Séance du 16 février 1999
AUTORITÉ DE CONTRÔLE
DE L'ENVIRONNEMENT SONORE
AÉROPORTUAIRE
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 8, 1998-1999)
portant création de l'autorité de contrôle technique de l'environnement sonore
aéroportuaire. [Rapport n° 204 (1998-1999).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet
de loi que le Gouvernement vous demande d'examiner aujourd'hui est très attendu
par les riverains des aéroports, leurs associations et leurs élus.
Il est, en effet, la concrétisation d'un des engagements que j'ai pris à
l'issue de la concertation menée durant tout l'été 1997 - certains s'en
souviennent - à propos de la construction des nouvelles pistes de Roissy.
Vous le savez, depuis ma prise de fonctions, je me suis attaché à créer les
conditions nécessaires pour le développement du transport aérien dans notre
pays, car ce mode de transport est un vecteur essentiel à l'essor économique et
à l'emploi.
La construction des pistes de Roissy, l'ouverture du capital de la compagnie
nationale Air France et maintenant la concertation entreprise pour tenter
d'enrayer le déclin et relancer la plate-forme d'Orly en organisant sa
complémentarité avec Roissy participent du même objectif : développer
l'activité économique et l'emploi que génère le transport aérien.
Cependant, je considère, et le Gouvernement tout entier, que cela doit se
faire parallèlement à la prise en compte de l'environnement des riverains des
aéroports.
C'est pour nous un choix de société. Nous le faisons en toute connaissance de
cause. C'est pourquoi, à partir de Roissy, le Gouvernement a proposé d'étendre
à Orly puis aux aéroports régionaux les plus importants toute une série de
mesures destinées à préserver la qualité de la vie des riverains.
Il s'agit de la révision des plans d'exposition au bruit, des plans de gênes
sonores, de l'élaboration de chartes de qualité de l'environnement sonore, de
l'amélioration de l'aide à l'insonorisation, de la limitation des vols des
avions dits du « chapitre 2 », qui sont les plus bruyants, et, enfin, de
l'instauration d'un système de sanctions.
Des propositions ont également été formulées tendant à une meilleure
répartition des retombées fiscales des aéroports et à favoriser l'emploi des
riverains dans le cadre des activités aéroportuaires.
Je me suis également solennellement engagé à ce que le bruit n'augmente plus à
l'aéroport Charles-de-Gaulle : en 1998, le bruit a diminué de 1 % sur
l'ensemble de la journée et de 3 % la nuit, malgré une augmentation du trafic
de 6 % le jour et de 13 % la nuit. Je me souviens encore des propos tenus à
l'époque sur l'impossibilité d'arriver à ce type de résultat !
Pourquoi avons-nous réussi ? C'est grâce à l'interdiction des avions dits du
chapitre 2 la nuit et à leur restriction le jour, sans parler des sanctions.
Ensuite, et pour donner toute garantie à l'ensemble des partenaires, en
particulier aux riverains, j'ai souhaité qu'une instance indépendante puisse
contrôler l'ensemble des dispositifs de lutte contre les nuisances sonores.
C'est l'objet de nos débats aujourd'hui.
En effet, une telle démarche était la seule garantie qu'un débat démocratique
se déroule devant les élus de la nation, conférant ainsi une véritable
légitimité à cette autorité.
Naturellement, dès que l'on parle d'autorité indépendante, on pense au Conseil
supérieur de l'audiovisuel, à l'Autorité de régulation des
télécommunications.
Le projet que je vous présente aujourd'hui au nom du Gouvernement ne relève
pas exactement de la même philosophie. En effet, à quelle question cherche-t-il
à répondre ? Aujourd'hui, un gestionnaire d'aéroport, comme Aéroports de Paris
par exemple, apparaît souvent comme juge et partie quand il parle des nuisances
sonores. D'ailleurs Aéroports de Paris le regrette.
Ainsi le réseau « Sonate » de contrôle des nuisances sonores est mis en oeuvre
par Aéroports de Paris. Il est clair que souvent riverains et élus
s'interrogent. Il nous faut donc créer les moyens de la transparence et de
l'objectivité, car c'est à partir d'une information fiable que chacun peut
réellement développer son point de vue.
Dans le même temps, le Gouvernement n'a pas souhaité confier à cette autorité
indépendante la définition des normes à respecter ou le pouvoir de sanctionner.
D'aucuns peuvent penser que cela limite son champ. Je ne le pense pas. Car je
crois que même s'il y a des instances à créer - et c'est notre intention - des
réformes à faire - et c'est le cas aujourd'hui - elles ne doivent pas aller
dans le sens d'un dessaisissement du politique.
Dessaisir les politiques, c'est aussi dessaisir les citoyens, et je ne
souhaite pas remettre les éléments du débat démocratique aux jugements des
seuls experts. A mes yeux, c'est pour une part importante le rôle du politique
que d'effectuer la synthèse des avis des experts. Là est le coeur du projet de
loi qui vous est présenté.
Avec la création de l'autorité de contrôle technique, chacun pourra disposer
d'une information fiable et d'avis reconnus puisqu'elle est dotée de la
capacité à s'autosaisir.
Naturellement, son caractère indépendant en dicte la composition : ainsi sont
exclues toutes les possibilités d'avoir un quelconque intérêt, à titre privé,
professionnel ou associatif.
Enfin, il faut naturellement, en parallèle, créer les conditions du débat,
avec toutes les parties prenantes, autour des éléments nouveaux qui seront
fournis par cette autorité. C'est pourquoi je souhaite redonner ou donner -
cela dépend des aéroports - toute leur vitalité et leur place aux commissions
consultatives de l'environnement. J'ai demandé aux préfets concernés de
relancer cette instance existante. Et je sais que nous allons avoir à en
reparler dans le débat de cet après-midi.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques mots que je voulais
prononcer en introduction à notre débat. Avant de laisser la parole à votre
rapporteur, je tiens à le remercier, ainsi que les sénateurs et sénatrices des
différentes commissions qui ont examiné ce projet de loi. En effet, ils sont
livrés à un examen approfondi, et je ne doute pas que nous trouverons de
nombreux points d'accord.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées
socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui
nous est soumis vise à créer une autorité indépendante compétente en matière de
bruit aux abords des principaux aéroports. Monsieur le ministre, soyez-en
félicité.
Le bruit n'est pas un phénomène nouveau. Déjà, bien avant la révolution
industrielle, les écrits d'Horace nous rappellent que, voilà deux mille ans,
retentissaient dans Rome les sabots des mules, les aboiements des chiens, les
hurlements des portefaix. C'était déjà du bruit.
Un peu plus près de nous, Baudelaire a dit : « La rue assourdissante autour de
moi hurlait. »
Ces deux petits rappels très brefs permettent d'ores et déjà de montrer à quel
point la notion de bruit est difficile à apprécier objectivement, dans la
mesure où sa perception varie selon la manière dont on ressent ce bruit et
surtout par rapport à l'environnement sonore dans lequel on le perçoit.
Quoi qu'il en soit, la pollution sonore, qui est comme la seconde nature de la
civilisation industrielle, figure désormais - les enquêtes d'opinion le
montrent - au premier rang des préoccupations environnementales des Français.
Un tiers de la population se déclare gêné par le bruit des transports.
