Séance du 1er avril 1999
POLICES MUNICIPALES
Adoption des conclusions
d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 265,
1998-1999) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux polices
municipales.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il m'est agréable de
rendre compte des travaux de la commission mixte paritaire. Celle-ci, en effet,
a abouti à un accord. Il convient de saluer l'effort accompli par les deux
chambres du Parlement et par la commission mixte paritaire pour parvenir à un
texte qui règle le statut des policiers municipaux.
Ce texte aurait pu, dès le départ, être soumis à une double tentative, les uns
souhaitant privilégier l'aspect sécuritaire et les autres priver les
collectivités territoriales de certains pouvoirs. Nous avons été animés par un
souci d'efficacité et de recherche de l'équilibre.
En réalité, quelques points de désaccord très profonds subsistaient, treize
articles ayant été votés conformes. Ces divergences concernaient la convention
de coordination, le double agrément des agents et le statut social. Il faut
souligner qu'un rapprochement important était déjà intervenu entre les deux
assemblées sur le point le plus médiatisé, à savoir le principe de l'armement
des policiers, sur lequel un accord complet a été trouvé en commission mixte
paritaire, notamment pour tenir compte de la nécessité d'harmonisation des
catégories d'armes avec la réglementation européenne.
La commission mixte paritaire a supprimé la possibilité pour le préfet, en
l'absence d'accord avec le maire, d'établir seul un règlement de coordination,
ce qui, aux yeux des collectivités locales, paraissait totalement inacceptable.
Elle a ainsi eu la sagesse de retenir une solution équilibrée, tenant compte de
la réalité du terrain. En effet, la coordination est actuellement effectuée
dans de bonnes conditions dans toutes les collectivités locales qui ont à leur
disposition une police municipale. Mais, en l'absence de convention de
coordination, la police municipale ne pourrait pas être armée, et ne pourrait
pas intervenir la nuit entre vingt-trois heures et six heures. Il y a donc une
forte incitation à parvenir à un accord sur cette convention de
coordination.
Les représentants de l'Assemblée nationale ayant accepté la proposition des
représentants du Sénat, nous sommes parvenus à un accord sur ce point
essentiel. Ainsi, une convention de coordination sera conclue entre le
représentant de l'Etat et le maire.
Compte tenu de cette concession, les représentants du Sénat ont accepté le
principe du double agrément des agents, par le préfet et le procureur de la
République. Nous avions émis quelques réserves sur la nécessité de l'agrément
par le préfet, qui nous avait semblé à la fois inutile et contraire aux lois de
décentralisation. Dans un souci d'équilibre, nous avons accepté cette
proposition.
Nous avons clairement affirmé le principe de l'armement et, à cet égard, nous
sommes parvenus à un accord.
Nous nous sommes accordés aussi sur le principe d'une identification commune
pour les forces de l'ordre. Nous avons pris acte, monsieur le ministre, de la
réponse que vous aviez faite à notre collègue M. Peyrat, dans cette assemblée
même, et aux termes de laquelle la couleur bleue, qui est le signe de
l'autorité, pourrait être retenue pour les uniformes. C'est un point très
important, qui nous a permis de donner notre accord sur le principe.
Un grand débat a eu lieu sur le délai d'agrément des agents. En effet, les
élus sont très inquiets. Ils craignent de devoir supporter inutilement la
charge de la formation d'agents qui ne recevraient pas l'agrément du préfet ou
du procureur de la République.
Nous n'avons pas pu obtenir d'accord sur une délivrance tacite de l'agrément,
passé un certain délai, mais, monsieur le ministre, nous sollicitons de votre
part des instructions très fermes pour que les représentants de l'Etat
délivrent les agréments dans des délais raisonnables.
M. Jean-Paul Amoudry a rappelé la nécessité de résoudre le problème des
communes touristiques. C'est un sujet important. Il s'agit, notamment, de
donner la possibilité d'agréer temporairement des agents pour tenter de
répondre à de très fortes augmentations de population.
