Séance du 20 mai 1999
M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Luc, pour explication de vote. Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, après la conférence internationale de Pékin, à laquelle avait participé Michelle Demessine, une mission sur la place des femmes dans la vie publique avait été créée sur la proposition du groupe communiste républicain et citoyen, avec l'accord, je le souligne, de toutes les femmes sénatrices. Cette mission a rendu un rapport très intéressant qui, malheureusement, a été achevé en pleine élection législative, après la dissolution de l'Assemblée nationale. Cela ne nous a pas permis d'en tirer toutes les conclusions utiles. Mais nous aurons l'occasion de le faire avec notre délégation aux droits des femmes.
Le contenu de ce rapport est très intéressant ; il est pluraliste bien sûr, puisque tous les groupes - femmes et hommes d'ailleurs - étaient représentés.
A la suite de ce rapport, nous avons déposé une proposition de loi visant à créer une délégation permanente qui suivrait l'évolution de la situation des femmes, elles qui tiennent une si grande place dans la famille, dans la vie économique et sociale du pays et qui luttent au premier rang pour la paix.
A la fin du mois de juin, au Congrès de Versailles, nous allons modifier un article de la Constitution pour y inscrire la parité homme-femme. Tout le monde se rappelle ce grand débat qui s'est instauré au Sénat à ce sujet, et le vote en définitive unanime des deux assemblées sur ce texte.
La démocratie exige que la place des femmes soit pleinement reconnue dans tous les domaines, en tant que femmes bien sûr, mais également en tant que citoyennes, titre qu'elles revendiquent pleinement.
Que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat, un large consensus s'est fait sur le principe même de la création d'une délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, tant les inégalités et les discriminations sexistes sont perceptibles et insupportables, à notre époque et dans notre démocratie. Je ne m'étendrai pas sur ce point ; mon amie Odette Terrade a développé tous ces arguments.
Profondément attaché, d'une part, à la promotion concrète de l'impératif légitime d'égalité entre les sexes dans tous les domaines et, d'autre part, à la mise en oeuvre de politiques actives en faveur des droits et libertés des femmes, le groupe communiste républicain et citoyen est naturellement très favorable au fait que chaque chambre du Parlement se voit ainsi dotée d'un organe permanent intégrant dans ses missions cette double dimension.
Espérant que cette proposition de loi permettra d'associer activement les délégations parlementaires aux droits des femmes au travail législatif de l'ensemble de nos commissions ; espérant également que ces délégations pourront rassembler et diffuser des informations et que leur action se traduira par des propositions concrètes pour inscrire leurs droits dans la Constitution, mais aussi dans la réalité de leur vie, nous la voterons.
Les femmes, pleinement épouses, mères et femmes épanouies contribuent au bonheur de la famille, du couple et des enfants et à l'harmonie de la société. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Brisepierre, pour explication de vote.
Mme Paulette Brisepierre. Nul ne doute qu'il existe un décalage entre, d'une part, une égalité reconnue et proclamée entre les femmes et les hommes et, d'autre part, la réalité, qui, si elle tend fort heureusement à s'améliorer, est encore loin de cette volonté affirmée.
Toutefois, il était légitime de s'interroger sur la teneur de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale. Au-delà de l'effet d'annonce, nous pouvions à juste titre nous demander quelle serait la portée exacte des délégations aux droits des femmes.
Doubleraient-elles d'autres structures existantes ? Qu'apporteraient-elles par rapport à l'Observatoire de la parité, créé en 1996 par M. Alain Juppé alors Premier ministre ?
Ces délégations ne pouvaient avoir de raison d'être que si leur rôle était exclusivement d'aider les assemblées à prendre conscience, du point de vue législatif, des conséquences, pour l'égalité des chances, des textes qui leur étaient soumis.
Ainsi, pour que la création de ces délégations ne constitue pas une fausse bonne idée, il fallait au législateur louvoyer entre deux écueils : d'une part, la création d'organismes sans portée pratique, d'autre part, l'instauration de super-délégations pourvues de pouvoirs étendus regroupant ceux de délégations classiques, ceux d'offices avec le rôle d'évaluation qui leur reviennent et même, partiellement, ceux des commissions avec la possibilité de se saisir elles-mêmes, en somme la création d'inconstitutionnelles et septièmes commissions dans chacune des assemblées.
Voulant croire que l'Assemblée nationale a souhaité échapper au premier écueil, force nous est de constater qu'elle n'a pas pu éviter le second. C'est pourquoi nous nous félicitons tout particulièrement des propositions de la commission des lois du Sénat. Entre délégations de façade et super-délégations dont certains se réjouissaient déjà, la commission des lois a su en tous points trouver un équilibre satisfaisant.
Elle a, dans sa sagesse, proposé de maintenir la création de ces délégations, voulant croire à leur intérêt, dans les années à venir, pour s'enquérir des conséquences pour les femmes des textes dont nous aurons à discuter.
Elle a su, sans porter atteinte au fonctionnement de ces nouvelles délégations, leur donner une juste place dans le fonctionnement actuel de nos assemblées, en protégeant les prérogatives de nos commissions, dont le rôle premier dans la discussion de la loi est et doit demeurer indiscutable.
Mais elle a su aussi leur donner pour mission d'informer le Parlement sur l'action du Gouvernement. Nous ne saurions assez insister sur la nécessité de permettre à ces délégations d'effectuer un travail bien en amont de celui des commissions.
Il reviendra alors au Gouvernement de faire en sorte que ces organismes soient informés suffisamment tôt des textes qui viendront ensuite en discussion au Parlement.