Face à la montée de ce sentiment de gêne sonore, une loi relative à la lutte
contre le bruit a été adoptée en décembre 1992, loi que la Haute Assemblée
avait contribué à enrichir.
Mais plusieurs rapports officiels ont montré, depuis, la persistance du
phénomène, le dernier en date, le rapport Lamure, ayant estimé, en novembre
dernier, à environ 3 000 le nombre de « points noirs du bruit routier et
ferroviaire » sur notre territoire. C'est dire que les modes de transport en
général sont visés et que le transport aérien n'est pas le seul coupable.
La connaissance des effets nocifs du bruit s'est parallèlement approfondie :
au-delà des dommages à l'appareil auditif que peut provoquer une exposition
sonore forte ou prolongée, il existe des effets non auditifs du bruit, parmi
lesquels les effets secondaires liés au troubles du sommeil, aux troubles du
comportement voire, dans les cas les plus extrêmes, aux troubles de
l'équilibre.
Le projet de loi ne traite qu'un aspect de ce sujet, celui des nuisances
sonores aériennes.
Je souhaite affirmer à cette occasion que le transport aérien ne doit pas être
le bouc émissaire des pollutions sonores. A qui pourrait-on faire croire que
les riverains d'une voie de chemin de fer à fort trafic ou ceux d'une autoroute
ne subissent aucune nuisance ?
J'aimerais rappeler ensuite les progrès importants effectués par l'industrie
aéronautique pour réduire le bruit des avions, qu'il s'agisse de la
motorisation ou des bruits aérodynamiques de l'appareil.
Je ne citerai que deux exemples pour illustrer mon propos.
Le bruit produit par un moteur de Caravelle était 125 fois supérieur au bruit
émis par le moteur d'un Airbus A 320. Vous avez fait allusion à cette
amélioration, monsieur le ministre, en démontrant brillamment qu'il n'y avait
pas de corrélation immédiate entre le nombre de mouvements et le bruit, du fait
de cette avancée technologique significative.
On peut également citer comme exemple l'empreinte sonore au sol d'un Airbus A
320, qui est quatre fois moindre que l'empreinte sonore au sol d'un boeing
727-200. Et l'on pourrait en citer d'autres...
On sait, par ailleurs, que des améliorations en matière de gêne sonore sont
obtenues en plus du fait de la diminution directe du bruit par l'installation
de systèmes antibruit de plus en plus sophistiqués.
La question des nuisances n'est pas pour autant réglée.
J'ai eu l'honneur d'être membre de la mission constituée autour de Jacques
Douffiagues pour faire des propositions sur la desserte aéroportuaire du grand
bassin parisien. J'ai acquis à cette occasion une conviction que n'ont pas
démentie les consultations auxquelles j'ai procédé pour préparer mon rapport
sur ce projet de loi : de la maîtrise des nuisances sonores dépendra l'avenir
du transport aérien. C'est l'un des éléments clés du devenir de ce mode de
transport.
Il suffit de se souvenir de ce qui s'est passé récemment à Strasbourg, où la
société DHL devait s'installer et créer des emplois : l'implantation de cette
société a été refusée parce que des vols de nuit étaient prévus, lesquels
risquaient de perturber la tranquillité des riverains.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque l'on sait que le trafic
aérien va croître respectivement de 5 % et 6 % par an pour les passagers et le
fret d'ici à 2001, que chaque million de passagers supplémentaires sur une
plate-forme crée environ 1 000 emplois directs et 2 200 emplois indirects,
lorsque l'on connaît le formidable atout dont dispose notre pays avec la
possibilité, unique en Europe, d'une extension de ses capacités aéroportuaires,
alors la conclusion s'impose : sachons saisir cette chance ! Sachons
comprendre, écouter et résoudre les problèmes vécus par les populations qui
souffrent du bruit du transport aérien, sachons éviter que ne se produisent les
situations d'exposition aux nuisances sonores ; il y va de l'avenir du secteur
aérien.
Le texte que nous présente aujourd'hui le Gouvernement s'inscrit dans cette
démarche.
Il répond à un engagement pris par le ministre lors de l'annonce de
l'extension de Roissy le 23 septembre 1997. C'est une bonne décision ; je la
salue d'autant plus volontiers qu'elle a retenu la proposition du « moindre
impact sonore » formulée par la mission Douffiagues, à laquelle j'ai eu
l'honneur d'appartenir.
Les origines du projet de loi expliquent que son objectif soit largement
partagé. La proposition de créer une institution indépendante figure en effet
non seulement dans le rapport d'étape de la mission Douffiagues, mais aussi
dans le rapport du préfet Carrère - qui était chargé d'une mission de
concertation autour de Roissy - et dans les conclusions de la commission
d'enquête publique préalable à l'extension de Roissy. Le texte qui nous est
soumis s'inspire d'ailleurs très largement, dans sa rédaction, du décret pris
en mars 1997 par le précédent gouvernement pour mettre en place une institution
indépendante à Roissy, institution qui n'a toutefois pas réellement vu le
jour.
Comme j'ai pu le constater, tant les riverains que les gestionnaires
d'aéroports attendent cette mise en place.
Il est proposé de lui donner la forme juridique d'une autorité administrative
indépendante, catégorie qui regroupe déjà le Conseil de la concurrence, la
Commission des opérations de bourse, la Commission nationale informatique et
liberté, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'Autorité de régulation des
télécommunications - voire la future commission de régulation de l'électricité
que le projet de loi prévoit sur l'électricité.
Quand vous avez parlé de l'autorité en question, tout à l'heure, monsieur le
ministre, vous avez fait allusion à la philosophie qui devait présider à sa
constitution. Vous avez raison, notamment, d'affirmer la nécessité de
transparence et d'objectivité.
Dans le même temps, vous avez dit qu'il ne serait pas convenable que cette
autorité dessaisisse en quelque sorte le politique de son devoir ou de son
pouvoir, les deux étant parfaitement liés.
Mais j'ai cru comprendre que l'autorité concernée ne dessaisirait en rien le
politique dans la mesure où elle n'a pas de pouvoir de sanction. Sur ce point,
nous sommes complètement d'accord. Outre les quelques missions que vous lui
avez confiées, elle pourrait remplir une mission de conciliation, de médiation,
voire de régulation, ce dernier terme pouvant être utilisé bien qu'il ait par
ailleurs une signification particulière au sein de la DGAC, la direction
générale de l'aviation civile. Ainsi, l'autorité politique ne serait en rien
dessaisie, puisque cette nouvelle autorité ne ferait que soumettre ou proposer
des solutions qui pourraient être retenues. Nous en reparlerons lors de la
discussion des amendements.
Cette autorité sera par ailleurs dotée d'une forme juridique qui a été en
quelque sorte consacrée par le Conseil d'Etat, acceptée par le Conseil
constitutionnel, puis par la doctrine juridique. Il a même été envisagé voilà,
quelque temps, de l'inscrire dans la Constitution. C'était une des propositions
de la commission Vedel, si mes souvenirs sont exacts.
Les autorités de ce genre, qui appartiennent à l'administration d'Etat et
disposent de pouvoirs variables - allant de la proposition au pouvoir de
réglementer ou de sanctionner - bénéficient d'une indépendance qui est garantie
par le statut de leurs membres : fonctions exercées à plein temps,
incompatibilités électives et professionnelles, irrévocabilité,
non-renouvelabilité, notamment.
