Séance du 11 mai 1999







M. le président. La parole est Mme Dieulangard, auteur de la question n° 517, adressée à Mme le ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Madame la ministre, depuis quelques années, les équipes enseignantes et les acteurs de la médecine scolaire alertent les parents et les pouvoirs publics sur les problèmes de nutrition que rencontrent les enfants.
Symbole de notre époque qui n'en est pas à un paradoxe près, on a vu réapparaître des problèmes dramatiques de sous-nutrition que les modifications intervenues dans le versement des bourses aux collégiens ont mis en évidence à la lumière de la baisse de fréquentation des cantines scolaires.
La réforme que vous aviez souhaité introduire dès la rentrée 1997 et qui fut renforcée dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions avait pour objectif de remédier à cet effet pervers. Cette même loi prévoit d'ailleurs la présentation d'un rapport au Parlement sur l'évolution de la fréquentation des cantines scolaires.
Sans atteindre le même degré de gravité, le problème de la malnutrition est tout aussi préoccupant en termes de santé publique, car les enfants adoptent très tôt des comportements alimentaires déstructurés qui peuvent déboucher à court terme sur des pathologies plus inquiétantes.
Des efforts sont engagés au niveau des cantines qui, désormais, placent l'équilibre et l'hygiène alimentaires au centre de leurs préoccupations. Des opérations, telles que les petits déjeuners à l'école, sont lancées.
La distribution de lait dans les écoles maternelles et primaires est également un dispositif adapté ; il est déjà ancien puisqu'il plonge ses racines dans les mesures mises en place dès 1954. Il a connu un renouveau en 1976 dans le cadre des mesures prises par la Communauté européenne en vue d'utiliser les excédents qu'enregistrait alors la production laitière. Cette opération associait les professionnels dans le cadre du prélèvement de coresponsabilité.
Cette production a connu depuis des changements structurels tendant à réduire les excédents, si bien que l'intervention communautaire s'est infléchie pour ne représenter aujourd'hui que le tiers du coût des distributions.
La distribution du lait fait donc appel à des financements croisés qui, malheureusement, se réduisent au fil des années.
La réorganisation des interventions interministérielles associant le ministère de l'agriculture via l'ONILAIT, l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, mais aussi le ministère de la solidarité et le vôtre, madame la ministre, a abouti à un recentrage des interventions sur les ZEP, les zones d'éducation prioritaires, et les ZUS, les zones urbaines sensibles.
Parallèlement, les municipalités, qui se trouvent en première ligne pour assurer le maintien de ces distributions, sont amenées le plus souvent à procéder à des coupes claires dans leurs dotations afin de concentrer également leurs interventions dans les zones les plus vulnérables.
On estime aujourd'hui que, sur plus de 6 millions d'enfants scolarisés en maternelle et en primaire, seuls 2 millions bénéficient de ces distributions.
Nous sommes nombreux à avoir manifesté notre souci de voir préserver les financements publics afin de maintenir une intervention dans tous les établissements, y compris dans ceux qui ne sont pas classés en zone prioritaire, en prenant notamment en compte les nouveaux réseaux d'éducation prioritaires.
Madame la ministre, alors que nous allons aborder la période délicate des discussions budgétaires, pouvez-vous d'ores et déjà nous indiquer les priorités que vous souhaitez défendre pour assurer la pérennité de cette action ?
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre délégué chargé de l'enseignement scolaire. Madame la sénatrice, la distribution de lait dans les écoles est effectuée sur l'initiative des collectivités locales ou des centres communaux d'action sociale. Depuis quelques années, deux systèmes d'aide existaient parallèlement : celui du ministère de l'agriculture via l'Office national interprofessionnel du lait et, avec l'aide de fonds européens, celui du ministère de l'emploi et de la solidarité via une convention entre la direction de l'action sociale et l'Union nationale des centres communaux d'action sociale, qui concentrait la plupart du temps son action sur les écoles situées en zones d'éducation prioritaire.
Dans un souci de bonne gestion des fonds publics, depuis la rentrée de 1998, l'ONILAIT est désormais le seul organisme qui intervient pour aider aux distributions de lait. Pour donner à son action une visée plus sociale et pour prendre le relais de l'aide précédemment apportée par la direction de l'action sociale, l'ONILAIT a réservé 7,5 millions de francs de crédits nationaux à la distribution de lait aux élèves des ZEP et des ZUS.
Cependant, vous le savez, un dispositif complémentaire a été mis en place, et je pense qu'il répond à votre préoccupation. Reste à savoir s'il est bien appliqué sur tout le territoire ! Il s'agit de la mise en place du fonds social pour les cantines, que j'ai créé en 1997 et dont la dotation dans le budget de 1999 est de 250 millions de francs.
J'ai autorisé les chefs d'établissement à servir des petits déjeuners et des collations, dont éventuellement une distribution de lait, mais cela ne s'arrête pas là.
Cette action, bien entendu, ne concerne que le second degré, puisque le fonds social pour les cantines ne peut pas intervenir dans le premier degré en raison des lois de décentralisation. Mais ce dispositif permet parallèlement aux collectivités locales de recentrer leur action sur le premier degré puisque, désormais, les fonds sociaux pour les cantines interviennent dans les collèges.
Je considère que l'objectif de prévention en matière d'éducation à la santé, de lutte contre l'échec scolaire, de renforcement des liens entre les familles et l'école, que tout ce travail partenarial peut se développer autour de l'organisation de collations et de petits déjeuners. Je crois, en effet, que, ainsi que vous l'avez d'ailleurs souligné, un enfant qui arrive l'estomac vide à l'école n'est pas dans de bonnes conditions pour réussir sa journée scolaire.
Cette action s'applique évidemment aux enfants dont les familles souffrent de difficultés sociales et économiques, mais j'ai aussi pensé, en rétablissant les petits déjeuners, aux enfants du milieu rural, qui sont astreints à de longues durées de transport et qui ont besoin de reprendre des forces en arrivant dans leur établissement scolaire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Dieulangard.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard. Je vous remercie, madame la ministre.
Il peut paraître déplacé, voire indécent, d'aborder cette question de la malnutrition pour des enfants dont les familles ne sont majoritairement ni défavorisées ni démunies culturellement - et qui devraient donc pouvoir assurer l'éducation de leurs enfants, notamment en matière d'hygiène et d'équilibre alimentaire - alors que, parallèlement, dans d'autres parties du monde, des jeunes souffrent de sous-nutrition au point d'en mourir par centaines de milliers.
Pourtant, je le disais à l'instant, nous sommes interpellés très régulièrement, notamment par les enseignants, sur de graves carences en ce domaine, qui peuvent laisser présager de véritables problèmes de santé publique.
Il est donc très important que l'Etat, par le canal de l'éducation nationale, pallie les défaillances des familles en direction des enfants, notamment à travers ces distributions de lait programmées régulièrement, mais aussi qu'il aide à une responsabilisation véritable des familles, car c'est fondamental.

STATUT DE L'IEDOM