S'agissant de la formation continue obligatoire, nous avions prévu le
versement d'une redevance pour prestations de services au Centre national de la
fonction publique territoriale par les communes concernées. L'Assemblée
nationale souhaitait que ce financement revienne au CNFPT. Nous sommes parvenus
à un accord sur la rédaction du Sénat.
Ainsi l'esprit du texte est, me semble-t-il, respecté : en contrepartie des
pouvoirs plus importants octroyés aux policiers municipaux par l'Etat, un
équilibre a été recherché entre les collectivités territoriales et les préfets.
Dès lors, les policiers municipaux ont à leur disposition l'uniforme,
l'armement et les moyens juridiques pour faire face à leurs obligations.
En conclusion, ce texte est raisonnable car il répond au souci d'efficacité
des collectivités territoriales et me paraît équilibré.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement,
ministre de l'intérieur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, la commission mixte paritaire est donc parvenue à un texte commun
pour le projet de loi relatif aux polices municipales, que je vous avais
présenté en juin dernier. Je m'en réjouis. Je félicite les parlementaires qui y
ont contribué, au premier rang desquels M. Delevoye, rapporteur pour le Sénat
de la commission mixte paritaire.
Cet accord va permettre une adoption plus rapide de ce texte et aussi, bien
entendu, son entrée en vigueur dans des délais plus rapprochés. Attendu par les
maires, par les agents de police municipale, mais aussi souhaité par l'Etat
depuis une dizaine d'années, il fournira un cadre à l'action des polices
municipales et permettra une articulation adéquate entre celles-ci et la police
ou la gendarmerie nationales.
Je tiens encore à remercier tout particulièrement M. Jean-Paul Delevoye qui,
en sa double qualité de rapporteur et de président de l'Association des maires
de France, a joué un rôle certain dans la recherche de compromis réalistes
entre les positions - somme toute, peu éloignées - de l'Assemblée nationale et
du Sénat.
Les différences existantes, après la deuxième lecture, portaient d'ailleurs
davantage sur l'accent mis par chacune des deux assemblées sur l'un ou l'autre
des deux objectifs qu'il s'agissait de concilier : d'une part, la nécessité de
prévoir un cadre législatif homogène pour l'action des polices municipales et
leurs relations avec la police ou la gendarmerie nationales - objectif sur
lequel l'Assemblée nationale insistait davantage - et, d'autre part, le respect
du principe de libre administration des collectivités locales, objectif auquel
vous accordiez bien sûr une grande importance.
Mais, au fond, l'Assemblée nationale et le Sénat, avec des accents différents,
cherchaient à atteindre simultanément ces deux objectifs. C'est pourquoi les
conditions d'un accord en commission mixte paritaire étaient réunies, dès lors
qu'existait - ce qui souvent manque le plus - la volonté d'aboutir.
Deux sujets de désaccord significatifs subsistaient à l'issue de la deuxième
lecture : d'une part, la possibilité d'un règlement de coordination par acte
unilatéral du préfet, en l'absence de convention, et, d'autre part,
l'obligation d'un double agrément par le préfet et le procureur de la
République.
La commission mixte paritaire a retenu le texte du Sénat pour l'article 2 et
celui de l'Assemblée nationale pour l'article 6. Je pense qu'il faut y voir là
non pas une volonté de « couper la poire en deux », mais simplement le souci
d'aboutir à un compromis dynamique. Ce compromis permet, sur le premier point,
de conserver une incitation suffisante à la conclusion d'une convention de
coordination, dès lors que le travail de nuit et l'armement ne seront pas
possibles en l'absence d'une telle convention. Il permet, sur le second point,
de consacrer de façon solennelle la contribution effective des agents de police
municipale tant à la police judiciaire qu'à la police administrative par un
double agrément du procureur de la République et du préfet.
