Séance du 1er avril 1999
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la jeunesse et des sports et concerne certaines dérives affairistes que l'on peut constater dans le domaine sportif.
La compétition au niveau du football professionnel européen et français génère aujourd'hui une forme d'activité économique à laquelle s'appliquent purement et simplement les règles de la concurrence commerciale et financière. Cette dérive met d'ores et déjà gravement en péril l'éthique sportive et la régularité des compétitions, caractéristiques qui en sont l'essence même.
En effet, de grands groupes de communication - Canal + et Pathé pour la France - des équipementiers internationaux, tels que Adidas et Nike, des banques d'affaires, investissent des sommes vertigineuses ; certains d'entre eux faisant, au niveau européen, main basse simultanément sur plusieurs clubs susceptibles de se rencontrer dans la même compétition.
Chez nous, Canal + a investi dans le PSG et le Servette de Genève. Le risque potentiel de rencontres, en France même et dans le même championnat, de clubs ayant les mêmes actionnaires est donc réel.
On est en présence d'un véritable bouleversement dans les structures sportives et, partant, dans la pratique même du sport. D'ores et déjà, les plus grands clubs français, ceux qui sont contrôlés par des trusts financiers - OM par Adidas, PSG par Canal +, Strasbourg par IMG Fance, Lyon par Pathé, etc. - se regroupent hors des structures officielles de la ligue nationale pour promouvoir une évolution purement capitalistique du football français et imposer une cotation en bourse.
Il y a là un problème stratégique, politique, éthique et sportif.
Je vous demande donc, madame la ministre, quelles mesures vous entendez prendre et quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour s'opposer, au nom de l'éthique sportive, à la dérive actuelle d'un sport professionnel, le football, qui devient une industrie du spectacle régie par les seules règles du commerce et du droit des sociétés.
Quel sera donc, à cet égard, le message de la France lors des assises européennes du sport, à Olympie, en mai prochain ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur, je partage votre inquiétude sur la situation d'une partie du sport professionnel, notamment du plus populaire, le football.
En effet, quelques groupes financiers audiovisuels français et étrangers - on peut citer aussi Murdoch ou Kirch - exercent une pression très forte pour essayer de casser la cohésion fédérale du mouvement sportif français.
Il y a les dérives que vous avez citées, mais il en est d'autres, comme l'achat de joueurs de dix ans, de quinze ans. On peut dire qu'il s'agit là d'un esclavage de luxe en quelque sorte, mais dont les victimes sont des enfants.
Le prochain projet de loi sur le sport, qui sera examiné au dernier trimestre de 1999, permettra d'ouvrir le statut des clubs en F1, avec redistribution de dividendes, mais avec interdiction qu'un groupe possède plusieurs clubs et interdiction des cotations en bourse parce que, comme le dit si bien Michel Platini, les compétitions ne peuvent pas se faire à la lumière du CAC 40. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Bien sûr, les propositions françaises ne trouveront leur pleine efficacité que si elles sont portées au-delà de l'Union européenne.
Je rappelle que la conférence de Vienne des chefs d'Etat et de gouvernement avait mandaté l'Europe pour sauvegarder l'esprit sportif et le rôle social du sport. C'est donc ces propositions que je vais porter, avec d'autres collègues européens, à la réunion du 31 mai. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
RÉVISION DU TAUX DE CROISSANCE POUR 1999