Pour la présente autorité, la commission des affaires économiques a souhaité
accroître le rôle de proposition, mais aussi de concertation et de médiation,
comme je le disais il y a quelques instants.
Pourquoi la commission vous propose-t-elle d'aller un peu plus loin que le
projet de loi proprement dit ? En fait, il s'agit de favoriser le dialogue ou
de permettre de débloquer, par un pouvoir de proposition, des dialogues qui
seraient rompus.
En conséquence, je proposerai de remplacer, dans le titre de l'autorité, les
mots, qui nous paraissent un peu trop restrictifs, de « contrôle technique »,
par le terme, un peu plus ambitieux, de « régulation » de l'environnement
sonore. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir dans la discussion des
articles, lors de l'examen des amendements déposés par certains de nos
collègues, notamment par M. Plancade, au nom du groupe socialiste, amendements
qui pourraient être les bases d'un accord.
Pour renforcer les garanties d'indépendance de l'autorité, la commission a
adopté des amendements tendant à inscrire dans le texte des dispositions qui
existent déjà pour les membres des autres autorités indépendantes. Je passe
très vite - car nous y reviendrons - sinon pour signaler que nous avons
introduit, au sein du collège de l'autorité, une personne qualifiée en matière
de santé humaine à côté des experts en matière acoustique et aéronautique.
Il nous est apparu, en effet, nécessaire d'aller un peu plus loin et de nous
adjoindre les compétences d'une personne capable de nous dire quelles peuvent
être les incidences et les conséquences en matière de santé humaine de telle ou
telle disposition. Je crois que l'autorité ne peut qu'y gagner en qualité.
L'article 2 du projet de loi renforce les compétences et les moyens des
commissions consultatives de l'environnement.
Elles sont présidées par le représentant de l'Etat ; y siègent des élus, des
riverains et des expoitants d'aérodromes. Il s'agit donc d'un lieu de
concertation qui nous est apparu tout à fait compétitif, en termes de
démocratie, et compétent pour émettre des avis.
Il nous a semblé souhaitable de renforcer également ces commissions
consultatives par des dispositions les obligeant à siéger au moins une fois par
an, en leur donnant la possibilité de saisir l'autorité, bref, en faisant en
sorte qu'elles vivent réellement.
Dans un souci de bonne coordination, la commission a adopté des amendements
visant à organiser le dialogue entre les différentes instances.
S'agissant de l'article 3, qui traite des nuisances liées au trafic
d'hélicoptères, la commission propose une rédaction plus souple qui permet
d'adapter la réglementation à la réalité de chaque plate-forme : je crois, que
nous n'aurons pas de difficultés à nous mettre d'accord sur ce point.
Enfin, sur ma proposition et s'inspirant d'une proposition de loi que j'avais
eu l'honneur de déposer, la commission a souhaité renforcer, dans un but
préventif, l'information des personnes qui viendraient à louer ou à acheter un
bien immobilier aux abords des plus grands aéroports.
Dans la même optique, un amendement vise à renforcer les possibilités de
maîtrise foncière aux abords des aérodromes au motif qu'il vaut mieux, dans
l'esprit du docteur vétérinaire que je suis, privilégier la prophylaxie que
l'action curative. La règle vaut aussi dans ce domaine !
Il est un point qui n'a fait l'objet d'aucune proposition particulière, qui
n'a pas été traduit sous la forme d'amendements et qui n'avait pas non plus
fait l'objet d'un article dans le projet de loi initial : je veux parler des
sources de nuisances liées à des activités aériennes non civiles - c'est la
raison pour laquelle, d'ailleurs, le sujet n'a pas été traité dans le projet de
loi - à savoir des nuisances dues à l'activité aérienne militaire. Il s'agit de
nuisances effectives existant notamment sur les plates-formes aéroportuaires
mixtes, qui accueillent à la fois du civil et du militaire.
De même a été évoquée la question des nuisances qui peuvent être soulevées par
l'aviation légère. Un jour, il conviendra d'y répondre.
Notre discussion d'aujourd'hui va nous permettre d'avancer à coup sûr vers la
seule issue possible tant pour les riverains que pour le transport aérien : le
respect toujours accru de la qualité de notre environnement. L'enjeu est double
: un enjeu de qualité de vie - personne n'en doute et tout le monde en comprend
bien la nature - mais aussi un enjeu économique, un enjeu que la France n'a pas
le droit de mésestimer et qu'elle doit relever, car il est à la mesure de ses
ambitions et de ses moyens.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu.
Monsieur le ministre, on ne peut que se féliciter de ce projet de loi portant
création d'une autorité indépendante de régulation et de contrôle de
l'environnement sonore aéroportuaire. En effet, le développement du trafic
aérien nécessitait une telle création.
Comme le souligne dans son remarquable rapport notre excellent collègue
Jean-François Le Grand, le bruit, la pollution sonore sont des problèmes
lancinants et sont ressentis comme des agressions par nos concitoyens. Les
trafics aérien et routier autour des aéroports provoquent des nuisances telles
que le terme d'agression n'est pas trop fort pour en rendre compte, même si,
comme l'a indiqué Jean-François Le Grand, le bruit relève non seulement de
mesures objectives mais aussi d'appréciations subjectives.
Au-delà de ce projet de loi, vous me permettrez, monsieur le ministre - pour
l'élu d'Eure-et-Loir que je suis, l'occasion est trop belle ! - d'attirer votre
attention sur un point qui nous concerne directement : je veux parler de cet
hypothétique troisième aéroport qui devient, avec le temps, un « projet fantôme
».
La confusion est malheureusement entretenue autour de ce nouvel aéroport
international du bassin parisien.
Je tiens à rappeler à notre assemblée que le site de Beauvilliers, situé au
sud-ouest de Paris, à une vingtaine de kilomètres de Chartres, avait été retenu
par le Gouvernement le 5 juin 1996. L'objectif, alors - mais je ne crois pas
qu'il ait varié depuis - était de retenir un site en dehors de l'Ile-de-France
afin d'anticiper la saturation en termes de bruit et de desserte d'Orly et de
Roissy. Cela permettait de rééquilibrer le territoire.
Aujourd'hui, la création de cette autorité de contrôle permettrait d'éviter
les erreurs du passé dont pâtissent les riverains.
Nous arrivons en Eure-et-Loir à une situation paradoxale : avant même que le
projet d'aéroport se concrétise, les « nuisances » existent déjà ! En effet, à
l'annonce du choix du site en Eure-et-Loir, les acteurs économiques des
territoires concernés ont, comme il se doit, intégré cette perspective dans
leur plan de développement. Les élus de ce département ont, eux aussi, dû
soutenir les habitants concernés par l'emprise foncière et informer les
riverains de l'emprise du plan d'exposition au bruit.
Or, aujourd'hui, les multiples reculs et silences du Gouvernement à ce propos
ont engendré la pire des situations : l'incertitude. Cette incertitude a
naturellement entraîné un blocage au niveau des décisions.
Cette situation est d'autant plus perturbante qu'elle concerne non seulement
les hypothétiques riverains et les élus mais aussi les éventuels acheteurs ou
vendeurs de terrain dans cette zone. Des terrains sont, paraît-il, sur le point
d'être gelés ; comment, dans ces conditions, peut-on raisonnablement élaborer
un projet régional d'aménagement du territoire ou tout autre projet ?