Dès lors qu'un compromis avait été trouvé sur ces deux points de désaccord, la
commission mixte paritaire a pu, sans grande difficulté, parvenir à un accord
sur les points sur lesquels les divergences étaient moindres : le financement
de la formation continue obligatoire, la désignation des membres de la
commission consultative, les procédures de vérification de l'organisation et du
fonctionnement d'une police municipale, les conditions de l'armement éventuel
des agents, et les dispositions diverses et transitoires.
Vous avez, monsieur le rapporteur, accepté le retrait de l'amendement relatif
aux conditions de révocation et de suspension des gardes-champêtres
intercommunaux. Je prends ici l'engagement de trouver et donc de vous proposer
dans les meilleurs délais une issue aux difficultés qui ont jusqu'à présent
retardé la prise des dispositions rendant possible le recrutement de tels
agents.
Ces difficultés résident, vous le savez, dans la contradiction entre le
pouvoir de police du maire et le recrutement d'agents par un groupement de
communes ou une collectivité. Il existe plusieurs possibilités de sortir « par
le haut » de cette contradiction, et on peut les conjuguer : premièrement,
clarifier le rôle du groupement de communes dans l'hypothèse du second alinéa
de l'article L. 2213-17 du code général des collectivités territoriales ;
deuxièmement, faciliter la mise en oeuvre de l'embauche par plusieurs communes
d'un garde champêtre en application du premier alinéa du même article ;
troisièmement, explorer les possibilités reconnues par la loi de 1984 aux
centres départementaux de gestion de mettre des fonctionnaires à disposition
d'une ou plusieurs collectivités pour des missions permanentes à temps non
complet. Ces solutions devront, bien entendu, être étudiées avec Mme la
ministre de l'environnement. Mais je prends devant vous un engagement de bonne
fin, quitte à m'en entretenir à nouveau avec vous.
J'en viens maintenant à l'application de la loi.
Dès lors que - je n'en doute pas - vous adopterez le texte qui vous est
proposé par la commission mixte paritaire, se pose la question de la mise en
oeuvre de ses dispositions.
Huit articles nécessitent la prise d'un décret d'application. Je prends ici
l'engagement de prendre quatre d'entre eux dans un délai de quatre mois à
compter de la promulgation de la loi, c'est-à-dire d'ici à la fin du mois de
juillet. Il s'agit des décrets en Conseil d'Etat. Les plus urgents portent sur
l'article 1er pour la liste des contraventions aux dispositions du code de la
route que les agents de police municipale pourront relever par procès-verbal,
sur l'article 2 pour les clauses de la convention type de coordination, sur
l'article 3 pour les dispositions permettant la désignation des membres de la
commission consultative des polices municipales, enfin, sur l'article 7 pour
les circonstances et les conditions dans lesquelles, par type de mission, les
agents de police municipale peuvent porter une arme.
J'ai d'ores et déjà tenu informés les préfets des tâches qui les attendent
ensuite pour négocier les conventions de coordination, agréer les agents et
autoriser l'armement le cas échéant.
Je suis sensible, mesdames, messieurs les sénateurs, au souci que vous avez
exprimé et selon lequel le double agrément ne doit pas se traduire par un
allongement de délai. C'est pourquoi le délai de deux mois au total me paraît
tout à fait raisonnable. C'est l'objectif que j'assignerai aux préfets.
Les autres décrets sont ceux qui devront être soumis à l'avis préalable du
Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou de la commission
consultative des polices municipales, ou des deux. Ils seront pris dans les
meilleurs délais, en ménageant le temps nécessaire à la sérénité de ces
consultations. Il s'agit des décrets en Conseil d'Etat relatifs aux
caractéristiques des équipements - article 8 - au code de la déontologie -
article 9 - à la formation continue - article 15 - et aux pensions et rentes
viagères d'invalidité - article 16.
