidé à l'élaboration de cet article. Néanmoins, je m'interroge sur son bien-fondé, et ce pour plusieurs raisons.
En effet, en cas de liquidation judiciaire ou de redressement, le propriétaire ne pourra pas reprendre son bien : cela pourrait être interprété comme une atteinte au droit de propriété.
Par ailleurs, on peut se demander si une telle disposition n'opère pas une distinction injustifiée entre les agriculteurs et d'autres catégories socioprofessionnelles, ce qui poserait un problème de constitutionnalité, l'égalité entre les citoyens se trouvant rompue.
En outre, nous considérons que l'application de ce dispositif risquerait d'entraîner le démantèlement de l'exploitation lorsque les logements sont intégrés dans les bâtiments d'exploitation.
Enfin, il ne paraît pas opportun de prévoir une nouvelle exception en faveur des agriculteurs, qui bénéficient déjà d'un régime dérogatoire en cas de liquidation judiciaire, dans la mesure où le tribunal peut, en considération de la situation personnelle et familiale de l'exploitant, lui accorder des délais de grâce pour quitter sa maison d'habitation principale, comme le précise l'alinéa 6 de l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985.
Pour toutes ces raisons, la commission a décidé de préconiser la suppression de l'article 12 ter .
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Favorable.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 16.
M. Alain Vasselle. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je comprends la motivation des auteurs de l'article 12 ter , qui tend à préserver a minima le lieu de résidence de l'exploitant qui se trouverait en difficulté. Il s'agit d'un problème important, sur lequel il conviendra de se pencher.
D'un autre côté, l'argumentation développée par M. le rapporteur m'apparaît également fondée et justifiée.
Quoi qu'il en soit, l'amendement pose un véritable problème. Je le dis avec d'autant plus de conviction que je suis par ailleurs président d'un organisme d'HLM, et que, toutes les semaines, nous devons traiter des reprises de logements de familles se trouvant en situation de surendettement.
Mme Odette Terrade. Absolument !
M. Alain Vasselle. Les organismes d'HLM se portent alors acquéreurs de ces logements, afin de permettre aux familles concernées d'y rester et de leur éviter un traumatisme psychologique et moral.
Certes, il peut arriver qu'un agriculteur n'ait pas su bien gérer son outil de travail, mais des événements tout à fait indépendants de sa volonté peuvent aussi l'avoir placé dans une situation difficile.
Par conséquent, je comprends bien que, en l'état actuel des textes et de la législation, on ne puisse trouver une solution immédiate à ce problème, mais je souhaite vivement que le Gouvernement nous permette, dans les semaines ou les mois qui viennent, de revenir sur cette question, afin d'essayer d'élaborer un mécanisme visant à protéger autant que possible ces familles. Il faut qu'elles puissent au minimum garder leur logement.
J'entends bien que cela porte atteinte aux droits du propriétaire. Je n'ai pas la solution, mais je pense que ce problème mérite réflexion.
Mme Odette Terrade. C'est un vrai problème !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 16, accepté par le Gouvernement.
Mme Odette Terrade. Le groupe communiste républicain et citoyen vote contre.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 ter est supprimé.
Chapitre II
L'orientation des structures
des exploitations agricoles