Séance du 6 mai 1999
M. le président. « Art. 11. - I. - La Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance est l'organe central du réseau des caisses d'épargne, au sens de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée. Elle est chargée de :
« 1° Représenter le réseau des caisses d'épargne, y compris en qualité d'employeur, pour faire valoir ses droits et intérêts communs ;
« 2° Négocier et conclure, au nom du réseau des caisses d'épargne, les accords nationaux et internationaux ;
« 3° Etablir les statuts types des caisses d'épargne et de prévoyance et des groupements locaux d'épargne ;
« 4° Créer ou acquérir toute société ou tout organisme utile au développement des activités du réseau des caisses d'épargne et en assurer le contrôle, ou prendre des participations dans de tels sociétés ou organismes ;
« 5° Prendre toute disposition administrative, financière et technique sur l'organisation et la gestion des caisses d'épargne et de prévoyance, leurs filiales et organismes communs, notamment en ce qui concerne les moyens informatiques ;
« 6° Prendre toute mesure visant à la création de nouvelles caisses d'épargne et de prévoyance ou à la suppression de caisses d'épargne et de prévoyance existantes, soit par voie de liquidation amiable, soit par voie de fusion ;
« 7° Définir les produits et services offerts à la clientèle et coordonner la politique commerciale ;
« 8° Assurer la centralisation des excédents de ressources des caisses d'épargne et de prévoyance ;
« 9° Réaliser toutes les opérations financières utiles au développement et au refinancement du réseau, notamment en ce qui concerne la gestion de sa liquidité et son exposition aux risques de marché ;
« 10° Prendre toute mesure utile à l'organisation, au bon fonctionnement et au développement du réseau des caisses d'épargne, et appeler les cotisations nécessaires à l'accomplissement de ses missions d'organe central du réseau des caisses d'épargne ;
« 11° Veiller à l'application, par les caisses d'épargne et de prévoyance, des missions d'intérêt général énoncées à l'article 1er de la présente loi.
« II. - Les caisses d'épargne et de prévoyance sont affiliées de plein droit à la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. Un décret en Conseil d'Etat détermine les cas et conditions dans lesquels les établissements de crédit contrôlés par les caisses d'épargne et de prévoyance ou les établissements dont l'activité est nécessaire au fonctionnement du réseau des caisses d'épargne peuvent être affiliés à la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance en vue de l'exercice par celle-ci des missions définies à l'article 21 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 précitée. »
Par amendement n° 15, M. Marini, au nom de la commission, propose, à la fin du quatrième alinéa (3°) du I de cet article, de supprimer les mots : « et des groupements locaux d'épargne ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement tire la conséquence de la suppression des GLE.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 15, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 183, M. Loridant, Mme Beaudeau, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent de compléter in fine le huitième alinéa (7°) du I de l'article 11 par les mots : « en concertation avec les organisations agréées de consommateurs et dans le respect des principes d'intérêt général énoncé dans les dispositions de l'article 1er de la présente loi ».
La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. L'article 11 précise les conditions de fonctionnement de la Caisse nationale des caisses d'épargne, et notamment la qualité des relations institutionnelles qu'elle sera amenée à nouer au bénéfice de l'ensemble du réseau constitué.
Notre amendement vise simplement à ajouter à la liste des partenaires institutionnels de la Caisse nationale les associations nationales représentant les consommateurs afin de définir au mieux les besoins de la clientèle et les conditions de développement de la politique commerciale des établissements du réseau.
C'est une forme d'adaptation de l'orientation générale des missions fixées au réseau par la lettre de l'article 1er du projet de loi dans le corps de l'article 11.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est finalement de nature assez clientéliste.
Les organes dirigeants d'un groupe comme celui des caisses d'épargne doivent être à l'abri des groupes de pression et des lobbies de toute nature.
La formulation de cet amendement est particulièrement malvenue : il n'appartient pas à la loi de prévoir l'immixtion des organisations de consommateurs dans la gestion d'une caisse nationale, société anonyme de droit commun et organe central d'un réseau coopératif très proche du droit commun.