Par ailleurs, je vous confirme que le Conseil supérieur de la fonction
publique territoriale sera saisi du projet de décret portant statut particulier
des agents d'encadrement des polices municipales relevant de la catégorie B. Le
décret d'application de l'article 14
bis
sur le relevé d'identité à la
SNCF et à la RATP sera bien entendu pris dès que possible, en concertation
étroite avec M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Enfin, je vous indique que j'ai d'ores et déjà proposé à M. le président du
Centre national de la fonction publique territoriale la signature d'un
protocole relatif à la participation de la police nationale à la formation
initiale des cadres d'emplois de la police municipale.
Comme vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'adoption
définitive de la loi sur les polices municipales ouvre le champ d'un travail
important pour sa mise en oeuvre. Vous pouvez compter sur ma détermination en
ce sens !
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à confirmer par votre
vote les choix de la commission mixte paritaire. Les polices municipales, que
les communes peuvent créer quand elles le jugent utile, trouveront là un cadre
pour leur action quotidienne et les moyens d'une cohérence avec la police et la
gendarmerie nationales. Ce sera, j'en suis certain, l'occasion d'une
contribution positive à la politique de police de proximité que je m'efforce
d'appliquer par ailleurs et qui est une des grandes priorités du
Gouvernement.
Vous montrerez qu'il en est d'une législation nécessaire comme de l'élection
présidentielle : il ne faut pas nécessairement renoncer après deux échecs. Je
rappelle en effet que deux projets de loi avaient été déposés auparavant, l'un
par M. Paul Quilès et l'autre par M. Charles Pasqua, qu'avait repris M.
Jean-Louis Debré. La troisième tentative peut parfois être la bonne ! Nous
aurons apporté cette démonstration, qui fera également reculer la supers-tition
selon laquelle « jamais deux sans trois ». Nous pouvons donc considérer que ce
texte est, à cet égard, particulièrement républicain !
(Sourires.)
M. Jean-Paul Delevoye,
rapporteur.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Duffour.
M. Michel Duffour.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la
commission mixte paritaire est parvenue à élaborer le texte commun qui nous est
présenté aujourd'hui.
A la lecture du rapport, il ressort clairement que, sur les quinze articles
restant en discussion, douze reprennent finalement la rédaction voulue par les
sénateurs. Pourtant, quelques parlementaires ont trouvé que ce texte n'était
pas suffisamment libéral !
Les désaccords entre les deux chambres étaient loin d'être négligeables avant
la réunion de la commission mixte paritaire, qu'il s'agisse du règlement de
coordination, du double agrément ou de l'armement des agents de police
municipale.
Un accord a été trouvé pour retenir, à l'article 2, la rédaction issue des
travaux du Sénat et, à l'article 6, celle de l'Assemblée nationale. Quant à
l'article 7, le principe de l'armement sous conditions a été retenu, en
conférant toutefois un caractère cumulatif et non pas alternatif aux conditions
justifiant cet armement.
Puisqu'il s'agit, à ce stade du débat, d'un compromis, nous l'acceptons. Il
était en effet indispensable d'encadrer juridiquement les polices municipales
qui ont fleuri un peu partout, et nous voterons donc ce texte.
Je maintiens simplement, monsieur le ministre, que votre projet de loi initial
était meilleur - je l'ai dit en commission mixte paritaire - car il affirmait
davantage la responsabilité de l'Etat en matière de sécurité, délimitait
clairement les missions des policiers municipaux et posait de manière plus
équilibrée le principe de l'armement de ces agents.
Nous serons donc attentifs à ce que ce texte ne soit pas perçu comme un
encouragement à recruter et à armer des policiers municipaux, ce qui donnerait
le sentiment que l'Etat n'assumerait plus ses responsabilités en la matière et
que la police de proximité serait du ressort essentiel de la police municipale,
l'Etat se consacrant à des missions de maintien de l'ordre ; or tel n'est pas
l'objectif que vient de nous rappeler M. le ministre.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :