Séance du 16 février 1999
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Richert pour explication de vote.
M. Philippe Richert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de cette discussion, je souhaite confirmer la qualité de ce projet de loi. Même si les propositions que nous avons faites pour assurer plus de transparence n'ont pas été suivies et même si je le regrette, je tiens néanmoins à rendre hommage au Gouvernement et au rapporteur de la commission pour le travail réalisé et pour les avancées accomplies.
Je souhaite, monsieur le ministre, que, lors de l'élaboration des décrets d'application, soient trouvés les moyens de répondre au besoin de transparence et d'information des familles concernées par ces accidents. Cela me paraît encore possible.
En dépit des appréciations positives, vous comprendrez mon abstention dans le vote final.
M. le président. La parole est à M. Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous venons d'examiner répond au souci de doter d'un cadre juridique rénové les enquêtes techniques réalisées dans l'aviation civile. En effet, comme l'a souligné notre excellent rapporteur, notre collègue M. Jean-François Le Grand, la croissance du trafic aérien, comme la libéralisation de ce secteur, lancent de nouveaux défis à la politique de sécurité.
En outre, ce projet de loi transpose en droit interne la directive européenne du 21 novembre 1994, qui tend à harmoniser les principes fondamentaux régissant les enquêtes techniques sur les accidents et les incidents au sein de l'Union européenne.
Les dispositions concernent ainsi l'obligation d'une enquête en cas d'accident ou d'incident grave, l'indépendance fonctionnelle de l'organisme chargé des enquêtes, les pouvoirs d'investigation des enquêteurs et la diffusion des rapports d'enquête. Enfin, une meilleure coordination est assurée entre l'enquête technique et l'enquête judiciaire.
Il est vrai que le ton est devenu fortement émotionnel à l'occasion de la discussion des amendements de M. Richert qui posaient effectivement problème.
M. Emmanuel Hamel. Ils étaient justifiés !
M. Gérard Cornu. Je tiens, au nom de notre groupe, à rendre hommage à notre rapporteur, M. Jean-François Le Grand, pour la qualité de son travail et la pertinence de ses propositions. Grâce à son jugement sûr à l'égard des questions aéroportuaires, le Sénat a renforcé l'efficacité du dispositif proposé en précisant notamment que les commissions d'enquête sont instituées par le ministre chargé de l'aviation civile et que l'organisme permanent et les membres des commissions d'enquête ne reçoivent d'instructions d'aucun organisme dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est confiée.
Pour toutes ces raisons, le groupe du Rassemblement pour la République votera ce texte tel qu'il a été modifié par le Sénat.
M. le président. La parole est à M. Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Le groupe socialiste votera sans hésitation le texte tel qu'il vient d'être amendé par le Sénat.
Je voudrais à mon tour remercier M. le rapporteur de l'excellent travail qu'il a réalisé et me féliciter de l'esprit dans lequel nous avons travaillé en commission.
Ce projet de loi constitue une avancée importante puisqu'il établit la transparence et va au-delà de la directive européenne, qui ne visait que les accidents. Vous avez choisi de mentionner également les incidents.
Non seulement ce projet de loi rend obligatoire l'enquête technique, mais il la rend obligatoirement publique. Il permettra que les résultats de cette enquête parviennent aux professionnels. L'indépendance fonctionnelle de l'organisme chargé des enquêtes est instituée. Ce texte met en place un statut juridique des enquêteurs, dont le pouvoir d'investigation sera par ailleurs reconnu.
J'y vois autant d'éléments qui nous paraissent importants en ce sens qu'ils favoriseront la prévention des accidents et des incidents d'aviation. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons ce texte.
M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez constamment répété que nous réalisions une grande avancée. J'avoue pourtant ma déception de constater que l'on s'arrête en chemin sans tenir suffisamment compte de l'évolution de l'opinion publique. A aujourd'hui, elle veut savoir, elle dispose de plus en plus de moyens pour s'informer et se faire une idée. Pourquoi ne pas lui donner, tout au long de l'enquête, la possibilité de le faire ? On ne viole pas le secret de l'instruction. Rechercher les responsabilités et analyser les causes techniques à l'origine de tel incident ou de tel accident sont deux choses différentes.
N'oublions pas que nous ne sommes pas les seuls à pouvoir fournir des renseignements. Bien évidemment, l'aviation civile, qui reste un bastion dans lequel on se serre les coudes, sera nécessairement montrée du doigt. Certains s'interrogeront sur les raisons pour lesquelles elle s'est protégée.
