Séance du 9 mars 1999
M. le président. La parole est à M. Courteau, auteur de la question n° 450, adressée à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention porte sur les problèmes se posant à France Télécom.
Ces problèmes concernent d'abord la décision de la direction nationale d'ouvrir à la concurrence le service social de la restauration collective actuellement géré par des associations dans le cadre des activités sociales. Je vous avais d'ailleurs saisi de cette question au mois de janvier dernier, monsieur le secrétaire d'Etat.
Mais mon propos pourrait aussi concerner d'autres sujets de mécontentement, tels que la remise en cause du régime indemnitaire, la question des trente-cinq heures ou la poursuite des suppressions d'emploi.
Concernant l'ouverture à la concurrence du service de restauration, j'apprends qu'il est dans les intentions de la direction d'aller très vite dans son application.
Ce projet a été décidé lors du conseil d'orientation et de gestion des activités sociales contre l'avis des organisations syndicales. Pourquoi une telle précipitation dans son application ? Quelles véritables motivations sous-tendent cette marche forcée ?
Les délégations, notamment celle de Narbonne que j'ai pu recevoir, n'ont pas manqué de m'exposer les conséquences, à terme, de telles dispositions et la crainte tout à fait justifiée de voir les prestataires privés privilégier la rentabilité au détriment du social et de l'emploi du personnel hôtelier.
Ne s'agit-il pas d'une remise en cause d'un acquis social, tout à fait apprécié, d'ailleurs, par le personnel et les utilisateurs ? Pourquoi remettre en question un tel service social, acquis, certes, grâce à l'aide apportée par l'entreprise mais aussi et surtout au prix de multiples efforts engagés par les élus des associations, les gérants et le personnel hôtelier ? Les trois cents restaurants et cafétérias servent plus de treize millions de repas par an et emploient 2 246 employés.
A Narbonne, par exemple, ce service est unanimement considéré comme bien géré : on y sert des repas de qualité à un prix social. Va-t-on remettre en cause une telle structure qui donne entièrement satisfaction ?
Pour justifier la transformation des restaurants en restaurants interentreprises et ouvrir le service à la concurrence, la direction évoque une nécessaire clarification juridique ou la mise en conformité avec la réglementation fiscale, ou encore la grande hétérogénéité dans la qualité des services rendus. Mais peut-être s'agit-il tout simplement d'une question de coût ?
Je m'interroge sur les vraies motivations et les véritables objectifs poursuivis par la direction.
Une chose me paraît cependant certaine : si, par touches successives, l'on persiste dans cette voie, c'est la fin de ce type de restauration sociale, rentabilité oblige. On peut, en effet, s'attendre qu'un prestataire privé s'oriente vers une baisse de qualité du produit servi.
Quant aux personnels hôteliers, le risque est grand pour eux, même s'ils sont repris et employés par le prestataire privé, conformément au code du travail, qu'ils ne fassent à terme les frais de quelque plan de restructuration.
Monsieur le secrétaire d'Etat, est-il encore temps d'inverser un tel processus ?
Un message fort de votre part à l'intention de la direction de France Télécom est particulièrement souhaité.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, des interrogations se manifestent en effet parmi les personnels de France Télécom concernant l'évolution sociale globale de cette entreprise, comme vous l'avez souligné à juste titre dans la première partie de votre question. Ces interrogations touchent notamment l'organisation de la restauration collective dans cette entreprise.
La restauration collective est un élément essentiel de la politique sociale de France Télécom, comme d'ailleurs de La Poste. Ces deux opérateurs entendent bien préserver une restauration collective de qualité, à laquelle les personnels sont légitimement attachés.
Mais, vous le savez, depuis la loi du 26 juillet 1996 et les conventions créant au sein de La Poste et de France Télécom des conseils d'orientation et de gestion des activités sociales, la restauration collective n'est plus une activité associative commune.
Même si cette prestation sociale mobilise près de la moitié du budget social de France Télécom dans trois cents points de restauration qui assurent plus de 150 000 repas par jour, il existe une très grande hétérogénéité dans la qualité du service rendu et un grand déséquilibre dans la répartition de ces points sur le territoire, et donc dans l'accès au service.
Les deux opérateurs souhaitent, par conséquent, se mettre en conformité avec le nouveau cadre juridique, clarifier les responsabilités entre les prestataires et eux-mêmes, en tant qu'opérateur ou entreprise, et maintenir les restaurants, voire en augmenter le nombre, mais en les répartissant mieux sur le territoire et en améliorant et diversifiant l'offre de services, pour un prix qui doit demeurer inchangé pour les personnels.
