Séance du 12 mai 1999







M. le président. « Art. 61. - Les sociétés de crédit foncier sont des établissements de crédit, agréés en qualité de société financière par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, qui ont pour objet exclusif :
« 1° De consentir ou d'acquérir des prêts garantis, des prêts à des personnes publiques et des titres et valeurs, mentionnés à l'article 62 ;
« 2° Pour le financement de ces catégories de prêts ou de titres et valeurs, d'émettre des obligations appelées obligations foncières bénéficiant du privilège défini à l'article 65 et de recueillir d'autres ressources, dont le contrat d'émission ou de souscription mentionne ce privilège.
« Les sociétés de crédit foncier peuvent également assurer le financement des activités mentionnées ci-dessus par l'émission d'emprunts ou de ressources ne bénéficiant pas de ce privilège. Elles ne peuvent émettre de billets à ordre mentionnés à l'article 16 de la loi n° 69-1263 du 31 décembre 1969 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. »
Par amendement n° 96, M. Marini, au nom de la commission, propose dans le troisième alinéa (2°) de cet article, de remplacer le mot : « foncières », par le mot : « sécurisées ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous abordons maintenant la partie du texte qui est relative aux « obligations foncières ». Il s'agit d'un nouveau marché dont ce projet favorise le développement en l'organisant et en en assurant la sécurité.
J'exposerai brièvement les quelques principes qui ont guidé l'examen de cet ensemble de dispositions par la commission des finances.
En premier lieu, nous souhaitons une formulation claire. C'est la raison pour laquelle nous préconisons la dénomination générique d'« obligations sécurisées » de préférence à celle d'« obligations foncières ». Il se peut, en effet, que de telles obligations ne s'appliquent à aucun actif foncier ou immobilier mais représentent, par exemple, des créances sur des collectivités territoriales.
A cet égard, le grand marché de référence est celui des Pfandbriefe , en Allemagne ; ceux qui connaissent l'allemand savent que la traduction de ce terme est « lettres de gages », et qu'il n'y a donc aucune référence à des actifs fonciers ou immobiliers.
En deuxième lieu, nous préconisons quelques adaptations relatives à la quotité, c'est-à-dire à la part de la valeur du bien susceptible d'être financée par emprunt. Nous proposerons que la quotité relative au financement de biens immobiliers puisse être dépassée en donnant lieu à l'émission de titres non privilégiés, afin de pouvoir atteindre 80 % de la valeur du bien apporté en garantie, comme c'est le cas en Allemagne, précisément.
En troisième lieu, nous proposerons de favoriser les émissions de tels produits financiers en faisant en sorte que la gestion des bilans des émetteurs soit elle-même facilitée. Cela soulève la question du rachat des obligations sécurisées par leurs émetteurs, ainsi que celle de l'indemnité de remboursement anticipé des emprunts immobiliers.
En quatrième lieu, nous suggérerons d'améliorer les règles relatives à la nomination et aux missions des contrôleurs spécifiques.
Cette discussion va nous conduire non seulement à aborder brièvement la situation du Crédit foncier, mais également à évoquer le marché hypothécaire et la caisse de refinancement hypothécaire.
Nous considérons qu'il y a lieu d'unifier l'ensemble des procédures et des émissions correspondantes et qu'il ne serait pas justifié, dans l'intérêt de la place de Paris, de maintenir des comportements trop disparates, obéissant à des règles du jeu elles-mêmes trop différentes.
L'amendement n° 96 porte donc sur la dénomination des obligations. Nous proposons de remplacer le mot : « foncières » par le mot : « sécurisées », terme plus fidèle à la réalité économique de ces produits.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les questions de terminologie ne doivent pas nous retenir trop longtemps, mais je dirai en toute amitié à M. le rapporteur que je ne suis guère séduit par l'innovation lexicale qu'il nous propose.
L'« obligation foncière » a un vieux passé dans notre pays : le terme existe depuis la création du Crédit foncier, c'est-à-dire depuis 1852. Il serait dommage de ne pas faire référence à un passé aussi lointain et qui, somme toute, en dépit des déboires récents de cette institution, a été plutôt glorieux.
Pourquoi ne pas reprendre ce terme qui est connu de tous, facilement compréhensible, couramment employé par nous-mêmes, par la presse et par les professionnels ?
A l'inverse, si on devait l'abandonner, je ne suis pas sûr que le terme « sécurisé » soit le meilleur choix. Si l'on dit que ces obligations-là sont sécurisées, on donne le sentiment que les autres ne le sont pas. Je ne suis pas certain qu'il soit souhaitable de laisser croire cela à des épargnants qui sont peut-être moins avertis de ces notions que ne le sont les sénateurs.
