Séance du 4 mai 1999
M. le président. Par amendement n° 172, M. Fréville et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 93 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat est complété in fine par la phrase suivante : "L'application de ces critères ne peut avoir pour effet d'augmenter la contribution d'une commune au titre d'un exercice donné de plus de six points par rapport au pourcentage de variations constatées pour l'ensemble des communes du département". »
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville. Je me permets de signaler au Gouvernement que le texte qui régit actuellement la contribution des communes au contingent d'aide sociale aboutit à des absurdités.
En effet, la contribution d'une commune ne peut pas augmenter de plus de 3 % de la moyenne du taux d'accroissement de la contribution des communes du département.
Par exemple, si le potentiel fiscal d'une commune est majorée de 100 % et que le potentiel fiscal est pris en compte à hauteur de 60 % dans le calcul du contingent, celui-ci devrait s'accroître de 60 %. Or la législation en vigueur bloque cette augmentation à 3 %, si bien qu'il faudra vingt ans pour que cette commune paie ce qu'elle doit.
Ce qui est grave, c'est que ce que ne paie pas cette commune est supporté par les communes qui n'ont pas eu la chance de bénéficier d'un accroissement de leur potentiel fiscal.
Je sais bien que nous allons bientôt avoir l'occasion de débattre du contingent d'aide sociale, ne serait-ce qu'à propos de la couverture médicale universelle, mais je crois qu'il convenait d'attirer l'attention du Gouvernement sur ce problème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Comme vient de l'indiquer M. Fréville, ce n'est pas dans ce projet de loi qu'il faut aborder la question du contingent d'aide sociale. C'est un vrai sujet, un vrai problème, et nous aurons probablement l'occasion d'en parler lors de la discussion du texte auquel notre collègue a fait allusion. Pour l'instant, je ne peux que l'inviter à retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. M. Fréville pose un véritable problème, je le reconnais tout à fait.
Le dispositif actuel a entraîné une inégale répartition du poids des contingents communaux. Le Gouvernement en est conscient et travaille d'ailleurs à résorber ces inégalités dans la perspective de la création d'une couverture maladie universelle qui se traduira par la suppression de l'aide médicale départementale, d'une part, et par un transfert financier au profit d'autorités nouvellement compétentes, d'autre part. L'intégralité du prélèvement portera sur la dotation générale de décentralisation des départements, soit 9 milliards de francs, alors que la charge des dépenses d'aide médicale relève pour partie des communes au travers des contingents.
La concertation avec les associations d'élus est évidemment nécessaire. Elle a commencé et elle se poursuivra afin que nous examinions ensemble les modalités de la réforme à mettre en oeuvre.
Sous le bénéfice de ces observations, je demande également à M. Fréville de retirer son amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Fréville ?
M. Yves Fréville. J'ai bien entendu les explications de la commission et du Gouvernement. Je persiste à penser malgré tout qu'il s'agit là d'un problème essentiel.
Monsieur le ministre, je souhaite que la concertation porte sur le point précis que j'ai signalé. En effet, si l'on supprime le contingent, il faut aussi que la situation ne reste pas figée. Sinon, toutes les injustices que j'ai entendu dénoncer à l'occasion de cet amendement demeureront et, paradoxalement, ce sont les communes pauvres qui continueront à en supporter le poids.
Encore une fois, j'attire l'attention du Gouvernement sur l'importance de cette question. Cela étant, si j'ai l'assurance que l'instance de concertation se penchera sur ce problème, je retirerai mon amendement. (M. le ministre fait un signe d'assentiment.)
M. Yves Fréville. Dans ces conditions, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 172 est retiré.
M. Alain Lambert. Je le reprends !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 172 rectifié.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert. Je suis désolé d'utiliser cette méthode peu courtoise, en tout cas à votre endroit, monsieur le président, et à l'endroit du Gouvernement, mais un acquiescement de la tête, pour figurer sans doute au procès-verbal, risque cependant de ne pas totalement satisfaire les élus d'un département comme celui de l'Orne (Sourires), qui se préoccupent beaucoup de cette question !
M. Yves Fréville a excellemment expliqué à quelles injustices invraisemblables aboutit ce contingent d'aide sociale mais, monsieur le ministre, je n'ai pas senti dans votre réponse l'expression d'un engagement ferme de trouver une solution à ce problème et de nous proposer de la traduire dans la loi. A défaut d'un tel engagement, je vais essayer, mes chers collègues, de vous convaincre de voter, à titre conservatoire, l'amendement que je viens de reprendre.