Les restaurants de nouveau type pourraient prendre la forme de restaurants interentreprises pour pouvoir continuer d'accueillir les agents de France Télécom, ceux de La Poste, des filiales ou même d'autres services publics.
Ces restaurants interentreprises devraient maintenir, voire améliorer, le niveau de qualité au même niveau de prix, à un coût comparable à celui qui est constaté en moyenne dans le secteur de la restauration.
J'ajouterai deux remarques pour compléter ma réponse à cette question, que j'ai d'ailleurs évoquée la semaine dernière à l'Assemblée nationale.
Le problème et le projet relèvent du dialogue interne à l'entreprise France Télécom ; comme vous le savez, ce n'est pas le ministre de tutelle qui gère l'entreprise - et c'est d'ailleurs bien ainsi !
Ils doivent faire l'objet - c'est ma demande à l'appui de votre question - d'une concertation préalable à toute réorganisation, d'un véritable dialogue approfondi avec l'ensemble des organisations syndicales et avec les associations gestionnaires de ces prestations sociales. On ne comprendrait pas qu'un projet de réforme soit appliqué sans qu'il y ait eu auparavant un véritable dialogue, qui doit s'intensifier, prendre le temps qu'il faut, mais sans trop tarder, afin de trouver les conditions d'un compromis et avec les organisations syndicales, et avec les associations. Tel est le voeu du Gouvernement.
Une éventuelle mise en oeuvre du projet dont vous avez parlé - j'insiste sur le mot « éventuelle » - ne pourra s'effectuer qu'après cette concertation préalable, au cas par cas et au regard de la situation précise de chacun des restaurants - je rappelle qu'ils sont au nombre de trois cents.
Monsieur le sénateur, je serai très attentif, compte tenu, notamment, de l'évolution du climat social à France Télécom, à ce que se développe dans ces entreprises publiques, avec l'ensemble des organisations locales ou territoriales, un véritable dialogue qui n'ait pour double caractéristique d'être permanent et de qualité, c'est-à-dire qui témoigne de la volonté de part et d'autre d'aboutir à des solutions concrètes au profit de l'entreprise, de ceux qui y travaillent et des clients. Vous avez eu raison de le souligner, et je suis heureux que le Sénat me donne l'occasion de le redire.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. J'ai apprécié votre demande d'une reprise du dialogue afin que, précisément, s'instaurent d'autres relations entre la direction et le personnel.
Comprenez cependant notre inquiétude et celle des personnels face à certains propos qu'on prête à la direction de France Télécom : « La restauration n'est pas notre métier... », « Nous n'avons ni la vocation ni le temps de nous intéresser à la gestion interne des associations... », « La restauration constitue, certes, un élément essentiel du cadre de travail des salariés, mais cette activité a un coût... » !
Comment s'étonner, dès lors, de la volonté de France Télécom d'ouvrir le service social de la restauration à la concurrence ?
Cela étant, vos propos vont peut-être nous permettre de rectifier le tir. Vous avez en effet parlé d'éventualité. Cela signifie donc que rien n'est encore décidé, contrairement d'ailleurs à la rumeur qui circule dans l'entreprise France Télécom.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le fait que vous disiez que le dialogue social doit être rétabli montre bien que la politique conduite par la direction de France Télécom génère aujourd'hui une dégradation du climat social dans l'entreprise.
J'ai évoqué, tout à l'heure, plusieurs sujets de mécontentement.
Que penser, par exemple, des propositions de la direction concernant les 35 heures, propositions qualifiées, avant moi, par certains élus, de « provocatrices » : pas de véritable réduction du temps de travail et donc pas d'embauche ?
Que penser de la remise en cause du régime indemnitaire et des propositions particulièrement défavorables aux salariés les plus modestes ?
Enfin, faut-il évoquer aussi ces suppressions d'emplois au travers du non-remplacement des agents qui partent à la retraite, ou encore l'inquiétude du personnel des services de direction, auquel il est demandé une très grande mobilité à la suite du regroupement de certains services ?
Effectivement, monsieur le secrétaire d'Etat, le climat social de l'entreprise n'est pas bon. La politique actuellement conduite par la direction doit donc être revue et corrigée sans tarder. De ce point de vue, je vous remercie de votre soutien.
PROJET « SOLEIL »