Séance du 9 février 1999
M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 414, adressée à M. le Premier ministre.
M. Charles Descours. Madame le secrétaire d'Etat, dans quelques minutes va s'ouvrir devant la Cour de justice de la République le procès de trois anciens ministres, procès dit du sang contaminé. Et le hasard du calendrier parlementaire fait que ma question, qui s'adressait à M. le Premier ministre, concerne l'application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, texte qui fut proposé par M. Claude Huriet et par moi-même, et soutenu par le gouvernement Juppé, puis par le gouvernement Jospin.
Les décrets d'application ne sont pas encore sortis, mais, depuis que j'ai déposé ma question, un projet de décret a été soumis au Conseil d'Etat, décret qui sera signé par dix ministres ou secrétaires d'Etat et par le Premier ministre.
Or, madame le secrétaire d'Etat, et j'en suis désolé, vous n'êtes pas un des futurs signataires de ce décret.
Au jour où s'ouvre le procès du sang contaminé, procès qui va mettre en évidence des dysfonctionnements de l'Etat auxquels le Gouvernement devrait réfléchir afin qu'ils ne se reproduisent pas dans l'avenir, et même si je ne doute pas que tous les ministres et secrétaires d'Etat qui signeront ce décret soient extrêmement pris, je trouve curieux que l'on me fasse répondre par un secrétaire d'Etat qui ne sera pas signataire dudit décret !
Si ma question s'adressait au Premier ministre, c'est précisément parce que, comme le projet de décret que j'ai sous les yeux le montre, dix membres du Gouvernement sont intéressés et qu'il appartient donc au Premier ministre de jouer un rôle d'arbitre.
Cet arbitrage doit s'exercer en faveur de la sécurité des Français contre les lobbies ministériels - je dis bien : les lobbies ministériels !
Aujourd'hui, les décrets d'application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire, dont la sortie était prévue par la loi du 31 décembre 1997, ne sont pas encore parus et je souhaiterais connaître les raisons de ce retard.
Je souhaiterais également être rassuré quant à la teneur de ces décrets et savoir s'ils seront bien le reflet de l'esprit de la loi, car, fort de mon expérience de parlementaire de quinze ans, je sais bien que le législateur décide et qu'ensuite les administrations tordent l'esprit dans lequel il a travaillé quand celui-ci ne leur convient pas. Or, dans un domaine aussi grave, et aujourd'hui particulièrement, tout cela m'apparaît scandaleux.
Deux questions essentielles, à mes yeux, restent en suspens. Tout d'abord, la transparence des travaux des agences de sécurité sanitaire sera-t-elle assurée ? Par ailleurs, leur niveau d'expertise sera-t-il suffisant et atteindra-t-il le niveau d'excellence permettant la reconnaissance européenne et internationale des avis formulés ?
Je m'inquiète d'autant plus qu'avec un projet de décret de dix-sept pages, je crains que les administrations ne prennent le pas sur le législateur, ce qui est contraire à la démocratie. (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord adresser une remarque à M. Descours avant de lui apporter la réponse la plus précise possible à sa question.
J'ai bien conscience, monsieur Descours, de vous décevoir... pour la seconde fois consécutive !
M. Charles Descours. Cela ne m'avait pas échappé, madame !
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Par conséquent, je vous promets de veiller personnellement à ce que cela ne se reproduise pas une troisième fois et à ce que, lors de votre prochaine question, le ministre le plus à même de traiter du sujet en cause soit effectivement là pour vous répondre.
Monsieur Descours, vous avez interrogé M. le Premier ministre sur l'application de la loi relative au renforcement de la veille sanitaire, l'état d'avancement des décrets d'application et la montée en puissance des établissements publics que la loi a créés.
Je puis vous rassurer pleinement sur l'avancement des travaux.
Vous l'avez vous-même rappelé, une première série de textes réglementaires, dont l'examen par le Conseil d'Etat est terminé, doit paraître au Journal officiel dans les tout prochains jours.
Il s'agit du décret portant sur l'organisation de l'Institut de veille sanitaire et du décret relatif à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il s'agit également du décret de transfert de compétences à l'Agence des produits de santé concernant les médicaments à usage humain, du décret concernant les dispositifs médicaux, du décret de transfert de compétences à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments concernant les médicaments vétérinaires, du décret modifiant le décret de 1994 relatif à l'Etablissement français des greffes. Il s'agit enfin des dispositions réglementaires relatives au service public de la transfusion sanguine et à l'hémovigilance, à la suite de la rédéfinition des missions de l'Agence française du sang voulue par le législateur.
Le décret d'organisation de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments a été transmis au Conseil d'Etat et devrait être publié rapidement. Il en est de même pour le décret relatif aux substances vénéneuses et aux médicaments stupéfiants, qui organise l'évaluation de la pharmacodépendance.
D'autres textes sont en cours de concertation ou en cours de finalisation. Ils devraient être publiés d'ici à trois mois.
Il s'agit d'abord du décret relatif au dispositif de vigilance et à l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé, ensuite du décret définissant la liste des maladies à déclaration obligatoire et les modalités de transmission des données les concernant et du décret relatif aux produits cosmétiques. Il s'agit également du décret portant sur les dispositifs médicaux présentant ou susceptibles de présenter un risque sanitaire particulier, dont vous avez souhaité un encadrement renforcé par rapport aux exigences européennes, et du décret relatif à la déclaration des établissements de fabrication, de distribution ou d'importation des dispositifs médicaux.
D'autres textes réglementaires prévus par la loi sont en préparation.
Je pense, par exemple, à ceux qui traitent des matières premières à usage pharmaceutique ou des aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales. Ils nécessiteront une concertation approfondie avec les autres Etats membres de l'Union européenne, puisqu'ils coïncident avec la réflexion et les projets de directive européenne portant sur ces mêmes thèmes.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le travail réglementaire est considérable et il est bien avancé.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Madame le secrétaire d'Etat, voilà huit ans au moins que la commission des affaires sociales du Sénat se préoccupe de la sécurité sanitaire des Français.
Sous tous les gouvernements, elle a essayé d'attirer l'attention sur le fait que les agences que nous créons doivent être scientifiquement irréprochables et donc indépendantes. Or, l'administration de certains ministères s'y est opposée depuis le début et continue à s'y opposer.
Ainsi, le projet de décret concernant l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments comporte une faiblesse notoire quant à l'expertise : au niveau des missions du directeur de l'agence, il n'y a pas de séparation entre l'évaluation et la gestion. Voilà qui risque malheureusement de donner lieu à d'autres procès du type de celui du sang contaminé.
M. Gérard Larcher. Très bien !
IMPORTATION ET DISTRIBUTION DE MÉDICAMENTS