Le problème qui se pose dans la zone de Beauvilliers pèse sur les choix
régionaux et nuit au bon fonctionnement de nos institutions, sans parler de
l'élaboration des futurs contrats de plan Etat-région.
Par exemple, nous envisageons de faire figurer dans le futur contrat de plan
Etat-région la création d'une liaison ferroviaire entre Chartres et Orléans,
capitale de la région Centre. A défaut d'aéroport, cette liaison ferroviaire ne
pourrait être viable économiquement. A l'inverse, si l'on nous confirme
l'implantation de l'aéroport, il nous faudra évidemment prévoir la construction
d'une gare desservant l'aéroport.
Bien sûr, on est en droit d'hésiter à venir s'installer dans la zone de
Beauvilliers, tout comme on est en droit de songer à en partir. Mais, tant que
le projet n'est pas définitivement arrêté, que dire à nos concitoyens ? Evitons
aux habitants d'Eure-et-Loir de souffrir plus longtemps, car le doute et
l'incertitude engendrent la pire des situations et paralysent tout projet
d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Ce n'est pas un hasard si la
commission a adopté des amendements concernant l'urbanisme.
Le bruit est un problème crucial. Comme le disait très justement notre
rapporteur, c'est sur les contraintes liées au bruit que se joue le devenir du
transport aérien. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je me suis permis
d'insister sur les problèmes relatifs à l'implantation du troisième
aéroport.
Je vous demande de vous prononcer sur ce sujet, afin de réduire les
incertitudes qui tenaillent nos concitoyens du département d'Eure-et-Loir.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce
projet de loi, qui nous est soumis en première lecture, le Gouvernement
confirme l'engagement qu'il avait pris concernant la maîtrise et le contrôle
des nuisances sonores aux abords des aéroports.
Ce texte était devenu nécessaire non seulement par l'importance toujours
croissante du trafic aérien qui, si l'on en croit les spécialistes, devrait
encore progresser de 5 % à 6 % par an, et cela pendant encore quelque temps,
mais aussi par le souci qu'ont de plus en plus nos concitoyens de la qualité de
leur environnement.
Quelque 350 communes, représentant 6 millions d'habitants, sont concernées par
les nuisances sonores présentes au voisinage des aéroports.
Aucune action individuelle ne peut réduire le bruit dans ce domaine ; la seule
issue envisageable est le recours à des solutions communes.
En effet, le bruit est, pour les riverains d'aérodromes, la nuisance la plus
importante, celle qui est le plus immédiatement perceptible.
Même si nous savons que la lutte contre le bruit passe par trois actions
conjointes - la réduction du bruit des avions, l'application de procédures
aériennes moins bruyantes conjugée à l'optimisation de l'exploitation des
aérodromes, la maîtrise de l'urbanisme près des aérodromes - il n'en demeure
pas moins que ce projet de loi vient compléter un dispositif législatif et
réglementaire déjà important : les plans d'exposition au bruit, les plans de
gêne sonore, les commissions consultatives de l'environnement.
Ce dispositif, depuis quelques mois, se précise d'ailleurs de plus en plus :
en décembre 1997, arrêté restreignant les vols de nuits ; doublement de la taxe
d'atténuation des nuisances sonores, qui alimente le fonds d'aide aux riverains
; en mars 1998, installation de la commission de lutte contre les nuisances.
Il me faut aussi mentionner l'action spécifique concernant l'aéroport de
Roissy : diminution progressive de l'énergie sonore émise par les avions des
anciennes générations et signature d'un nouveau plan de gêne sonore intégrant 1
400 hectares supplémentaires.
Il s'agit donc, aujourd'hui, de créer l'Autorité de contrôle technique de
l'environnement sonore aéroportuaire, l'ACTESA, une autorité indépendante, à
l'image du Conseil supérieur de l'audiovisuel ou de l'Autorité de régulation
des télécommunications, ayant pour mission d'élaborer des prescriptions
techniques applicables aux stations de mesure de bruit, de définir leurs
conditions d'exploitation et leurs emplacements et veiller à leur respect.
Elle sera consultée sur tous les textes réglementaires relatifs au bruit
autour des aérodromes, sur les projets de plan d'exposition au bruit et de gêne
sonore. Elle devra s'assurer du respect des engagements pris par les
différentes parties intéressées à l'exploitation de l'aéroport. Elle devra
également publier un rapport annuel rendant compte de son activité.
Elle aura compétence sur les neuf plus grands aéroports français : Paris-Orly,
Paris-Charles-de-Gaulle, Nice, Marseille, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Strasbourg
et Mulhouse.
Parallèlement, sur le plan local, le rôle des commissions consultatives de
l'environnement, où siègent des élus, des associations de riverains, des
représentants des compagnies aériennes, est renforcé. Elles seront créées de
droit sur l'ensemble de ces neuf aéroports. Elles disposeront d'un pouvoir de
saisine de l'autorité indépendante en vue de vérifier si les engagements pris
par les différentes parties intéressées à l'exploitation de l'aérodrome ont été
tenus.
Vous avez souhaité, monsieur le ministre, que cette autorité soit la plus
indépendante et la plus technicienne possible.
Elle sera indépendante par le statut de ses membres, qui seront inamovibles et
non renouvelables, par l'incompatibilité de leur mandat avec certaines
fonctions et par un budget propre. Elle sera technicienne par la qualité
professionnelle des personnes qui y siégeront.
Nous pensons effectivement qu'il ne faut pas, pour sa crédibilité même,
qu'elle soit un lieu d'expression des groupes d'intérêts locaux ou nationaux,
de nature sociale, voire politique.
Néanmoins, cette autorité ne peut pas être un champ clos ou encore une sorte
de « laboratoire du professeur Tournesol », enfermée dans des certitudes
techniciennes mais éloignée des réalités sociales et économiques.
M. Emmanuel Hamel.
Vous calomniez Tournesol !
(Rires.)
M. Jean-Pierre Plancade.
C'est pourquoi nous considérons que, à côté de l'autorité indépendante, doit
exister un lieu où les partenaires sociaux économiques et politiques
s'exprimer, être entendus ; d'où l'importance, pour les partenaires locaux, de
l'articulation entre les commissions consultatives de l'environnement et
l'autorité indépendante.
Ces commissions seront, je l'ai dit, mises en place de droit sur les aéroports
cités dans la loi du 31 décembre 1992. Cependant, monsieur le ministre, ne
faudrait-il pas également envisager leur mise en place dans des aéroports dont
le trafic augmente régulièrement, tels que ceux de Montpellier, Nantes, ou
Clermont-Ferrand, par exemple ?
A l'article 2 du projet de loi, est envisagé un décret tendant à formaliser
les moyens de fonctionnement de ces commissions, étant précisé qu'ils seront
mis à leur disposition « par l'exploitant de l'aérodrome ». Mais, monsieur le
ministre, quel peut être le contenu de ce décret ? S'agit-il de moyens
financiers, matériels, humains, ou les trois à la fois ?
Dans tous les cas, nous pensons que ce décret devra être pris rapidement et
qu'il devra donner des moyens réels aux commissions consultatives de
l'environnement pour qu'elles puissent jouer pleinement leur rôle.
Il va sans dire que nous serons attentifs au contenu de ce décret.