En conséquence, le groupe du Rassemblement pour la République votera cette proposition de loi telle qu'elle est issue des travaux de la Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Hoeffel, pour explication du vote.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'interviens en cet instant au nom du groupe de l'Union centriste, mais je le fais non sans hésitation, en tant qu'homme, après des collègues qui étaient jusqu'à présent exclusivement des femmes.
Mme Hélène Luc. C'est bien !
M. Daniel Hoeffel. Je surmonte cet écueil pour apporter un appui clair et net à la proposition de loi qui nous a été soumise et qui, tout à l'heure, au travers d'un amendement, a déjà fait l'objet d'un vote unanime.
Nous appuyons sans réserve, compte tenu de la rédaction du texte à l'issue de son examen par la commission des lois, la création des délégations parlementaires aux droits des femmes et - faut-il l'ajouter ? - à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Depuis la Libération, étape après étape, la condition féminine, en France, malgré des écueils d'ordre psychologique et autres, a changé, a progressé.
Cette dernière étape, avec la création de délégations aux droits des femmes, représente incontestablement un élément de plus.
Je tiens à remercier Mme Dinah Derycke, rapporteur de cette proposition de loi, pour son rapport convaincu et convainquant.
Elle a écrit clairement dans son rapport que l'égalité en droits ne garantit pas l'égalité des chances et qu'en conséquence la nécessité d'une veille parlementaire apparaissait clairement. Les délégations qui vont être créées sont une réponse à cette préoccupation.
Mais nous avions aussi le souci de veiller à ce que la création de ces délégations parlementaires n'empiète pas sur ce qui est et doit rester le rôle et les prérogatives normales des commissions.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Daniel Hoeffel. A cet égard, je tiens à remercier le président de la commission des lois...
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Daniel Hoeffel. ... le rapporteur et l'ensemble des membres de la commission qui ont su trouver, après deux séances, un consensus constructif et positif, qui, je le crois, nous met à l'abri des risques d'empiètement et permet aux délégations d'engager leurs travaux dans un cadre sans équivoque.
Je terminerai par une troisième observation : il appartiendra maintenant aux délégations, sur un plan pratique et concret, de travailler et de trouver des réponses positives et pratiques aux problèmes posés.
Leur autorité, l'influence qu'elles pourront exercer, le rayonnement qui sera le leur dépendront de leur manière de travailler.
L'égalité est un combat permanent. C'est un long combat...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel. ... et, tout à l'heure encore, il a été rappelé que l'Europe, à cet égard, est très diversifiée...
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Daniel Hoeffel. ... du Nord au Sud,...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Daniel Hoeffel. ... et que la France est à la jonction entre une conception du Nord et une conception du Sud. Cela fait d'ailleurs tout son charme et sa richesse.
Espérons que la conviction et la détermination qui ont été mises au service de la création de ces délégations leur permettent d'engager leurs travaux dans une optique pratique et concrète.
L'unanimité qui s'est déjà dégagée tout à l'heure du Sénat laisse, à cet égard, bien augurer de la suite. (Applaudissements.)
M. Emmanuel Hamel. Quel talent masculin pour une grande cause féminine !
M. le président. La parole est à M. Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien que nous soyons peu nombreux, je crois pouvoir m'exprimer au nom des hommes du groupe socialiste. Faute de le faire par acclamation, c'est avec enthousiasme que je voterai cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements.)
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles, de légistation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je me proposais de prendre la parole très brièvement, ne serait-ce que pour ne pas laisser M. Hoeffel dans son tragique isolement et pour lui apporter, avec d'autres, un nécessaire renfort.
Il est très significatif à mon avies que les délégations aux droits des femmes soient créées peu de semaines après que, pour la première fois dans une maison à laquelle je suis demeuré très attaché, le nombre de femmes recrutées dépasse celui des hommes. La dernière promotion du Conseil d'Etat compte cinq personnes : trois femmes contre deux hommes.
Avec cette proposition de loi, nous étions confrontés à une idée importante, et nous l'avions immédiatement reconnue. Nous voulions créer cette délégation, nous voulions qu'elle soit efficace et que, par les travaux qu'elle entreprendra, elle apporte un éclairage utile aux travaux du Parlement.
Dans le même temps, nous avions une autre responsabilité, celle de bâtir des procédures permettant précisément à la délégation de travailler utilement.
Je n'insiste pas outre mesure sur le texte qui nous venait de l'Assemblée nationale. D'un strict point de vue technique, on pouvait cependant s'interroger sur sa pertinence, sa qualité et éprouver la crainte qu'en découle un certain alourdissement du travail parlementaire. Cela aurait été contraire, me semble-t-il, à la réalisation et à la concrétisation de l'objectif que nous nous étions fixés les uns et les autres.
Je pense que nous y avons réussi et, en cet instant, je veux remercier très particulièrement notre rapporteur, Mme Derycke, de sa contribution aux travaux de la commission au sein de laquelle elle est certes isolée mais, ô combien ! utile et présente. Sa contribution nous a permis de progresser et d'aboutir aux résultats auxquels nous sommes parvenus. (Applaudissements.)
M. le président. Monsieur Hamel, vous aviez demandé à expliquer votre vote ?
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, je n'ai rien à ajouter après tous les talents qui se sont déployés, convergeant vers le même souhait, assurer la promotion féminine et parvenir véritablement dans ce domaine à de nombreux progrès.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.) M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 98:
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages | 161 |
Pour l'adoption | 320 |
Le Sénat a adopté.
La proposition de loi est adoptée à l'unanimité. (Bravo ! et applaudissements.)
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