Je préfère donc que nous en restions à la terminologie d'origine et j'émets un avis défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 96, repoussé par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 97 rectifié, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter l'article 61 par un alinéa ainsi rédigé :
« Nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, les sociétés de crédit foncier peuvent mobiliser, conformément à la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, l'ensemble des créances qu'elles détiennent, quelle que soit la nature, professionnelle ou non, de ces créances. Dans ce cas, les énonciations figurant au bordereau mentionné à l'article 1er de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 sont déterminées par décret. Les créances ainsi mobilisées ne sont pas comptabilisées par ces sociétés au titre de l'article 64 ci-dessous. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est assez technique. L'interdiction faite aux sociétés de crédit foncier d'émettre des billets à ordre vise le cas où une même hypothèque garantirait une obligation foncière et un billet à ordre. Il s'agit d'éviter que deux créanciers puissent se prévaloir du même actif.
Cependant, il ne faudrait pas interdire aux sociétés de crédit foncier toute mobilisation nécessaire à une gestion optimale de leurs actifs et de leur trésorerie. Dans la mesure où l'article 62 du présent projet de loi plafonne le montant de la trésorerie des sociétés de crédit foncier, la mobilisation de créances est, en effet, indispensable. Dans cette logique, la loi doit reconnaître la faculté de recourir à une forme alternative de mobilisation - la mobilisation Dailly, née dans cette assemblée, bien entendu - y compris pour les créances sur les particuliers, comme cela existe pour les billets à ordre du marché hypothécaire.
Dans le cas où cette mobilisation ne s'accompagnerait pas d'une sortie de bilan, le montant des créances mobilisées devrait être déduit du calcul du surdimensionnement prévu à l'article 64.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 98, M. Marini, au nom de la commission, propose de compléter l'article 61 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les sociétés de crédit foncier peuvent acquérir, posséder et administrer tous biens immeubles ou meubles nécessaires à l'accomplissement de leur objet ou provenant du recouvrement de leurs créances. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à s'assurer que les sociétés de crédit foncier pourront bien procéder aux actes indispensables à leur fonctionnement.
Ce sont des établissements spécialisés, qui doivent limiter leur activité à ce qui est strictement défini par la loi. Néanmoins, l'accomplissement de leur objet, notamment lorsqu'il s'agit d'émettre de véritables obligations foncières, au sens foncier du terme, impliquent qu'elles puissent acquérir, posséder et administrer tous biens immeubles ou meubles nécessaires à l'accomplissement de leur objet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La loi donne aux sociétés de crédit foncier un objet exclusif qui est celui de consentir des financements en matière immobilière et foncière. Bien entendu, si des cautions jouent, les sociétés peuvent se trouver propriétaires d'immeubles, et cela ne pose aucun problème.
En revanche, je suis sûr qu'il est dangereux que nous inscrivions dans la loi qu'elles peuvent gérer ces immeubles, car ce n'est pas leur objet. Au contraire, elles doivent être liées par convention de gestion avec des institutions suceptibles de gérer ces immeubles, faute de quoi nous transformerions nos sociétés de crédit foncier en sociétés immobilières à vocation commerciale.
Le Gouvernement ne peut donc retenir de cet amendement que la partie qui concerne la détention, à l'exclusion par conséquent de ce qui a trait à la gestion, qui pourrait, sinon, apparaître comme une des missions de ces sociétés.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souscris tout à fait aux propos de M. le ministre et j'accepte de rectifier l'amendement en supprimant les mots : « et administrer ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 98 rectifié présenté par M. Marini, au nom de la commission, et tendant à compléter l'article 61 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les sociétés de crédit foncier peuvent acquérir et posséder tous biens immeubles ou meubles nécessaires à l'accomplissement de leur objet ou provenant du recouvrement de leurs créances. »
Je pense que cette rédaction recueille un avis favorable du Gouvernement, monsieur le ministre ?
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Absolument !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 98 rectifié, accepté par le Gouvernement.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 61, modifié.

(L'article 61 est adopté.)

Article 62