Un temps, le Gouvernement avait dit vouloir confier aux commissions
consultatives de l'environnement l'élaboration et le suivi de la charte de
qualité de l'environnement sonore. Or, cela n'apparaît pas dans le projet de
loi. Avez-vous, monsieur le ministre, abandonné cette idée, qui nous paraît
pourtant toujours intéressante ?
Certains aéroports ont créé une maison de l'environnement, qui informe le
public. Pourquoi ne pas envisager de permettre aux commissions consultatives de
l'environnement de participer à l'administration de ces lieux d'information
?
Enfin, monsieur le ministre, les aéroports militaires ne sont pas concernés
par ce projet de loi. Serait-ce qu'ils n'ont aucune incidence sur
l'environnement sonore ? Je peux vous assurer que, dans la région toulousaine,
par exemple, nous avons un aéroport civil et une base aérienne militaire qui ne
sont pas très éloignés l'un de l'autre. Jusqu'à ce jour, l'environnement de la
base militaire aérienne de Francazal n'a pas été exempt de nuisances sonores !
Bien entendu, Toulouse n'est pas la seule agglomération concernée.
Ne pensez-vous pas qu'une initiative gouvernementale pourrait être prise pour
que soit prévue dans la loi au moins une procédure de concertation entre les
autorités militaires et la commission consultative de l'environnement ?
La commission des affaires économiques, sous l'impulsion autorisée compétente,
mais aussi - nous l'avons vu ce matin - patiente et pédagogique de notre
éminent collègue M. Jean-François Le Grand, a fait des propositions qui, de
notre point de vue, améliorent le texte initial. Par quelques amendements, le
groupe socialiste s'efforcera d'apporter également sa contribution à ce projet
de loi.
Quoi qu'il en soit, à nos yeux, c'est un bon texte puisqu'il permettra à nos
concitoyens, mais également à l'Etat et aux professionnels, de disposer d'un
outil d'appréciation objective de la réalité de l'environnement sonore
aéroportuaire et aussi parce qu'il témoigne de la volonté d'agir pour la
protection de l'environnement avec un souci d'efficacité, d'information et de
transparence pour nos concitoyens.
C'est pourquoi le groupe socialiste soutiendra ce projet.
(M. le rapporteur
applaudit.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
développement du transport aérien impose un encadrement législatif adapté,
permettant à toutes les victimes des nuisances aéroportuaires de reconquérir un
cadre de vie supportable.
Le texte qui nous est soumis résulte d'un engagement pris le 23 septembre 1997
lors de l'annonce de la création de deux nouvelles pistes sur l'aéroport de
Roissy-Charles-de-Gaulle.
En dépit de nombreux efforts de la part tant des pouvoirs publics que des
gestionnaires des structures aéroportuaires, l'augmentation du trafic aérien
est cause de nuisances sonores très difficilement vécues par les riverains des
aéroports.
Les progrès accomplis depuis trente ans ont certes permis de réduire de près
de vingt décibels le bruit des avions à réaction ; la fréquence et le nombre
des appareils compensent toutefois très largement les innovations
technologiques.
Comme l'indique le rapporteur de la commission, « le bruit a changé de nature,
mais il n'est pas perçu comme moins pénible, au contraire, la continuité du
bruit diurne et parfois nocturne, a accru la pénibilité de ce dernier ».
Il est aujourd'hui de la responsabilité du législateur de répondre à la gêne
sonore occasionnée. Le mot est bien en deçà de la réalité, sans doute
faudrait-il évoquer la souffrance et le mal-vivre des riverains des zones
aéroportuaires.
L'absence de réponse adaptée pourrait compromettre l'avenir du transport
aérien dans notre pays. Le texte qui nous est soumis va dans ce sens.
La création d'une autorité indépendante permettra de réaliser des arbitrages
parfois difficiles entre les exploitants d'aéroports, les pouvoirs publics et
les associations riveraines des zones aéroportuaires.
Ainsi, l'engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, tendant à mettre
en place une autorité réellement indépendante, dont la composition est fixée
non pas par décret mais par la loi, obtient un accord unanime de l'ensemble de
ceux qui sont directement ou indirectement concernés par l'environnement sonore
des zones aéroportuaires.
Pour notre part, nous avons souhaité apporter quelques modifications au texte
qui nous est proposé.
Le souci qui nous anime est de favoriser la lisibilité de la loi, afin de
concilier au mieux les intérêts de chacun : ceux du transport aérien et ceux
des riverains des aéroports.
Ainsi, partageant le souci de la commission et de son rapporteur, nous pensons
incontournable la présence d'une personne compétente en matière de santé au
sein de l'autorité de contrôle technique de l'environnement sonore
aéroportuaire.
De nombreuses études ont illustré les effets du bruit en termes de santé
publique. En effet, au-delà de la lecture des courbes des nuisances sonores, la
perception du bruit et de ses effets sur l'organisme dépend de multiples
facteurs : fréquences de l'exposition au bruit, continuité, discontinuité,
heures des troubles sont autant d'éléments qu'il convient de prendre en compte,
tout en précisant leurs effets sur l'organisme.
De la même manière, nous avons souhaité expliciter le rôle consultatif de
l'autorité de contrôle technique en rendant nécessaire sa consultation pour
l'ensemble des modifications réglementaires et des variations intervenant sur
l'exploitation ou les structures aéroportuaires ayant une incidence
significative en matière d'environnement sonore.
L'un des amendements dont nous souhaitons l'adoption prévoit, en outre, que
l'autorité de contrôle technique prend connaissance des informations et
propositions émises par les élus et les associations riveraines des aéroports.
Afin de rendre plus explicites ces propositions qui figurent par ailleurs dans
le texte qui nous est soumis, nous avons souhaité les formaliser dans la
loi.
Au-delà du projet de loi lui-même, et de l'adhésion qu'il devrait susciter
chez tous ceux que préoccupe la question du bruit autour des zones
aéroportuaires, il convient, en amont, de tout mettre en oeuvre afin que les
riverains des aéroports retrouvent le cadre de vie restauré auquel ils ont
droit.
Certes, une information fiable et objective opposable aux différentes parties
est un préalable que devrait satisfaire le texte qui nous est soumis.
Ce cadre juridique est propice à l'exercice de la concertation selon des
règles de stricte transparence.
Un certain nombre de mesures réglementaires placent notre pays en bonne place
pour la limitation des nuisances aéroportuaires et permettent la mise en oeuvre
de sanctions au titre même du principe pollueur-payeur.
Si ces actions méritent d'être poursuivies afin de contraindre les plus
récalcitrants, il convient également d'oeuvrer à la prévention des nuisances
sonores.
L'effort de notre pays en matière de recherche aéronautique doit être amplifié
afin de permettre à des générations d'appareils plus silencieux de voir le
jour.
Le contrôle acoustique actif offre des perspectives intéressantes qui
justifient pleinement que les efforts de recherche soient soutenus dans ce
sens.
Du fait précisément de l'augmentation du volume du trafic aérien, la teneur
des progrès réalisés n'a pas, jusqu'à présent, été perçue par les riverains.
De la même façon, nous pensons opportun d'évaluer la déréglementation du
trafic aérien et ses conséquences en termes de nuisances sonores.
Le transport aérien est certes source de richesses. Son développement a
conduit et devrait conduire à sa démocratisation.