M. Philippe Richert. C'est clair !
M. Philippe Nogrix. Il est de notre rôle de législateur d'éviter que certains ne se protègent sous prétexte de vouloir défendre une image de marque d'autant moins menacée que nos avions transportent en sécurité les passagers. Cependant, les usagers transportés ou ceux qui ont envie de l'être ont le droit de savoir pourquoi un incident s'est produit.
Pourquoi seraient-ils obligés d'attendre pendant dix ans, au risque de l'oubli général, la fin d'une enquête judiciaire pour savoir ce qui s'est passé ? Pendant ces dix annnées, peut-être auront-ils l'intention de voyager. Pourquoi ne choisiraient-ils pas plutôt des lignes qui n'auront pas peur de la transparence sur les origines des incidents ?...
C'est la raison pour laquelle il me paraissait nécessaire d'écouter la proposition de notre collègue Philippe Richert. Pour le soutenir, je m'abstiendrai sur ce texte.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je demande la parole !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à cette heure, il est trop tard pour conforter le débat par de nouveaux éléments.
Cependant, au terme de la discussion de ce projet de loi, je voudrais vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir repris à votre compte des dispositions qui avaient été préparées par une autre majorité. Cela prouve bien que, quelle que soit la sensibilité politique, il existe une recherche de l'intérêt général, un souci de renforcer l'indépendance de l'enquête technique et une volonté de permettre aux familles des victimes d'être informées dans des conditions meilleures que dans le passé. C'est une ouverture importante qui vient d'être obtenue.
Vous me permettrez cependant d'appuyer la demande de M. Philippe Richert pour accentuer, à l'instar des attentats terroristes ou d'autres circonstances, l'effort qui pourrait être consenti en faveur des familles. Il convient en effet que les difficultés qu'elles connaissent soient mieux prises en compte. Je crois que nous nous honorerions tous, et vous en particulier, monsieur le ministre, si nous allions dans ce sens.
Je voudrais également remercier l'ensemble des intervenants qui ont contribué à enrichir non seulement le texte, mais aussi le débat. Cela vaut pour le présent projet de loi, ainsi que pour le précédent, qui constitue, lui aussi, une avancée considérable puisqu'il améliore les conditions de vie des riverains des aéroports.
Je remercie enfin nos collaborateurs de la commission des affaires économiques grâce auxquels nous avons sans doute été plus convaincants dans la défense des amendements.
Ce débat a été empreint d'une très grande dignité qui s'est heureusement conjuguée avec la nécessité d'améliorer l'efficacité du dispositif. Je crois que le Sénat, dans un débat comme celui-là, s'honore. (Applaudissements sur les travées du RPR, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Je voudrais également féliciter M. le rapporteur du travail remarquable qu'il a accompli et qui avait une double fin : améliorer notre propre législation en matière de prévention des accidents et transposer en droit interne la directive européenne de 1994.
Il faut remarquer, à cet égard, que notre texte va plus loin que la directive dans le souci de bien distinguer, comme vous l'avez dit, le but de l'enquête technique du but de l'enquête judiciaire. C'est un problème évidemment délicat et, monsieur le ministre, vous vous êtes également prononcé dans ce sens-là.
Je comprends parfaitement l'intervention de notre collègue M. Philippe Richert. Tout le problème posé peut être résumé ainsi : jusqu'où doit aller l'information du public pour apporter des réponses à des familles qui éprouvent le besoin légitime de recueillir des informations ? Jusqu'où doit-on aller pour laisser à l'enquête toute la liberté tout en assurant l'information des personnes dans les meilleures conditions ?
Peut-être n'était-il pas en effet possible d'adopter cet amendement ce soir. Cela étant, je souscris volontiers à ce qu'a dit M. le rapporteur : on peut toujours modifier un texte et trouver, sans recourir à la loi, une façon pour mieux informer et soutenir les familles de ceux qui sont victimes d'un accident cruel.
Je ne connais pas les problèmes de l'aviation civile mais mon mari était pilote d'avion. Nous avons connu beaucoup de drames concernant des accidents d'aviation, et donc le deuil des familles. C'est en effet un problème très délicat. Je crois que l'on n'aura jamais fini de rechercher le moyen d'aider les familles de ceux qui sont confrontés à de tels drames.
J'ai suivi M. le rapporteur car j'ai été davantage convaincue par ses arguments. Cependant, je suis sensible aux raisons qui ont sous-tendu le dépôt de ces amendements. Je le répète : il ne faut pas cesser de rechercher le moyen de mieux aider les familles.
Les membres du groupe des Républicains et Indépendants voteront bien sûr ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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