L'injustice actuelle est considérable et sachez que le souci que vous avez marqué de rétablir une certaine équité en retirant des dépenses dans le mode de calcul du coefficient d'intégration fiscale est totalement vain, du moins sans rapport avec l'importance des injustices qui sont par ailleurs générées par ce calcul du contingent d'aide sociale. A quoi bon chercher à assurer une certaine justice entre toutes les communes de nos départements si nous ne choisissons pas les bons instruments ? Nous n'aurons fait que nous donner bonne conscience.
Je connais des communes qui, s'étant regroupées dans un établissement public de coopération intercommunale, ont organisé, par exemple, la localisation du logement social dans leur propre établissement public de coopération intercommunale. Ce faisant, elles ont choisi de mettre en commun l'action sociale. Or j'apprends à l'instant de M. le ministre qu'il s'agirait d'une dépense exclusive des communes et que, au fond, l'action sociale ne pourrait pas être mise en commun au sein d'un établissement public de coopération intercommunale. Mais c'est une information considérable, mes chers collègues ! Cela veut dire que l'action sociale est interdite aux communes à l'échelon de leurs établissements publics de coopération intercommunale ! Sa portée est telle qu'il vous faut au plus vite, monsieur le ministre, transmettre cette réponse aux maires de France, dont l'association est représentée ici ce soir par son président.
Il ne s'agit pas de résoudre ce soir le problème, et M. le rapporteur m'en voudrait beaucoup si j'insistais davantage ; mais il faut, monsieur le ministre, que vous preniez des engagements fermes, maintenant, devant le Sénat, et que vous nous disiez quand et dans quel texte vous nous proposerez de régler ce problème. A défaut, mes chers collègues, je maintiendrai l'amendement que je viens de reprendre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Les engagements que vous souhaitez, monsieur Lambert, je les prends, et ce d'autant plus volontiers que je les ai déjà tenus ! Ainsi, deux réunions ont déjà été organisées avec les associations d'élus, et je suis d'autant plus disposé à m'engager dans le sens que vous souhaitez que l'Association des départements de France, d'un côté, et l'Association des maires de France, de l'autre - à condition que les communes veuillent bien se mettre d'accord entre elles - acceptent de m'aider à avancer sur ce dossier. Autrement dit, monsieur Lambert, si obstacle il y a, ce n'est pas du fait du Gouvernement !
M. Alain Lambert. Mais l'action sociale n'est pas interdite aux EPCI, tout de même ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Ce problème pollue littéralement les relations entre les départements et les communes !
Le projet de loi portant création d'une couverture maladie universelle devrait venir devant le Sénat au mois de juin. Nous devrons forcément, à l'occasion de ce texte, aborder la question du contingent communal d'aide sociale, notamment pour régler un problème de financement. En effet, les départements devront faire remonter les recettes qu'ils consacrent actuellement à cette couverture à l'échelon du Gouvernement pour financer la nouvelle couverture médicale et ils ne pourront donc plus réclamer aux communes le 1,2 milliard de francs que celles-ci apportent actuellement à l'aide médicale.
Cette question, c'est dans un mois que nous devrons la traiter ; mais il n'y a, à mon sens, malheureusement pas d'autre solution que de supprimer le contingent d'aide sociale, sauf à faire payer par une collectivité ce qui est décidé par une autre, ce qui donne les mauvais résultats que l'on voit aujourd'hui.
M. Yves Fréville. Tout à fait !
M. le président. Monsieur Lambert, l'amendement n° 172 rectifié est-il maintenu ?
M. Alain Lambert. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 172 rectifié est retiré.
Par amendement n° 384 rectifié, MM. Bret, Foucaud, Mme Beaudeau, M. Becart, Mmes Bidard-Reydet, Borvo, MM. Duffour, Fischer, Le Cam, Lefebvre, Mme Luc, MM. Renar, Ralite, Mme Terrade, M. Verges proposent d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est créé une taxe additionnelle à la taxe professionnelle sur les actifs financiers assise sur l'ensemble des titres de placement et de participation et les titres de marché monétaire figurant à l'actif du bilan consolidé annuel, à l'exception des titres de propriété concernant les filiales détenues majoritairement ou situées dans le périmètre de consolidation des comptes et des prêts à court, moyen et long terme accordés à ces filiales. Pour les établissements de crédit et tous établissements relevant de la loi bancaire, seuls les portefeuilles de titres de placement en titres relevant des marchés de bourse (actions, obligations et bons à plus de deux ans) sont concernés. Pour les sociétés d'assurance relevant du code des assurances, seront frappés, à hauteur de 100 %, les actifs ne participant pas à la formation des réserves techniques affectées aux risques assumés. En tout état de cause, et dans le cadre de ces principes, il sera précisé, par décret, les modalités précises applicables aux différents types d'établissements financiers d'assurance, d'investissement et de crédit.
« II. - Le taux de la taxe perçue sur les actifs financiers est fixé par arrêté ministériel.