Pour autant, il nous faut veiller à un encadrement juridique adapté à la fois
pour ce qui nous occupe aujourd'hui, les nuisances sonores, mais aussi pour des
raisons de fiabilité et de sécurité.
Puisse le texte qui nous est soumis permettre le développement harmonieux du
transport aérien dans le souci des populations riveraines. Cette modernité-là
nous reste à conquérir.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Emmanuel Hamel.
Conquérons-la !
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un problème
extrêmement simple est posé pour que l'aéroport Charles-de-Gaulle se développe
à Roissy en préservant une vie acceptable aux alentours.
Notre réponse tente d'harmoniser ces deux paramètres en apparence opposés.
Oui, il est possible, au stade où nous en sommes, de concilier ce qui, jusqu'à
ce jour, est apparu inconciliable. Depuis plus de trente ans, les élus et la
population luttent dans le Val-d'Oise contre le choix fait à l'époque d'un
développement aveugle de l'aéroport et l'option actuelle en faveur d'un
gigantisme non maîtrisé.
Il existait une option « 20 kilomètres plus au Nord ! » Si l'autorité
indépendante avait été créée, elle l'aurait conseillée. Toute la logique, tout
l'intérêt de l'aviation et celui des riverains le commandaient ! A l'époque, un
autre choix a été fait. Irresponsable, inconséquent et malheureux pour la vie
de 500 000 habitants, il est aussi dommageable pour le transport aérien. Si
nous rappelons ce fait, c'est parce que de nombreux élus, dont les élus
communistes, monsieur le ministre, manifestaient alors, avant même que le
premier coup de pioche soit donné. « Plus loin ! », disaient ces manifestants.
Comme ils avaient raison ! Combien le bon sens aurait mérité d'être entendu !
Depuis, un dialogue de sourds s'est instauré. Chacun a développé son
analyse.
Aéroports de Paris et les gouvernements successifs ont imposé leur point de
vue avec des « MM. Niet » comme on les appelait dans les groupes des plans
d'occupation des sols de la région, puis dans les commissions Fève, Douffiagues
et Carrère avec en face des riverains très expérimentés qui savaient qu'on
cherchait à les endormir. Va-t-on continuer à vouloir tromper les habitants du
Val-d'Oise, méprisés, rejetés, humiliés ou, enfin ! essayer de leur apporter
des éléments de vie meilleure qui ne soient ni nouvelle arnaque, ni analyse
farfelue, ni mépris de vie ?
Monsieur le ministre, peut-être est-ce là l'enjeu de l'existence de l'autorité
indépendante. Votre initiative est innovante. Elle est prometteuse de résultats
pour l'avenir s'agissant de la protection du cadre de vie des riverains et,
bien entendu, du développement de l'aviation civile.
Quelles sont les conditions à prévoir ? Quels sont les objectifs à préciser ?
Quelles sont les modifications à apporter à votre projet de loi ?
L'autorité indépendante doit certes jouer le rôle du gendarme. L'article L.
227-3 précise que l'ACTESA est habilitée à saisir l'autorité administrative
compétente de tout manquement aux règles fixées pour la protection de
l'environnement des aérodromes. Ce manquement est passible d'une sanction
administrative par rapport aux prescriptions techniques mondiales, et pas
seulement européennes.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, des dizaines de compagnies
aériennes concernées travaillent à Roissy. C'est pourquoi la notion de
référence à des homologations par arrêtés des ministres de l'environnement doit
être précisée.
Il faut que la France et ses aéroports conservent la maîtrise de leurs
décisions. Je vous rappelle que, si le traité d'Amsterdam est ratifié,...
M. Emmanuel Hamel.
Hélas !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
... nous perdrons notre droit de veto et nous subirons des décisions prises en
dehors de la France.
M. Emmanuel Hamel.
Eh oui !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
En d'autres termes, les vols de nuit reconnus au plan européen pourraient être
rétablis à Orly et confirmés à Roissy. Dans les deux cas, nous risquons d'être
victimes à la fois d'une situation acquise à Orly et d'une situation qui fait
l'objet de revendications premières et fortes à Roissy.
L'ACTESA doit-elle limiter sa responsabilité à un contrôle, puis à la prise
d'éventuelles sanctions ? C'est la question que je voudrais vous poser,
monsieur le ministre. Sans méconnaître ce rôle de contrôle et de gendarme - qui
s'impose pour que toute réglementation soit appliquée - ne pensez-vous pourtant
pas qu'il doit, comme dans tous les autres domaines de la vie sociale, être
accompagner d'un rôle de prévention et, surtout, de conseil ?
Vous l'avez bien senti en précisant au 4° de l'article L. 227-4 que l'ACTESA
s'assure de la fiabilité des informations communiquées. Vous l'avez bien senti
au 5° du même article, quand vous affirmez que l'ACTESA doit être consultée sur
le plan de gêne sonore et sur le plan d'exposition au bruit. Vous le confirmez
au 6°, où le projet prévoit une consultation sur les textes définissant
protection sonore, projets des procédures de départs, d'attentes et
d'approches.
Vous vous êtes engagé dans la voie du conseil, mais ne convient-il pas de
dépasser ce stade ? Ne vous paraît-il pas possible d'aller plus vite et plus
fort en donnant d'autres pouvoirs à l'ACTESA ?
Dans le conseil d'administration d'Aéroports de Paris, des intérêts différents
se manifestent. Dans la commission consultative de l'environnement, Aéroports
de Paris, la direction départementale de l'équipement, la région, le ministère
ont, en fait, un poids décisif et prépondérant qui est clairement apparu lors
d'un vote sur la Charte de l'environnement. Tous les élus du Val-d'Oise et les
associations de riverains l'ont rejetée. Elle a cependant été adoptée grâce au
vote massif des représentants des pouvoirs publics, totalement étrangers à la
vie autour de l'aéroport. Est-il raisonnable de prendre une décision contre
l'avis unanime des riverains et des élus ? En tout cas, il s'agit d'une
pratique sans avenir qui ne permettra pas de dégager des solutions acceptables
par tous.
L'existence nouvelle d'une autorité totalement indépendante ne se prêtait-elle
pas à une mission de conseil, de décision de l'ACTESA ?
Je suis persuadée que, s'agissant des vols de nuit, l'avis de l'ACTESA, plus
impartial, aurait été plus équilibré. D'ailleurs, monsieur le ministre, vous
vous êtes engagé - trop timidement, je l'ai dit - sur la voie de conseils, de
propositions de la part d'ACTESA.
Demander l'avis de l'autorité sur le plan de gêne sonore suppose que l'on
tienne compte de l'avis des vingt-cinq communes du Val-d'Oise, qui l'ont rejeté
en raison de son caractère irréaliste et inconséquent.
« Irréaliste », ce mot n'est pas trop fort lorsqu'on observe que de ce plan
sont totalement exclues des villes comme Sarcelles, Villiers-le-Bel ou
Garges-lès-Gonesse, soit près de 150 000 habitants subissant les nuisances et
ayant besoin de se protéger. Inconséquent, le PGS l'est aussi puisque des rues,
des quartiers, des équipements se trouvent sectionnés alors qu'ils doivent, à
l'évidence, être considérés comme des unités de vie.