Au demeurant, mon cher collègue, les assemblées générales sont faites pour que les sociétaires s'y expriment. Pour notre part, nous sommes favorables à une véritable démocratie, au sein des sections locales et à l'échelon de la Caisse nationale. De plus, nous estimons que les mécanismes du sociétariat doivent jouer pleinement, et que les sociétaires sont, à notre avis, assez grands pour faire valoir leurs intérêts. Ce sont eux qui devront prendre en charge la défense de ceux-ci, en consacrant le temps nécessaire à l'examen des documents qui leur seront adressés, de telle sorte qu'ils puissent peser, au sein des assemblées générales, sur les décisions de gestion des caisses.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le Gouvernement pense qu'il est bon que les caisses d'épargne prennent l'avis des consommateurs pour déterminer leur politique commerciale, mais qu'elles le font d'ores et déjà d'une manière efficace au travers des groupes de contact et des relations qu'elles ont nouées, notamment avec les organisations de consommateurs. Cette concertation sera d'ailleurs encore plus étroite lorsque ces associations ou leurs représentants pourront être membres des différents organes de direction des caisses.
Il faut donc distinguer le domaine stratégique du domaine opérationnel. S'agissant de ce dernier, il revient évidemment à la direction des caisses de gérer les affaires sans interférence des associations de consommateurs.
En ce qui concerne les orientations stratégiques, les échanges peuvent avoir lieu au sein des conseils, et il ne me semble pas bon d'aller au-delà.
Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 183.
M. Paul Loridant. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Loridant.
M. Paul Loridant. Je ne peux pas laisser dire par M. le rapporteur que notre amendement est un amendement clientéliste sans réagir.
Il me semble tout de même qu'il y a, en matière de tarification des chèques et plus généralement de tarification bancaire ainsi qu'au travers des débats récurrents liés à l'émergence de l'euro comme moyen de paiement, suffisamment de contacts étroits entre, précisément, les associations de consommateurs et les organismes bancaires pour nous autoriser à dire que ces associations jouent un rôle très important. D'ailleurs, au sein du comité des usagers qui existe actuellement, ces associations sont particulièrement présentes et actives.
Je ne saurais donc accepter que l'on qualifie notre proposition de démagogique.
J'entends bien ce que dit M. le ministre. Les caisses d'épargne doivent, c'est vrai, disposer de leur liberté commerciale et stratégique. Il n'empêche que, si l'on veut que leur réseau soit à l'écoute de la grande masse de nos concitoyens, en particulier de ceux qui sont exclus du système bancaire, voire de la société, et qui connaissent par ailleurs des difficultés dans la vie quotidienne, la participation des associations de consommateurs n'est pas sans intérêt. Ces dernières sont d'ailleurs parfois issues des organisations syndicales représentatives, lesquelles participent activement à l'animation du réseau des caisses d'épargne.
Cela dit, monsieur le président, sensible à l'argument du Gouvernement et après son avis défavorable, je préfère retirer l'amendement n° 183.
M. le président. L'amendement n° 183 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
Le premier, n° 118, est présenté par M. Bourdin et les membres du groupe des Républicains et Indépendants.
Le second, n° 222, est déposé par MM. Ostermann et Fournier.
Tous deux ont pour objet :
I. - De compléter le onzième alinéa (10°) du I de l'article 11 par une phrase ainsi rédigée :
« Ces opérations sont hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;
II. - Afin de compenser les pertes de recettes pour l'Etat résultant de l'application du I ci-dessus, de compléter ce même article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée instituée par le 10° du I du présent article au profit des cotisations versées à la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés à l'article 403 du même code. »
La parole est à M. Bourdin, pour défendre l'amendement n° 118.
M. Joël Bourdin. Il s'agit de préciser le régime fiscal de certaines opérations des caisses d'épargne au regard de la TVA. D'ailleurs, cet amendement a un frère jumeau qui tendra à introduire un article additionnel après l'article 19.
Mon amendement a pour objet de préciser que les cotisations des caisses d'épargne à l'organe central sont exonérées de TVA. En effet, ces opérations tant internes - c'est un premier argument - que financières n'entrent pas dans le cadre de l'assujettissement à la TVA.
Je me pose la question ; si c'est à tort, je suis prêt à retirer mon amendement après avoir entendu les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre.
M. le président. La parole est à M. Ostermann, pour défendre l'amendement n° 222.
M. Joseph Ostermann. Cet amendement est identique à celui que vient de défendre M. Bourdin. Je n'ai rien à ajouter à son argumentation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 118 et 222 ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission estime que nos collègues ont tout à fait raison de poser cette question du régime fiscal des cotisations versées par les caisses d'épargne à la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance. C'est un sujet qu'il faut traiter, monsieur le ministre, et sur lequel nous avons besoin d'entendre des réponses précises.
De quoi s'agit-il ?