« III. - A. - Le 1 de l'article 1648 B bis du code général des impôts est complété in fine par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Du produit résultant de la taxe perçue en application du C de l'article 29 de la loi de finances pour 1999. »
« B. - Le même article est complété in fine par un VII ainsi rédigé :
« VII. - Le supplément de la taxe professionnelle ainsi perçu est versé pour partie au fonds national de péréquation de la taxe professionnelle et pour partie aux fonds départementaux de péréquation. Les modalités de cette répartition sont fixées par décret. Il est distribué prioritairement aux communes sur la base de l'indice synthétique des ressources et des charges définie à l'article L. 2334-17 du code général des collectivités locales pour la dotation de solidarité urbaine et à celles éligibles à la dotation de solidarité rurale. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement n° 384 rectifié porte sur l'une des questions essentielles en matière d'évolution des ressources des collectivités locales.
Il s'agit, en effet, au moment même où est enclenché le processus de disparition de la part taxable des salaires dans la taxe professionnelle, de réfléchir à la modification de l'assiette de ladite taxe.
Notre amendement reprend en cela une proposition que nous avons déjà eu l'occasion de défendre à plusieurs reprises, à savoir la prise en compte des actifs financiers dans l'assiette d'imposition de la taxe professionnelle.
Personne ne peut nier en ces matières que l'évolution de l'économie a été particulièrement sensible depuis la mise en place de la formule initiale de la taxe professionnelle.
Nous pouvons d'ailleurs, de manière relativement succincte, caractériser cette évolution.
D'une part, on a pu observer une réduction continuelle de la part relative des salaires dans l'assiette de la taxe professionnelle, et ce notamment au tournant des années quatre-vingt, époque à laquelle s'est assez sensiblement approfondie la pratique de substitution du capital matériel au travail et s'est largement appliqué le principe de la désindexation salariale.
D'autre part, dans un contexte de libération de marges de manoeuvre accrues, les entreprises ont développé leurs investissements de caractère financier dans le but de réduire leur déficit financier autant que faire se peut et de valoriser assez souvent leurs réserves ou, plus simplement, leur trésorerie courante.
On ne peut pas plus oublier que les modifications qui ont touché le secteur bancaire et l'ensemble du secteur financier se font au détriment, soit dit en passant, de l'économie réelle.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous proposons aujourd'hui de mettre en place le dispositif que nous préconisons, à savoir la mise en oeuvre d'une contribution de taxe professionnelle, outil fondamental de péréquation, assise sur les actifs financiers des entreprises.
Il s'agit, par cette proposition, de favoriser une forme d'équité entre entreprises assujetties et d'accroître notamment la participation de celles qui tirent aujourd'hui pleinement parti des modalités de calcul de la taxe professionnelle.
Il s'agit aussi de permettre aux communes, singulièrement aux plus modestes ou à celles qui sont le plus dépourvues de matière fiscale, et certains en ont rappelé les effets, de bénéficier de recettes nouvelles susceptibles de leur permettre de participer effectivement à la mise en oeuvre de projets communs de développement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. L'inspiration est bonne, mais l'application serait vraiment très difficile. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 384 rectifié.
M. Thierry Foucaud. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, nous pourrions au moins discuter de cette proposition.
Pour reprendre la discussion engagée à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 208, quand M. le rapporteur pour avis s'étonnait, je lui confirme que nous sommes favorables au passage de 150 francs à 175 francs. Mais pourquoi pas 180 francs, ou 185 francs ?
Ce que nous proposons sur la question des acquis financiers, c'est de financer réellement, afin de les satisfaire, les besoins des collectivités locales, notamment dans le cadre de l'intercommunalité.
Un jour ou l'autre, mes chers collègues, il vous fraudra regarder ce qu'est notre économie, l'économie réelle, et ce qu'est l'économie virtuelle ; il vous faudra considérer les conséquences du brassage de milliards et de milliards de francs, qui ne fait que produire d'autres milliards de francs sans pour autant faire travailler le pays, car tout cet argent n'est pas réellement investi pour la satisfaction des besoins, notamment en matière d'intercommunalité.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 384 rectifié, repoussé par la commission des finances et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Par amendement n° 535, le Gouvernement propose d'insérer, après l'article 66, un article additionnel ainsi rédigé :
« Le quatrième alinéa de l'article L. 2334-13 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Après prélèvement de la part de la dotation d'intercommunalité prélevée sur la dotation d'aménagement dans les conditions fixées à l'article L. 5211-28, et de la quote-part destinée aux communes d'outre-mer, le solde de la dotation d'aménagement est réparti entre la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale. »
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Il s'agit d'un simple amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 535, accepté par la commission des finances.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 66.
Article 67