Séance du 6 mai 1999
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, qui pose une question importante, au nom du groupe de l'Union centriste.
M. Claude Estier. Parce que les autres ne l'étaient pas ?...
M. Jean-Louis Carrère. Nous, on n'est pas parti, on est resté pour l'écouter !
M. Michel Mercier. Je vous en remercie et vous avez sûrement eu raison !
Je souhaite interroger M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la situation de l'industrie textile en France.
Dans notre pays, ce secteur industriel est l'un des premiers employeurs de main-d'oeuvre. Or cette industrie subit depuis quelques mois une nouvelle crise grave qui se traduit par des fermetures, des dépôts de bilan et de très nombreux licenciements. Je pense pourtant que cette industrie a un avenir : les chefs d'entreprises et les salariés, ces dernières années, ont consenti d'énormes efforts pour se battre contre leurs concurrents du monde entier.
Or, depuis quelques mois, le marché européen est à nouveau confronté à une concurrence très dure de produits manufacturés en provenance de l'Asie et de Turquie. Notre industrie ne peut pas y faire face dans la situation actuelle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais vous interroger sur trois points.
Tout d'abord, ne pensez-vous pas que le moment est venu de demander à la Commission de Bruxelles de mettre en place les clauses de sauvegarde qui sont prévues lorsqu'un marché subit un déséquilibre évident et que des entreprises subissent un dommage constant ? En effet, le problème français est aussi celui des autres pays textiles de l'Europe.
Ensuite, ne pensez-vous pas que nous devons également agir pour rendre nos produits textiles plus compétitifs en avançant hardiment sur le chemin de la diminution des charges sociales puisque l'industrie textile emploie beaucoup de monde ?
Enfin, vous savez qu'est en instance devant la Commission de Bruxelles la question du remboursement des allégements de charges dont l'industrie textile française avait bénéficié voilà quelques années.
Il y a quelques jours, le gouvernement belge a conclu un accord avec la Commission de Bruxelles aux termes duquel le remboursement ne sera pas opéré mais sera transformé en un plan général d'allégement des charges sociales. N'est-ce pas là une voie à suivre pour éviter d'alourdir encore la trésorerie des entreprises textiles et de nature à sauvegarder tant des entreprises que des emplois ? (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Machet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, il faut en effet se battre pour défendre notre industrie textile, et le Gouvernement ne ménage pas ses efforts pour alléger aujourd'hui les conséquences néfastes pour les entreprises du plan « Borotra » qui a été déclaré contraire aux règlements européens dès le mois d'avril 1997.
Au nom du Gouvernement, j'ai fait appel de cette décision auprès de la Cour de justice de Luxembourg en ce qui concerne le remboursement. Sans attendre cependant l'arrêt de la cour, je suis intervenu auprès du commissaire Van Miert, responsable des problèmes de concurrence.
Nous avons ainsi déjà obtenu que les entreprises de moins de cinquante salariés soient exonérées totalement de remboursement ; qu'une franchise de 650 000 francs soit opérée pour toutes les autres et que seule la fraction d'allégement « Borotra » excédant les allégements de plein droit sur les bas salaires soit calculée.
C'est un premier résultat. Ainsi, sur les 5 500 entreprises concernées, au plus 950 resteraient redevables de l'aide litigeuse. Pour les moins grandes d'entre elles, dont l'effectif est proche de 50 personnes, la somme en cause est minime puisqu'elle ne représente que quelques dizaines de millions de francs, ce qui est parfaitement supportable.
Nous poursuivons nos négociations avec la Commission européenne dans deux directions : d'une part, l'étalement dans le temps du remboursement des aides, et je voudrais obtenir un délai de plusieurs années pour que ces remboursements s'effectuent sans déséquilibrer la trésorerie et les résultats des entreprises ; d'autre part, l'application d'un taux d'intérêt le plus modeste possible, bataille que nous menons ensemble, d'ailleurs.
Mon objectif demeure que ces remboursements ne pénalisent pas l'emploi dans les entreprises concernées.
Vous proposez une deuxième piste de travail. Les industriels demandent en effet que les clauses de sauvegarde de certains accords internationaux puissent être mises en oeuvre pour se prémunir contre les effets de dévaluations monétaires, d'importations massives ou de conditions particulières de certains pays en voie de développement qui menacent certains segments de la production de l'habillement et du textile.
Comme vous le savez - nous devons comprendre cette démarche, et je la comprends très bien - l'initiative de la mise en jeu des clauses de sauvegarde revient au secteur économique lui-même. Le Gouvernement appréciera, le moment venu, si des démarches sont faites en ce sens par nos industriels devant la Commission, quelle attitude nous devons adopter pour aider à la résolution des très graves problèmes qui mettent en jeu plusieurs centaines d'emplois chaque mois sur notre territoire dans ces secteurs.
Enfin, vous avez appelé le Gouvernement - et il le fait déjà largement - à un certain nombre d'initiatives pour l'ensemble de notre industrie de main-d'oeuvre parmi laquelle on trouve, naturellement, les 285 000 emplois du textile, de l'habillement, des cuirs et peaux et de la chaussure.
Nous voulons en effet développer la créativité, favoriser l'investissement, favoriser le développement de la marque et de la qualité.
Enfin, hier, avec Mme Marylise Lebranchu, nous avons tenu une réunion qui a rassemblé les représentants de la grande distribution et les représentants du secteur textile-habillement afin que distribution et industrie se comprennent mieux et puissent - ce sera le cas, je pense, dès le mois de septembre - trouver les conditions conventionnelles ou contractuelles d'une meilleure régulation de leur relation.
Si j'ajoute à cela les nombreux appels à projets ou à propositions que le ministère de l'industrie a lancés en faveur de ce secteur, vous voyez que nous ne restons pas les bras croisés et l'arme au pied dans ce domaine. Nous nous battons pour une industrie qui compte pour l'emploi et pour le rayonnement industriel et économique de notre pays. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. Je n'ai pas, bien sûr, monsieur le secrétaire d'Etat, la prétention de vous donner un conseil sur ce sujet important, mais peut-être pourriez-vous faire revivre pour un temps déterminé ce que l'on a appelé l'accord multifibres, que vous connaissez bien, et qui était bénéfique à l'industrie textile.
M. Claude Estier. Débat vosgien !
M. le président. Cela dit, nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, avant d'aborder la suite de l'ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Paul Girod.)