Nos collègues Joël Bourdin, Joseph Ostermann et les autres signataires des amendements n°s 118 et 222 proposent d'exonérer de la TVA les services rendus par la Caisse nationale, financés par des cotisations versées par les caisses d'épargne. Cela traduit, si je ne m'abuse, une demande de l'institution des caisses d'épargne qui la justifient par le fait que, jusqu'à présent, les cotisations perçues par le CENCEP n'étaient pas en pratique soumises à la TVA.
Qu'en est-il aux termes de la législation fiscale et en pratique ?
En premier lieu, l'article 261 C du code général des impôts prescrit que les opérations bancaires et financières sont exonérées de TVA. Il en est de même, selon l'article 261 B du même code, « des services rendus à leurs adhérents par les groupements constitués par des pesonnes physiques ou morales exerçant une activité exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée... à la condition qu'ils concourent directement à la réalisation de ces opérations et que les sommes réclamées aux adhérents correspondent exactement à la part leur incombant dans les dépenses communes ».
En conséquence, si les cotisations des caisses d'épargne à la Caisse nationale entrent bien dans ce cadre défini par les articles 261 B et 261 C du code général des impôts, elles seront exonérées de TVA et il n'est pas besoin de prévoir une disposition spécifique dans l'actuel projet de loi.
A l'inverse, il peut exister des cotisations qui seraient la contrepartie d'opérations situées dans le champ d'application de la TVA. Je fais allusion à des services non financiers, non strictement bancaires, tels que des études juridiques, des analyses de gestion, des missions d'audit, payés par la Caisse nationale et refacturés par le biais de cotisations aux caisses d'épargne. Il me semble que ces cotisations sont bien assujetties à la TVA, à l'instar du régime qui s'applique actuellement aux différents réseaux bancaires, en particulier aux autres réseaux mutualistes et coopératifs avec lesquels les caisses d'épargne seront en concurrence.
La position de la commission des finances est la suivante : les caisses d'épargne doivent entrer dans cette compétition à armes égales, c'est-à-dire à droits égaux et à charges égales. Il faut être certain que le régime fiscal de leurs transactions internes est bien identique à celui des réseaux concurrents. Il n'y aurait aucune raison de faire bénéficier les caisses d'épargne d'un régime fiscal plus favorable que les autres établissements bancaires coopératifs puisque nous voulons nous inscrire dans le droit commun de la coopération, mais il n'y aurait pas de raison non plus de les pénaliser en leur infligeant un traitement moins favorable.
Il importe donc, monsieur le ministre, que vous nous précisiez ces points ainsi que la position de l'administration à l'égard des propositions de MM. Bourdin et Ostermann.
La commission des finances, quant à elle, a déposé à ce sujet l'amendement n° 258 tendant à insérer un article additionnel après l'article 19 par lequel elle proposera d'aligner le régime des caisses d'épargne sur celui des autres établissements bancaires coopératifs dans le cadre de l'article 260 C du code général des impôts.
Sous réserve des explications que vous voudrez bien nous apporter, monsieur le ministre, la commission souhaiterait que MM. Bourdin et Ostermann veuillent bien se rallier à l'amendement n° 258 que nous examinerons ultérieurement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s 118 et 222 ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous abordons un sujet technique sur lequel il est utile d'apporter des précisions. Les opérations intra-groupe du réseau des caisses d'épargne, en particulier les cotisations, ne seront pas soumises à la TVA dès lors que, d'une part, globalement elles correspondent à des services ou à des avantages effectifs qui sont rendus aux différents cotisants et que, d'autre part, la répartition entre les différents cotisants correspond à la réalité de la répartition des services ou des avantages reçus. Il y a bien deux éléments : cela doit correspondre à des dépenses réelles ; individuellement, cela doit correspondre à une répartition qui reflète la réalité. C'est en effet l'application du droit commun.
En conséquence, les amendements qui sont proposés sont certes bienvenus parce qu'ils permettent d'apporter cette précision, mais inutiles, comme d'ailleurs l'amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 19, évoqué par M. le rapporteur, car ils ne font que réintroduire dans la loi le droit commun. Mais encore fallait-il que le Gouvernement précise que c'est bien le droit commun qui s'applique.
Ces précisions ayant été apportées, je demande aux auteurs des amendements de bien vouloir accepter de les retirer.
M. le président. Monsieur Bourdin, votre amendement est-il maintenu ?
M. Joël Bourdin. J'avais sollicité M. le ministre afin d'obtenir une réponse : je suis satisfait et je retire donc mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 118 est retiré.
Monsieur Ostermann, votre amendement est-il maintenu ?
M. Joseph Ostermann. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 222 est retiré.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles 12 à 14