Demander l'avis de l'ACTESA sur le PEB, le plan d'exposition au bruit, c'est
tenter de favoriser la maîtrise du devenir d'une région. Je profite,
d'ailleurs, de cette intervention, monsieur le ministre, pour vous demander la
date à laquelle sera publié le nouveau projet de PEB définissant la nature et
l'emplacement des zones constructibles.
Je vous propose d'aller plus loin et d'autoriser une consultation sur toute
autre proposition de modification ou d'accroissement du trafic. Je suggère par
exemple que l'ACTESA puisse donner un avis sur deux questions, en priorité sur
celle des vols de nuit.
Roissy - Charles-de-Gaulle est la dixième plate-forme du monde. Avec 40
millions de passagers, elle deviendra bientôt la troisième. Avec 55 millions de
passagers, elle confirmera sa place parmi les plus grands aéroports du
monde.
Or, il existe un rapport entre le nombre de vols de nuit et le nombre de vols
journaliers.
Ce rapport est longtemps resté de l'ordre de 7 % à 8 %. Puis, pendant deux ou
trois ans, il a été de 10 %. Aujourd'hui, avec 150 vols de nuit sur 1 300 vols
quotidiens, on approche le taux de 12 %.
Autrement dit, plus le trafic s'intensifie, plus la proportion du nombre de
vols de nuit progresse, en valeur absolue comme en valeur relative.
Voilà un point vital sur lequel l'ACTESA devrait pouvoir se prononcer.
J'affirme que vouloir maintenir les nuisances au niveau de 1997 comme vous le
souhaitez, monsieur le ministre, passe par la réduction de cet accroissement
des vols de nuit, tout comme la maîtrise du trafic fret, sur lequel pourrait
également se prononcer l'ACTESA.
Les statistiques démontrent une progression annuelle de l'ordre de 6 % à 7 %
pour le fret à Roissy. Air France regroupe ses activités fret et ses cargos. A
l'automne, Fedex inaugurera ses nouvelles installations près du pont de la
Talmouse à Goussainville. Fedex, c'est 600 avions, c'est un engagement pour un
colis déposé à Roissy d'être livré dans les quarante-huit heures dans n'importe
quel point du monde - je n'invente rien : c'est ce que dit la publicité ! De
plus, Fedex aura un hub, forcément performant, donc avec des départs organisés
la nuit.
Les colis, les paquets et les profits qu'ils génèrent doivent-ils passer avant
la vie de 500 000 personnes dormant tout autour de Roissy ?
L'avis de l'ACTESA serait également intéressant à connaître, car il s'agit
d'un organisme indépendant. Aéroports de Paris affirme que les vols de nuit
seront réduits, mais demeure juge et partie.
Nous sommes favorables à une extension des compétences de l'ACTESA. Peut-être
qu'avec cette dernière nous pouvons disposer d'un juge. Mais comme tout juge,
il doit être aussi conseilleur, pour corriger des attitudes, des comportements.
Le juge n'a pas uniquement un rôle de sanction, il a aussi un rôle de
prévention.
A ce propos, on peut se demander si dans l'avenir il ne faudra pas modifier
l'appellation. Ne pourrions-nous pas substituer à l'ACTESA l'appellation
ACTCESA en introduisant la notion de conseil ? Un nouvel objectif serait
défini, mais n'est-ce pas le plus important, monsieur le ministre ?
L'existence, l'intensité des ondes sonores sont certes intéressantes à étudier,
mais ce qui compte, c'est leur maîtrise.
Il va de soi - et je l'ai dit - que votre proposition est innovante. On peut,
sans attendre, la rendre plus opérante en élargissant encore les missions de
l'ACTESA. L'ACTESA peut être juge, gendarme. Monsieur le ministre, faisons
d'elle un recours.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je veux d'abord
remercier les différents intervenants.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le bruit généré par les différents
modes de transport. De plus en plus, nos concitoyens, en particulier les
riverains des aéroports, refusent une détérioration de leur qualité de vie,
notamment par le bruit. J'en sais quelque chose puisque, ainsi que j'ai déjà eu
l'occasion de le dire, j'habite à dix mètres d'une gare de triage ! Je sais de
quoi je parle.
Vous avez évoqué également les progrès technologiques. Ils sont en effet
importants. Vous avez comparé le bruit du moteur d'une Caravelle et celui du
CFM 56 qui équipe les Airbus, et vous avez noté une différence considérable.
C'est un élément important. En effet, nombre de personnes qualifiées et
responsables m'ont dit : monsieur le ministre, vous ne pouvez pas annoncer une
augmentation du trafic à Roissy et affirmer, en même temps, un maintien du
niveau des nuisances sonores. Eh bien, elles se trompaient. Les faits le
prouvent, je l'ai dit dans mon intervention liminaire.
Depuis un an, le trafic a augmenté, mais les nuisances, elles, ont diminué, et
c'est vrai en particulier la nuit. Si ce que je dis est faux, il convient de le
dire, mais si c'est vrai, il faut prendre appui sur cette réalité pour
conforter la démarche qui consiste à concilier, d'une part, le développement
économique, social et l'emploi et, d'autre part, les enjeux liés à
l'environnement.
Tel est l'objectif que je me suis fixé clairement. D'ailleurs, les tables
rondes que je réunis en témoignent et c'est l'état d'esprit dans lequel
travaillent ceux qui y participent. Ils n'en sont pas restés à l'idée selon
laquelle dès lors qu'il y a augmentation du trafic il y a obligatoirement
accroissement des nuisances. Certains prétendaient que mes propos n'étaient pas
réalistes, ils se trompaient, et c'est très heureux car le pire eût été qu'ils
finissent par avoir raison.
J'en viens aux questions qui m'ont été posées. J'aurai l'occasion, lors de
l'examen des amendements, de préciser certains points.
Le rapport de la commission des affaires économiques constitue une excellente
synthèse sur le bruit aéronautique et met en évidence les efforts qui ont déjà
été consentis par les différents acteurs du transport aérien en vue de
maîtriser les nuisances. Il a, en outre, été souligné que les différentes
mesures mises en oeuvre en France font de notre pays l'un des premiers en
Europe en matière de protection de l'environnement aéroportuaire. Voilà qui
montre que nous devons mener cette bataille à l'échelon européen de telle sorte
- et je réponds au souci exprimé par Mme Beaudeau - que nous ne soyons pas
soumis à des pressions inverses.
Une telle politique a bien pour objet de ne pas entraver le développement du
transport aérien tout en s'attaquant aux problèmes de la pollution sonore
aéroportuaire. Le projet de loi portant création de l'autorité de contrôle
technique de l'environnement sonore aéroportuaire, l'ACTESA, a été élaboré dans
cette optique.
Je tiens à vous remercier, monsieur Plancade, de votre appui à la démarche
engagée par le Gouvernement. Vous avez souligné que la mise en place de cette
nouvelle autorité ne devra pas se faire au détriment des structures existantes,
telles que la commission consultative de l'environnement. Je partage ce souci.
Ces commissions doivent rester le lieu de rencontre privilégié des acteurs
locaux du transport aérien.
Je précise au passage que quatre-vingt-cinq aérodromes sont dotés d'une
commission consultative de l'environnement. Tel est le cas de Montpellier. Mais
encore faut-il que ces commissions fonctionnent.
M. Jean-Pierre Plancade.
Voilà !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Nous avons
d'ailleurs écrit au préfet à cet effet. La mise en place de telles commissions
sur la majeure partie des plates-formes est prévue par la loi du 11 juillet
1985 relative à l'urbanisme au voisinage des aéroports.
