Séance du 28 janvier 1999
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales, je donne la parole à M. Caldaguès, pour explication de vote.
M. Michel Caldaguès. Il nous faut savoir gré à notre collègue, mon ami Alain Vasselle, d'avoir déposé ce texte, et à la commission des affaires sociales et à son président de l'avoir utilement épaulé.
Bien entendu, cette proposition de loi ne va pas tout résoudre. A les entendre, certains considèrent que l'on peut refaire le monde d'un seul coup. En attendant, ils ne sont pas très pressés. Pour ma part, je considère que le refaire un peu tous les jours n'est pas si mal que cela. Et élargir le débat, c'est s'épargner la difficulté et la peine de faire un peu son devoir tous les jours.
A tout le moins, cette proposition va d'abord favoriser une prise de conscience accentuée, car la sous-estimation de cette maladie et de sa spécificité dans l'opinion publique - et même au Parlement - est, à mon sens, absolument dramatique.
Si tous les membres de la Haute Assemblée avaient vu de près la maladie d'Alzheimer, il n'y aurait pas beaucoup de sièges vides, ce soir, dans notre hémicycle, on n'enregistrerait guère d'abstentions et on n'aurait pas entendu les propos que nous avons un peu trop entendus, à mon avis, au cours de la présente discussion : à ceux qui considèrent que, après tout, nous ne sommes pas si pressés que cela, je réponds que, au contraire, nous sommes très pressés ! C'est un pas de plus que nous allons accomplir ce soir, et ce pas de plus est indispensable.
A mon sens, il faut insister, dans l'ordre des priorités, sur les structures d'accueil de jour qui permettent de garder le malade aussi longtemps que possible dans son milieu familial. Comme on l'a déjà dit, c'est extrêmement souhaitable, car lorsqu'on le retire de son milieu habituel c'est déjà une première mort.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez utilisé une expression tragique : « mort sans cadavre ». Je ne peux accepter une telle expression, parce que, jusqu'au dernier moment ou presque, il reste toujours des lueurs épisodiques, de plus en plus espacées mais familières à ceux qui les observent, qui attestent que le malade a, par éclairs, conscience de son état. Ces lueurs de lucidité sont autant de coups de poignard pour ceux qui observent la souffrance du malade, qui n'est pas encore un cadavre et qui le sait !
La route de la lutte contre ce terrible fléau, contre ce fléau spécifique - il faut y insister - sera longue : elle le sera du point de vue scientifique, elle le sera du point de vue social, elle le sera du point de vue financier. Alors, ne perdons pas de temps : avançons !
Voilà pourquoi il faut voter ce texte. (Applaudissements.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. J'ai écouté avec émotion notre collègue Michel Caldaguès, d'autant que j'ai moi-même vécu les moments terribles qu'il décrit. Cela étant, je ne peux accepter que l'on considère notre abstention comme un manque de volonté ou de conviction.
Je crois que, au sein de la commission, et le rapport en fait foi, j'ai été très clair quant à notre démarche et à notre appréciation de la situation. Certes, il faut faire avancer les choses : on ne va pas reprendre les débats sur la prestation d'autonomie ! Mais, chaque jour, nous franchissons des bornes, même si - et nous en sommes convaincus - dans ce monde où la durée de vie s'allonge les établissements sont quasi inexistants et les personnels peu formés.
Cela étant, vous savez fort bien, monsieur Caldaguès, que trouver des personnels susceptibles de se rendre à domicile pour s'occuper d'une personne touchée par la maladie d'Alzheimer est très difficile, voire impossible : seules existent quelques associations spécialisées.
A travers notre abstention, nous voulons donc témoigner de la réalité de la situation qui est faite aux hôpitaux. Dans ce domaine, il faudra certainement aller plus vite, et il faudra dégager plus de moyens.
Quoi qu'il en soit, soyez persuadés, mes chers collègues, que le groupe communiste républicain et citoyen est très attaché à ce que de tels problèmes soient pris en compte par notre assemblée et traités par notre commission des affaires sociales.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du report de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi n° 210.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je veux simplement préciser une dernière fois, après avoir entendu M. Fischer, M. Lagorsse et vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, quel est l'esprit qui anime le Gouvernement.
Je vous remercie de ce débat de grande qualité et je vous remercie, monsieur le rapporteur, du travail, également de grande qualité, que vous avez effectué.
Nous pourrons sans doute disposer dans quelques mois de plus d'éléments concernant la dépendance, et les maladies neurodégénératives en particulier. Je ne sais pas quand l'examen de cette proposition de loi sera inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, mais je pense que nous disposerons alors de ces éléments et nous verrons bien, alors, comment nous pourrons conjuguer nos efforts pour faire progresser ce dossier.
Quoi qu'il en soit, s'agissant des structures de prise en charge et des personnels, nous partageons tous le même sentiment : dans notre pays, les manques sont criants à cet égard. L'effort doit donc être considérable. La présente proposition de loi - mais tel n'était pas son objet, je le sais bien, monsieur le rapporteur - est demeurée muette sur ce point, mais nous tenterons, tous ensemble, de dégager des moyens.
Vous savez très bien, au demeurant, que les petites structures conviennent mieux, que les grandes sont trop pesantes et que, pour ce qui concerne les personnels, la tâche est écrasante.
Quant au malheur des familles, nous n'allons pas engager sur ce point une compétition : nous avons tous, hélas ! - et cela prouve l'étendue du mal - des expériences personnelles en la matière.
Je vous remercie, en tout cas, d'avoir suscité ce débat. (Applaudissements.)
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