C'est aussi le cas de certains aéroports mixtes ou militaires. L'aéroport de
Toulouse-Francazal dispose d'une telle instance depuis 1987. Il faut qu'elle
fonctionne. Nous sommes toujours confrontés au même problème.
Par ailleurs, l'ACTESA, que nous proposons d'instituer, va concerner neuf
grands aéroports, qui ne sont pas militaires.
Afin d'affirmer et de renforcer le rôle de ces commissions, le projet de loi
tend à les doter d'instances permanentes de travail, les comités permanents, et
de moyens de fonctionnement correspondants. Ces comités permanents pourront
bien entendu être le lieu privilégié de la rédaction de chartes de qualité de
l'environnement sonore, dans lesquelles seraient formalisés les engagements des
différents acteurs en vue de maîtriser les nuisances sonores au voisinage des
aéroports.
Le travail effectué par la commission des affaires économiques sur le présent
projet de loi a permis d'y apporter plusieurs améliorations.
Monsieur Cornu, vous avez beaucoup insisté sur la question du troisième
aéroport. Compte tenu des perspectives de croissance du trafic aérien du Bassin
parisien dans le cadre des perspectives mondiales de croissance, la limite de
capacité des plates-formes parisiennes devrait être atteinte d'ici à dix ou
quinze ans, y compris avec la limitation à cinquante-cinq millions de passagers
à Roissy, comme nous nous y sommes engagés. En ce qui concerne l'aéroport
d'Orly nous connaissons bien les limites qui existent en fait compte tenu du
couvre-feu et de la limitation du nombre de mouvements.
Dans dix ou quinze ans, la limite de capacité sera atteinte. La question est
donc posée. Dès le départ, j'ai choisi de ne pas trancher la question de la
réalisation du troisième aéroport. Cette question avait d'ailleurs fait l'objet
d'un débat qui s'est traduit concrètement sur le terrain lors des élections
législatives. Ma démarche a consisté à bien étudier les différentes
possibilités.
Des options avaient été évoquées pour répondre aux besoins prévisibles que je
viens d'évoquer : une meilleure utilisation d'aéroports de province pas très
éloignés ou la réalisation du troisième aéroport dans le Grand Bassin parisien
; vous avez évoqué les propositions qui ont été faites en Eure-et-Loir.
Deux problèmes se posent : d'une part, le problème de l'incertitude, qui
constitue toujours un handicap, d'autre part, le problème de la prévision, de
la détermination d'un certain nombre de mesures de précaution, ce qui permet
d'éviter de se retrouver à terme dans des situations compliquées.
Comment conjuguer ces deux aspects ? L'année 1999 nous offre en quelque sorte
l'occasion de trancher. En effet, c'est dans le cadre de l'élaboration des
schémas de services collectifs de transport que nous devrons prendre la
décision.
Il s'agit d'une question d'ampleur nationale et même européenne. Elle ne
concerne donc pas simplement une région. Cette question sera abordée à
l'échelon national, tout en intégrant les débats d'aménagement de l'ensemble
des régions concernées, notamment celles du Grand Bassin parisien. Je tenais à
vous répondre clairement sur cette question, monsieur le sénateur.
M. Gérard Cornu.
Merci !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je veux vous
remercier, madame Terrade, de l'accueil favorable que vous réservez au texte
proposé par le Gouvernement.
Les progrès technologiques accomplis par l'industrie aéronautique ont en effet
permis de réduire considérablement le bruit émis par les avions. Toutefois, on
a constaté parallèlement une sensibilité plus forte de nos concitoyens aux
problèmes d'environnement.
C'est en quelque sorte un bon signe. C'est aussi un signe de civilisation : ce
que certains, dans le passé, ont quelquefois fait accepter au nom de l'intérêt
général ne peut plus se faire aujourd'hui de la même manière. C'est vrai non
seulement pour les nuisances sonores des aéroports, mais également de manière
plus générale.
C'est d'ailleurs pour cette raison que la politique du Gouvernement se veut
aussi une politique de développement durable intégrant ces dimensions du
développement économique et social et de la qualité de la vie.
Dans ce cadre, afin de mieux comprendre l'influence des différents facteurs
tels que le bruit unitaire de chaque avion ou l'effet de l'augmentation des
fréquences, le Gouvernement a entrepris une enquête de gêne sonore auprès d'un
échantillon représentatif des populations concernées autour des aéroports de
Paris - Charles-de-Gaulle et de Paris-Orly.
Madame Beaudeau, vous avez attiré mon attention sur les suites des engagements
pris au moment de la décision d'extension de Roissy. Vous avez sans doute noté
que, dans l'élaboration du plan de gêne sonore, la superficie était nettement
accrue, le nombre d'ayants droit ayant augmenté de 70 %. Ce n'est donc plus
tout à fait la même situation qu'auparavant !
Je vous rappelle également que l'enquête de gêne sonore en cours permettra
d'améliorer le système. Nous ne sommes pas restés les deux pieds dans le même
sabot à ce sujet !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
J'espère bien, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
En ce qui
concerne le plan d'exposition au bruit, j'ai demandé au préfet de région de
lancer la consultation, et les communes vont donc recevoir le projet très
prochainement.
S'agissant des vols de nuit, j'ai précisé tout à l'heure ce qui s'était passé
globalement du point de vue des nuisances sonores. Toutefois, prenons des
éléments précis. Si le nombre des vols de nuit a effectivement augmenté de
vingt-deux heures à vingt-trois heures, en raison d'une certaine saturation de
créneaux de jour, en revanche, s'agissant de la nuit proprement dite,
c'est-à-dire de vingt-trois heures à six heures du matin, l'augmentation des
vols n'est pas plus importante que la progression constatée de jour.
La réduction du bruit passant par la lutte contre les avions les plus
bruyants, j'ai interdit, la nuit, de vingt-trois heures trente à six heures du
matin, le vol des avions des anciennes générations et j'ai imposé des
procédures de moindre bruit. Comme je vous l'ai dit au début de mon propos, le
bruit a donc globalement diminué.
En ce qui concerne Fedex, je vous signale que les avions utilisés sont tous, à
présent, des avions relevant du chapitre III et que les pointes de trafic ont
lieu à l'arrivée, pour apporter les colis vers vingt-deux heures. Ces colis
sont triés dans la nuit, et les avions repartent dans la matinée suivante.
Voilà la réalité !
Vous avez bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement
n'avait aucunement l'intention, par le biais de ce projet de loi, de faire que
cette autorité une instance chargée à la fois de contrôler, de décider, de
juger, de réguler, de formaliser. J'ai insisté sur ce point, et M. le
rapporteur est convenu de cette démarche : il ne s'agit pas d'ignorer ou de
délaisser la responsabilité politique. En effet, je ne suis pas de ceux qui
considèrent que nous devons abandonner les responsabilités des politiques, dans
les domaines ayant trait à l'action et à la défense de l'intérêt général.
(Très bien ! sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
RPR.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur.
Monsieur le président, le Gouvernement ayant déposé trois
amendements après la réunion de la commission intervenue ce matin, je demande,
au nom de cette dernière, une suspension de séance de quelques instants afin de
pouvoir étudier ces textes.
M. le président.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le rapporteur.
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